Sous les Arches du Grand-Pont.
Photo prise avec Fuji X30, filtre Kodachrome (Flare), f/10.0, iso 400, vitesse 1/6
Voie du Chariot @ Lausanne | Photo du jour
18 novembre 1929: le jour où la Terre a pété un câble | Slate.fr
Détail d’une carte de 1901 sur le réseau mondial de câbles.
Dans la mémoire collective, 1929 reste comme l’année de la pire crise de l’économie capitaliste. Pourtant, elle marqua aussi celle du premier krach de l’ère de linformation, quand un tremblement de terre d’une magnitude de 7.2 a détruit le premier réseau sous-marin de câbles transatlantiques.
Lire l’article 18 novembre 1929: le jour où la Terre a pété un câble | Slate.fr.
Histoire et bande dessinée | La Vie des idées
Et si les historiens et les dessinateurs faisaient équipe ? Pour faire fonctionner ce couple, on peut choisir d’illustrer l’« Histoire ». On peut aussi s’inspirer des enquêtes et reportages dessinés, guidés par un raisonnement, fondés sur des questions originales et des sources neuves. Cet article d’Ivan Jablonka pour «La Vie des idées» présente à la fois différentes catégorie de Bandes dessinées ayant un rapport avec l’Histoire et des propositions de véritables collaborations entre chercheurs en sciences humaines et dessinateurs de Bandes dessinées. Cette collaboration permettrait de renouveler les modes d’enquête et d’écriture des sciences sociales et offre peut-être une réponse à la question Y aller ou pas? relativement à Eric Zemmour, Lorànt Deutsch et consorts.
L’article débute par un premier constat des rapports entre recherches universitaires et Bande dessinée.
Malheureusement, la bande dessinée est souvent considérée comme un art mineur, inapte à véhiculer une pensée complexe. De fait, elle est quasi absente de la réflexion des chercheurs. Elle n’a toujours pas trouvé sa place à l’université, dans les départements de sciences humaines, ni dans les écoles de journalisme. En revanche, des formations existent pour s’initier au « neuvième art », parmi lesquelles les Beaux-Arts de Paris, les Arts Déco de Strasbourg et l’École européenne supérieure de l’image à Angoulême.
Heureusement, Pascal Ory et Serge Tisseron, dès les années 1970, font figurent de pionniers par leur travaux. Signalons plus particulièrement Michel Thiébaut et sa thèse (1997) consacrée à la représentation de l’Antiquité dans la bande dessinée francophone. En effet, certains enseignants d’histoire sont preneur de bande dessinée consacrée à l’Antiquité (Alix plus particulièrement). L’intérêt des chercheurs pour la Bande dessinée sera plus prononcé à partir de la deuxième moitié des années 2000.
Après cette entrée en matière, Ivan Jablonka établit une catégorisation des Bandes dessinée à caractère historique en deux volets :
- La bande dessinée comme reflet d’histoire : «Ces bandes dessinées « historiques » sont plutôt des fictions (ou des docu-fictions) ayant pour théâtre le passé, comme de nombreux romans « historiques » sont des aventures en costumes.»
- La bande dessinée comme enquête : «Les enquêtes dessinées se fixent les mêmes objectifs et rencontrent les mêmes difficultés que le grand reportage, le journalisme d’investigation et la recherche en sciences sociales : il s’agit toujours de comprendre, de prouver et de représenter.»
Ivan Jablonka privilégie la seconde catégorie qui aboutit à sa proposition finale de sciences sociales graphiques. Ceci demande néanmoins et préalablement de
définir les préalables théoriques grâce auxquels un chercheur pourrait cosigner une bande dessinée sans rien abandonner de sa méthode ni de ses exigences.
Il en naîtrait une bande dessinée véritablement historique (ou sociologique, ou anthropologique), c’est-à-dire une enquête dessinée ou des sciences sociales graphiques. Viendra un jour où, sans se ridiculiser ni chagriner leurs collègues, les chercheurs pourront incarner leurs raisonnements dans une bande dessinée, une exposition de photos, une installation vidéo, une pièce de théâtre. Ce dossier s’efforce de les y encourager.
