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Lyonel Kaufmann blogue…

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Sur la route à moto avec un café

histoire

Grande Dépression et New Deal : 1. Comment ce sujet est-il traité par l’histoire scolaire?

30 juillet 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

La période estivale est propice à la préparation de la rentrée scolaire… y compris pour les formateurs en didactique… Personnellement, j’en profite pour compléter mon support de cours «Histoire savante : Antiquité –> 20e siècle.», mis à la disposition de mes étudiant-e-s et de toute personne intéressée.
Dans la mesure également où l’activité éditoriale de ce blog fonctionne au ralenti, je vais comme dans la presse instituer une série de l’été. Cette série sera aussi l’occasion de suivre les étapes de ma réflexion lors de la préparation d’un sujet.
Je vous propose de suivre ma réflexion relative au sujet sur la Grande Dépression et le New Deal. Vos commentaires sont en tout temps les bienvenus.

Dans le cadre de la préparation d’un sujet en histoire, deux choses me paraissent importantes dans une première phase exploratoire :
– la manière dont le sujet est généralement traité dans le domaine scolaire;
– l’état de la situation historiographique relativement au sujet choisi.

Ce sont les deux premiers éléments de toute transposition didactique digne de ce nom.

Le traitement scolaire de la la crise des années 1930 forme le premier épisode de notre série de l’été : La Grande Dépression et le New Deal.

Concernant la place du sujet dans les programmes scolaires, il s’agit, me concernant, de comprendre quel rôle l’histoire scolaire a cherché, cherche à lui faire jouer et de prendre de la distance pour en apprécier la pertinence à l’aide de l’état de la recherche. C’est la meilleure manière, pour moi, de sortir soit du récit national, soit des discours de l’évidence.
Bien évidemment, l’historiographie sur le sujet est un élément jouant un rôle clé dans cette mise à distance. De plus, j’escompte que l’historiographie me permette de trouver une ou plusieurs problématiques qui pourront être travaillées par les élèves.

PastedGraphic1.pict
Le Krach de Wall Street : événement totémique
La salle des exchange après le Krach
1930-67B: The trading floor of the New York Stock Exchange just after the crash of 1929. (public domain)
Image source: http://www.ecommcode2.com/hoover/research/photos/images/1930-67B.gif

L’enseignement de la Grande Dépression et du New Deal : état de situation
Tout d’abord, je ne pensais pas directement traiter de la Grande Dépression et du New Deal, mais de la crise économique des années 1930. Dans ce cadre-là, le New Deal aurait représenté un des sujets développés. D’autant que j’avais lu avec intérêt les propositions de Daniel Letouzey (Roosevelt et le New Deal).
Concernant la crise économique des années 1930 ainsi qu’elle est traitée au niveau secondaire I (élèves de 15-16 ans), une première constatation s’impose : ce sujet n’est pas traité pour lui-même dans le programme de 9e année. Premièrement, il figure généralement dans l’ensemble fourre-tout de l’entre-deux-guerres. Il prend place dans une double histoire causale conjointe : en premier lieu de la montée du nazisme en Allemagne et plus généralement des fascismes en Europe; en second lieu de la marche vers la deuxième guerre mondiale.
Dans ce cadre-là, le New Deal intervient pour mettre en évidence la solution démocratique et réformant le modèle libéral par rapport à la solution de l’Allemagne nationale-socialiste. Pour sa part, le Krach de Wall Street sert lui d’élément déclencheur (et spectaculaire), comme l’attentat de Sarajevo, à la crise des années 1930. Il forme un événement-évidence qui n’est jamais questionné.

image.jpg
Franklin D. Roosevelt New Deal pin, 1932.
Collection of David J. and Janice L. Frent

Concernant la situation en France, Daniel Letouzey (Roosevelt et le New Deal) formule un constat guère plus réjouissant :

«Le New Deal, un moment très important dans l’histoire des Etats-Unis, fait partie des questions qui ont été abandonnées en chemin par l’histoire scolaire. Cette situation pourrait nourrir une intéressante étude de cas sur les choix de contenus opérés par les concepteurs des programmes. Ces choix dépendent de nombreux facteurs, notamment de l’évolution de la recherche historique (le triomphe récent de l’histoire culturelle aux dépens de l’histoire sociale), du contexte politique et idéologique… Ainsi, les instructions actuelles qui écrivent, à propos des  » transformations de l’âge industriel  » :  » le phénomène majeur est la croissance économique  » laissent peu de place à l’étude de  » la catastrophe collective  » décrite par Russell Aven (cf Jean Heffer La grande dépression, les EU en crise, Archives Gallimard).» (introduction de Daniel Letouzey relativement à sa page sur le New Deal)

