Rome et l'Empire romain
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Comment pouvait-on être romain ?
HISTOIRE DE LA CIVILISATION ROMAINE sous la direction d'Hervé Inglebert. PUF, "Nouvelle Clio", 512 p., 48 €.
Hervé Inglebert, qui a rédigé l'essentiel des chapitres de cet ouvrage collectif a une conception large de la "civilisation", y faisant entrer aussi bien les comportements politiques, les modes de contrôle de l'espace, le droit et les cultures au sens le plus large. De plus, il prend en compte tout l'espace romain, avec ses extensions variables au cours du temps, car "comprendre la civilisation romaine... - c'est - étudier principalement les aspects de la culture romaine qui se sont diffusés dans le monde romain, et les modalités de cette diffusion". Cela conduit d'abord à rechercher ce qui fait l'unité structurelle de ce monde, ce qui explique que des modèles nés à Rome, ou empruntés par Rome à la Grèce, aient connu un tel succès. C'est la cité, pour Inglebert, qui représente pour tous, riches et pauvres, un idéal de civilisation, et cela jusqu'à la fin de l'Antiquité, du moins jusqu'à ce que l'on passât d'une société civique à une société religieuse. De ce point de vue, Rome se présente bien en héritière de la Grèce, dont elle porte et diffuse l'héritage.

Car, et c'est là un paradoxe avec lequel il faut composer, l'originalité de la civilisation romaine s'accommode très bien de la domination culturelle écrasante de la Grèce. Comme le note Inglebert, la littérature latine ne développe pas une tradition indigène originale, mais se veut seulement une "extension latine de la paideia", c'est-à-dire de la culture grecque. A ce titre, Inglebert et ses coauteurs rejoignent largement la vision de Paul Veyne d'un "Empire gréco-romain".
Car le génie propre de Rome est ailleurs, et notamment d'avoir su entretenir avec son Empire des rapports permettant la diffusion des modèles culturels qui étaient les siens et de les rendre enviables. Philippe V de Macédoine avait bien analysé les raisons de la puissance de Rome lorsqu'il déclarait que Rome libérait ses esclaves, c'est-à-dire les peuples vaincus, pour en faire des citoyens.

LIEU UNIQUE DU POUVOIR
Cette formidable capacité d'intégration de Rome s'accompagne d'un processus constant d'exportation des modèles élaborés ou reformulés dans le lieu unique du pouvoir, la ville de Rome. C'est de là que partent les modèles, : ne vit-on pas des villes de province se doter de quartiers portant les noms de ceux de Rome ? Et au fur et à mesure que les symboles changent, les villes de l'Empire se parent des édifices qui feront d'elles autant de petites Rome ; ainsi la création de forums, de capitoles, qui avait marqué l'époque républicaine, laisse-t-elle place, sous l'Empire, à l'envahissement de l'espace urbain par les théâtres, les thermes, les sanctuaires du culte impérial. La ville constitue bien le centre privilégié où s'observe la diffusion de la civilisation romaine, en d'autres termes, où se mesure le degré de "romanisation".
Ce terme équivoque ramène nécessairement à la réalité vécue : quand les individus se considèrent-ils comme Romains ? Notion juridique d'abord, puisque cela touche d'abord ceux dont Rome fait des citoyens (tous les habitants libres le deviennent en 212), mais notion culturelle aussi puisque être "romain", c'est participer à la culture de Rome, au sens le plus large. La "romanisation" peut prendre bien des formes allant de la contrainte politique à la libre participation à la culture, à l'auto-romanisation qui fait adhérer chacun aux manifestations variées de la romanité.

d'après Maurice Sartre, Le Monde, 28.10.2005
 L'EMPIRE GRÉCO-ROMAIN de Paul Veyne. Seuil, "Des travaux", 912 p., 25 €.
LE MONDE DES LIVRES | 27.10.05 | 15h27  •  Mis à jour le 27.10.05 | 15h27
Douze études publiées antérieurement par Paul Veyne forme le corpus de son dernier ouvrage.

Jamais, Veyne ne se contente des définitions et des explications acquises. Il pose à chaque fois des questions auxquelles on croyait avoir répondu depuis longtemps :
• qu'est-ce qu'un empereur romain ?
• quels sont les présupposés qui permettent à la cité grecque de fonctionner ?
• y eut-il une classe moyenne à Rome ?
• comment les Grecs ont-ils réussi à s'accommoder de la domination politique de Rome ?
• comment et pourquoi ont disparu les combats de gladiateurs, pourtant si populaires ?
• pourquoi l'art gréco-romain a-t-il pris fin ?
• et d'autres questions encore…
Avec une ligne de conduite : ne jamais se laisser impressionner par le discours des anciens ni l'autorité des modernes.
Veyne se préoccupe avant tout de ne jamais réduire la complexité des explications, fussent-elles contradictoires. Ainsi, comment Rome a-t-elle pu maintenir si longtemps la fiction d'un empereur égal à ses pairs, les sénateurs, alors que celui-ci jouit de fait d'un pouvoir absolu ? Cela nous vaut des pages exaltantes sur la nature du culte impérial, "langage et rituel hyperboliques", "création de haute culture", et non dévotion populaire spontanée, que complète le long chapitre sur "Buts de l'art, propagande et faste monarchique". Veyne y montre que la production d'images impériales n'a rien à faire avec la propagande, mais relève seulement de l'affirmation de la puissance. La colonne Trajane y prend une autre signification, hommage adressé au seul empereur défunt enterré dans le socle du monument, et non leçon d'histoire adressée aux peuples de l'empire.
Son appellation d'un "Empire gréco-romain", il l'a justifie en raison de l'unité profonde réalisée via la culture des élites, qui, en dépit des différences de sensibilité personnelle, partagent les mêmes convictions et les mêmes répulsions, qu'ils soient grecs comme Plutarque, latins comme Sénèque ou africains comme Augustin.
Enfin, Paul Veyne se consacre un chapitre à la fin de l'Empire romain. Et pour lui, la chute de l'Empire romain n'est pas l'aboutissement d'un long processus, mais un accident fortuit, qui aurait aussi bien pu ne pas se produire tant les barbares qui se jettent sur l'empire depuis le IVe siècle manifestent de respect pour Rome et ses institutions. Alaric ne s'empare-t-il pas de Rome par dépit de ne pas obtenir les honneurs romains qu'il estime mériter ? De même, le christianisme n'est pour rien, affirme Veyne, dans la fin de l'art antique.

d'après Maurice Sartre, Le Monde du 28.10.2005
L'Empire romain et les Barbares
LES INVASIONS, LES VAGUES GERMANIQUES par Lucien Musset
Article de Christine Delaplace, Envahisseur ou immigrés de la Revue L’Histoire, no 222, juin 1998, pp. 42-43
Article « Migrations germaniques » de Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Migrations_germaniques#L.27h.C3.A9ritage
Compte-rendu de Patrick-J. Geary (2004). Quand les nations refont l'histoire - L'invention des origines médiévales de l'Europe : http://www.parutions.com/pages/1-4-5-5071.html