
Alors que l’introduction des nouveaux moyens et programmes d’histoire romands se fait cette année en histoire dans le canton de Vaud en 7e Harmos et que, lors de sa première conférence plénière de rentrée du 15 août 2017, Mme Cesla Amarelle, nouvelle ministre de l’éducation du Canton de Vaud, a annoncé un appel à projet aux enseignant.e.s et aux établissements pour une école numérique, le temps paraît plus que choisit pour s’interroger sur les éléments qui rendront ces réformes possibles.
L’intitulé choisit « Ces possibles réformes scolaires » fonctionne en écho au recueil des écrits de Georges Panchaud publié en 1983 et intitulé lui « Ces impossibles réformes scolaires ». Au début des années 2000, je m’interrogeais ainsi avec mon collègue José Ticon et moins de 10 ans après l’introduction de la loi « Ecole vaudoise en mutation » pour savoir si réformer l’école n’était pas une mission impossible.
En 1983, Georges Panchaud (1908-1988), professeur honoraire de pédagogie de l’Université de Lausanne, publie à l’occasion de son 75e anniversaire, un recueil de ses écrits. L’ouvrage s’intitule « Ces impossibles réformes scolaires »1.
Le titre ne manque pas d’une certaine malice. En effet, en 1956, Georges Panchaud est un des acteurs majeurs de la réforme de l’école vaudoise qui connaît alors une modification significative de ses structures. Celle-ci élargit notamment le nombre d’élèves accédant désormais au collège (école secondaire).
La réforme scolaire vaudoise de 1956 établit un programme unique pour les élèves des deux premières années des collèges secondaires avant d’orienter les élèves. Auparavant un système en cascade existait dans lequel l’élève qui échouait en section classique devait « descendre » en scientifique, puis éventuellement en commerciale. En outre, le système met en place une une division de culture générale, dans tous les collèges, et introduit une section de langues modernes conduisant au baccalauréat. La réforme vaudoise de 1956 eut encore pour conséquence de généraliser les classes mixtes, qui existaient dans tout le canton, sauf à Vevey et à Lausanne. Dans cette dernière ville, la réforme fait disparaître le Collège classique cantonal quatre fois centenaire, le Collège scientifique cantonal et l’Ecole supérieure de jeunes filles de la Ville de Lausanne, dont la création remonte au XIXème siècle. Il n’y a désormais plus à Lausanne que des écoles secondaires groupant les élèves en fonction de leur domicile.
Pour accompagner cette réforme, de nouveaux moyens d’enseignement sont publiés. Parmi ceux-ci, Georges Panchaud est le directeur de collection d’une nouvelle collections de manuels d’histoire vaudois pour le secondaire. Cette collection est diffusée à partir de 1957. Parmi les ouvrages publiés, il y a notamment le bientôt fameux manuel d’histoire contemporaine rédigé par Georges-André Chevallaz (1915-2002), alors directeur de la Bibliothèque cantonale universitaire et futur syndic de Lausanne (1958), puis conseiller fédéral.
Quasi simultanément à l’élaboration de cette nouvelle collection de manuels, Georges Panchaud est nommé professeur de pédagogie à l’Université de Lausanne en 1958 et il devient le premier directeur en 1960 du nouvellement créé « Séminaire pédagogique de l’enseignement secondaire vaudois » (SPES), soit le premier institut de formation des maîtres secondaires vaudois2. C’est en 1958 que le projet visant à promouvoir le nouveau système de formation est soumis à une commission consultative composée de représentants des Facultés intéressées de l’Université de Lausanne, de directeurs de collèges, de la Société vaudoise des maîtres secondaires (SVMS) et du Département de l’instruction publique et des cultes (DIPC). Le 15 décembre 1959, le Conseil d’Etat adopte le Règlement pour la formation des maîtres secondaires, instituant ainsi le SPES3.
Georges Panchaud se retrouve donc à l’épicentre de ces trois changements d’une réforme significative pour les collèges vaudois. Il faudra attendre près de trente ans et 1984 (entrée en vigueur en 1986) pour qu’une nouvelle loi scolaire soit votée après plus de deux décennies passées en études, expériences et débats qui soulevèrent les passions dans les milieux intéressés et parmi la population jusqu’en votation populaire.