En résumé, dans tous les cas, la crise de 1930 ou le New Deal ne sont pas étudiés pour eux-mêmes dans les programmes scolaires. Cela vient peut-être aussi des difficultés rencontrées par les enseignant-e-s relativement à un enseignement de l’histoire économique. Cependant, le développement d’une histoire culturelle relativement à la Grande Dépression et au New Deal offre la possibilité d’un renouvellement du sujet enseigné et d’un sujet à enseigner pour lui-même.

Ce sera l’objet du deuxième épisode de notre série : La Grande Dépression et le New Deal : 2. Que nous dit l’historiographie?

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La Révolution vaudoise revue et corrigée

13 juin 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire


Image de couverture de l’ouvrage : Montage à partir d’imageries révolutionnaires:
Eau-forte, de B.-A. Dunker (1746-1807), et sceau de l’Assemblée provisoire de 1798.

Envahi ou libéré, par les Français en 1798, le Pays de Vaud devint le canton du Léman de la République helvétique. Après l’Acte de médiation (1803), il devint un canton suisse à part entière.
Pour l’histoire officielle et l’imagerie scolaire, l’ordre politique induit par la Révolution vaudoise fut instauré sans les ruptures spectaculaires et violentes de la française qui l’inspira.
Deux étudiants en lettres de l’UNIL, Raphaël Rosa et Matthias Bolens, viennent de publier en un volume leurs travaux respectifs sur les artisans principaux de ce nouveau système républicain.
Dans Les représentations identitaires vaudoises sous l’Helvétique, Matthias Bolens centre son travail sur la refonte de l’identité vaudoise par l’élite bourgeoise. Soucieux de tempérer la démocratie, ils développent des mythes identitaires (les Alpes, Tell, Davel, etc.) afin d’insérer leur Révolution «dans le cours normal de l’histoire et du progrès». L’imagerie et les chants révolutionnaires sont également adaptés tels la Carmagnole, la Marseillaise. Tout ceci fonde un patriotisme cantonal.
Pour sa part, l’étude de Raphaël Rosa (Populace ou peuple souverain?) met en évidence la manière dont l’oligarchie bernoise est remplacée par une élite locale de notables qui occupaient déjà des fonction sous l’égide bernoise et qui ne souhaitaient nullement une remise en cause de l’orde social existant. En effet, s’ils ont oeuvré à l’abolition des droits féodaux, ils étaient, dit Raphaël Rosa, «issus de la bourgeoise urbaine, de l’artisanat et du négoce», mais leur idéal d’égalité et de liberté ne les poussa pas, par exemple à redistribuer les richesses notamment, comme ce fut le cas outre-Jura, dès août 1792.
Et leur tâche en fut facilitée, car les moins nantis des Vaudois ne criaient pas famine.

Raphaël Rosa (Populace ou peuple souverain?) et Matthias Bolens (Les représentations identitaires vaudoises sous l’Helvétique). Bibliothèque historique vaudoise, 2007, 320 p.

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Quel Mahomet dans les manuels?

18 mai 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En mai 2005, les éditions Belin publient un manuel d’histoire pour les élèves de 5e (version d’évaluation pour les enseignants). Dans le sujet concernant l’Islam une miniature du XIIIe siècle présente le visage de Mahomet:

Dans la version définitive d’août 2005, surprise la miniature figure toujours dans le manuel, mais le visage de Mahomet est désormais flou :

Une polémique va s’en suivre au printemps 2007. Elle est reprise par l’association des Clionautes. Pour celle-ci, « Il nous apparait en effet que la modification d’un document dans un manuel scolaire n’est pas compatible avec la démarche même qui fonde l’enseignement de l’histoire, c’est à dire le respect des sources. »

Leur site permet de suivre l’origine de la polémique, les interventions de l’association auprès des éditions Belin et la réponse récente de celles-ci :

  • le texte débattu, puis envoyé le 15 avril 2007 par l’association des Clionautes
  • la suite du dialogue (chronologie du dialogue )
  • la réponse et le point de vue des Editions Belin
A suivre…
La référence complète du livre est la suivante : Histoire Géographie, 5e, Editions Belin, sous la direction de Eric Chaudron et Rémy Knafou, 2005.

