À propos de : Freddy Vinet, La grande grippe. 1918. La pire épidémie du siècle, Vendémiaire
Prise entre les grandes épidémies du passé et l’horreur de la guerre mondiale, la grippe de 1918-1919 a longtemps peiné à être reconnue comme un désastre sanitaire et social majeur. Les réactions face à l’épidémie actuelle témoignent d’un déni récurrent face à une maladie qui déconcerte.
Quelques jours avant de mourir du fléau qui ravage le monde en 1918, Guillaume Apollinaire trouve encore la force d’ironiser sur cette grippe « mondaine » contractée par le roi d’Espagne, Alphonse XIII : « Sans chanter encore victoire, on peut envisager maintenant la fin de l’épidémie. […] La grippe espagnole ne sera plus qu’un mauvais souvenir ». Affaibli par une blessure de guerre, le poète succombe le 9 novembre, alors qu’explose le nombre de victimes de ce qu’on appelle désormais, dans la presse française et anglophone, la « grippe espagnole ».
Appellation peu pertinente car, si la grippe se manifeste de manière virulente en Espagne dès le printemps 1918, son origine se trouve sans doute ailleurs, dans le Midwest américain. Zoonose, c’est-à-dire maladie infectieuse transmise de l’animal vertébré (aviaires, porcins et bovins notamment) à l’homme, la grippe de 1918-1919 appartient déjà au type H1N1, rendue célèbre en 2009 par une éruption qui suscite une inquiétude planétaire. Les forces motrices de la mondialisation et le contexte particulier de la fin de la Première Guerre mondiale, expliquent sa circulation rapide, sur près de deux ans, à travers toute la planète, en faisant la première pandémie véritablement mondiale et laissant entre 50 et 100 millions de victimes.
L’ouvrage consacré en 2018 par l’historien de la santé Freddy Vinet à cette grippe retrace les enjeux d’une maladie dont les contemporains eux-mêmes ont eu du mal à saisir l’ampleur. Il souligne la difficulté à « penser la grippe », alors que la révolution pasteurienne semble triompher des grandes épidémies et que le conflit mondial a concentré l’attention par ses sanglantes moissons. Incrédulité d’autant plus grande que, si la grippe frappe de manière très inégale classes sociales et groupes ethniques, elle fauche en Europe ce qu’il reste d’une jeune génération très éprouvée par la guerre.
Ouvrage : Freddy Vinet, La grande grippe. 1918. La pire épidémie du siècle, Vendémiaire, 2018. 264 p., 22 €.
Lire le compte-rendu : Une grippe à cent millions de morts – La Vie des idées
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