Pour Jablonka, cette «rencontre entre la bande dessinée et les sciences sociales permettrait de renouveler les modes d’enquête et d’écriture, tout en retenant le public qui fuit.» Ceci permettrait également «de refuser les dichotomies faciles, par exemple celle qui oppose l’« Histoire » vulgarisée, éprise de grands hommes pour le grand public, et l’histoire technique et rébarbative des spécialistes». Une manière peut-être de répondre à la question Y aller ou pas? relativement à Eric Zemmour, Loran Deutsch et consorts? ((Rapport à mes billets suivants:
- Y aller ou pas ? Retours sur une expérience télévisuelle (1)
- Y aller ou pas ? Retours sur une expérience télévisuelle (2)
- Pour répondre à Eric #Zemmour sur #Vichy))
L’article : Ivan Jablonka, « Histoire et bande dessinée », La Vie des idées, 18 novembre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Histoire-et-bande-dessinee.html
Y aller ou pas ? Retours sur une expérience télévisuelle (2)
Ce billet en deux parties de «Devenir historien-ne» est né d’une conversation sur Twitter. @BenoitVaillot et @thibault_lh discutaient de l’entretien qu’ils venaient d’accepter de donner à un journaliste pour une émission de télé. Il échangeaient sur leurs doutes et les raisons qui les avaient poussés à accepter. C’est alors qu’il leur a été demandé par Emilien Ruiz s’ils seraient partant pour écrire un billet de « retour d’expérience ».
Il se trouve en effet que l’entretien concernait les usages de l’histoire et le succès de figures médiatiques telles que Lorànt Deutsch (principal invité de l’émission) et Éric Zemmour, soit un thème traité depuis quelques temps par Devenir historien-ne.
Fallait-il y aller ou pas ? Dans le premier de leur billet, les deux historiens y répondaient et expliquaient leur choix ((http://lyonelkaufmann.ch/histoire/2014/11/07/y-aller-ou-pas-retours-sur-une-experience-televisuelle-1/)). Ce premier billet a suscité plusieurs réactions et échanges intéressants, notamment à travers un billet d’Aurore Chery ou un autre de Michel Deniau sur son blog.
Dans leur deuxième billet, ils reviennent sur cette expérience à la lumière d’une analyse de l’émission après diffusion.
Leur constat est sévère :
TLV. Le dispositif de cette émission était donc entièrement conçu pour que la parole contradictoire que nous apportions soit, sinon discréditée, au moins écartée. Nous avons eu le mauvais rôle, quand bien même nous ne faisions que présenter des avis assez largement partagés par les chercheurs et enseignants en histoire (encore une fois, l’essentiel a été coupé au montage). Il était toutefois intéressant de voir qu’une émission de divertissement se soit saisie d’un sujet comme l’histoire, tout comme il était évident que ce ne serait pas le lieu d’un débat serein et constructif.
[…]
Au vu des choix de la production et de l’organisation de la séquence, les conditions n’étaient donc pas réunies pour que le sujet soit traité de manière partiale, il y avait un parti pris en faveur des invités et de leurs ouvrages et émissions.
Plus encore
BLV. Mais, en réalité, le but de cette émission n’est pas de parler de l’histoire et des éventuelles critiques légitimes que l’on pourrait adresser à des historiens, mais bien de remettre en cause de façon cohérente et globale toute une politique de l’enseignement de l’histoire. L’émission visait à asseoir un propos politique réactionnaire et non à discuter des usages sociaux de l’histoire.
Alors fallait-il en définitive y aller ou pas ?
BLV. L’émission à laquelle nous avons participé soulève de nombreuses interrogations — certaines anciennes (cf. Pierre Bourdieu). Je persiste à penser qu’il faut prendre le risque d’intervenir dans les médias, d’autant que ce qui est en jeu dans ce type d’émission, c’est la légitimité même de l’enseignement de l’histoire — et a fortiori des sciences humaines et sociales. Il n’est pas étonnant, par exemple, que dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche, les récentes politiques publiques et les choix budgétaires soient défavorables aux sciences humaines et sociales. Une petite musique — entendue dans l’émission — est à l’œuvre depuis quelque temps maintenant ; elle fait entendre que l’histoire n’est pas une « science dure » et que les historiens ne servent en définitive à rien ou alors à si peu. Et puis, à quoi ça sert de chercher en histoire ?
Lire les propos et l’article de Benoit Vaillot et Thibault Le Hégarat : Y aller ou pas ? Retours sur une expérience télévisuelle (2) | Devenir historien-ne
Ouvrages : Réformation et Luther
Deux ouvrages importants, parus en allemand et consacrés à la Réforme ou à Luther, viennent d’être publiés en français.