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Grândola, ville brune (Révolution des oeillets 25.04.1974)

25 avril 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Le 25 avril 1974 avait lieu au Portugal la Révolution des Oeillets. Pour une fois, une armée mettait bas une dictature et instaurait la démocratie.
Le signal de départ de cette révolution est donné le 25 avril 1974 à 0h25. A cette heure-là, la radio nationale diffuse Grândola, vila morena (Grândola, ville brune), une chanson révolutionnaire de Zeca Afonso évoquant la liberté, la démocratie et le respect. Un mystérieux Mouvement des forces armées (MFA), mené par Otelo Saraiva de Carvalho, passe alors à l’action et s’empare des points stratégiques du pouvoir dans le pays. Seize heures plus tard, le régime dictatorial s’effondre.

La chanson:

Son texte:

GRANDOLA ville brune
Terre de la fraternité
Le peuple est celui qui commande le plus
A l’intérieur de toi ville
A l’intérieur de toi ville
Le peuple est celui qui commande le plus
Terre de la fraternité
GRANDOLA ville brune
Dans chaque coin un ami
Dans chaque visage un ami aussi
GRANDOLA ville brune
Terre de la fraternité
Terre de la fraternité
GRANDOLA ville brune
Dans chaque visage un ami aussi
Le peuple est celui qui commande le plus
A l’ombre d’un chêne
Dont je ne savais pas l’âge
Je t’ai juré comme compagne
GRANDOLA à ta volonté
GRANDOLA à ta volonté
Je t’ai juré comme compagne
A l’ombre d’un chêne
Dont je ne savais pas l’âge.

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Différend autour du souvenir des victimes du camp d’Auschwitz (Euro|topics)

18 avril 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Le journal hongrois Népszabadság nous apprend que le musée d’Auschwitz a repoussé l’ouverture d’une exposition consacrée au rôle de l’Armée rouge dans la libération de ce camp de la mort.
Le motif de cette décision? un différend autour de la nationalité des victimes. Beaucoup étaient issues des territoires annexés par l’URSS dans le cadre du pacte Molotov-Ribbentrop de 1939. Il fixait le partage de l’Europe centrale et du Nord entre l’Allemagne nazie et l’URSS.
L’auteur de l’article, Endre Aczél, trouve le débat sur la nationalité des victimes indigne:

« Les conservateurs polonais du musée trouvent inacceptable que l’exposition qualifie les Juifs polonais ou lituaniens de citoyens soviétiques. Plusieurs millions de Juifs sont effectivement devenus citoyens de l’URSS pendant la nuit, qu’ils l’aient voulu ou non. Les Polonais perçoivent le terme ‘citoyen soviétique’ comme une légitimation supplémentaire du partage de leur pays. Toutefois, il est indécent de se quereller au sujet de la nationalité des victimes. Elles n’ont pas été déportées à Auschwitz du fait de leur nationalité, mais de leurs origines. »

» Source :
– Pour la traduction : Euro|topics
– Pour l’article intégral en hongrois Népszabadság (journal hongrois)

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René Rémond, entre tradition, mémoire et histoire (1918-2007)

14 avril 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

René Rémond
L’historien et académicien René Rémond est mort dans la nuit de vendredi à samedi. Comme le dit Hugo Billard sur son blog, ça fait un peu beaucoup après les décès ces derniers mois de Pierre Vidal-Naquet, Jacques Ozouf Jean-Pierre Vernant et Lucie Aubrac. La communauté des historiens engagés et des témoins de l’époque contemporaine vient de prendre un nouveau coup.
Concernant le parcours de cet historien connu pour son travail sur les droites en France et plus largement pour son travail dans le domaine de l’histoire politique, Hugo Billard avec son Jardin des retours a très largement et suffisamment bien fait le travail pour que je vous y renvoie directement : René Rémond, entre tradition, mémoire et histoire. Merci à Hugo Billard.

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Réfléchis avant de poster (Think Before You Post)

7 avril 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Réfléchis avant de poster (Think Before You Post) est une campagne de sensibilisation auprès des élèves américains.
Simple et efficace. Même pour des non anglophones.