Plus tard, en nous inspirant du titre de l’ouvrage de Georges Panchaud et dans le contexte conflictuel de la mise en place de la loi scolaire Ecole vaudoise en mutation (EVM) votée en décembre 1996 par les citoyen.ne.s vaudois.e.s, José Ticon, didacticien du français, et moi-même organiseront deux ans de suite un séminaire interdisciplinaire de formation destinés aux futur.e.s enseignant.e.s du primaire que nous intitulerons « Réformer l’école : une mission impossible ? ».
Qu’en est-il aujourd’hui ? A-t-on appris des expériences passées peu concluantes dans le canton de Vaud et plus particulièrement concernant les conditions de mise en oeuvre d’EVM pour rendre possibles les changements attendus ? Quels sont les principes à retenir pour aller dans le sens d’une réforme réussie ?
Je compte explorer modestement un champ des possibles à l’aide de cinq billets. Le premier replacera les réformes scolaires connues aux Etats-Unis et les leçons qu’en a tiré Larry Cuban, professeur honoraire à Standford. Le second dressera un panorama succinct des réformes scolaires entreprises après 1945 et jusqu’à aujourd’hui dans le canton de Vaud. Le troisième reviendra sur la réforme EVM introduite en 1997 à partir d’un texte que j’avais rédigé trois ans après l’introduction de la réforme et qui avait été publié sur le site de la Fédération syndicale SUD-Service public. Le quatrième propose un nouvel arrêt sur image en 2017 pour observer l’évolution de la situation d’EVM à la LEO. Le cinquième et dernier s’arrêtera à trois moments récents où l’axe envisagé pour accompagner le changement résultant des effets du numérique sur la société et l’éducation a l’ambition de partir des projets des équipes pédagogiques et d’établissements.
Articles suivants:
- Ces possibles réformes scolaires selon Larry Cuban
- Ces (im)possibles réformes scolaires de 1945 à 2013 en terres vaudoises
- Ces (im)possibles réformes scolaires – EVM : arrêt sur image (2000)
- Ces (im)possibles réformes scolaires – D’EVM à la LEO : nouvel et bref arrêt sur image (2017)
- Ces possibles réformes scolaires : penser global, agir local avec le numérique
- Panchaud, G. (1983). Georges Panchaud : « Ces impossibles réformes scolaires : Recueil publié à l’occasion de son 75e anniversaire ». Lausanne : Ed. Réalités sociales. ↩
- Ainsi que l’indique François Bettex, dans le rapport annuel 1979 du SPES : « En 1960, et dans une moindre mesure dix ans plus tard, l’idée qui prévalait était que le jeune maître peut apprendre son métier en assistant aux leçons d’un collègue chevronné, auprès de qui ensuite il fait ses premières armes. Or l’idée maîtresse du SPES crée par Panchaud est que le jeune assistant découvre effectivement par son expérience personnelle, seul dans sa classe, les difficultés de son nouveau métier, et non pas par personne interposée. Les enseignements théoriques ont pour but de l’aider à résoudre ses problèmes, à répondre à ses besoins, parfois à ses inquiétudes. Ce type de formation suppose donc une liaison très étroite entre le vécu du stagiaire, au contact des élèves et des difficultés de méthodologie, et les enseignements dits théoriques qu’il reçoit. Cela suppose aussi que les responsables de ces enseignements connaissent parfaitement bien leur clientèle ainsi que les conditions dans lesquelles elle travaille.» Propos cités par Bober, G. (2002). L’histoire vaudoise de la formation des maîtres secondaires. De la création du Séminaire pédagogique de l’enseignement secondaire du canton de Vaud en 1960 aux premiers pas de la Haute école pédagogique vaudoise en 2002. Loisirs et pédagogies, note 6 p. 313-314 ↩
- Bober, G. (2002 : 9). La formation des maîtres secondaires mise alors sur pied reposera sur trois principes :- conduire simultanément la formation pédagogique théorique et pratique;- enseigner aux maîtres débutants les didactiques propres aux différentes disciplines;- confier aux stagiaires un enseignement prolongé dont ils ont la responsabilité et qui leur permet de mieux voir l’ensemble des problèmes pédagogiques à maîtriser. ↩
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