
#vendredilecture Giuliano da Empoli. Le mage du Kremlin
Ce matin, j’ouvre le livre de Giuliano da Empoli au chapitre 18, p.177-178 (édition Folio) et je lis un café à portée de main :
« À partir de l’arrestation de Khodorkovski et de la triomphale réélection de Poutine, quelque chose a changé dans la nature du gouvernement russe. La lutte pour le pouvoir ne s’est pas interrompue, bien au contraire. Mais elle s’est déplacée de l’arène publique à l’antichambre du Tsar. À partir de ce moment-là, la Cour s’est remise à déterminer le sort de l’État. Et le front du souverain a, comme au temps de Nicolas Ier, recommencé à être l’unique source de toutes les joies et de toutes les douleurs des courtisans.
Si vous en avez une fois l’occasion, essayez d’observer les lions et les singes au zoo. Quand ils jouent, cela veut dire que les hiérarchies sont claires et que le chef contrôle le tout. Sinon, ils sont chacun dans leur coin, inquiets et apeurés.
En rétablissant la verticale du pouvoir, Poutine a donné le la au bal des courtisans : un exercice de dextérité dont les règles remontent à la nuit des temps et dont le rythme est déterminé par les mouvements ascendants et descendants des participants. Il y a ceux qui occupent un bureau proche de celui du Tsar et ceux qui sont sur sa ligne de téléphone directe. Il y a eux qui l’accompagnent en mission à l’étranger et ceux qui vont en vacances à Sotchi. Il y a ceux qui obtiennent un strapontin au gouvernement et ceux qui ne sont pas renouvelés à la tête d’une entreprise publique. Aucun indice, aussi petit soit-il, ne peut être négligé: le plan de table à un dîner de gala, le temps d’attente dans l’antichambre du président, le nombre d’agents de sécurité. Le pouvoir est fait de minuties. Rien n’échappe à l’intérêt obsessif du courtisan parce qu’il sait que l’essence de la hiérarchie réside dans le détail. Et que même une minuscule perte de contrôle peut ouvrir une fissure dans l’édifice. Seul le dilettante néglige ces aspects, les considérant indignes de son attention; le professionnel sait qu’aucun détail n’est trop petit pour mériter son attention.»
En lisant ce passage, évidemment, je pense à Versailles et à la cour de Louis XIV, le roi soleil. Ici c’est plutôt le côté glaçant de la situation actuelle que ce passage évoque pour moi. Je me rappelle aussi la catégorie des Kremlinologues du temps du pouvoir soviétique, analysant les moindres soubressauts de la nomenklatura.
Et vous que lisez-vous actuellement ?
Bonne lecture et fin de semaine.

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