Simon Verreycken nous propose un très intéressant billet consacré à l’Histotainent soit l’infotainment concernant l’histoire.
Concernant la définition et l’origine de ce terme barbare d’«Histotainment», la définition de Wikipedia nous indique que
La confusion de l’information historique et du divertissement médiatique est fréquemment désignée par le néologisme Histotainment (de History et Entertainment). On emploie aussi parfois le terme plus large Infotainment. La notion d’Histotainment a été popularisée au sein de la communauté des historiens par les travaux de l’historien allemand Wolfgang Hardtwig. En France, le concept d’histotainment est utilisé pour la première fois dans le livre intitulé Les historiens de garde (2013), de William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, préfacé par Nicolas Offenstadt. Ce dernier l’utilise de nouveau dans le contexte du centenaire de la Première Guerre mondiale à l’occasion d’un dialogue avec l’anthropologue Régis Meyran paru aux Editions Textuel en octobre 2014.
Néanmoins, au-delà de l’origine du mot, l’Histotainment a des origines plus anciennes et remonterait, pour certains, jusqu’aux débuts de la transformation de l’Histoire en bien de consommation culturelle de masse. Ainsi les rénovations architecturales réalisées au 19e siècle par Eugène Viollet-le-Duc ou les romans d’Alexandre Dumas entrerait dans la catégorie d’Histotainment.
Parmi les productions médiatiques récentes, l’article de Wikipedia cite des productions telles que la série Rome, le jeu Assasin’s Creed Unity, les spectacles du Puy du Fou, la fête de l’Escalade à Genève ou le film Indigène de Pascal Blanchard.
Pour sa part, Simon Verreycken nous fait part de ses réflexions à la suite de la journée d’étude organisée le 7 octobre 2016 par le Réseau des médiévistes belges de langue française et Ménestrel dont la thématique était « Le Moyen Âge dans les (nouveaux) médias : quelle place pour les médiévistes ? »
Jeux vidéos et séries télévisuelles
Si principalement, comme dans le cas d’un jeu comme Assassin’s Creed, l’histoire n’est finalement le décor1 il peut y être intégré des sujets plus pointus qui n’auraient guère intéressé une large audience sous d’autres formats. Simon Verreycken cite l’exemple de deux épisodes entiers de la série Kaamelott consacrés à la théorie musicale médiévale :
Paradoxalement, c’est parfois même au cœur de cet Histotainment que peut jaillir, pour le spectateur, une information historique intéressante. Par exemple, la série télé Kaamelott, narrant de façon comique les tribulations souvent pathétiques d’un roi Arthur accompagné de son équipe de bras cassés de la table ronde, n’a jamais eu la prétention de faire dans l’historiquement exact (tu m’étonnes). Ceci n’empêche pas que deux épisodes entiers de la série (et parmi les plus drôles en plus !) soient consacrés à la théorie musicale médiévale ! »
Au temps du Père Blaize La boîte à musique de Jean-François Zygel ça aurait été grave une émission de punks !
Twitter, sites internet et blogs
Il poursuit ensuite avec les réseaux sociaux et plus particulièrement Twitter en proposant de l’envisager comme un «lieu surprise de pédagogie, voire d’interpellation du monde politique». L’utilisation de Twitter se double, par ailleurs, d’un site ou d’un blog. Il en est ainsi du
Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH) dont plusieurs membres ont publié des ouvrages consacrés à l’enseignement de l’histoire, aux enjeux politiques de l’histoire coloniale ainsi qu’à la façon dont Nicolas Sarkozy, alors président, écrit l’histoire.