Ce spot fait partie de la campagne Don’t Believe The Type. Think Before You Post est le 8e danger recensé par le site et le programme de sensibilisation.
Ce spot doit aussi nous inviter à véritablement former les élèves à l’utilisation des technologies. Des outils existent, tels ceux proposés par le Clemi en France. On peut consulter aussi « Pour aller plus loin » sur la page Blog de ce site. Mon carnet de liens à la rubrique « Education&Médias » propose encore d’autres liens.
MAIS cela suppose avant tout que l’institution scolaire et les enseignant-e-s évitent d’adopter la politique de l’autruche en rejettant la faute sur « l’internet ». Un minimum de culture technologique est nécessaire ainsi que leurs utilisations dans le cadre scolaire au-delà de la maîtrise par les élèves d’un traitement de texte/tableur ou d’une simple collecte d’informations.
Il s’agit d’éduquer aux médias, c’est-à-dire l’apprentissage de leurs spécificités, de leur langage et de leur maîtrise communicationnelle dans une démarche comportant trois axes indissociables :

– donner à voir
– donner à faire
– donner à réfléchir.

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Enzo Traverso : « Renvoyer dos à dos le nazisme et le stalinisme est un anachronisme »

28 mars 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

A feu et à sang. De la guerre civile européenn
En complément à un précédent billet Publications, un extrait de l’interview accordé par Enzo Traverso à la revue Politis du 22 mars 2007. Cet interview fait suite à la publication de son ouvrage À FEU ET À SANG. De la guerre civile européenne (1914-1945) Stock, « Un ordre d’idées », 370 p.

Dans cet extrait, Enzo Traverso revient sur la question du fascisme et de l’anti-fascisme dans l’entre-deux-guerres :

Cette guerre civile se poursuit avec l’avènement des fascismes. Or, le regard sur l’antifascisme fait depuis l’objet de débats importants…

J’appartiens à cette catégorie d’historiens pour lesquels le fascisme et l’antifascisme ne sont pas seulement des catégories historiques mais aussi un héritage actuel et vivant pour la définition des démocraties dans lesquelles nous vivons. Je pense en effet qu’une Europe démocratique qui n’aurait pas tiré les leçons de l’anéantissement de la démocratie par le fascisme serait bien fragile. Récuser l’antifascisme, comme le font certains historiens d’orientation libérale ­ par exemple François Furet ­, fragilise donc nos démocraties, qui ont trouvé leurs raisons d’être dans le combat contre le fascisme. Mais cela implique aussi pour les historiens une réflexion et un travail d’historicisation critiques sur cette expérience historique, visant à reconnaître les contradictions et les limites de l’antifascisme. Une de ses limites a bien sûr été sa relation de complicité avec le stalinisme, qui fut le fait parfois d’une simple incompréhension de la véritable nature de ce dernier, parfois d’une complicité assumée, parfois encore d’une attitude de complaisance avec lui, considérée comme un prix à payer en dépit de tout ce qu’on pouvait connaître.

Une autre limite se trouve dans l’incompréhension de la nature exterminatrice de l’antisémitisme nazi, même si cette incompréhension a frappé la culture européenne dans son ensemble. Il faut ajouter que cela ne permet en rien de plaquer sur le conflit entre fascisme et antifascisme des lectures rétrospectives projetant des catégories de notre temps. Je ne crois pas non plus qu’on puisse analyser ce conflit à la lumière de la notion de totalitarisme, en y plaquant l’opposition totalitarisme/antitotalitarisme. En effet, si on contextualise les postures de l’époque, on voit bien que les (rares) « antitotalitaires » qui renvoyaient alors fascisme et stalinisme comme deux visages d’un même totalitarisme se condamnaient non seulement à l’isolement mais aussi à l’impuissance. C’est pourquoi je parle dans mon livre d’anachronisme vis-à-vis de ceux qui tentent de défendre aujourd’hui cette thèse. Les figures les plus lucides de la culture libérale de l’époque ont en effet fait un choix : Raymond Aron a décidé d’aller à Londres et de rejoindre le camp allié à l’Union soviétique contre l’Allemagne nazie…

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Publications récentes

8 février 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Dieu versus Darwin : les créationnistes vont-ils triompher de la science ? de Jacques Arnould, Albin Michel, 318 pages

"Dieu versus Darwin. Les créationnistes vont-ils triompher de la science ?", de Jacques Arnould. Albin Michel, 318 pages, 20€. | DR.

