La compréhension du monde et sa transformation peuvent-elles se réduire à de simples questions de programmation ? Alors que vient de paraître son deuxième ouvrage, Who Owns the Future ?, La Vie des idées discute des intuitions du geek humaniste Jaron Lanier qui dénonce la standardisation des consciences et la démonétisation croissante de l’économie. L’article est très fouillé et intéressant à lire.
Pour Lanier, internet est devenu le principal instrument de réduction de l’humain à des bits mesurables et organisables. Alors qu’il offrait il y a vingt ans le spectacle d’une grande anarchie extrovertie, le web est aujourd’hui constitué de troupeaux anonymes et standardisés conduits par de grands groupes commerciaux, tels que Facebook, Google, Yahoo et Amazon (Lanier oublie généralement de citer son employeur actuel, Microsoft), ainsi qu’une poignée d’associations comme Wikimedia et Mozilla.
Cette transformation du web en une série d’oligopoles produit, selon lui, quatre effets regrettables : la standardisation des contenus numériques et des comportements, laquelle s’accompagne d’un considérable appauvrissement culturel ; l’éloge des masses anonymes au détriment des individus singuliers ; le rabougrissement de l’économie et l’érosion des classes moyennes occidentales ; l’appauvrissement de notre conception même de l’humanité.
Quatre phénomènes que Lanier tend à entremêler forment cet avenir funeste : la napsterisation de l’économie soit la perte de la valeur d’un bien, comme la musique, une fois que celui-ci est devenu consommable gratuitement et reproductible à l’infini, l’automatisation, l’auto-entrepreneuriat, et le travail en ligne non rémunéré. Tout cela aboutirait au fait qu’Internet détruit plus d’emplois qu’il n’en crée.
Or, la technologie n’est qu’un outil au service de l’humain, rappelle Lanier à raison dans son premier ouvrage. Contrairement à une vue très répandue, la technologie n’est ni vertueuse ni corruptrice en elle-même. Elle tend simplement à rendre nos activités plus efficaces, que l’on gère un camp de réfugiés, que l’on cherche l’adresse d’une pizzeria ou que l’on prépare un attentat.
Comme solution (ou antidote), Lanier propose trois remèdes : rester critique, se méfier de l’hyperspécialisation et garder l’humain au centre du problème.
Cependant, pour Thibault Le Texier, auteur de cet article, « loin de représenter une grande rupture historique, Internet n’est en un sens qu’un outil de plus dans la panoplie que l’être humain se constitue depuis toujours pour contrôler son environnement. »
L’article : Misère de l’humanité numérique – La Vie des idées
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