
Comment parler de la Syrie, loin d’elle ? Comment parler de cet interminable conflit sanglant ? Comment parler de 7 millions de déplacés, de 6 millions d’exilés et plus de 600 000 morts et disparus (sur une population de 22 millions d’habitants en 2011) ? Pour En attendant Nadeau, Catherine Coquio nous proposait en décembre 2017 d’en parler, de regarder, à tous les sens du terme, ce problème en face. En rendant compte de trois livres :
Justine Augier, De l’ardeur. Histoire de Razan Zeitouneh, avocate syrienne, Actes Sud, 320 p., 21,80 €
Yassin Al Haj Saleh, La Question syrienne. Trad. de l’arabe (Syrie) par Ziad Majed, Farouk Mardam-Bey, Nadia Leïla Aïssaoui. Actes Sud, 240 p., 22 €
Majd al-Dik, avec Nathalie Bontemps, À l’Est de Damas. Au bout du monde. Le témoignage d’un révolutionnaire syrien. Préface et chronologie de Thomas Pierret. Don Quichotte-Seuil. 304 p., 17,90 €
« On raconte que des gens se mettent à pleurer à l’écoute de leur propre voix, quand ils prononcent dans les cortèges les cris de liberté (huria)…».
Justine Augier. De l’ardeur.
« Je me suis approché du corps des enfants. Je leur ai demandé de nous pardonner de ne pas être morts, et de les photographier dans cet état. »
Majd al Dik. À l’Est de Damas, au bout du monde.
« Nous avons besoin de discours critiques enracinés dans la réalité et qui disent notre appartenance au monde, sans murs de séparation et sans “frontières naturelles” ».
Yassin Al Hadj Saleh, La Question syrienne.

Ces trois livres ne se ressemblent pas, et leurs auteurs n’appartiennent pas aux mêmes mondes. C’est en Française que Justine Augier, née en 1978 à Paris, s’est engagée dans l’humanitaire à Kaboul avant de devenir écrivaine voyageuse au gré de déplacements familiaux ; Yassin Al Haj Saleh et Majd al Dik sont tous deux syriens, nés de familles modestes, mais ils sont d’une autre génération et leur expérience diffère profondément, même si elle les a conduits à la prison et à l’exil. L’un, né à Raqqa en 1961, est un des « dinosaures » dont parle Justine Augier dans De l’ardeur, qui sont venus à la révolution de 2011 après avoir connu de longues années de dissidence et de prison sous le règne d’Hafez el Assad, pour leur engagement politique, ici communiste. L’autre, né dans un village de la région de Damas en 1987, a rejoint à 23 ans les manifestations du printemps 2011 à Douma, puis s’est lancé dans l’activisme humanitaire, créant un organisme de soutien psychique aux enfants. Son livre, comme le dit son sous-titre, est le « témoignage d’un révolutionnaire syrien ». Celui de Justine Augier est une enquête biographique. Celui de Yassin Al Haj Saleh est un recueil d’articles (2011-2015) augmenté d’une introduction inédite.
Lire la suite : La Syrie existe
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