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  | La société féodale Jérôme Baschet (2004). La Civilisation féodale. De l'an mil à la colonisation de l'Amérique. Aubier, 566 pp., 28,50 €.
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  | Jérôme Baschet développe l'idée d'un Moyen Age dynamique, qui a porté la modernité. A partir de Jean-Baptiste MARONGIU - Libération - jeudi 19 février 2004
Jérôme Baschet enseigne depuis 1997 au Mexique, à l'Universitad Autónoma de Chiapas, située à San Cristobal de la Casas (d'abord à plein temps, maintenant six mois par an, l'autre semestre étant consacré à ses cours à l'EHESS). Il a écrit son livre pour expliquer aux étudiants mexicains ce Moyen Age qui est parti à la conquête du Nouveau Monde. Pour Baschet, il faut dès lors chercher dans la civilisation médiévale les clés de l'originalité européenne passée et de l'hégémonie occidentale actuelle. Jérôme Baschet emprunte ainsi à Jacques Le Goff, l'idée d'un «long Moyen Age» allant du IVe au XVIIe siècles, pour démontrer enfin que la modernité elle-même y a trouvé son essor. Soutenu par un important recours à l'image, la Civilisation féodale est un ouvrage en deux parties (et demie). Dans un premier mouvement, le Moyen Age est classiquement approché par le biais événementiel (personnages, luttes et batailles, faits, gestes et dates...) mais moins pour rechercher les ruptures que les continuités historiques. En revanche, Baschet aime s'arrêter sur les fractures interprétatives, les divergences entre historiens autour d'un même noeud historiographique. Baschet choisit, expose, partage les acquis des uns et des autres en y ajoutant, et parfois en y opposant, son point de vue. La deuxième partie, structurale, s'éloigne des sentiers battus. Baschet, un peu en historien des mentalités, reconstitue les structures fondamentales de la société médiévale revisitant une série de thèmes transversaux : le temps, l'espace, le système moral, la personne humaine, la parenté, l'image. Enfin, une section liminaire mais donnant tout son sens à la démarche est consacrée aux premières heures de la conquête et de la colonisation des Amériques, à cet aboutissement ultime d'un âge historique en voie d'épuisement. Loin de sa légende noire, le Moyen Age n'est pas une période de stagnation mais de grand dynamisme : la population double et l'économie y devient commerciale bien que restant fondamentalement agricole ; les pouvoirs balancent entre la réalité locale de la souveraineté seigneuriale et l'institution royale, guère plus que symbolique mais centrale ; les villes prennent de l'importance, en réalisant une alliance inédite entre noblesse, chevaliers et représentants des couches montantes, artisanales et commerçantes. Le pouvoir est partout et l'Etat nulle part, de même que les échanges et les commerces sont omniprésents mais le marché n'existe pas. C'est la grande différence d'avec la modernité. Structurant la société dans son entier, l'Eglise est la clé de voûte du système mais aussi son moteur, et donne sa cohérence à une poussée vers l'avant qui ne cesse de regarder en arrière. Avec le temps, elle maîtrise l'espace, du plus proche et plus concret de la paroisse et du cimetière à celui de l'au-delà, essentiel pour des individus qui placent leur accomplissement ailleurs que sur terre. Jérôme Baschet est formel : s'il fallait trouver un autre nom pour indiquer la société féodale, le plus exact serait encore celui de Chrétienté. En charge de la personne comme de la communauté, l'Eglise (et non pas la religion) y est l'instance la plus puissante, non dénuée d'une certaine capacité d'articulation des contraires. Mais elle se veut universelle, ce qui ne signifie pas tolérante, bien au contraire (on a pu parler, non sans raison, de société de persécution (de l'hérétique, de la sorcière, du juif...).
