Le doctorat honoris causa octroyé en 1937 par l’Université de Lausanne (UNIL) au dirigeant fasciste italien Benito Mussolini a constitué une « faute grave », selon un groupe de travail. Ses experts ne recommandent toutefois pas un retrait posthume du titre honorifique au Duce, mais proposent quatre mesures.
« Le Groupe de travail considère que l’octroi du doctorat honoris causa à Benito Mussolini a constitué une faute grave commise par les instances universitaires et politiques d’alors. Ce titre constitue une légitimation d’un régime criminel et de son idéologie. Il recommande dès lors à l’Université de Lausanne de reconnaître et d’assumer cela », affirme-t-il dans un rapport de 29 pages publié vendredi.
Pour le Recteur Frédéric Herman de l’Université de Lausanne :
Retirer ce titre à Benito Mussolini, ce serait l’enlever du débat démocratique, qui est au cœur du fonctionnement de l’université. Le niveau d’exigence que nous nous imposons est en effet élevé. […]. Vous voyez que le rapport a abordé quantité de questions, sous des angles très variés. Prononcer un retrait du titre aurait probablement été plus aisé, mais aurait été à l’encontre de notre mission et de nos valeurs académiques.
https://news.unil.ch/display/1655969542420
Mandaté en septembre 2020 par la direction de l’UNIL, ce Groupe de travail interne de quinze personnes issues des sept facultés et appuyées par plusieurs experts externes a travaillé deux ans sur ce sujet controversé.
Pour le groupe de travail :
Il est frappant de constater que l’octroi du d.h.c. constitue un moment capital de l’histoire de l’Université qui revient au-devant de la scène de façon régulière. Aussi, chaque membre de l’Université de Lausanne ainsi que les générations à venir devraient pouvoir se confronter à ce moment de l’histoire et se l’approprier selon le contexte qui est le leur.
https://www.unil.ch/cire/home/menuinst/mandats/doctorat-hc-a-b-mussolini.html
Pour la direction de l’Université :
« Plutôt que renier ou effacer cet épisode qui fait partie de son histoire, la direction de l’UNIL veut qu’il serve d’avertissement permanent sur de possibles dérives idéologiques auxquelles toute personne, institution – à commencer par l’UNIL elle-même – ou société est exposée en tout temps »
https://news.unil.ch/display/1655969542420
Pour cela la Direction de l’UNIL veut engager l’institution et sa communauté dans une politique mémorielle active qui mette en exergue les enjeux historiques, juridiques, éthiques et politiques de son passé, de manière à en faire des repères face aux totalitarismes de tout temps. Pour mettre en œuvre une telle politique, elle annonce les mesures suivantes :
- Ouverture d’un site web dédié aisé d’accès, affichant la position institutionnelle relative à la remise du d.h.c. à Benito Mussolini, les archives et documentation disponibles sur cette affaire, le rapport du groupe d’experts et la planification/réalisation des actions de politique mémorielle développées à l’UNIL.
- Déblocage d’un fonds d’appel annuel à projets de recherche, orienté sur l’étude du développement des idéologies totalitaires inspirées du fascisme et aux mécanismes d’adhésion à de telles idéologies. Cette mesure pourrait inclure l’organisation d’un colloque de recherche périodique et susciter la mise sur pied d’enseignements.
- Création d’un prix pour l’excellence d’une recherche académique ou d’une activité culturelle, associative ou autre, portant sur le développement des idéologies totalitaires inspirées du fascisme et les mécanismes d’adhésion à de telles idéologies.
- Mise sur pied d’un atelier de médiation scientifique à destination des écoles et gymnases ainsi que du grand public, sur la thématique des enjeux mémoriels et du fascisme.
Le Groupe d’expert propose également la mise sur pied d’un programme de médiation scientifique pour les gymnasiennes et gymnasiens vaudois·e·s. Ce programme permettrait de faire le lien entre l’UNIL et la société. En particulier, un atelier sur les questions des enjeux mémoriels et du fascisme, en évoquant le d.h.c. de Benito Mussolini pourrait être développé. De plus, un programme de médiation scientifique pourrait également interpeler et former les gymnasien·ne·s sur les processus de décisions liés à ces questions.
Le rapport complet : Doctorat honoris causa Benito Mussolini – 02.06.2022 (921 Ko)
Sources :
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