
Chère page blanche,
Tu accompagnes mes pas depuis tant d’années. Fidèle parmi les fidèles.
Tu attends que mes pas portent vers toi. Que l’atmosphère soit propice aux échanges, aux confidences. De mon âme, de mes parti-pris, de mes colères ou de mes joies. De la vie qui coule, qui s’écoule furieusement ou apaisée, mais toujours passionnée et passionnante.
Combien d’autres égarés accompagnes-tu à la veillée? Combien de pages enflammées as-tu étreintes par-dessus une épaule fiévreuse? Combien de tristesses refoulées as-tu accueillies jusqu’à toi-même couler? Combien de déclarations d’amour tues t’ont fait rougir? Combien de douleurs ont fini par s’épancher silencieuses, révérencieuses, pathétiques ou colériques?
Sans relâche tu veilles. Les yeux légèrement rougis. Comme le chien fidèle tu ne dors jamais que d’une oreille légère. Prête à l’emploi.
Pour quels palmes? pour quels éloges?
Qu’importe.
Abnégation est un autre de tes noms.
Secrétaire des propos inassouvis.
Ton panthéon est fait de tous ces petits riens qui finissent souvent au fond d’une poubelle de papier ou de celles virtuelles qui désormais essaiment comme des petits pains.
Merci pour ta fidélité alors que je ne l’ai pas été. Je t’ai plus qu’à mon tour trompée pour l’action-chimère. A m’en étourdir.
Puis,
un soir,
c’est toujours un soir,
je reviens de trouver, accompagné d’un air ou d’un autre égrenant son vague à l’âme musical. Emargent des tréfonds de la nuit.
Alors, revenant à toi, j’espère que quelques mots libres parviendront encore à voltiger dans les particules de l’air alentour. Que la musique, elle, continuera à atteindre l’espace des rêves des autres. Jusqu’à une prochaine page blanche.
Bonne nuit. Je ne te dis pas à demain, mais à bientôt. Merci encore pour ton affectueuse compagnie.
PS : dans ces moment-là, j’ai toujours une pensée affectueuse en direction de ton plus fidèle serviteur : Dino Buzzati. Lui qui tous les jours s’efforçait d’écrire ne serait-ce qu’une ligne dans ses carnets. Allant jusqu’à implorer sa page blanche (“En ce moment précis”). Bel exemple de l’assiduité que je n’ai pas. Toute la différence entre l’écrivain, au combien géant qu’il était, et le scribouillard, même pas constant, que je suis.
Merci à Joan Armatrading (« Willow ») d’accompagner ma page blanche de ce soir :
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