Ce matin, je menais une séance entièrement on-line (c’est-à-dire ici sans présentiel aucun) avec des étudiant-e-s:
- la tâche était fournie à l’aide d’un document Google Documents;
- les étudiant-e-s devaient rédiger une synthèse en créant un nouveau document texte dans Google Documents;
- ils devaient partager ensuite ce document pour que chacun puisse en prendre connaissance et faire des commentaires;
- un mode d’emploi de Google Documents (texte) était fourni sous la forme d’un Diaporama (Google Présentation);
- un chat était mis sur pied: en premier lieu comme soutien on-line lors de la tâche, en second lieu pour la synthèse de la fin de la matinée.
Je précise que c’est la première activité de ce type menée avec ces étudiant-e-s dans le cadre de la formation de ce deuxième semestre. Elle fut riche et j’en remercie pleinement ces étudiant-e-s. Je reviendrai certainement et prochainement sur l’activité et la démarche suivie en cette occasion.
Au travers de leur texte de synthèse et lors de la discussion, la question de la maîtrise technique est une nouvelle fois apparue. Je parle ici de la maîtrise technique des étudiant-e-s soit pour mener l’activité du jour, soit pour la mener en classe avec leurs élèves. Cette question de leur maîtrise technique est clairement pour eux un frein majeur à la réalisation de séquences recourant aux médias et technologies en classe. Cependant, il était relativement cocasse qu’à la suite de cette séance, ils soient demandeurs de cours techniques pour réaliser une séquence comparable à celle de ce matin avec leurs élèves alors qu’ils venaient d’acquérir au travers de la tâche réalisée la maîtrise de Google Documents et de son utilisation collaborative!
Ce matin, ils estimaient par ailleurs lacunaire la formation spécifique des médias et technologies qu’ils reçoivent en formation initiale (remarque d’un-e participant-e dans sa synthèse : «Il faut ici s’intéresser à la formation continue de ces enseignants et aux cours en lien avec les TICE qui manquent parfois de concret»). D’autre part, les spécialistes informatiques dans leur établissement ne paraissent pas être des soutiens sur lesquels ils pourraient compter pour initier une démarche telle que celle vécue ce matin (remarque d’un-e des participant-e-s au chat de ce matin: «il me semble que ce genre de dispositif est rarement mis en place même par les profs d’infos»). Le constat est cruel et ce frein vient même avant la question de l’organisation, de l’énergie-temps que prennent de tels dispositifs ou de l’équipement dans leurs établissements.
Bien évidemment en ces débuts d’enseignement la question pour eux de la maîtrise de la classe est centrale et il est difficile pour eux de lâcher prise sur l’ampleur de la maîtrise technique dont ils devraient faire preuve pour gérer une telle leçon. Néanmoins cette question de la maîtrise technique nécessaire revient quelque soit le type d’enseignant en formation initiale ou en formation continue. Cette question de la maîtrise technique est donc centrale à plus d’un titre concernant le frein à l’intégration des médias et technologies en milieu scolaire, car
- c’est l’identité professionnelle qui est en jeu: l’enseignant-e reste le maître, ce dispensateur de savoir tant d’un savoir «pur» que des savoirs procéduraux;
- c’est la représentation de comment on apprend qui est en jeu: d’abord maîtriser la littératie informatique, les savoirs-faire logiciels, après s’intéresser à ce qu’on peut en faire avec les élèves;
- c’est le modèle institutionnel de l’école qui intervient, car dans ce dernier le savoir du maître précède celui de l’élève dans un modèle bottom-up avec la difficulté (ou la crainte) d’intégrer le fait que les élèves viennent en classe avec des savoirs ou des bouts de savoir sur lesquels ces derniers ainsi que leurs professeurs peuvent s’appuyer.
Cet ensemble d’éléments conduit essentiellement à privilégier le maintien des ordinateurs dans des cartons ou confinés dans des salles informatiques, sanctuaires d’enseignant-e-s chargés de dispenser seuls la bonne parole.
Pourtant, il ne s’agit pas de nier l’importance d’une maîtrise élémentaire de la littératie numérique pour les enseignant-e-s, car il est évident qu’il s’agit de déterminer quel est le niveau de compétence informatique que les enseignants doivent avoir ou ont à acquérir pour être des enseignant-e-s en ce début du 21e siècle. Néanmoins, aujourd’hui et à titre d’exemple, la maîtrise de Google Documents ou de logiciels comparables aux fonctions élémentaires me paraît plus fondamentale que celle très approfondie de la suite Office. Autrement dit, dans de nombreux domaines, les applications du Web 2.0 par la nécessaire épure qu’elles nécessitent pour qu’on puisse travailler en ligne de manière convenable m’apparaissent fournir un horizon intéressant du niveau de littératie élémentaire à acquérir pour les enseignant-e-s. De même, la maîtrise de la vidéo de son téléphone portable est plus fondamentale que celle d’une caméra numérique haute-définition. Ces démarches simplifieront non seulement l’acquisition du savoir technique par les enseignant-e-s, mais également la littératie technique à acquérir par leurs élèves. En définitive, tout cela sera un gain pour se concentrer sur les démarches pédagogiques et les savoirs disciplinaires, ainsi qu’interdisciplinaires à faire acquérir à l’aide des médias et des technologies ou pour comprendre les enjeux d’une société numérique.
Un dernier élément encore. Mes étudiant-e-s sortent de l’Université. Ils sont jeunes. Pourtant leur perception de leur niveau de maîtrise technologique leur fait dire qu’ils sont peu habiles en ce domaine. En cela, ils sont comparables aux étudiant-e-s que je formais dans les années quatre-vingt-dix. Ceci est évidemment un frein à leur formation, car cela s’ajoute aux autres éléments qu’ils doivent acquérir en formation initiale. Mais surtout la conséquence prévisible est que, malgré leur bonne volonté, leur utilisation des outils informatiques en classe devrait rester limitée. Dans quel domaine professionnel peut-on aujourd’hui encore
a) maîtriser si peu les outils informatiques à usage professionnel?
b) ne pas les utiliser quotidiennement dans ses actes professionnels?
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