Poursuivant ma route en direction de l'Avenue de Cour et de mon bureau, je traverse enchanté la Place de Milan et j'admire le changement de décor.


Cette fois, la neige s’est véritablement installée en plaine. Le décor change. À mon arrivée à Lausanne, les flocons virevoltent.

Même cette terrasse change d’aspect avec la neige. Je m’interroge : le besoin des fumeurs sera-t-il si fort jusqu’à en modifier ce décor ? Le mystère reste entier.
Vous reprendrez bien un peu de terrasse en neige.

Ma lecture du jour est pour Marceline Loridan-Ivens, Et tu n’es pas revenu.

« Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas », lui a dit un jour son père, alors qu’à Drancy, au début de l’année 1944, ils attendaient, parmi des centaines, des milliers d’autres Français juifs, le convoi qui allait bientôt les emmener vers l’est. Quelques semaines plus tard, Salomon (Shloïme était son prénom en yiddish) Rozenfeld et sa fille, Marceline, 16 ans, étaient déportés en Pologne, lui à Auschwitz, elle dans le camp voisin de Birkenau. Shloïme Rozenfeld ne s’était pas trompé : il n’est pas revenu. Il a disparu quelque part, du côté de l’actuelle République tchèque.
Et tu n’es pas revenu est une lettre au père, dans laquelle Marceline Loridan-Ivens – à quatre mains avec la journaliste et romancière Judith Perrignon – raconte à celui qui n’est pas rentré sa propre captivité, son retour en France, sa vie d’après. Plus exactement, l’impossibilité d’une vie après.
Extrait :
« J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. Ainsi je retourne vers l’enfance, vers l’adolescence qu’il ne m’a pas été donné de vivre, et c’est normal à mon âge.
Il y a deux ans, j’ai demandé à Marie, la femme d’Henri : « Maintenant que la vie se termine, tu penses qu’on a bien fait de revenir des camps ? » Elle m’a répondu : « Je crois que non, on n’aurait pas dû revenir. Et toi qu’est-ce que tu en penses ? » Je n’ai pas pu lui donner tort ou raison, j’ai juste dit : « Je ne suis pas loin de penser comme toi. » Mais j’espère que si la question m’est posée à mon tour juste avant que je ne m’en aille, je saurai dire oui, ça valait le coup. »
Et tu n’es pas revenu de Marceline Loridan-Ivens, Judith Perrignon.

Histoire des coureurs de bois. Amérique du Nord, 1600-1840 de Gilles Havard aux Indes savantes, « Rivages des Xantons – Mondes atlantiques », 2016, 870 p. ISBN : 978-2846544245 Prix : 35 €.

Présentation de l’éditeur :
« Coureurs de bois, voyageurs, traiteurs, hommes du Nord, mangeurs de lard, hommes libres, chasseurs des montagnes : ces appellations pittoresques témoignent d’une Amérique oubliée, celle d’avant la conquête de l’Ouest. D’origine européenne, les hommes qu’on désignait ainsi sillonnaient le Nouveau Monde en quête de pelleteries, séjournant et parfois hivernant parmi les Amérindiens. De la Caroline du Sud au Mississippi, de la vallée du Saint-Laurent aux Rocheuses, ils formaient des sociabilités itinérantes et masculines, étroitement associées aux communautés autochtones. Restituer leurs circulations, c’est repenser la construction des sociétés coloniales dans leur rapport à l’espace, à l’ordre et à l’altérité, et mettre au jour des expériences singulières de la masculinité, comme d’une certaine forme de liberté. Suivre leurs traces, c’est aussi donner à comprendre les voies multiples de l’indianisation et du métissage et rendre compte d’une Amérique insolite où se côtoient langue de Molière et langues amérindiennes. Dans la perspective de l’anthropologie classique, Histoire des coureurs de bois ouvre par ailleurs une fenêtre sur d’autres formes de rationalité, qu’il s’agisse des pratiques d’échange, des lois de l’hospitalité, des relations entre les sexes (y compris les plus intimes), ou encore des fondements de la violence au sein des sociétés amérindiennes.
Le lecteur est ainsi convié au dévoilement d’une aventure interculturelle intense et méconnue, longue pourtant de deux siècles et qui s’est jouée sur tout un continent. »
L’auteur :
Gilles Havard est historien, directeur de recherche au CNRS. Ses travaux portent sur l’histoire des relations entre Européens et Amérindiens en Amérique du Nord (XVIe-XIXe siècle). Son dernier livre, Histoire des coureurs de bois (Amérique du Nord, 1600-1840), a été publié en février 2016 aux Indes Savantes. Il a aussi publié The Great Peace of Montreal of 1701 (Mc Gill Queens University Press, 2001), Empire et métissages. Indiens et Français dans le Pays d’en Haut, 1660-1715 (Septentrion/PUPS, 2003) et co-écrit Histoire de l’Amérique française (Flammarion, 2003 ; 3 rééd.).
Le lecteur intéressé pourra compléter cette lecture avec Un continent en partage. Cinq siècles de rencontres entre Amérindiens et Français. (2013). Sous la direction de Mickaël Augeron, Gilles Havard, 2013, 644 pages. ISBN : 978-2-84654-356-9. Prix : 39,00 €.

