D’ici demain, Barack Obama entrera peut-être dans l’histoire en devenant le premier afro-américain à accéder à la fonction présidentielle, mais depuis le début de sa campagne il n’a cessé de se positionner par rapport à un ensemble de figures historiques américaines. Cet article vous propose de revenir vers les étapes principales de ce rapport à l’histoire du candidat Obama.
Avec Barack Obama, comme avec Nicolas Sarkozy, le candidat reinterprète l’histoire à sa manière. Cette utilisation de l’histoire lui permet de mettre en scène non seulement sa vision de l’histoire, mais de proposer un récit autour du candidat ce qu’on appelle le Storytelling (Une machine à fabriquer des histoires, par Christian Salmon) [1] Dans la mise en scène de ces rapports à l’histoire, comme pour le reste de sa campagne, les vidéos publiées sur youtube.com sont centrales dans la diffusion de ces messages. Dès le départ de sa campagne, le candidat Obama propose les versions intégrales de ses discours souvent fleuves. C’est probablement une des originalités de sa campagne et de la diffusion de ce récit. Dès le début, Barack Obama non seulement se pose en successeur de figures historiques importantes de l’histoire américaine, mais en pasteur conduisant le troupeau d’abord de ses fidèles avant le peuple américain tout entier vers sa terre promise à l’aide de mots soigneusement choisi et scandé à répétion (Hope – Change – Yes we can…).
Dans la construction de ce nouvel « american dream« , le prologue est constitué par son adresse à la convention démocrate de Boston en 2004 lorsque cette dernière se choisit John Kerry comme candidat face à Georges W. Bush. Il y prononce alors le Keynote, le discours conçu pour enthousiasmer les délégués. Après le discours, A star is born:
Barack Obama à la convention de Boston en 2004
Dès l’annonce officielle de sa candidature le 10 février 2007, Barack Obama se sert de l’histoire pour sa mise en scène. En effet, il ne choisit pas Springfield par hasard. C’est la ville d’Abraham Lincoln. Dans cette ville, alors candidat républicain à la Présidentielle, Lincoln y prononce le 16 juin 1858 un discours qui met en évidence le danger de désunion du pays sur le problème de l’esclavage (« A House Divised Against Itself Cannot Stand« ). Obama se place ainsi sous une auguste figure tutélaire, se pose en rassembleur ainsi qu’en homme par lequel viendra la rupture et le changement. Il représente aussi la dernière marche qui sépare les Afro-Américains de l’émancipation intégrale: l’accession à la présidence des Etats-Unis. Enfin, le décor choisit n’est pas sans évoquer « Mr Smith au Sénat » soit celui qui veut nettoyer les écuries d’Augias à Washington et le discours comprend également un passage sur le nécessaire besoin de changement de Washington et de son rapport aux lobbys. Membre de cet establishment, car sénateur, Barack Obama se construit pourtant une figure anti-establishment qui doit le servir dans les primaires face à la candidate de l’establishment démocrate: Hillary Clinton.
Barack Obama: l’annonce de sa candidature (Springfield, 10 février 2007)
Et le message passe. Le duo Lincoln-Obama fonctionne:
Approches alors les premières primaires et la première d’entre elle, celle du New Hampshire. La victoire d’Obama donne lieu à ce discours de victoire qui martèle le désormais fameux « Yes we can »:
Un style (13 minutes de discours), un ton de pasteur en chair. Avec indéniablement une référence au pasteur Martin Luther King (voir mon billet Révérend Obama?). Discours fondateur et hypnotique, il sera resamplé et repris par le tout aussi fameux clip suivant:
Indéniablement la deuxième personnalité qui va servir d’étalon-historique pour le candidat Barack Obama est le pasteur Martin Luther King. Le calendrier commémoratif américain fait bien les choses puisque, dans la foulée du New Hampshire, le 22 janvier, on commémore le 40e anniversaire de la mort par assassinat de Martin Luther King. Pour chacun des candidats démocrates, c’est un passage obligé. Le discours de Barck Obama ce jour-là à l’Ebenezer Baptist Church:
Mais c’est avec son discours fleuve sur la question raciale (A More Perfect Union) qui définitivement cale le candidat Obama sur la vie et l’oeuvre du pasteur:
J.-F. Kennedy est une autre figure historique tutélaire qui est régulièrement convoquée, par la presse, pour présenter le candidat Obama. D’ailleurs, ce dernier obtient les ralliements de la plupart des membres encore en vie de la famille Kennedy dont le sénateur Edward Kennedy. Voici une photo de campagne qui n’est pas sans rappeler la référence à J.F.K.
Barack Obama à Reno, Nevada, Vendredi 18 janvier 2008 (New York Times).
Un dernier et tout récent discours-fleuve (« American Stories, American Solutions« ) a été prononcé dans le prolongement de la crise de ce mois d’octobre:
Comme le souligne André Gunthert (Pour Obama, la classe moyenne a le visage de la famille):
Brûlant de ses derniers feux, la campagne de Barack Obama nous a livré hier un objet devenu rare: un vrai film de propagande à l’ancienne, sous la forme étonnante d’un publi-reportage de 27 minutes diffusé simultanément sur sept chaînes nationales.
