
Difficile d’enseigner par les temps qui courent. Il faut dire que le temps court à la vitesse de l’électron. L’enseignant (Loys Bonod, Lycée Chaptal à Paris) qui a piégé ses élèves en fabriquant de faux corrigés afin d’établir de manière magistrale et éclatante qu’ils ne savent pas travailler sans internet a moins prouvé la tricherie des élèves que mis en évidence la date de péremption des exercices demandés.
D’expérience, le problème est très complexe. Sans entrer dans les détails: on « veut former » (noter la nuance) les nouveaux enseignants à employer Internet et plus largement l’informatique. Ils se trouvent face à des élèves qui ne savent pas forcément bien employer cet outil, mais à qui la société assène des « vous faites partie de la génération Internet ». Les élèves savent, les enseignants sont ignorants. Mais former les enseignants prend du temps et demande de la volonté de leur part: volonté de quitter la pédagogie traditionnelle, volonté d’intégrer de nouveaux outils (wikis, blogs, etc.) dans leurs cours, volonté d’apprendre. Pour nombre d’entre eux, distribuer un polycopié demeure plus facile, moins chronophage, et, surtout ne les ravale pas au rang d’élèves.
J’ai la nette impression que l’enseignement a des années de retard. J’employais pour ma part Internet dans le cadre de mes études (de grec ancien… sans commentaire…) dès 1997. 15 ans plus tard, le constat est amer: les enseignants emploient trop rarement l’informatique, les formateurs des hautes écoles pédagogiques sont trop souvent eux-mêmes dépassés (je ne donnerai pas d’exemple concret, mais ma mémoire en regorge), etc. Mon plus amer souvenir, datant de 2010: des étudiants formés pour devenir enseignants, âgés de 20 à 25 ans, qui découvrent avec stupeur ce qu’est un wiki (« Ah bon, il y en a d’autres à part Wikipedia? »), que l’on peut affiner ses recherches sur Google, qu’il existe d’autres moteurs de recherche, etc.
Personnellement, je suis très pessimiste quant à l’évolution de l’enseignement dans notre monde 2.0. Une réforme de fond serait nécessaire. Mais je songe alors aux années qu’il a fallu pour réformer, par exemple, la formation des enseignants dans le Canton de Vaud pour me dire que, dans 20 ans, nous risquerons de faire le même constat qu’aujourd’hui.
Pour finir, une anecdote: l’université de Laval a développé en 1980-1982 (!!) un logiciel dans le cadre de l’étude du copte (!!). Le projet a été abandonné. Pas par faute de moyens, mais par manque d’intérêt du corps professoral…
(Désolé pour le « fouillis » de mon commentaire. Un bon millier de pages ne suffirait pas. J’ai tâché d’être bref, au détriment de la structure du raisonnement.)
Tout d’abord merci à Bertrand pour son intervention. Le commentaire me paraît clair sur un sujet qui effectivement à déjà amener des milliers de pages…
Sur le tableau et la difficile implantation des médiaTICE en milieu scolaire, le constat de Bertrand rejoint d’autres observation de même nature.
Concernant mon renvoi à la tribune d’Emmanuel Jaffelin, je m’intéressais plutôt à son constat que Loys Bonod avait plutôt fait la démonstration de la vacuité de certains exercices scolaires. Comme l’indique également Jaffelin, le copier/coller et la recopie d’élève fait partie de l’histoire de l’exercice proposé par Bonod et non d’une spécificité de l’utilisation de l’internet pour rendre sa copie.
A titre personnel, je me rappelle l’utilisation que certains faisaient de la collection « Profil d’une oeuvre » pour accompagner leurs lectures scolaires. Évidemment si l’enseignant n’avait pas peur d’enseigner (plutôt que de chercher à nous pourrir et nous piéger) et de jouer son rôle de passeur de culture, nul besoin d’une telle béquille…
J’ai aussi eu des enseignants qui m’ont fait découvrir par exemple Dino Buzzati ou Eugène Ionesco en venant nous chercher où nous étions pour nous élever à la culture littéraire.
Pour revenir maintenant aux propos de Bertrand et pour prolonger la discussion, voici quelques éléments concernant ma position relativement à la pédagogie et l’Internet :
– le premier texte rejoint grandement les propos d’Emmanuel Jaffelin et date de… 2007 (en 2012 je remplacerai ordinateur portable par tablette numérique) : Parlons des vrais enjeux scolaires…
– concernant la question des réformes scolaires, des TIC et des «résistances» des enseignants, j’ai rédigé plusieurs articles sur mon blog professionnel (eh oui il y aussi de formateurs à la HEP Vaud qui utilise les médias sociaux en formation! 😉 ). J’apprécie particulièrement les écrits et réflexions de Larry Cuban, ancien professeur d’université à Stanford. Vous trouverez ainsi à lire : article avec le mot-clé Larry Cuban
– enfin l’état le plus récent de ma réflexion relativement à la question de l’utilisation des médias sociaux en classe a donné lieu à une de mes chroniques mensuelles pour le Café pédagogique : Médias sociaux à l’école : ni anges, ni démons
J’espère ainsi que les bases de la discussion seront lancées. 😉