
Texte à lire de Thierry Hermann. Extrait.
Le problème de l’orthographe, c’est que c’est aussi une question passionnelle. Malheur aux vaincus. La maîtrise du français est souvent un « argument » pour démolir autrui qui a eu le malheur de commettre des erreurs de français dans son message sur tel ou tel forum Internet. On se gausse de celles et ceux qui commettent des fautes ; on cherche à leur faire honte ; on met au pilori les textes publics qui en contiennent. L’excès dans les imprécations est fréquent : non loin d’« orthographe », on trouve « truffé de » ou « bourré de » sinon l’idée d’un « massacre » à arrêter. Les insultes ne manquent pas (le « putain » de Bescherelle ta mère, par exemple), le mépris s’affiche assez ouvertement et c’est alors que la dimension morale de la faute prend tout son sens par rapport à l’erreur vénielle et pardonnable. On peut faire une erreur de calcul, mais on fait une faute d’orthographe. N’en doutons pas, cette stigmatisation fonctionne : il n’est pas rare de voir des personnes ayant une piètre orthographe qui expriment de la honte ou de la gêne, qui se plaignent d’être pris pour des nuls. Certains pourront se dire que cela aide à faire plus attention ou à apprendre. Mais est-ce la bonne méthode ? A-t-on envie de se lancer dans un terrain que l’on sait miné (« lespièges de la langue ») ? Et dans un terrain que l’on sait non maîtrisable dans l’absolu – qui ne commet aucune faute dans les dictées de Pivot ?
L’orthographe n’est pas qu’une norme de la langue, c’est une norme sociale.
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