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Lyonel Kaufmann blogue…

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Sur la route à moto avec un café

Welcome to America | Time

22 juin 2018 by Lyonel Kaufmann 4 commentaires

TIME Photo-Illustration. Photographs by Getty Images

TIME’s new cover: A reckoning after Trump’s border separation policy: What kind of country are we? https://t.co/U4Uf8bffoR pic.twitter.com/sBCMdHuPGc

— TIME (@TIME) 21 juin 2018

Sur l’histoire de la photo (et de la couverture) : Du document dans le symbole (ou pourquoi la photo est devenue la reine des images). La conclusion d’André Gunthert :

De nombreuses photographies d’actualité sont utilisées à des fins allégoriques, dont la référentialité documentaire est sujette à caution. Mais toutes les illustrations ne jouent pas un rôle de symbole dans une polémique de premier plan. Dans le cas du petit Aylan, le camp hostile à l’accueil des migrants n’avait pas manqué de contester la véracité des images. Leur pertinence n’avait été établie qu’après la vérification minutieuse des conditions de prise de vue, de l’identité des acteurs ou de leur histoire familiale.

Même minime, l’écart entre l’information et le récit ruine la représentativité d’une icône. Ce constat implique une leçon essentielle: la crédibilité documentaire de la photographie continue d’agir même dans le cas d’un usage symbolique. Loin d’opposer document et fiction, l’image d’enregistrement œuvre à la composition de ces deux dimensions antagonistes. La puissance de cette ressource narrative est la clé qui explique pourquoi la photo est devenue la reine des images.

Classé sous :politis

G7 vs Russie-Chine : deux sommets, deux photos, un perdant l’Europe post-1945 ?

10 juin 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Russie – Chine ou Chine – Russie : le nouvel ordre (économique) mondial ? C’est la question que l’on peut se poser après le fiasco du dernier G7…

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Vladimir Poutine et Xi Jinping jouent l’unité face au « babillage » du G7 [Sergei Guneyev, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP – Keystone]
Alors que le sommet du G7 a été torpillé par Donald Trump à la toute fin de la réunion, les dirigeants russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping ont eux affiché dimanche leur unité et loué l’expansion de leur bloc asiatique.

Source : Vladimir Poutine et Xi Jinping jouent l’unité face au « babillage » du G7 – rts.ch – Monde

Cette photo de Valdimir Poutine et Xi Jinping contraste largement avec celle qui restera probablement la photo du sommet du G7 à Charlevoix.

Photo prise le deuxième jour du sommet des G-7 meeting à Charlevoix, Canada.(Steffen Seibert/Ministère allemand de l’information).
Comme l’indique le Washington Post :

« Il y a eu des centaines, sinon des milliers, de photos prises au sommet du Groupe des Sept à Québec ce week-end, un rassemblement de deux jours de dirigeants d’États membres pour discuter de tout, des changements climatiques à la politique commerciale internationale.

Mais l’une d’entre elle en particulier s’est distinguée après sa publication samedi et a ricoché autour d’Internet pour sa composition surréaliste.

Sur la photo, la chancelière allemande Angela Merkel se tient derrière une longue et étroite table, les deux mains pressées fermement dans sa surface au sommet de certains documents qui sont inclinés dans tous les sens. Avec une expression aussi neutre que possible, elle regarde directement le président Trump, qui est assis de l’autre côté de la ligne de partage. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)

Source : The G-7 summit, summed up in one photo | Washington Post

Sur l’interprétation de l’attitude de Donald Trump, l’avis de Damian Paletta et Anne Gearan, toujours du Washington Post :

« Il n’a pas reculé, ni émoussé ses critiques, et malgré les références aux prénoms « Angela » et « Justin », Trump a peu fait pour masquer sa méfiance à l’égard du modèle international de consensus sur les affaires mondiales que représente le G-7.

… Trump s’était plaint aux assistants avant la réunion qu’il ne voulait pas assister aux conférences des autres leaders, et il a réfléchi à l’idée d’envoyer le vice-président Pence à sa place.

