Les Archives d’État de Venise ont cessé, le 27 décembre 2019, unilatéralement toute collaboration avec la haute école vaudoise après sept années.
Dans leur communiqué, les responsables des archives vénitiennes dénoncent notamment des «erreurs méthodologiques» en matière de transfert et de conservation des données. Ils reprochent aussi à l’EPFL de vouloir mettre à disposition sur internet «une série d’images sans vérification scientifique».
Les Archives d’État disent également regretter le manque de transparence de l’EPFL, les relations entre les deux parties étant jugées «pas suffisamment exhaustives et claires». Le financement du projet, dont a bénéficié l’EPFL, pose également problème aux Italiens.
Malgré ce coup d’arrêt, l’EPFL assure que Venice Time Machine pourra continuer sans les archives de la ville, en «s’appuyant sur des collaborations avec d’autres institutions que les Archives», comme par exemple l’Université Ca’Foscari de Venise.
Source : https://24heures.ch/31434147
Dans un article daté du 30 décembre 2019, le journal en ligne Bon pour la tête (BPLT) nous en dit plus sur la nature du différent :
« Une des pierres d’achoppement reste l’accessibilité des données: la direction lausannoise de VTM souhaite une disponibilité sur le web en mode «open», Venise répond que c’est impossible et veut des accords spécifiques sur «quelles données et comment». »
Source : https://bonpourlatete.com/actuel/clap-de-fin-entre-l-epfl-et-les-archives-d-etat-de-venise
Auparavant, dans un interview de BPLT du 3 octobre 2019, Gianni Penzo Doria, directeur des Archives répondait de la manière suivante à la question « Quels sont les avantages du projet Time Machine pour la ville de Venise ou pour l’Italie? »
« Le projet scientifique est de nature strictement informatique, il n’est d’aucun apport historique ou archivistique. Ses retombées se bornent donc à la divulgation de milliers d’images, totalement dénuées de pertinence en termes de fiabilité et de conservation du patrimoine. De plus, il n’existe aucun plan de conservation à long terme pour les images. Qu’en restera-t-il dans 5 ou 10 ans? Et qui peut garantir l’exhaustivité de l’information fournie? »
On peut y lire une opposition épistémologique fondamentale entre les méthodes de travail des informaticiens et des archivistes.
La question financière apparaît également en filigrane dans ce même interview lorsque le directeur est interrogé sur le financement du projet :
« Le projet bénéficie d’un financement suisse et d’un financement européen. Pas un seul euro n’est allé aux archives de l’Etat de Venise. »
On assiste également à de nouvelles formes de captation patrimoniale, via les humanités numériques :
« Il est surprenant que le professeur Kaplan affirme avoir fourni des fonds indirectement, par le biais d’appareils – scanners et serveurs – et de reproductions numériques: ce matériel [était] utilisé pour le travail à Lausanne! Il n’apporte strictement rien aux archives d’État de Venise. »
Source : https://bonpourlatete.com/actuel/pas-un-seul-euro-n-est-alle-aux-archives-d-etat-de-venisem
A suivre puisque la direction du projet de Venice Time Machine promet d’annoncer «les prochaines étapes de son développement dans les prochaines semaines» (BPLT, 30.12.2019).
NB : il est à noter que la revue Passé simple, no 50, comprend également un article sur ce sujet et intitulé « À Venise, la machine à remonter le temps au point mort » (p. 22-23).
Crédit photo : Grand Canal Venise (2015) © Lyonel Kaufmann
Laisser un commentaire