Martin Luther : rebelle dans une époque de rupture par Heinz Schilling
Avec cet ouvrage de référence, on sort de l’histoire religieuse « ecclésiastique », en général apologétique, pour faire la biographie et le portrait d’ « un homme qui était marqué par son temps et qui a marqué son temps ». Ce qui signifie que Martin Luther est fortement replacé dans son contexte multiple – historique, géographique, social, économique, culturel, politique et religieux – et dans l’état des mentalités de son temps. D’autre part, que la Réforme du réformateur de Wittenberg est replacée aussi dans le contexte des autres réformes de son temps, et notamment celle du catholicisme – dont certaines ont commencé dès la fin du XV° siècle. Cela signifie aussi absence de complaisance pour marquer les limites du personnage Luther et de la Réforme – par exemple son caractère très européen alors que de nouveaux mondes opèrent, en Espagne et au Portugal, dans le sens d’une mondialisation du christianisme ; ou encore ses conflits internes innombrables, au sein même de la « confession » protestante naissante, avec ses compagnons de foi. Néanmoins, cette biographie qui réunit une énorme documentation est aussi très « empathique » pour son héros, un génie religieux dont elle restitue avec précision le parcours.
Heinz SCHILLING (né en 1942) est un historien allemand internationalement reconnu. Il a été professeur à Bieldefeldt, Osnabrück , Giessen et à la Humdoldt Universität de Berlin, dont il est émérite depuis 2010. Spécialiste des débuts de la période moderne (XVI° – XVII siècle) en Allemagne, il est considéré comme « la » référence de l’époque dite « confessionnelle », c’est-à-dire de l’époque qui vient immédiatement après la Réforme et qui se caractérise par une division politique des Etats voire des régions européens selon la confession du prince, en suivant la formule bien connue cujus regio ejus religio. Les travaux de H. Schilling sur le confessionnalisme ont profondément renouvelé la question.
Schilling, H. (2014). Martin Luther : rebelle dans une époque de rupture. Paris: Salvator. 29 €
Histoire de la Réformation par Thomas Kaufmann
Depuis sa parution en Allemagne en 2009, cette histoire de la Réformation de Thomas Kaufmann s’est imposée comme l’ouvrage de référence sur le sujet, salué unanimement dans les grands médias et la presse spécialisée. Son édition française vient à point nommé remplacer nombre de manuels désormais datés sur cette période ou inscrits dans des approches plus sectorielles. Très attentif aux débats historiographiques contemporains, le livre refuse toutes les interprétations idéologiques de la Réformation qui cherchent à y lire soit la naissance du monde moderne, soit une péripétie du Moyen Age finissant, pour étudier le phénomène historique dans toutes ses complexités et singularités. Outre les aspects politiques et théologiques, l’auteur accorde une grande importance à l’histoire sociale, des pratiques religieuses et des médias (développement de l’imprimerie). Cette pluridisciplinarité lui permet de tracer une fresque différenciée et extrêmement riche de cette époque cruciale de l’histoire européenne.
Kaufmann, T. (2014). Histoire de la Réformation. Genève : Les Editions Labor et Fides, 850 pages. chf 69.- ou €49.-ISBN: 978-2-8309-1503-7
Voir la vie en rose | Photo du mois
Ce mois, le thème Voir la vie en rose, a été choisi par Arwen (http://www.chiffonsandco.fr ).
Voici mon acceptation du thème. La photo a été prise en Normandie le 15 octobre. Illustration que même un jour d’automne pluvieux, il est possible de voir la vie en rose…
L’interprétation de mes confrères et consoeurs :
Lavandine, Lyonelk, KK-huète En Bretannie, François le Niçois, Pilisi, Frédéric, Ann, Woocares, Chloé, Alban, Les Filles du Web, Agathe, Cara, Calamonique, Akaieric, Isa ToutSimplement, Guillaume, Agrippine, Christophe, Blogoth67, Renepaulhenry, La Nantaise à Paris, Morgane Byloos Photography, Tataflo, Memories from anywhere, Eurydice, princesse Emalia, Laurent Nicolas, Vanilla, Blue Edel, Philae, Destination Montréal, Maria Graphia, Marmotte, Céline in Paris, Champagne, Estelle, Photo Tuto, Lavandine83, Arwen, Sailortoshyo, MissCarole, Isaquarel, Ava, Thalie, Mamysoren, hibiscus, Mahlyn, A’icha, La Dum, Les bonheurs d’Anne & Alex, MauriceMonAmour, Testinaute, Rythme Indigo, Cécile – Une quadra, Giselle 43, BiGBuGS, Brindille, Gilsoub, Fanfan Raccoon, La Fille de l’Air, Xoliv’, Louisianne, Cécile Atch’oum, E, Lau* des montagnes, Julia, Nanouk, Luckasetmoi, Tuxana, Marion, Isa de fromSide2Side, Salon de Thé, Josiane, Milla la galerie, Eva INside-EXpat, Yvette la Chouette, Krn, Chat bleu, Autour de Cia, Mimireliton, Bestofava, Dame Skarlette, Cocazzz, El Padawan, Laurie, DelphineF, Marie, Angélique, Anne, Alexinparis, Tambour Major, CetO, Nicky, Pixeline, Aude, Agnès, Laulinea, Sandrine, Dr. CaSo, Voyager en photo, Crearine, Sylvie, Gize
h, magda627, Cricriyom from Paris, Loulou, Kenza, Josette, Homeos-tasie.