Il est arrivé à la réunion en retard et est parti tôt, tenant une conférence de presse en solo le samedi matin où il a donné l’ultimatum commercial et a dit que la taille de l’économie américaine signifie que les autres nations ne peuvent pas gagner une guerre commerciale. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)

Source : Trump removes U.S. from G-7 joint statement over escalating feud with Canada’s Trudeau | Washington Post

Plus largement que la posture photographique de Donald Trump, l’analyse sur le fiasco de la conférence par Jennifer Rubin, chroniqueuse du Washington Post apportant une perspective de centre-droite (titre de son blog : Right Turn) :

« Après le comportement atroce et irrationnel du président Trump qui a conduit au sommet du Groupe des Sept, la désintégration de l’ordre mondial libéral en place depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la possibilité d’une grave crise internationale ne semblent plus difficiles à imaginer. Le président, insensible à l’histoire, ignorant des faits et guidé par des flagorneurs, n’a pas été forcé de s’attaquer au monde réel ni d’entendre des points de vue qui ne coïncident pas avec sa vision du monde tordue, dans laquelle les alliés nous arnaquent et les hommes forts agressifs doivent être admirés et accommodés. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)

Source : After Trump’s G-7 summit fiasco, be afraid | Washington Post

Pour Jennifer Rubin,

« Trump a démontré une fois de plus qu’il est erratique et indigne de confiance – avec ses propres alliés ! Le contraste entre sa relation antagoniste avec les alliés démocratiques et le fait qu’il n’a jamais dit un seul mauvais mot à propos de la Russie défie toute explication, à moins que l’on accepte la théorie selon laquelle il est endetté d’une manière ou d’une autre envers le président russe Vladimir Poutine, dont la campagne pour interférer dans les élections américaines a aidé à faire atterrir Trump à la Maison-Blanche. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)

De toutes les façons possibles, il n’y a pas de raison de se réjouir pour l’Europe et le Japon. Et la photo de ce sommet symbolisera peut-être la fin peut-être de l’ordre mondial établit après deux guerres mondiales.

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Roadtrip #Paris Bibliothèque François Mitterrand #night

9 juin 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

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Roadtrip #Paris Bibliothèque François Mitterrand #day

9 juin 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

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Roadtrip #Paris #Bercy

9 juin 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

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 La cocotte de la mémé de Camille Krafft | La Méduse

30 mai 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Très rares sont ceux, de la presse, qui peuvent avec fierté faire état de tentatives d’analyses un peu courageuses sur les excès du personnage Christian Constantin, dont les frasques, les penchants et les ressources ont été soigneusement occultés. Jusqu’à l’article Camille Kraft dans Le Matin Dimanche du 27 mai 2019. Mise en perspective de La Méduse.

Et puis, voilà qu’un matin de mai, un dimanche, à peu de jours d’un vote décisif sur les Jeux Olympiques, une journaliste, une femme, pas n’importe laquelle, le Prix Dumur 2017, sans que rien ne la destinât à cette tâche, décida de peindre dans le détail la méthode de domination instaurée par l’Ayentôt le plus célèbre. Camille Krafft se pencha sur la chose, analysa les éléments du puzzle, décortiqua les aspérités, rassembla les faits, interrogea les gens et visita en Octodure l’empereur.

L’idée magistrale de Camille Krafft, qui devait donner tant de brillance au tableau final, lui fut soufflée à l’insu de son plein gré, par Christian Constantin lui-même. Ulcérée par la « cocotte » que lui lança Cri Cri d’amour au moment où elle s’apprêtait à déguster des asperges blanches, dame Krafft eût pu se rebiffer, quitter la table et exiger de sa rédactrice en cheffe de se consacrer à un autre reportage. Mais, au contraire, elle décida, à ce moment décisif de sa rencontre avec l’objet de son tableau, d’utiliser à bon escient la cocotte.

Lire l’article : https://www.lameduse.ch/2018/05/30/la-cocotte-de-la-meme-de-camille-krafft/

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En Finlande, les SDF disent adieu à la rue

27 mai 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Grâce à sa politique du « logement d’abord », le petit pays du Nord est parvenu à faire baisser durablement le nombre de sans-abri. Un succès qui intrigue ses voisins européens. Un reportage fort intéressant et éclairant du journal Le Monde. Extrait.

