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4 juillet 2012 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Histoire «sérieuse» et histoire grand public : la concurrence des histoires ? | Chronique no 134

A intervalle régulier, l’histoire universitaire renvoie auprès du grand public une image peu flatteuse d’elle-même. Dans son numéro de mars 2012 et sur son site internet, l’American Historical Association (AHA) débattait du «Professionnal Boredom» in History (L’ennui professionnel en histoire) et son président William Cronon plaidait pour une écriture de l’histoire qui soit attrayante et accessible à un large public. 

Dans son article, William Cronon (( Le site professionnel de W. Cronon et ses travaux historiques : http://williamcronon.net)) part du constat suivant:

«L’un des paradoxes de l’histoire, c’est que aucune autre discipline universitaire n’a fait un meilleur travail pour conserver une grande audience publique alors que de nombreux non historiens trouvent l’histoire académique ennuyeuse à l’extrême.» ((Professional Boredom : http://www.historians.org/perspectives/issues/2012/1203/Professional-Boredom.cfm L’article a suscité notamment les réactions suivantes : http://blog.historians.org/articles/1622/debating-professional-boredom-in-history))

W. Cronon met également en évidence l’intérêt du public pour les programmes de la chaîne historique «History Channel», les expositions à succès des musées ou les best-sellers historiques qui recouvrent des sujets très différents, voire à l’opposé, des thèmes et spécialisation que l’on peut trouver dans les départements d’histoire des Facultés universitaires. Ainsi, malgré l’appétit du grand public pour l’histoire, les historiens professionnels produisent rarement des travaux destinés à la consommation publique.

Quelle est alors la meilleure manière de servir les intérêts des historiens professionnels dans ces autres contextes que la production universitaire au moment où la révolution numérique aggrave et accentue cet écart — qui n’est pas nouveau — entre histoire académique et histoire prisée par le public?

Pour Cronon, il s’agit premièrement de garder un œil sur l’ennui et s’interroger dans quelle mesure cet ennui est le résultat de la manière de faire de l’histoire à un niveau académique. Il se réjouit également que l’AHA dispose en son sein d’historiens académiques qui participent à des documentaires historiques ou des expositions, réalisent des sites internet, tiennent des blogs, enseignent à d’autres degrés ou publient des livres grands publics.

Fondamentalement, pour Cronon, les historiens universitaires se doivent de communiquer de manière claire et engageante, de raconter de «bonnes» histoires et surtout de rendre le passé vivant pour les non-professionnels qui autrement le trouverait aride, mort et ennuyeux.

Il est à noter que ce débat et ces constats de W. Crono ne sont pas neufs et reviennent avec constance. Ainsi, le rapport de 1926 du comité de l’AHA s’interrogeait déjà à ce sujet. Le comité de l’AHA lui-même est issu d’une prise de conscience que l’écriture de l’histoire aux États-Unis n’était pas dans un état satisfaisant. A cette même époque, Jean Jules Jusserand, ancien ambassadeur français et président d’alors de l’AHA, remontait même jusqu’au satiriste grec Lucien de Samosate dans le deuxième siècle après JC, à Cicéron en 55 avant notre ère et à Jean Bodin en 1566 pour des discours comparables. ((Jean Jules Jusserand (1926). Historian’s Work. In AHA, The Writing of History: http://www.historians.org/pubs/archives/WritingofHistory/Jusserand_HistoriansWork.cfm))

Ces débats et constats sont également transposables au niveau de l’histoire à l’école que ce soit relativement à la concurrence au cours d’histoire représentée par les usages publics de l’histoire (télévision, histoire grand public, spectacles historiques, musées et l’internet) ou la manière de combattre l’ennui dans nos cours. Aujourd’hui, s’y ajoutent les difficultés à atteindre les objectifs ambitieux des programmes avec un nombre de périodes d’enseignement insuffisant et parfois en diminution de la discipline, voire l’absence d’un accompagnement et d’une formation professionnelle digne de ce nom. ((A l’exemple des programmes de Première : Des programmes ambitieux ou invraisemblables ? In Aggiornamento hist-géo : http://aggiornamento.hypotheses.org/831))

Tout cela concourt à s’interroger sur la place de la discipline et de l’image que celle-ci renvoie. Comment également concilier attractivité de la discipline et rigueur intellectuelle que nécessite notamment l’exigence de développer au moyen de l’histoire l’esprit critique et citoyen chez nos élèves?

Cet article est la reprise de ma chronique mensuelle du Café pédagogique. (No 134, Juin)

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  1. What We’re Reading: July 12, 2012 - American Historical Association dit :
    29 juillet 2013 à 20 08 46 07467

    […] Histoire «Sérieuse» et Histoire Grand Public : La Concurrence des Histoires? An interesting French take on AHA President William Cronon’s “Professional Boredom” piece, which refers back to a 1926 AHA report on the same subject (which was chaired by the French ambassador to the U.S.). Seems that the sins of academic writing are not exclusive to this side of the Atlantic. […]

    Répondre

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