Une tribune très intéressante de
etLa révolte contemporaine ravive les conflits de classes que certains croyaient éteints. Mais cette lutte ne reprend pas le chemin du passé, et pour l’analyser, il faut tenir compte de la nouvelle géographie des rapports sociaux, comme du processus de désintégration sociale dont on avait sous-estimé la gravité.
Si le mouvement des gilets jaunes est l’expression de l’affaiblissement des corps intermédiaires est-il pour autant le signe d’un déclin des classes sociales ? Ce mouvement, on l’a souvent souligné, semble, en effet, le réceptacle de revendications éparses et peu coordonnées, exprimées par des personnes au statut socioprofessionnel différent et qui ne partagent pas forcément les mêmes orientations politiques et les mêmes aspirations. Cet ensemble disparate peut donner l’impression d’une non-classe sociale et renforcer les arguments de celles et ceux qui défendent, depuis le milieu des années 90, la thèse de «la mort des classes».
Pour leur part, Serge Paugam et Gilles Laferté pensent au contraire que ce mouvement est avant tout le signe d’un renforcement des conflits de classe qu’il convient de saisir et d’interpréter à partir d’un cadre analytique renouvelé autour de la concentration des richesses et des polarisations spatiales. Ainsi «les ouvriers et les employés forment 29 % et 28 % de la population active des espaces ruraux, loin devant les agriculteurs à seulement 5 %». Avec la fin des paysans, «on se retrouve ainsi avec des polarisations sociales qui redoublent la question sociale par la distance spatiale».
«Dans la société salariale des Trente Glorieuses, les classes sociales étaient en lutte pour le partage des bénéfices de la croissance, mais elles étaient globalement intégrées au système social, et les conflits sociaux participaient de ce processus d’intégration. Aujourd’hui, non seulement les capitaux économiques et culturels sont répartis de façon inéquitable, mais les liens sociaux sont de force et d’intensité disparate. Au cours des dernières décennies, ceux-ci se sont fragilisés pour beaucoup».
Dès lors, «le mouvement des gilets jaunes est l’expression de ce délitement cumulatif des liens sociaux dont les effets sont forts dans tous les lieux marqués par une perception vive d’abandon social, institutionnel et politique».
—A lire : Après les gilets jaunes, repenser les classes sociales – Libération
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