Pendant des décennies, le petit pays du nord de l’Europe a fait comme ses voisins, optant pour le « modèle en escalier » : un système où le logement est conçu comme une récompense, au bout d’un long parcours, qui exige de franchir de multiples étapes avant d’y accéder.

Se débarrasser de ses addictions, suivre un traitement contre d’éventuels troubles psychiques et, surtout, montrer qu’on est capable de garder un domicile. « Pour certains, ça fonctionne. D’autres trébuchent et se retrouvent à la case départ, sans domicile et sans que le problème ne soit réglé », remarque le président de la Fondation Y.

Dans le modèle du « Housing First », adopté par la Finlande à partir de 2008, le logement est remis à sa place, considéré tel qu’il est défini dans l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, rappelle Juha Kaakinen : « Comme un droit fondamental. » Ce n’est donc plus l’objectif, mais le point de départ. « On supprime toutes les conditions pour l’obtenir, sachant que, sans logement pérenne, il est quasiment impossible de résoudre ses autres problèmes », explique Paavo Voutilainen, ancien directeur des affaires sociales de la Ville d’Helsinki.

Quand le principe est énoncé en 2007 par un petit comité d’experts qu’il dirige, sa « radicalité » détonne, affirme-t-il. Certains ne supportent pas qu’« on récompense des personnes qui ont fait de mauvais choix dans leur vie ».

Lire l’article du Monde : En Finlande, les SDF disent adieu à la rue

Crédit image : Pixabay. CC0 Creative Commons. Libre pour usage commercial. Pas d’attribution requise

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Bibliothécaire scolaire, une profession en voie de disparition aux USA

26 mai 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Hollifield Station Elementary School Kindergarten. (Howard County Library System, CC, BY NC ND 2.0)
Hollifield Station Elementary School Kindergarten. (Howard County Library System, CC, BY NC ND 2.0)

Aux États-Unis, le système scolaire connaît des heures sombres. De nombreux États voient nombre de leurs professeurs déserter les salles de classe. Seulement, dans l’ombre, les bibliothécaires sont également en très mauvaise position. En cause, des salaires trop bas, des établissements surpeuplés et des politiques d’enseignement trop strictes.

D’après un article du School Library Journal faisant le bilan des données du Centre National des statistiques pour l’éducation, les écoles publiques américaines auraient perdu près de 20 % de leurs bibliothécaires scolaires depuis l’année 2000 soit plus de 10.000 postes.
Au premier rang des grands perdants, les écoles comptant le plus fort taux de population minoritaire. On distingue également les régions les moins bien desservies du pays puisque les financements liés à l’éducation dépendent du montant des taxes foncières.
Source : Bibliothécaire scolaire, une profession en voie de disparition aux USA

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Rétrospective digitale des oeuvres de Frida Kahlo — Google Arts & Culture

25 mai 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Les peintures, autoportraits ou lettres de l’artiste mexicaine et icône féministe Frida Kahlo, sont disponibles dans la plus grande collection en ligne, grâce à une application de Google.

Google Arts & Culture a travaillé avec 33 musées à travers le monde et des experts, pour rassembler plus de 800 objets, des peintures et des images en très haute résolution pour que les internautes puissent voir les détails des peintures.

Divisée en sous-sections qui explorent différents aspects de la femme derrière son oeuvre, la collection digitale « Les visages de Frida » propose une analyse approfondiede ses peintures et explique la personnalité de l’artiste mexicaine, sa relation avec son corps ou encore ses convictions et engagements politiques.

Source : Faces of Frida — Google Arts & Culture

Crédit image : Sans titre de Frida Kahlo. [Google Arts&Culture – Harry Ransom Center]

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L’ensauvagement du web

24 mai 2018 by Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

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Clics et claques.

Arnaud Mercier, Université Paris 2 Panthéon-Assas

Qu’il est loin le temps du discours utopique sur l’Internet ! Loin le temps où des esprits enthousiastes pensaient que la technologie du world wide web avait vocation à servir les idéaux démocratiques, participatifs et autogestionnaires. On a vu, durant la décennie écoulée, combien les logiques mercantiles s’en étaient emparées ; combien certains opérateurs agissaient en prédateurs pour s’assurer un monopole ; combien les groupuscules extrémistes l’utilisaient pour répandre leur haine ; combien les terroristes l’instrumentalisaient pour attirer à eux de nouveaux adeptes ; combien les États avaient eux aussi appris à s’en servir pour en faire un support d’influence ou de déstabilisation ; combien des enfants pouvaient en faire un moyen de cyberharcèlement.