En se replaçant au coeur de la classe moyenne et dans le contexte de crise actuelle rapportée inlassablement à la crise économique du début des années 1930, Barack Obama fait référence à l’autorité de Roosevelt et son action de changement devient le nouveau New Deal dont les Etats-Unis ont besoin pour sortir de la crise économique:
Or cette classe moyenne n’est pas née par enchantement, ni par la seule force des volontés individuelles. Elle a été en bonne partie le fruit de l’action de l’Etat à partir des années 1930 qui, en soutenant les plus défavorisés, a rendu le jeu moins inégal, le terrain plus praticable pour tout le monde. En permettant aux fils des familles modestes de faire des études supérieures, il leur a donné l’opportunité de faire valoir leur talent face à des jeunes plus favorisés qu’eux au berceau. En protégeant les citoyens les plus vulnérables contre les risques de la vie (vieillesse, maladie…), il a aidé de nombreuses familles à envisager l’avenir avec un minimum de sérénité, et donc d’optimisme.
L’Amérique veut retrouver son rêve Yann Mens (Alternatives économiques)
Lincoln, Marin Luther King, Kennedy et Roosevelt: le décompte historique de Barack Obama est bon les trois mousquetaires d’Obama sont donc quatre.
[1] Storytelling is the ancient art of conveying events in words, images and sounds often by improvisation or embellishment. Article de Wikipedia.
Ce qui est terrible avec Obama, c’est qu’il va continuer la politique génocidaire des Etats-Unis et qu’on va l’accepter parce qu’il le fait avec le sourire. Ton titre « An american dream » implique qu’il y aura aussi un réveil, et il risque d’être douloureux pour certains…
@Mirko: dans le cas présent, j’ai choisi « An American Dream » pour indiquer qu’il s’était construit le profil du candidat représentant le rêve américain.
D’ailleurs dans son discours de victoire, il dit :
“Si jamais quelqu’un doute encore que l’Amérique est un endroit où tout est possible, qui se demande si le rêve de nos pères fondateurs est toujours vivant, qui doute encore du pouvoir de notre démocratie, la réponse lui est donnée ce soir”. (Propos d’Obama, traduits par le journal Le Monde)
Maintenant le réveil effectivement pourra être brutal par la suite tant pour les Américains que pour tout ceux qui se sont enthousiasmé pour lui à l’étranger et plus particulièrement en Europe.
Enfin, comme tout candidat à la présidentielle américaine, c’est un homme-lige. S’il professe un discours messianique, ce n’est le Messie, mais la pointe de l’iceberg d’une équipe qui prendra le contrôle de la Maison-Blanche.
Je ne critique absolument pas le titre de l’article, au contraire il est tout à fait approprié. En lisant les réactions sur Twitter ce matin j’étais effaré par le nombre de commentaires qui s’imaginaient que la face du monde avait changé, bêlant un « yes we can » incantatoire comme sous hypnose.
L’extrait du discours que tu cites est tout à fait révélateur de cette élection, il fallait un président qui aie bonne presse, bien médiatique comme il faut, pour pousser les gens à coopter le système et effacer les éventuelles résistances, et surtout effacer le souvenir du président précédent. C’est toute la magie de la démocratie, un nouveau visage de temps en temps pour donner l’illusion de changement, des élections de temps en temps pour occuper les gens et leur faire croire qu’ils ont du pouvoir,… Ce qui est bien avec cette élection c’est qu’elle me rappelle pourquoi je ne vote pas.
La dernière phrase de ton commentaire est bien ce qui m’inquiète, l’équipe d’Obama. On aura donc droit à Joe Biden, le type qui poussait à l’agression de la Serbie et a voté pour l’attaque de l’Irak, Colin Powell, qui a été décisif dans l’invasion de l’Irak, Hillary Clinton, qui a voté pour l’invasion de l’Irak et promettait en pleine campagne de vitrifier l’Iran si nécessaire,… bref, on est tout de même en droit de douter du changement à venir.
Bon, j’arrête de troller tes commentaires ^.^
Je sais Mirko. Je voulais juste préciser le sens de ma pensée en choisissant le titre.
Maintenant pour la question du vote en démocratie, il faut replacer dans le contexte d’une élection à la présidentielle telle qu’elle a lieu aux USA ou en France. Ce mode de scrutin «force» encore plus l’homme ou la femme-lige. D’autant que les moyens nécessaires pour mener campagne dans un pays comme les Etats-Unis sont colossaux (avec en plus un système électoral débile). Donc cela pousse à la constitution d’écuries présidentielles. AInsi en France, il est intéressant d’observer la constitution de l’écurie présidentielle «Olivier Besencenot».
I’m hoping you don’t see this as offensive but this sounds like the same ol’ Obama rhetoric.Obama is playing the same game all politicians play… he’s no different then the rest of them if you ask me.