14-18 : revue de presse du 11 novembre
Les commémorations de 14-18 battent leur plein plus particulièrement en ce 11 novembre. Revue de presse subjective d’articles actuels ou de 2014 sur le conflit.
Documentaire. En mémoire de ces «Poilus d’ailleurs» | Mediapart
Ils venaient de tous les coins du monde, enrôlés de gré ou de force pour se battre dès 1914 contre la Triple Alliance, en défense d’un pays qui les avait colonisés. Avec ce documentaire, Mehdi Lallaoui rend hommage à ces combattants oubliés qui, en ce centenaire de la Première Guerre mondiale, n’ont même pas eu droit à une véritable reconnaissance.
1914-1918 : la mémoire ou l’oubli ? Entretien avec Nicolas Offenstadt par La Vie des idées
Acteur de la commémoration de la Grande Guerre, l’historien Nicolas Offenstadt revient pour la Vie des idées sur le travail qui est pour lui celui de l’intellectuel spécifique : introduire une référence historienne dans un espace public saturé d’activisme mémoriel. Il est interviewé par La Vie des idées.
Sur les trois registres de la commémoration en France :
Il y a en fait trois registres de commémoration, que le gouvernement utilise à tout de rôle ou simultanément, selon les contextes : le registre patriotique du roman national ; le registre franco-allemand, celui de l’amitié ; le registre international, celui de la paix mondiale. L’armée, quant à elle, essaie de reprendre la main en mettant en avant une approche plus « défense nationale » du conflit. Ca a été très sensible le 6 septembre, au moment de la célébration « 100 villes – 100 héros – 100 drapeaux », organisée par le Ministère de la défense. Pour commémorer la bataille de la Marne, on a choisi des héros de guerre, répartis sur tout le territoire, et on les a célébrés, notamment dans les casernes, dans une ambiance très militaire. L’autre moment, c’est la cérémonie de fin de bataille de la Marne, le 12 septembre, exclusivement française, à l’encontre de toute une tradition. L’armée était centrale dans le dispositif de la cérémonie. Le discours de Manuel Valls était centré sur le patriotisme, et il aurait pu être fait il y a des décennies. À ces deux moments, on sent une vraie remilitarisation du discours, qui suscite des doutes certains chez les militants de la mémoire de guerre. D’ailleurs, les références socialistes sont très absentes dans les discours gouvernementaux. Jaurès est mentionné, mais les socialistes et les syndicalistes qui se sont opposés à la guerre sont clairement marginalisés. Or, le choix a été fait de commémorer l’essentiel de la commémoration par l’État en 1914 : 28 juin, Sarajevo, 14 juillet, 3 août, 12 septembre, 11 novembre. Cela peut changer. Mais ça signifie que les discours plus pacifistes qu’on pourrait attendre autour de Verdun en 2016 ou 2017 ne devraient pas être le fait de l’État.
Dans l’interview, il termine en indiquant que «pour les historiens, un enjeu de taille tient dans l’écriture d’une histoire véritablement mondiale de la Grande Guerre».
Grande Guerre : quand les Canadiens-Français refusaient de s’enrôler | France24
© www.museedelaguerre.ca | Affiche de recrutement avec un fantassin canadien et un soldat français
France24 a choisi de présenter un aspect méconnu du conflit avec la crise de l’enrôlement au Québec. En effet, de nombreux Canadiens-Français, qui ne se sentaient proches ni des Britanniques ni des Français refusèrent de s’engager dans le conflit.
