Lorsque Pierre Milza dénonce « une régression formidable qui pourrait concourir à une amnésie générale », il escamote le fait -défaut regrettable mais assez courant dans la corporation des historiens- que l’histoire scolaire, lorsqu’elle faisait silence sur la colonisation ou la collaboration, sur les croisades ou sur tout autre thème qui mettait à mal le roman national, était précisément le vecteur privilégié de cette « amnésie générale ». Au cours de la Première Guerre mondiale, des millions de jeunes sont morts dans les tranchées, de la façon la plus stupide et la plus inutile qui soit, parce que, écoliers, il avaient été gavés d’histoire, une histoire certes partielle et partiale qui leur faisait voir au-delà des frontières des étrangers, des ennemis, plutôt que des êtres humains. Face aux égarements idéologiques dans lesquels elle s’est longtemps fourvoyée -mais cette période est-telle vraiment révolue ? – on en viendrait parfois à rêver que l’histoire n’eût jamais été enseignée.
Laisser un commentaire