
Histoire-Géo : La droite attaque les manuels.
La campagne contre les manuels scolaires va-t-elle se porter des Ses à l’histoire-géographie ? Le Figaro, qui a lancé la campagne anti-SES, publie le 17 janvier un article sur les manuels d’histoire et de géographie. « Le ministère de l’Éducation nationale sera-t-il un jour contraint de se pencher sur les livres d’histoire et de géographie afin de vérifier qu’ils offrent un traitement équilibré de la période contemporaine ? » écrivent Cyrille Louis, Aude Sérès et Marie-Estelle Pech.
Appliquant la technique bien rodée sur les manuels de SES, ils ciblent quelques éditeurs seulement et s’appuient sur des phrases isolées dans des pavés de quelques centaines de pages. Encore n’ont-ils pas forcément la main heureuse. Ainsi extraient-ils d’un manuel Magnard de 3ème la phrase » Les États-Unis sont devenus la cible d’États et de mouvements qui refusent l’hégémonie américaine sur le monde ». Le mot hégémonie est extrait directement des instructions officielles pour la classe de 3ème (« La comparaison de cartes de l’Europe et du monde de la fin des années 1970 et d’aujourd’hui permet d’aborder « la géographie politique du monde ». Elle montre comment l’éclatement du monde communiste a conduit à un nouveau « pavage » du monde sous l’égide des États-Unis, dont l’hégémonie tend à se diffuser partout, mais qui rencontre des réticences et des oppositions » programme page 167). L’article reproche aux manuels de ne pas parler assez de la Chine et de l’Inde, comme si les auteurs de manuels rédigeaient les programmes officiels.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir la droite libérale appeler à la censure d’Etat et à la mise au pas par le ministre d’éditeurs indépendants…
L’article du Figaro : Les manuels d’histoire friands d’altermondialisme (17.01.2008)
Mon commentaire:
Il est à noter que dans tous les pays où la droite réactionnaire est (re)venue au pouvoir les manuels d’histoire et l’enseignement de l’histoire ont été rapidement pris à partie. Ainsi l’arrivée de Georges W. Bush a coïncidé avec une accélération de la remise en cause des programmes et manuels sous le prétexte que ces derniers auraient laissé trop de place aux minorités, aux questions du genre et aux épisodes peu glorieux de l’histoire américaine. La polémique aux USA avait démarré dans le courant des années quatre-vingt-dix et les nouveaux programmes d’histoire. En tête de la «croisade», Lynne Cheney, épouse du futur vice-président Dick Cheney. Une fois arrivé dans les wagons de la nouvelle administration Bush, les réactionnaires disposèrent alors d’une importante manne financière pour développer leurs actions. Leur volonté : retourner à une histoire scolaire construite au travers d’un récit des «Grands Hommes» de la nation américaine ou de la civilisation occidentale. Ils iront très loin puisqu’en 2001 Lynne Cheney fera détruire par le département de l’Éducation 300 000 manuels scolaires, car elle jugeait que ces ouvrages se concentraient trop sur ce qui s’était mal passé dans l’histoire des États-Unis (comme le Ku Klux Klan ou le McCarthysme) et pas assez sur les succès des États-Unis.
Il n’est donc pas étonnant qu’avec l’élection de Nicolas Sarkozy, très largement inspiré idéologiquement par l’Amérique de Georges W. Bush, la droite réactionnaire française tienne à corseter l’éducation de l’histoire. La figure de l’altermondialiste remplace ici la figure de la féministe ou du représentant des minorités (afro-américaine ou «indienne»).
Même stratégie également consistant à extraire de courts extraits décontextualisés pour pointer d’inévitables lacunes ou raccourcis, voire d’accuser les ouvrages de partialité. Il ne s’agirait alors que de rétablir une «vérité» qui n’a rien du débat historique, mais tout de l’entreprise politique.
Concernant les Etats-Unis, il était très révélateur que les tenants du retour au récit national étaient très majoritairement des docteurs en littérature et non des docteurs en histoire. Tel est d’ailleurs le cas de Mme Cheney.
En tout état de cause, l’Internationale réactionnaire fonctionne à merveille entre les Etats-Unis et la France.
Sources :
Un ouvrage retrace le procès intenté aux programmes d’histoire : History on Trial: Culture Wars and the Teaching of the Past (New York: Alfred K. Knopf, 1997).
Sur toute l’affaire, on pourra utiliment se référer et lire l’artice suivant : Richard Jensen « The Culture Wars, 1965-1995: a historian’s map« . Journal of Social History. Mid-Winter 1995. FindArticles.com. 21 Jan. 2008.
Sur la politique Cheney des années 2000:
Mary Jacoby, Madame Cheney’s cultural revolution, Salon, 26 août, 2004
Steven J. Ross, « 21st Century Book-Burning. Mrs. Cheney, there’s more to U.S. history than heroes, » Information Clearing House, 13 octobre, 2004.
Michael Laris, « Mention of Gay Daughter a Cheap Trick, Lynne Cheney Says, » The Washington Post, October 14, 2004. Jonathan Rees, « The Reason Lynne Cheney Had 300,000 History Booklets Destroyed, » HNN.US, 18 octobre, 2004.
Gary B. Nash, « Lynne Cheney’s Attack on the History Standards, 10 Years Later, » HNN.US, 8 novembre, 2004.
Je suis tout à fait d’accord avec ton analyse. Bravo pour ton travail.
J.B.
How do you react to Cohn-Bendit’s statements, that Sarkozy is a child of ’68 and that few reforms were actually the result of ’68?
@ blottiere : merci. j’apprécie également l’énergie que tu déploies à faire vivre tes blogs et leur mise à disposition à tes élèves.
@ NDR : I know the « Sarkozy is a child of ’68, but I don’t have read the second part of the statement « few reforms were actually the result of ’68 ». Can you have a link to this before I answer.
I deeply agree with the first part (I have found it here http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20080116.OBS5424/cohnbendit__sarkozy_est_un_adepte_du_jouir_sans_entrave.html)
and where Cohn-Bendit says:
« »Nous avons un président de la République soixante-huitard qui a repris le slogan de 68 ‘jouir sans entrave’ pour lui-même et le démontre tous les jours »
as his last weeding prove it !¨
To be follow…
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2256/articles/a365748-.html
Cohn-Bednit opine que la France contemporaine n’est pas directement à la suite de Mai 68, mais que les institutions moderne étaient en train de faire.