À l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, le ministère français de la Défense avait organisé, le vendredi 4 avril 2014, une journée d’études sur la place du Québec lors de la Première Guerre mondiale. Au cours de ce colloque, les historiens invités ont notamment abordé la crise qu’a connue cette région francophone à la suite de la conscription instituée au Canada en 1917. Relativement peu connue en France, cette période de tension a pourtant durablement influencé la société québécoise.
Grande Guerre. La transposition de la 1ère guerre mondiale au cinéma aide-t-elle à comprendre ce moment décisif de l’histoire | France Culture
Emission de France culture autour de l’ouvrage de Josepha Laroche (2014). La Grande Guerre au cinéma. Un pacifisme sans illusions. Paris: L’Harmattan. Dans son ouvrage, Josepha Laroche analyse vingt films en autant de courts chapitres de structure identique. Tout d’abord, elle présente les conditions de réalisation du film et l’intrigue générale. Puis elle soulève une question d’ordre sociopolitique contemporaine. Par exemple, Les sentiers de la gloire posent la question de la réhabilitation des fusillés pour l’exemple. Un compte-rendu : http://lectures.revues.org/15486.
L’émission : Grande Guerre. La transposition de la 1ère guerre mondiale au cinéma aide-t-elle à comprendre ce moment décisif de l’histoire.
Revue de presse : Concours « Première Guerre mondiale » pour les classes suisses : projets récompensés
Berne, 07.11.2014 – Le concours lancé par le président de la Confédération Didier Burkhalter en mars 2014 à l’occasion du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale a été remporté par trois classes, l’une de Liestal, l’autre de Morges et la troisième de Tenero. Dans toute la Suisse, des élèves se sont penchés sur le thème de la « Grande Guerre », et ont soumis des projets. Les classes récompensées se rendront la semaine prochaine à Ypres, en Belgique, et y rencontreront le président de la Confédération le 14 novembre 2014. Ypres a été le théâtre de batailles sanglantes pendant la Première Guerre mondiale.
L’information : Concours « Première Guerre mondiale » pour les classes suisses : projets récompensés.
Pour répondre à Eric #Zemmour sur #Vichy
En laissant complaisamment Eric Zemmour redonner ses lettres de noblesse à cette pourriture qu’a constitué le régime de Vichy, nous nous préparons à des lendemains difficiles. Le documentaire de Jérôme Prieur “Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé” est probablement une des meilleures réponses aux propos ignominieux d’Eric Zemmour.

C’est un article de Télérama ((François Ekchajzer. Regardez “Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé”, un documentaire de Jérome Prieur | Télérama 08.11.2014.)) qui m’a amené à visionner le documentaire poignant de Jérôme Prieur “Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé”. Le documentaire dure 1h23 et peut être visionné en entier sur DailyMotion :
http://www.dailymotion.com/video/x28h3hp_helene-berr-une-jeune-fille-dans-paris-occupe_tv
Hélène Berr commence son journal le 7 avril 1942. Elle a eu 21 ans le 27 mars. Elle ne sait pas qu’elle n’a plus que deux ans à vivre, mais elle sait que la menace est là, « comme dans un mauvais rêve ». Etudiante brillante, elle ne peut pas passer l’agrégation d’anglais, car elle est juive, et le statut des juifs qui vient d’être promulgué par le régime de Vichy l’en empêche. Elle doit porter l’étoile jaune, elle se voit montrée du doigt dans la rue. Dans le documentaire de Jérôme Prieur, ses réflexions sur cette stigmatisation sont accompagnées d’images prises dans les rues, qui font honte. Il y a là une certaine horreur française, dans l’abstention, dans le consentement à ce statut des juifs, à la « brutalité de la discrimination » dont parle Hélène Berr. On s’arrête un moment sur ce panneau : « Parc à jeux. Réservé aux enfants. Interdit aux juifs ». Pas même un graffiti pour rayer cette mention ((‘‘Par délicatesse / J’ai perdu ma vie » | non-fiction.fr.)).
Sans difficulté, le journal d’Hélène Berr comme les images d’archives de Jérôme Prieur démontent la thèse, remise au goût du jour par Eric Zemmour, selon laquelle le régime de Pétain aurait servi de « bouclier » à l’Occupation allemande ((La version 2014 du «bouclier» par Eric Zemmour consiste à affirmer que si des Juifs français ont été épargnés, c’est parce que le gouvernement de Laval et Pétain, victime des exigences allemandes, avait opté pour une solution intermédiaire : sacrifier les Juifs étrangers pour sauver les Juifs français. Il en découle une plaidoirie de Zemmour sur l’habileté politique de l’Etat pétainiste. En ce sens, Eric Zemmour est bien un descendant de cette droite française «vichyste».)). Hélène Berr et le documentaire montrent à quel point toutes les différentes humiliations progressives à l’égard des Juifs en France (Français ou non) et leur enchaînement sont le fait d’une collaboration constante entre les autorités allemandes et françaises et mettent en place un projet idéologique et politique qui, depuis longtemps revendiqué par une partie de la droite, accompagnait pleinement la politique d’Occupation allemande en France.