A lire devant les délires créationnistes (qui n’ont rien à voir avec la foi).

A lire par tout enseignant-e de CYP2 ou de CYT en histoire ou en science. Un jour où l’autre vous pourriez avoir affaire à des parents qui vous demandent d’enseigner le créationnisme (théorie l‘ »Intelligent Design » traduit en français par dessein intelligent) autant que la théorie de l’évolution.
A lire aussi parce que Jacques Arnould est tout à la fois dominicain, théologien et historien des sciences.

À FEU ET À SANG. De la guerre civile européenne (1914-1945) d’Enzo Traverso, Stock, « Un ordre d’idées », 370 p.

Extrait du compte-rendu fait par Le Monde des Livres.
Relecture d’une époque qui plongea l’Europe dans le chaos, A Feu et à sang fait partie de ces livres sur le XXe siècle dont on devrait encore débattre dans les années à venir, à l’instar du Passé d’une illusion, de François Furet (1995), ou de L’Age des extrêmes, d’Eric Hobsbawm (1999).

Enzo Traverso, né en Italie en 1957, entend montrer que, derrière l’imaginaire de l’horreur aujourd’hui associé au siècle écoulé – des tranchées à Auschwitz -, se dissimule un univers fait d’expériences sociales, de visions du monde, d’idées, de combats et d’émotions – ainsi du sentiment d’apocalypse qui s’empare de la culture européenne après 1918. Le livre explore donc cet univers à travers le concept de « guerre civile », ici employé pour rendre compte des déchirures engendrées, à l’échelle du continent, par un enchevêtrement inédit de révolutions, de contre-révolutions et de génocides. Pour l’auteur, on ne comprend précisément rien à la « brutalisation » des sociétés européennes de l’entre-deux-guerres, abstraction faite de cette « symbiose entre culture, politique et violence » qui en façonne en profondeur les mentalités ; rien non plus à projeter les catégories de notre démocratie libérale sur un siècle qui aura produit Ernst Jünger et Antonio Gramsci, Carl Schmitt et Léon Trostki.

Par ailleurs, l’auteur en vient à récuser une autre lecture a posteriori qui tend à faire de l’antifascisme un « mythe ». A lire François Furet ou Annie Kriegel, l’antifascisme des années 1920 et 1930 se réduirait ainsi à une pure entreprise de propagande visant à élargir l’influence du régime soviétique et à cacher sa nature totalitaire. Si ce tableau contient une part de vérité, il n’en reste pas moins simpliste. D’abord parce que, « en se débarrassant de l’antifascisme, on risque d’effacer le seul visage décent que l’Italie a su donner d’elle-même de 1922 à 1945, l’Allemagne de 1933 à 1945, la France de 1940 à 1944 ». Par les temps qui courent, il n’est pas superflu de le rappeler.

Fondation et Fondation foudroyée d’Isaac Asimov. Traduction collective. Denoël « Lunes d’encre », 2 tomes, 960 p. et 1084 p., 29 € chacun.

Vers fondation Traduction collective. Omnibus, 896 p., 21 €.


Les livres d’anticipation d’Isaac Asimov ont bien plus bercé mon adolescence que la saga des Star Wars (Guerre des étoiles) de Georges Lucas ou du Seigneur des Anneaux de Tolkien.

En même temps, la série des Fondations est une magnifique Histoire du Futur, un monumental roman historique, qui commence dans un avenir très lointain.

Isaac Asimov invente d’ailleurs un intéressant concept, celui de a psychohistoire, qui prétend s’appuyer sur l’étude du passé pour prédire mathématiquement le sort de l’Univers à partir de la loi des grands nombres. Son personnage Hari Seldon, scientifique et père de cette discipline, fait ses calculs et arrive à la conclusion que l’Empire se meurt, et il n’est plus possible d’enrayer sa chute. S’écroulant sous son propre poids, il va immanquablement sombrer, ouvrant à l’humanité trente mille ans de ténèbres avant l’avènement d’un nouvel empire. Il fait alors établir aux confins de la galaxie une colonie de scientifiques, la Fondation, appelée à devenir le ferment de la renaissance. Au même moment, il fonde une deuxième Fondation, qui doit veiller, dans le plus grand secret, à l’exécution du Plan.

