Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969)
De 1870 à 1970, un modèle de leçon d’histoire s’impose à l’école primaire. Prenant appui sur le récit du maître, à finalité civique et morale, le modèle de leçon d’histoire mis au point à partir des années 1880 comprend un dispositif très strict dans lequel des manuels scolaires d’un type nouveau jouent un rôle fondamental. Il correspond parfaitement aux finalités et aux conceptions de l’apprentissage de l’ordre du primaire et reste stable jusqu’aux années 1960, où il est emporté en même temps qu’elles.
Je note plus particulièrement le rôle joué par le manuel d’histoire au primaire et son évolution du début des années 1930 :
«Entre 1923, date de publication du plan d’étude pour l’école primaire qui remplace celui de 1882-1887, et 1969, année de parution des instructions sur « l’éveil », on peut distinguer deux générations de manuels.
La première comprend les ouvrages publiés au début de l’entre-deux-guerres. Le contexte politique de cette période modifie le contenu de l’histoire enseignée : il n’est plus possible d’enseigner une histoire patriotique comme avant 1914. Mais on note peu de modifications en termes didactiques.
En revanche, le progrès des techniques d’impression entraîne à partir des années 1930 une « révolution des manuels »qui se caractérise principalement par l’essor de l’illustration. […]
Ces images sont des documents pédagogiques destinés soit à illustrer la leçon du maître, soit à en fournir le point de départ. C’est du moins le rôle que revendiquent pour elles les avant-propos des ouvrages.
[…]
Les documents textuels tiennent en revanche une faible place dans les manuels d’histoire. Ils sont souvent présentés sous le titre « Lecture ». Il s’agit de proposer une anecdote, un complément au récit, qui peut être lu après la leçon ou dont la lecture peut interrompre celle-ci de façon à y introduire une rupture qui suscite l’attention des élèves. Les textes d’époque sont peu nombreux parmi ces lectures : ils sont d’accès trop difficile pour les jeunes enfants et réservés au cours moyen deuxième année et à la classe de fin d’études.Enfin, résumés, questions et exercices sont toujours présents dans les manuels et visent toujours à la vérification de connaissances factuelles.»
Cette manière de concevoir le manuel correspond largement à celle mise en œuvre dans les manuels d’histoire vaudois et romands du primaire dès le manuel Rosier, puis par le manuel Grandjean & Jeanrenaud ((Rosier, W. (1911). Histoire illustrée de la Suisse : à l’usage des écoles primaires (2e éd). Lausanne, Genève, Neuchâtel: Payot ; R. Burkhardt ; Delachaux et Niestlé. Grandjean, H., & Jeanrenaud, H. (1941). Histoire de la Suisse I & II.Lausanne, Genève, Neuchâtel, Vevey, Montreux, Berne, Bâle: Librairie Payot. Présentation du manuel : http://manuelshistoire.ch/corpus/histoire-de-la-suisse-ii-1941/)). En effet, comme nous le notons dans notre thèse défendue avec succès le 20 décembre 2013 ((Kaufmann, L. (2013). Autorité du discours – Discours d’autorité : les manuels d’histoire vaudois (1938-1998), Lausanne : Faculté des Lettres, p. 128)) :
En premier lieu, nous disposons, avec le manuel Grandjean & Jeanrenaud, d’un manuel d’histoire qui encadre fortement les enseignants et les élèves du primaire dans la conduite et l’apprentissage de la leçon d’histoire. Dès la jaquette de couverture, ce manuel est organisé autour d’un axe prioritairement pédagogique et scolaire. Il s’inscrit dans le prolongement et la continuité du Rosier, son prédécesseur. Il n’y a pas rupture, mais évolution dans le sens d’une plus grande maîtrise, via le manuel, de la leçon à conduire par l’enseignant ainsi que du travail de mémorisation/restitution à réaliser par l’élève. Comparativement aux manuels d’histoire français du primaire (Ogier 2007), le Grandjean & Jeanrenaud n’offre pas de différence majeure dans sa conception et sa réalisation et nous y retrouvons :
- la priorité donnée quasi exclusivement à l’histoire nationale ;
- une conception éditoriale issue de l’imagerie populaire et des livres
- des scènes moralisantes et patriotiques ;
- un recueil de connaissances élémentaires et d’images pour reconstituer une trame nationale ;
- le poids de l’histoire politique et militaire agrémentée d’éléments de la vie quotidienne ;
- une histoire incarnée par des personnages masculins (y compris au travers des péritextes) ;
- un enseignement de l’histoire associant l’instruction civique
Référence papier
Angélina Ogier, « Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969) », Histoire de l’éducation, 114 | 2007, 87-119.
Référence électronique
Angélina Ogier, « Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969) », Histoire de l’éducation [En ligne], 114 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 23 décembre 2013. URL : http://histoire-education.revues.org/1247 ; DOI : 10.4000/histoire-education.1247
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