Présentation de l’éditeur :
Un arrière-petit-fils du chef apache Geronimo qui vient se recueillir sur les plages du Débarquement ; des Indiens de Louisiane qui reçoivent une délégation de sénateurs français dans la langue de Molière ; un Arikara du Dakota du Nord qui se déclare « Frenchman » ; des indianophiles français qui, le week-end, vivent sous un tipi… Pour rendre compte de la variété et de la densité de ces instantanés du temps présent, il faut s’immerger dans la riche et longue histoire des relations entre Français et Amérindiens. Cet ouvrage collectif, où se joue le récit d’un continent en partage, entrecroise plusieurs thématiques : l’histoire coloniale française, des premiers voyages d’exploration du Nouveau Monde aux exhibitions de « Sauvages » sous la IIIe République, en passant par l’aventure de la Nouvelle-France ; les périples d’Amérindiens sur le sol français, du XVIe siècle à nos jours ; le rôle de l’américanisme dans la réflexion ethnologique française, de Jean de Léry à Claude Lévi-Strauss ; les héritages linguistiques, littéraires ou philosophiques des rencontres franco-indiennes ; la mémoire contemporaine qu’ont les autochtones d’Amérique du Nord de leurs alliances avec les Français ; ou encore la place des citoyens amérindiens de Guyane dans la République française. Se dégage au final une peinture souvent inattendue d’itinéraires et de destins croisés qui nous transporte de la France aux Amériques indiennes sur une période de cinq siècles.
Source : Les Indes savantes

Si le soleil brillait ce matin après une deuxième nuit froide, celui-ci a disparu progressivement en début d’après-midi. Froidure et grisaille n’incitent guère à sortir, mais bien plutôt à profiter du confort de son salon.
Installé dans un bon fauteuil, je me laisse glisser dans l’univers ouaté de Kate Bush.

Extrait de l’album (Love and Anger) :
https://youtu.be/cyW4nzPgQuQ
La musique accompagne fort bien ma lecture du moment. Je suis plongé dans un autre hiver, celui de la forêt suédoise, à l’époque du solstice d’hiver.

Sur le livre :
À soixante-six ans, Fredrik Welin vit reclus avec sa chienne et sa chatte depuis une décennie sur une île balte. Hanté par le souvenir d’une erreur tragique qui brisa sa carrière de chirurgien, il s’inflige chaque matin une immersion au fond d’un trou creusé dans la glace. Mais cette routine est interrompue par l’intrusion d’Harriet, qu’il a aimée et abandonnée trente-sept ans plus tôt. Mourante, elle exige qu’il tienne sa promesse : lui montrer un lac forestier. Frederik ne le sait pas, mais sa vie vient de recommencer.
Nous faisons tellement de mal à nos enfants qu’à la fin ils n’ont plus d’autres moyen d’expression que la violence. Dans le temps, c’était réservé aux garçons. Aujourd’hui, nous avons des gangs de filles qui n’hésitent pas à employer des méthodes qui font vraiment froid dans le dos. C’est la plus grande des défaites. Que des filles soient amenées, par désespoir, à croire que leur salut consiste à se comporter comme les pires des garçons qu’elles connaissent.
Histoire d’une vie brisée qui retrouve une famille, histoire de la Suède et du monde d’aujourd’hui, Henning Mankell nous offre une vision désabusée du monde où une forme d’humour permet de dépasser l’absurde de la condition humaine. Les paysages sauvages et minimalistes rendent encore plus crus la nature humaine et la solitude dans laquelle vivent les personnages du roman.
Je voulais seulement partir. En surgissant sur la glace avec son déambulateur, Harriet avait rompu le sortilège qui me tenait enfermé depuis si longtemps, de mon propre fait, comme dans une cage. J’avais découvert que ces douze années passées sur l’île étaient des années gâchées, ni plus ni moins : un liquide que j’aurais laissé s’écouler d’un récipient fêlé. Or, il n’y avait pas de retour en arrière, on ne pouvait pas recommencer et faire les choses autrement.
Pour Frederik Welin, c’est aussi le livre de la rédemption et de la réconciliation ou de la rencontre avec les trois femmes de sa vie. Si Frederik Welin est le narrateur dont on suit les pérégrinations, ces trois femmes sont les vraies héroïnes de cette histoire. Ce sont elles qui sont fortes et lucides par leur regard sans complaisance sur Frederik et le monde.

Le photojournaliste indépendant Olivier Maire, collaborateur du Temps et de l’agence Keystone, a photographié durant une année les infrastructures des stations en Valais. Des «verrues» qui pour leurs détracteurs défigurent les paysages alpins. Ses images racontent les mutations d’une industrie touristique, pour qui la neige va devenir une denrée rare et précieuse.

Voir les autres photos : Dans des Alpes sans neige, les «verrues» de l’industrie du ski – Le Temps

Alors que l’on annonce le jour le plus froid de l’hiver, il est agréable de pouvoir se lover confortablement et d’admirer la magnifique salle du Volkhaus de Zürich. Qui plus est l’expresso Macchiatto y est excellent et la nourriture succulente. Et en plus, c’est un haut lieu de la culture syndicale et socialiste depuis plus de 100 ans.
Sur le Volkshaus et son histoire : https://de.m.wikipedia.org/wiki/Volkshaus_(Z%C3%BCrich)

Il y a 26 ans paraissait « Valparaiso », petit ouvrage discret signé du nom d’un photographe alors inconnu, Sergio Larrain. Aujourd’hui, le livre s’échange entre les collectionneurs à des prix faramineux. Les éditions Xavier Barral viennent de publier un remake de l’œuvre originelle, qui n’a pas su convaincre totalement Jean-Christophe Béchet.

Lire : http://www.fisheyemagazine.fr/2017/01/05/dans-la-bibliotheque-de-jean-christophe-bechet-3/