Et si des usages démocratiques et participatifs ont pu éclore çà ou là, force est de constater que le côté obscur de la force est bien représenté dans le cyberespace. Dans l’appropriation sociale d’outils d’expression que sont les réseaux socionumériques comme Facebook, Twitter, Instagram ou 4Chan et Reddit, on constate que les coups portés au processus de civilisation cher au sociologue Norbert Elias (un procès de domestication des mœurs et de contrôle de nos pulsions) sont lourds et constants.

Un processus de décivilisation ?

L’autocontrainte sociale que les États modernes ont réussi à imposer à leurs assujettis se délite peu à peu sous nos yeux. Le vernis de civilisation apposé sur nos mœurs et nos pulsions craque çà et là. Entre « informalisation » (selon le sociologue Cas Wouters), « désinstitutionalisation » (selon les sociologues François Dubet et Danilo Martucelli) ou encore « liquéfaction » (selon le sociologue Zygmunt Baumann), le même constat affleure : une crise de la société entendue comme système d’encadrement collectif, comme dispositif de contrôle des mœurs, comme outil de socialisation pour faire adhérer chacun à un pacte social posé comme protecteur et bénéfique. L’historien des idées François Cusset, dans un ouvrage récent, parle quant à lui de « déchaînement du monde », en proie à un mouvement de « décivilisation ».

Ce qui se dit et s’échange, ce qui est produit et qui circule sur les plateformes de réseaux sociaux sont, à nos yeux, le reflet (parfois grossissant et grimaçant) de cette situation. Le voile de la politesse, du respect d’autrui, de l’écoute réciproque se déchire, laissant apparaître l’hydre du sarcasme, de l’égotisme, de l’injure et de la haine de l’autre. Il faut donc analyser l’ensauvagement du web, cet usage transgressif et agressif des dispositifs numériques d’expression qui rompt avec les règles de civilité ordinaires fondatrices du pacte social.

Mais foin du déterminisme technologique par trop simpliste ! Les plateformes de réseaux sociaux ne sont pas porteuses de tous les péchés contemporains. Il n’y a aucune causalité impérative entre l’expression sur Twitter ou Facebook et la montée des discours haineux. L’usage courtois (comme l’amour, du reste) se peut encore trouver. Il n’en reste pas moins que ces dispositifs technologiques et les mécanismes psychosociaux qu’ils induisent, peuvent favoriser, hélas, les usages malveillants et transgressifs.

L’anonymat dissociatif

Sans induire une hiérarchisation, on peut énumérer une série de dispositifs technologiques appareillés à des mécanismes psychologiques qui expliquent la fréquence de ces comportements transgressifs et agressifs sur les réseaux numériques.

La possibilité offerte de s’inventer des identités en ligne par un pseudonyme est un facteur explicatif important. Car sous couvert de l’anonymat, les couards de toutes obédiences peuvent s’en donner à cœur joie, lâcher leurs mots comme on lâche ses coups, en se sentant intouchables. Et parmi les facteurs favorisant l’effet de désinhibition en ligne, analysé dès 2004 par le psychologue John Suler, ce dernier distingue bien « l’anonymat dissociatif » qui fait que « le moi en ligne devient un moi compartimenté », la séparation de son action en ligne de sa vie réelle développant un sentiment d’impunité.

Troll masqué.
Wikimedia

C’est le cas du cyber harceleur, ou juste parfois de la figure plus anodine du « troll », « moyen de cracher son fiel sans le filtre du convenable et de la bien-pensance » écrivent dans leur récent ouvrage sur les « monstres 2.0 » Pauline Escande-Gauquié et Bertrand Naivin.

L’impunité communautaire

L’agressivité peut aussi résulter des phénomènes communautaires que ces plateformes aspirent justement à créer. Un sentiment de toute-puissance peut émerger chez certains internautes isolés mais confortés par le groupe d’échange auquel ils s’identifient. Les affinités communautaires qui se créent ainsi permettent à des individus de chasser en meute, de harceler une victime expiatrice en se sentant invulnérables grâce au poids du nombre ou confortés grâce au plaisir du partage viral.

