
Osons la question: à quoi peut bien servir une librairie aujourd’hui? A priori, à rien. Vous êtes pris d’une envie de livre? Un simple clic sur Internet peut la satisfaire: sous 24 heures, il est dans votre boîte aux lettres. Mieux, vous pouvez l’avoir immédiatement en version numérique.
C’est un petit livre de 23 pages paru en Angleterre en 2014 – et pas encore traduit en France à notre connaissance – qui nous révèle à quoi peut servir une librairie dans un tel contexte.
Il s’intitule The UnknownUnknown. Il est signé Mark Forsyth*. Le titre est une allusion à une citation de Donald Rumsfeld – oui, le Secrétaire de la Défense de George W. Bush himself. Embourbé qu’il était dans le scandale de la guerre en Irak et afin de justifier le bien-fondé des frappes militaires, il avait donné aux journalistes un cours improvisé d’épistémologie. Il avait partagé le savoir humain en trois grandes catégories: le « connu connu », ces choses que l’on sait que l’on sait (par exemple, je sais qu’Umberto Eco a écrit le Nom de la Rose, que Marignan a eu lieu en 1515…) ; le « connu inconnu », c’est-à-dire, les choses que l’on sait ne pas savoir (comme le fait que je sais pertinemment que j’ignore le chiffre exact de la population de la Tanzanie, ou comment on dit « merci » en japonais…); et, enfin, « l’inconnu inconnu », ces choses que nous ne savons pas ne pas savoir (et dont je ne pourrais donner aucun exemple puisque précisément j’ignore que je l’ignore)
Ce troisième continent – appelons-le la terraincognitaincognita – est un continent immense. Infini même. Et contrairement à ce que l’on croit il nous demeure inaccessible via Internet. C’est le point aveugle de notre ordinateur ou de notre smartphone.
Lire la suite : Pourquoi nous avons encore besoin des librairies à l’heure d’Internet
*Mark Forsyth The Unknown Unknown: Bookshops and the Delight of Not Getting What You Wanted (Icon, 2014)
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