Alors que la deuxième partie de la campagne promotionnelle du Tintin de Steven Spielberg démarre, André Gunthert s’interroge sur le rapport du film à l’oeuvre. Y a-t-il eu trahison sur l’autel du spectacle hollywoodien? Non explique André Gunthert.
Reprenons à partir de la première bande-annonce:
Dans un premier temps, A. Gunthert met en évidence les écarts entre la bande-annonce et l’univers graphique de la B.D. :
Avec sa bande-son grandiloquente “Sands of Time” par Audiomachine, le goût du détail et la précision déroutante de l’image de synthèse, le penchant pour les clair-obscurs et les jeux d’ombres complexes, ou encore les mouvements de caméra, plongées et perspectives sophistiquées, le trailer est lui aussi très éloigné de l’univers graphique de la BD. Sur le plan narratif, les tintinophiles auront notamment remarqué la dramatisation de la chute de l’avion ou la vision spectaculaire de la Licorne prise dans une tempête qui n’existe pas dans l’album.
Quand à la question de : Faut-il en conclure à l’inéluctable trahison et au sacrifice de l’œuvre sur l’autel du spectacle hollywoodien? A. Gunthert est plus nuancé:
Les choses sont un peu plus compliquées, car si l’on feuillette à nouveau les albums, il apparaît très clairement que Hergé a lui aussi joué la carte du spectaculaire, notamment dans ces épisodes qui font apparaître l’avion et le vaisseau, en décomposant le mouvement à la manière du cinéma, ou en mobilisant des grands formats plus détaillés que les vignettes habituelles.
Pour A. Gunthert,
C’est donc en respectant l’esprit et non la lettre de l’œuvre que Spielberg/Jackson ont surligné les effets visuels. A quelque 70 ans d’écart, les exigences du public en la matière ont beaucoup changé.
Et j’ajoute que le parti pris choisi par Spielberg/Jackson est le parti pris inverse que celui choisit en son temps par Claude Berri avec son film Germinal. Berri avait respecté à la lettre l’oeuvre de Zola, mais en avait trahi l’esprit. Ainsi en avait-il été de la scène des grévistes parcourant la campagne, certes fidèle visuellement à la description de Zola, mais qui perdait toute sa charge de menace sur l’ordre bourgeois.
A. Gunthert en conclut, fort justement, qu’une oeuvre est toujours le produit de son temps (et j’ajoute du medium utilisé) et met en évidence les spécificités de la culture populaire:
les choix esthétiques de Spielberg/Jackson suggèrent que l’historicité de l’œuvre est plus importante que sa narrativité. Ou encore: à l’inverse de la culture savante, qui privilégie la préservation du style original, soit l’inscription dans le contexte normatif et conventionnel d’une époque, la culture populaire préfère adapter l’énonciation de l’œuvre à son environnement contemporain.
Stimulant.
L’entier de l’article : Evolution du spectacle | LAtelier des icônes.
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