Beaucoup d'avancées médiévales ont été attribuées à la modernité, alors qu'elles en ont rendu possible l'éclosion. L'humanisme et l'esprit critique, par exemple, sont à repenser dans le cadre de l'élargissement aux laïcs de la culture des clercs, qui finalement conduit à un renforcement de l'emprise de l'Eglise sur la société. De même, l'invention de la perspective en peinture réorganise la saisie de l'espace, mais elle laisse entière la prégnance du lieu, alors que notre image écran est absolument délocalisée.
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  | Chevalierie et féodalité Dominique Barthélemy, Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale , Armand Colin, 296 pp., 24 €.
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  | Le sang coule peu et la vengeance confirme l'ordre social : le Moyen Age n'est pas la société violente que l'on croit. A partir de Jean-Baptiste MARONGIU - Libération - jeudi 22 avril 2004
Qu'il n'y ait rien eu de particulier à signaler en l'an mil et même dans ses proches alentours, on commence juste à l'admettre avec Dominique Barthélemy. Pour Barthélemy, il s'agit encore de montrer non seulement que la société féodale a été beaucoup moins violente que ce que l'on a dit mais que certaines pratiques comme la vengeance, le duel ou l'ordalie, loin d'exprimer les désordres et le chaos d'une société, participent de manière très codée à la modération des tensions et à la résolution de ses conflits. Autant que féodale, la société médiévale a été «faidale», selon Dominique Barthélemy, au sens où tout une série d'affrontements et de conflits qui caractérisent les «guerres du dedans» de cette période peuvent grandement s'éclaircir si on introduit dans l'histoire la notion, courante en anthropologie, de faide. La faide n'est autre que la vendetta, mais une vendetta dont la fin n'est pas seulement de venger une offense, mais de porter atteinte aux biens et terres d'autrui avec l'aide d'hommes de sa propre famille ou d'alliés qui seront rétribués avec une partie des terres et des biens récupérés. Si la vengeance de sang est, disons, le cadre juridique à l'intérieur duquel s'effectue ce genre d'actions, elle n'est pas très meurtrière pour autant. La vengeance y est en effet indirecte, et frappe plutôt les paysans qui auront à supporter déprédations et pillages théoriquement dirigés contre leurs seigneurs. La faide chevaleresque n'est en rien exceptionnelle, mais une pratique sociale régulière, qui, loin de mettre en cause l'ordre social, le confirme. L'Eglise tente d'en condamner les excès mais pour mieux la légitimer, revendiquant en passant un rôle d'arbitre. Toutefois, il n'est pas simple de rester neutre, parce qu'évêques et abbés issus de cette même noblesse en partagent la vision du monde, et surtout parce qu'eux-mêmes initient ou subissent des faides au nom et pour le compte de l'Eglise. Notamment les monastères, parfois plus puissants et plus riches que les châteaux voisins, censés les protéger. Il arrive donc couramment que des châtelains lorgnent sur des terres ayant appartenu à leurs ancêtres, ou que les monastères veuillent s'approprier celles qu'un seigneur a du mal à garder dans le giron de sa famille, à la suite de mariages, donations ou héritages. Anathèmes, jugement de Dieu, miracles, mobilisation des reliques, affrontements entre milices des uns et des autres s'ensuivent, jusqu'à ce que les parties trouvent un arrangement mettant un terme, pour un temps, à l'inimitié. On se tue peu au cours des faides, rappelle Barthélemy, car «dans cette société de vengeance, les hommes deviennent vite des experts en l'art de ne pas se venger et de ne pas perdre la face». Beaucoup d'éléments poussent dans ce sens. Au final, le sang ne coule pas à flots parce que tous en connaissent le prix, et que le but de la faide est justement de revenir à la paix et non de déclencher une hostilité inexpiable. Au XIIe siècle, le tournoi apparaît comme substitut et prolongement de la faide chevaleresque. Dès lors la violence des nobles s'exercera plutôt dans les guerres du dehors que dans les vengeances du dedans, sans que la condition des faibles ne s'améliore.
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