Quand le documentaire nous donne à voir matériellement les différents décrets pris par les autorités françaises ou allemandes ou que les actualités nous présentent Pierre Laval main dans la main avec les autorités allemandes lors du premier échange «prisonniers français contre travailleurs français pour l’Allemagne», le journal d’Hélène met ces faits et documents en perspective au travers de leur réception et de leur vécu par cette jeune femme brillante.
Il en est ainsi lors de l’évocation concrète de l’application sur ses habits de la pose de l’étoile jaune sur ses habits et de sa vie en société qui s’en suit. Ce passage vaut tous les discours sur l’entreprise de déshumanisation en cours. Ainsi, le 23 juin 1942, son père ((Raymond Berr, ingénieur des Mines, vice-président directeur général de Kuhlmann, décoré de la croix de guerre et de la légion d’honneur, est arrêté par la police et interné à Drancy.)) est arrêté par des policiers français parce que son étoile est mal cousue ((Chaque Juif dispose de trois étoiles en tissus à fixer sur ses habits.)); sa femme l’avait en effet installée à l’aide d’agrafes et de pressions afin de pouvoir la mettre sur tous les costumes… Pour ce fait, Raymond Berr passera trois mois en prison et ne sera libéré en septembre que contre une caution. Hélène Berr a alors ces phrases :
«Nous vivons heure par heure, non plus semaine par semaine»
puis, en juillet :
«Quelque chose se prépare, quelque chose qui sera une tragédie, la tragédie peut-être.»
Et, plus tard, lorsqu’un employé de métro enjoint Hélène de changer de wagon conformément aux dernières directives publiées, il n’est évidemment plus possible d’invoquer le mythe du bouclier français…
Si les autorités françaises et allemandes commencent par déporter des Juifs étrangers vivant en France ((Et là également les autorités commencent par faire des distinctions entre les nationalités avant de planifier la déportation de tous les Juifs étrangers vivant en France.)), l’arrestation de son père indique bien qu’il ne s’agit que d’une étape dans l’entreprise de déportation. Comme lorsqu’en novembre 1943, Hélène évoque l’arrestation par les gendarmes d’un… bébé de 2 ans qui revient chercher 5 enfants pour que le cota du jour de 1000 soit atteint ((Cette arrestation et ce gendarme illustrent l’époque où Laval, au motif qu’il ne fallait pas séparer les familles, livra également les enfants aux Allemands. C’était ça ce régime de Vichy que veut réhabiliter Eric Zemmour.)) :
«Qu’on en soit arrivé à concevoir le devoir comme une chose indépendante de la conscience, indépendante de la justice, de la bonté, de la charité, c’est là la preuve de l’inanité de notre prétendue civilisation.»
Elle pose alors ce constat
«comment guérira-t-on l’humanité autrement qu’en lui dévoilant d’abord toute sa pourriture, comment purifiera-t-on le monde autrement qu’en lui faisant comprendre l’étendue du mal qu’il commet ?»
En laissant complaisamment Eric Zemmour redonner ses lettres de noblesse à cette pourriture, nous nous préparons à des lendemains difficiles. Disons-lui «stop» pour qu’Hélène ne meurt pas une deuxième fois et que son témoignage ne soit pas vain ((Le 8 mars 1944, Hélène et ses parents sont arrêtés, et déportés le 27 mars, le jour de ses 24 ans. Tous mourront en déportation, Hélène en avril 1945, à Bergen-Belsen, quelques jours avant la libération du camp. Battue à mort par une gardienne parce qu’elle ne s’était pas réveillée, ce matin-là.)).
A lire : Journal, d’Hélène Berr, préface de Patrick Modiano, suivi de Hélène Berr, une vie confisquée, par Mariette Job. Éditions Tallandier, janvier 2008. (ISBN 978-2-84734-500-1). Réédité en format de poche aux éditions Points, en mai 2009 (également disponible en « édition scolaire »).