Historiographie antiquité
 
Esclavage, la pensée unique des Anciens
CONCEPTIONS DE L'ESCLAVAGE D'ARISTOTE À SAINT AUGUSTIN (Ideas of Slavery from Aristote to Augustine) de Peter Garnsey. Traduit de l'anglais par Alexandre Hasnaoui, Les Belles Lettres, "Histoire", 412 p., 29  € . LE CACHOT ET LES FERS Détention et coercition à Rome de Yann Rivière. Belin, "L'Antiquité au présent", 384 p., 24,90 € .

a) Peter Garnsey
Le débat sur l'esclavage court pendant un millénaire à travers des auteurs aussi différents qu'Aristote Platon, Paul de Tarse, Philon d'Alexandrie, Sénèque ou Ambroise de Milan.
Peter Garnsey a rassemblé une foule de textes traduits et classés par thèmes, donnant accès ainsi directement à la pensée des Anciens. Textes philosophiques, mais aussi extraits des grands juristes ou méditations des Pères de l'Eglise.

Au final, à l'exception des Esséniens de Qumran ou des thérapeutes d'Alexandrie, des marginaux, et surtout de l'évêque cappadocien Grégoire de Nysse, nul ne remet en cause cette institution commune à toutes les sociétés antiques.

Quand bien même l'esclavage serait moralement condamnable, tous les auteurs concluent à son caractère inéluctable.

Seul Grégoire de Nysse affirme que, si Dieu a fait l'homme à son image, posséder des esclaves n'est rien d'autre que "s'ériger en maître de l'image de Dieu". Mais Grégoire ne tire pas les conséquences de sa propre démonstration, puisqu'il n'invite pas à l'abolition de l'institution, se contentant d'affranchir les siens.

b) Yann Rivière
Dans toute l'Antiquité, y compris chrétienne, le législateur soucieux du maintien de l'ordre établi consolide l'institution. Or l'esclave est porté à fuir.

Yann Rivière a rassemblé quatre études où il montre notamment en quoi la prison ne fut jamais considérée comme un châtiment à Rome, mais comme un lieu de passage avant le jugement ou l'exécution de la peine. On met en œuvre les moyens les plus raffinés et les plus cruels pour rendre insupportable la vie de l'esclave en fuite  : tatouages, colliers, crânes rasés sont là pour dénoncer l'esclave, et les châtiments promis à celui qui est repris devraient dissuader quiconque.

Rien n'y fait et la fuite des esclaves reste une obsession des maîtres  : la rhétorique des Pères de l'Eglise pour imposer l'obéissance aux lois de l'Etat, dont Garnsey donne des exemples éclairants, échoue elle aussi à garantir la fidélité sans faille des esclaves. Comme si la nature des esclaves, n'en déplaise à Aristote, résidait dans la recherche de la liberté, quel qu'en soit le prix.