« Les insultes, diffusions de rumeurs ou de photos (voire les trois) prennent rapidement des proportions importantes, produisant un effet d’emballement dû à la viralité : envoi initial, puis renvoi par une personne, repartages, captures d’écrans et diffusion sur d’autres réseaux sociaux, commentaires, etc. » écrivent les auteurs du rapport sur le cybersexisme chez les 12-15 ans.

L’effacement du visage d’autrui

Le procès de décivilisation peut aussi être le produit de la situation singulière d’échange discursif où la médiation technologique efface le visage d’autrui de notre champ de vision. Or le visage de l’autre est un frein éthique car pour le philosophe Emmanuel Levinas « le visage est signification » dit-il dans Éthique et infini. Le visage d’autrui est moins vu qu’il n’est d’abord une vision, un regard qui nous voit.

« La relation au visage est d’emblée éthique. Le visage est ce qu’on ne peut tuer, ou du moins ce dont le sens consiste à dire : “tu ne tueras point”. »

Et il poursuit son raisonnement ainsi :

« Dès lors qu’autrui me regarde, j’en suis responsable sans même avoir à prendre de responsabilités, sa responsabilité m’incombe. »

L’absence d’interaction visuelle directe libère donc l’internaute de freins éthiques à l’agressivité verbale envers autrui. Ce mécanisme psychologique est proche de ce que John Suler nomme « l’invisibilité » qui fait que les internautes « n’ont pas à s’inquiéter de quoi les autres ont l’air ou comment ils réagissent en réponse à ce qu’ils disent. »

Autrui reconstruit par notre imaginaire

Dans son analyse de « l’effet de désinhibition en ligne », John Suler évoque le mécanisme de « l’introjection solipsiste » qui correspond au fait que « consciemment ou inconsciemment, une personne peut assigner une image visuelle à ce qu’elle pense être ce à quoi l’internaute ressemble ou comment il se comporte. Ce compagnon en ligne devient alors un personnage dans son monde intrapsychique. »

On ne dialogue alors plus avec une personne réelle de l’autre côté du clavier et de l’écran, mais avec un personnage introjecté qui court dans son imaginaire. Or le fait qu’il devienne le fruit de notre construction psychique favorise la désinhibition voire l’agressivité, puisqu’il n’est plus que le fantasme négatif qu’on s’en est construit, méritant l’injure voire notre haine.

« La levée du refoulement sur la haine »

Cette interprétation rejoint celle de la philosophe et psychanalyste Hélène L’Heuillet qui analyse dans Tu haïras ton prochain comme toi-même, « la levée du refoulement sur la haine ». Elle en voit une des manifestations dans les théories du complot (qui justement pullulent sur Internet).

(Ces théories), en postulant une manipulation cachée et généralisée capable d’expliquer l’ordre du monde et le surgissement d’événements, ont une action libératoire sur la haine. Elles aident à la levée du refoulement de la haine. Le complot a partie liée au ressentiment et à l’envie : ce sont des puissants qui nous manipulent. Elles sont issues de la haine et permettent de se livrer à des actes violents sans être embarrassé par l’affect.

La logique du coup d’éclat permanent

Les métriques associées à nos profils et à nos messages sont aussi un dispositif qui peut induire un relâchement de l’autocontrainte, dans un esprit de compétition. Ces métriques nous placent sous le regard évaluateur de chacun, faisant de chaque message un potentiel test de notre popularité et soumettant à la tentation ceux qui constatent qu’un propos transgressif, qui sort des conventions, y compris jusqu’à l’agressivité, obtient souvent plus de visibilité et de partages qu’un message sobre et pacifique.

La logique du coup d’éclat permanent, avec indicateur de succès immédiat, peut donc pousser à la transgression des règles de l’autocontrainte respectueuses d’autrui.