Le cours de l’histoire semble irréversible et le Plan infaillible… Jusqu’à l’irruption du Mulet, aberration génétique aux pouvoirs terrifiants, dont Seldon lui-même ne pouvait prévoir l’avènement. Un homme seul peut-il changer le cours de l’histoire ? Même mariée aux mathématiques, l’histoire du futur n’est pas une science exacte…

Délices :  le cycle est traversé d’analogies et de réjouissants clins d’oeil historiques : ainsi, l’ultime sursaut de l’Empire est le fait d’un général surnommé « le dernier des Impériaux » qui finit éliminé par un empereur méfiant, lointain écho à Aetius, le Dernier des Romains, vainqueur d’Attila, qui mourut assassiné sur ordre de Valentinien III, jaloux de son prestige. Plus loin, la description d’une Trantor retournée à l’âge agraire, où des moutons paissent paisiblement au pied des ruines, rappelle furieusement les descriptions romantiques de la Rome du haut Moyen Age.

Pour rédiger cette saga, Asimov a transposé dans un futur lointain la Chute de l’Empire romain. Et le bougre connaît ses classiques : il révère Hérodote et, surtout, a dévoré plusieurs fois Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, l’oeuvre fondatrice d’Edouard Gibbon, à qui il multipliera les emprunts.
Les éditions Denoël ont l’heureuse idée de republier cette saga en deux volumes.  A lire autant pour se remettre des AD d’histoire que pour être transporté dans une histoire mélangeant futur et passé !

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Darwin,Creationnisme, IntelligentDesign, DesseinIntelligent, Brutalisation, EnzoTraverso, antifascisme, 1914-1989, IsaacAsimov, Fondation, anticipation, brutalisation

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Nuit et Brouillard, un lieu de mémoire

2 février 2007 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Nuit et Brouillard est, pour moi, d’abord un souvenir scolaire. Comme beaucoup d’autres élèves francophones depuis sa sortie en 1956. Un film important et également problématique lors de son visionnement avec des élèves de 15-16 ans.
Je me rappelle une de mes camarades d’une autre classe complètement traumatisée non seulement par le visionnement du film, mais encore plus par le fait que l’enseignant avait fermé la classe à clé pour empêcher tout élève de sortir et les « obliger » à regarder le film !

Aujourd’hui, l’historienne Sylvie Lindeperg consacre une monographie à Nuit et Brouillard. Cet ouvrage -ainsi que le coffret commémoratif paru récemment- sera une lecture indispensable pour tout enseignant-e souhaitant utiliser ce film en classe. Le propos de l’ouvrage consiste à étudier le film comme un « lieu de mémoire » où se cristallisent les tabous d’une société. Tabou de la collaboration, d’abord, avec ce fameux képi appartenant à un gendarme français, que la censure obligea Resnais à gommer sur une photo du camp de Pithiviers. Tabou du génocide, aussi. Le film témoigne d’une époque où la figure du « déporté résistant » tendait à occulter la singularité de la déportation raciale. Bien que les images relatives à la Shoah y soient nombreuses, le mot « juif » n’est prononcé qu’une seule fois dans le commentaire. Pourtant des générations d’enseignant-e-s l’ont utilisé et l’utilisent en classe pour traiter de la destruction des Juifs d’Europe…

Chaque enseignant-e pourra également lire la fiche pédagogique de présentation du film réalisée par Daniel Letouzey (comme toujours ton travail est de qualité mon cher Daniel !): « J’ai vu Nuit et brouillard »

« NUIT ET BROUILLARD ». Un film dans l’histoire de Sylvie Lindeperg. Odile Jacob, 288 p.

Complément – Mise à jour (08.02.2007)

Daniel Letouzey a complété sa page relative à Nuit et Brouillard avec une présentation de l’ouvrage de Sylvie Lindeperg et un message publié sur la liste H-Français. C’est par ici.

Complément – Mise à jour (04.03.2007)

Merci à Daniel Letouzey pour le message et les précisions suivantes :
« J’ai ajouté à la page sur Nuit et Brouillard l’entretien pour l’ENS Ulm, à faire écouter à ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter et de lire l’ouvrage. Elle y insiste sur la centralité d’Auschwitz et de Birkenau. »
Pour accéder directement à l’entretien de l’ENS Ulm : « Les entretiens de la Diffusion des savoirs ».
A noter également que j’ai corrigé le lien puisque précédemment je renvoyais à l’ancien site de Daniel Letouzey. Le cas échéant, vous pourrez ainsi corriger vos favoris.

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