Alors que 2016 marquera le centenaire de l’Insurrection de Pâques à Dublin (appelée également les Pâques sanglantes), le journal anglais The Guardian publie un très intéressant article sur la mémoire de cet événement. Indirectement un tel article fait écho à la manière dont les sociétés actuelles sont confrontées au terrorisme.

La mémoire de l’Insurrection de Pâques a longtemps été hanté par une angoissante question: est-elle maintenant terminée? Le soulèvement peut être considérée comme un événement fondateur pour trois entités politiques: la République d’Irlande, Irlande du Nord et (bien que cela est commodément ignoré) l’actuel Royaume-Uni, qui a changé radicalement quand la plupart de l’Irlande a gagné son indépendance. Pourtant, la lutte a toujours été de décider si elle est l’histoire ou l’actualité, quelque chose qui est arrivé ou un présage de quelque chose devant encore se produire.
L’article met en évidence le contraste entre l’échec programmé de cette insurrection lamentable, limitée à Dublin où il n’était question que de tenir un nombre limité de bâtiments publics avant que les troupes britanniques n’écrasent la rébellion et sa puissance dans l’imaginaire collectif irlandais.

Bien évidemment la puissance évocatrice de cet événement doit une partie de son succès au poème Easter 1916 de WB Yeats (All changed, changed utterly / A Terrible beauty is born), mais elle le doit beaucoup aux Britanniques qui par la suite exécutèrent en mai 15 chefs de la rébellion. A partir de ce moment-là, l’humeur du public a commencé à changer et les rebelles, au lieu d’être des fous dangereux, sont devenus des martyrs ((A l’image de James Connolly exécuté par un peloton d’exécution attaché à une chaise, car il était déjà blessé et ne pouvait pas se tenir debout.)). Plus précisément, ils sont devenus des martyrs catholiques. Comme le chef rebelle Patrick Pearse l’avait clairement envisagé, le sacrifice à Pâques a été élevés au rang du plus grand des sacrifices de sang : celui du Christ lui-même.
Comment pouvons-nous aujourd’hui contenir cette puissance de l’imaginaire généré par cet événement ? Pour The Guardian, il est impératif que les commémorations restituent des réalités plus complexes, que les rebelles ne soient pas traités sous l’angle soit de saints, soit de terroristes, mais en véritables acteurs politiques d’un conflit européen plus large. Pour le journal, il est réjouissant que le plus grand succès des ventes de livre sur le centenaire n’est pas une hagiographie, mais la récupération minutieuse par Joe Duffy des noms et des histoires des 40 enfants qui ont été tués par des rebelles ou des forces britanniques lors des affrontements. Le contexte de la première guerre mondiale, le rôle central des femmes et la pauvreté épouvantable de Dublin sont tous en cours d’écriture dans l’histoire de l’Insurrection de Pâques 1916. Il faut également accepté que tous ces travaux historiques n’empêcheront pas la force évocatrice et l’imaginaire de l’événement. Il s’agit aussi d’accueillir l’idée même que les rebelles eux-mêmes avait appelé de leurs voeux : la création d’une vraie république de citoyens égaux.
Source : The terrible beauty of the Easter Rising remains alive today | Fintan O’Toole
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