Le côté obscur de la « culture LOL »

Cela va de pair avec une des facettes de la « culture LOL », qui s’est développée sur ces réseaux. L’affichage d’une posture humoristique ou ironique, distanciée vis-à-vis des faits évoqués et de soi-même est omniprésent dans les messages. L’acronyme LOL (pour « Laughing out loud »), dont l’équivalent francophone serait mort de rire (acronyme : « mdr »), « ponctue les conversations sur le Net ou via les SMS, et annonce l’intention de déclencher un rire. Marqueur de la galaxie numérique, il exprime une tournure d’esprit espiègle qui consiste à ne rien prendre au sérieux et souvent à tourner en dérision les institutions et les personnes de la vie publique », écrit la sociologue Monique Dagnaud.

Tout se passe comme s’il ne fallait pas trop se prendre au sérieux, que la norme de la culture Internet était de jouer le jeu du détachement, de la complicité par le rire, du clin d’œil. Mais cela autorise certains à rejouer à l’envi la course au bon mot, même le plus vachard et humiliant, en aspirant à mettre les rieurs de son côté, en faisant rire non tout le monde, mais seulement certains au détriment d’autres. D’aucuns trouvent amusant de créer en ligne un « insultron.fr » au graphique suggestif, machine à générer automatiquement une injure aussitôt diffusable par un simple clic sur les boutons de partage des réseaux socionumériques.

L’insultron.
insultron.fr

Le bannissement de la subtilité et du temps du raisonnement

Le tempo des usages et la culture de la concision argumentative sont aussi un facteur explicatif. Les habitudes prises de publier des messages courts (quand ce n’est pas le dispositif qui l’impose) bannissent la subtilité du raisonnement au profit d’affirmations péremptoires et souvent offensives.

Il peut en résulter aussi un relâchement lexical que la culture du texto et du mail ont introduit, gommant peu à peu les formules de politesse, les phrases rituelles d’entrée en interaction et de clôture, héritées de l’échange épistolaire, au profit d’un propos direct et épuré, allant droit à l’essentiel (logique d’efficacité face au flux des messages à gérer) mais rentrant aussi plus dans le vif du sujet, en considérant encombrant l’enrobage, superflu l’euphémisation, superfétatoire les marques de respect et de préservation de la face d’autrui.

De même, le tempo effréné de ces plateformes nous soumet à la terrible tentation de l’hyperréactivité, de la réaction à chaud et émotionnelle au lieu de prendre le temps du recul et de la réponse à froid et mesurée. Et si cela est vrai des éructations d’énervement, cela est vrai aussi de l’injonction constante sur la toile à « être cool ». Cela implique un relâchement assumé et accepté des émotions, une spontanéité affective, valorisés comme gage de sincérité, mais qui ne poussent pas à l’autocontrôle.

On touche ici du doigt les perversions du « capitalisme pulsionnel » cher à la pensée du philosophe Bernard Stiegler dont Facebook est devenu le meilleur symbole. L’appel à publier, à commenter, à « liker » en appuyant sur un simple bouton (et même à exprimer d’autres sentiments en choisissant entre six emojis apparues fin 2015, appelées des « réactions »), sont des appels à libérer son énergie libidinale au profit de réactions spontanées et affectives, tout en les partageant avec autrui.

Les six emojis de réaction Facebook.
Facebook

En échange de quoi nous offrons les données concernant nos goûts et dégoûts, nos amis, afin de recevoir la publicité et les contenus les mieux ciblés, ceux les plus proches de nos désirs…

Une somme explosive de ressentiments

Pour conclure, cédons la parole à François Cusset (p. 149-150), remettant le « déchaînement du monde » en lien avec le (triste) sort du « sujet moderne » :

« Pris dans un flux de signes, dans des luttes économiques pour la survie ou pour la distinction, vivant sur les réseaux “sociaux” dans l’informalité complète, l’attention intermittente, le décompte des copains, la désillusion ironique, il s’étonne de sentir monter en lui, par épisodes, l’inconvenance ou la bizarrerie, et de voir la distance civile céder toujours plus de terrain à l’affolement relationnel généralisé, à mesure que la paupérisation guette.

The ConversationLa croyance obligée dans le “bonheur” comme valeur unique ou but accessible, est devenue sa névrose, et compte tenu du mensonge qu’elle charrie, la source d’un ressentiment explosif. […] Tout cela, sans aucun doute, dessine un circuit neuf de la violence, un nouveau rapport du désir à la frustration, du signe à l’affect, de la répression au transfert. Toute une énergétique nouvelle ».

Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris 2 Panthéon-Assas

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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