L’excellent site Actualités de la recherche en histoire visuelle nous offre un intéressant article/billet sur les dérapages (emballements) médiatiques ayant pour source les nouveaux usages de l’image.
Le premier cas s’intéresse à un fait divers belge. Le 12 avril, Joe Van Holsbeeck est poignardé par deux agresseurs dans le hall de la gare centrale de Bruxelles. Des enregistrements de vidéosurveillance sont diffusés par le parquet belge à des fins d’identification. 10 jours plus tard un marche organisée en hommage à la victime réunit 80’000 personnes à Bruxelles.
Relativement à cette affaire, Actualités de la recherche en histoire visuelle offre le point de vue de Michel Weemans selon lequel
l’importance conférée par les médias à cette affaire comme sa surévaluation dans l’opinion publique sont dues essentiellement à l’existence et à la diffusion répétée des vidéos une semaine durant.
Le deuxième cas s’intéresse lui à l’agression d’une enseignante française dans un lycée de Porcheville le 24 avril. L’agression a été filmée par un élève sur son téléphone portable et diffusée ensuite de téléphone à téléphone. C’est cette composante qui confère à cette agression son importance pour les médias et en faire la une des journaux télévisés. France 2 rapprochera immédiatement cet épisode à la pratique anglaise du happy slapping, alors que rien pour l’instant n’atteste que la prise de vue et l’agression soient liées.
Actualités de la recherche en histoire visuelle met ensuite en évidence la généralisation dont la presse fait preuve : les actes de violence seraient de plus en plus filmés par leurs auteurs ou des complices. Or, Actualités de la recherche en histoire visuelle met en évidence que seuls trois autres séquences violentes ont été repérées en France depuis le début de l’année qui concernent des violences entre élèves.
L’article conclut
A l’heure où ces lignes sont écrites, l’auteur de la séquence vidéo est toujours recherché par la police, et de l’avis même du procureur: Il est encore trop tôt pour savoir si l’élève a filmé l’agression en simple spectateur, ou s’il a prémédité l’enregistrement . Sur des bases aussi minces, un étudiant en sociologie verrait son travail noté d’un zéro pointé.
En effet, le journal Libération remporte la palme en estimant, avec le jeune sociologue Christian Papilloud, que “ Les images des soldats à Abou Ghraib ont fait des émules “ !!! Ce qui dénote d’une autre pratique de la presse avec la convocation d’un soi-disant expert permettant au journal de diffuser son point de vue en le faisant endossé par un interviewé/invité. [en fait cela dénote de deux pratiques de la presse : la convocation de l’expert et celle de la pratique de l’interview/invité qui remplace le commentaire et le point de vue du journal].
L’article se termine sur trois ingrédients constitutifs des pratiques de la presse relativement aux faits divers (télévisuels):
1) Ce sont bien les services de police qui fournissent à la presse les images et leur interprétation, à laquelle les journalistes se fient sans autre forme de procès.
2) Le dérapage de l’interprétation est un facteur initial dû au contexte des nouvelles images, soumises a priori à une économie du soupçon et où les dérives les plus délirantes sont admises d’emblée.
3) L’existence d’une iconographie spectaculaire constitue toujours une raison suffisante pour surévaluer l’information liée à ces contenus, au moins du point de vue des médias télévisés.
L’article met également le suivisme de la presse écrite dans ce genre d’affaire. Le fait divers a d’abord fait l’objet d’une séquence télévisuelle avant d’être développé et surenchéri dans la presse écrite.
Aujourd’hui, cet emballement est également rendu possible par les conditions de production des nouvelles qui fait fi des pratiques de vérification de l’information et des recoupements nécessaires avant de publier une information. En effet, d’une part, le temps n’est plus vraiment donné et le sensationnalisme l’emporte sur l’acte d’informer.
La déontologie journalistique n’est alors plus qu’un vague souvenir permettant de soupirer à l’égard d’un âge d’or bien évidemment mythique et révolu.
Le billet complet avec les sources et les séquences vidéos.
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