Une très intéressante réflexion d’André Gunther, maître de conférences à l’EHESS, historien des cultures visuelles, relativement à la question et l’utilisation des images. Au travers de plusieurs photographies du 20e siècle ou iconiques de notre imaginaire collectif comme des images de la guerre du Vietnam, cette intervention interroge autant l’enseignant d’histoire que tout en chacun. A lire sans modération. Je vous livre l’introduction de l’article.
(Article publié par André Gunthert dans L’Eléphant, #24) Invité au festival des Rencontres d’Arles 2018, à l’occasion du cinquantenaire de mai 68, l’icône du mouvement étudiant Daniel Cohn-Bendit y évoque le «pouvoir des images», comme celles de la guerre du Vietnam, qui ont contribué à mobiliser l’opinion publique américaine et «ont fait perdre la guerre de l’intérieur ». «La photo du petit Aylan Kurdi sur la plage de Bodrum, explique-t-il, a bouleversé le monde et a sans doute joué aussi dans la décision d’Angela Merkel d’ouvrir les frontières de l’Allemagne aux migrants en septembre 2015.»
Une image peut-elle arrêter une guerre, changer le cours de l’actualité? Que la vision d’un événement malheureux puisse nous faire horreur, et ainsi affecter notre opinion, est une idée largement répandue, qui ne semble pas extravagante. Mais cette conviction repose sur une théorie implicite de l’image. Alors que le langage s’adresse à la raison, les images exciteraient nos émotions. Plus séduisantes que l’écrit, elles seraient l’instrument d’une influence occulte, de l’ordre de la suggestion.
Pourtant, les choses ne sont pas si simples. En décembre 2016, le New York Times s’alarme: malgré la diffusion des images terribles de la destruction d’Alep en Syrie, l’opinion publique occidentale semble rester inerte. «S’il vous plaît, sauvez-nous, merci!», dit la vidéo de la petite Bana Alabed, 7 ans, qui s’adresse à nous les yeux dans les yeux. On ne peut donc pas évoquer un déficit émotionnel. Est-ce parce que les victimes sont musulmanes, s’interroge le quotidien? Est-ce à cause des réseaux sociaux, qui enchevêtrent les informations et émoussent notre capacité de réaction? Quoiqu’il en soit, l’image seule ne suffit pas.
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Photo d’en-tête : Malcolm Browne, auto-immolation d’un moine bouddhiste, 1963.
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