YouTube
On passe ensuite à la présentation de différentes chaînes YouTube consacrée à l’histoire. Celles-ci complètent un premier inventaire présenté ici et issu de l’émission radio «La Marche de l’histoire». Les sites présentés dans cet article sont les suivants :
- Histony : chaîne alimentée par un jeune doctorants en histoire contemporaine qui aborde des sujets comme les propos de Nicolas Sarkozy par rapport aux Gaulois (for aussi le blog Histony);
- la chaîne Nota Bene parle d’histoire à l’intention du grand public et compte 400’000 abonnés depuis ce mois d’octobre (cité ici Valorisation : peut-on apprendre la mythologie grecque avec des vidéos YouTube ?);
- La chaîne C’est une autre histoire de Marion Bril, doctorante en histoire travaillant sur la perception d’Athena au 19e siècle (voir notre article à son sujet : Valorisation : peut-on apprendre la mythologie grecque avec des vidéos YouTube ?);
- Marion Bril collabore désormais avec le magazine scientifique Mondes sociaux et dispose aussi d’un blog sur Hypothese, complété par une nouvelle chaîne YouTube «Avides de recherches»;
- Marion Bril collabore également avec le le Musée d’Art et d’Histoire de Genève (MAH) qui a ainsi pu voir certaines de ses pièces mises en avant dans deux vidéos (ici et là);
- « On va faire cours » où un prof de fac censé donner son cours sur l’histoire des tissus teints en Normandie finit toujours par plutôt parler des clichés de l’histoire au cinéma);
- Confessions d’histoire où des personnages historiques passent sans langue de bois dans un confessionnal digne d’une téléréalité.
Deux chaînes anglophones sont également présentées. Les deux chaînes ont été créées par Hank et John Green, vidéastes et blogueurs acharnés, qui ont leur propre chaîne Youtube, Vlogbroters (plus de 2’000’000 millions d’abonnés sur cette seule chaîne). Leur nombre d’abonnés donne quelque peu le vertige. Ainsi la chaîne SciShow compte 3’800’000 abonnés et Crash Course en a 4’900’000.
Crash Course comprend une série de 30 vidéos sur l’histoire du monde. Une vidéo comme World War II: Crash Course World History #38, mise en ligne en octobre 2012 a été visionnée pas moins de 5’100’416 vues au 15 novembre 2016. 63’338 personnes ont indiqué l’avoir aimée et 3’434 le contraire. De telles vidéos sont régulièrement utilisées par des enseignants en classe, mais touchent un public beaucoup plus large. Crash Course estime à 60-70% de des vidéospectateurs hors situation de classe.
Financée par Crowfounding, Crash Course est soutenue par 7,296 contributeurs pour un montant de $30,456 par mois. Ces montants leur permettent de rémunérers des chercheurs, scénaristes, animateurs, musiciens, éditeurs et l’équipe de production plutôt que de vendre leur programme à des districts scolaires.
La guerre à la connerie
Concernant les raisons pour lesquels les chercheurs en sciences humaines devraient investir ces différents lieux et outils, Simon Verreycken milite pour que cette présence des chercheurs/-euses sur les réseaux sociaux ne se limite pas à relayer les annonces de colloques, CFP et autres nouvelles publications.
Pour Simon Verreycken, il s’agit de faire en sorte de déconstruire et dénoncer toutes les fois où l’histoire est utilisée pour défendre une idéologie ou pour atteindre des objectifs politiques qui seraient incompatibles avec les fondements d’un État de droit démocratique. Il s’agit de faire la guerre à la connerie et la meilleure défense contre la connerie reste la vigilance, car
«à quoi bon accumuler toutes ces connaissances, ces colloques, ces articles, ces livres, etc., si c’est pour finalement rester dans son coin et se plaindre, entre nous, que le dernier livre de Deutsch est un best-seller malgré tout le bullshit qu’il contient ?»
Simon Verreycken, « Être historien(ne) à l’ère de l’infotainment », in ParenThèses, publié le 24/10/2016, URL: https://parenthese.hypotheses.org/1484 (consulté le 15/11/2016).
- A lire également sur ce sujet notre chronique du Café pédagogique : Kaufmann, L. (2016). Assassin’s Creed : un jeu vidéo pour apprendre l’histoire ? Le Café pédagogique, No 169, mars. ↩
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