Cette année à Ludovia, la synthèse de la table ronde politique du premier soir et celle concernant le mercredi le séminaire des collectivités locales ont été confiées à la Belgique avec Sebastien Reinders, et à la Suisse avec moi. Avec l’idée pour Aurélie Julien, co-organisatrice avec Eric Fourcaud de la manifestation, d’apporter un éclairage extérieur à ces thématiques évoquées chaque année à Ludovia. Allons-y pour un point de vue depuis la Suisse.
Préalablement, je noterai concernant cet exercice qu’il était nécessaire de dérouler le fil de ces thématiques depuis la table ronde politique du premier soir jusqu’au terme de la deuxième session du Séminaire des collectivités locales du lendemain après-midi. En effet, la mise en cohérence des différentes strates (Etat central, régions, départements, communes, établissements scolaires) jusqu’au réalisations effectives en classes (enseignants-élèves) n’est possible qu’à cette condition pour passer derrière le miroir des discours parfois convenus et policés. Seul le temps et les discussions hors champs permettent de faire apparaître certaines distorsions, tensions ou contradictions à l’observateur extérieur au système scolaire français.
Je vous propose de traiter de ces questions en deux parties. Ce premier billet traite essentiellement de la table ronde politique d’ouverture.
Table ronde d’ouverture : Présence, attention, engagement avec le numérique en classe ; les politiques publiques, la réponse des industriels, des chercheurs et des enseignants sont-elles à la hauteur de cette proposition ?
Commençons par une présentation en image des intervenants :
La synthèse réalisée par Sébastien et moi se trouve ici : https://docs.google.com/document/d/15TsCo7pNLuSo9nWpClzDzHQ-cpk1Z263upGfoV7jWp4/
Hormis le fait que la thématique de la table ronde, basée sur le thème de cette 13e édition ne sera abordé que marginalement et par une seule intervenante, l’exercice consiste pour les auditeurs à écouter une suite de discours individuels sans qu’il y ait de véritables échanges. Malgré le fait que plusieurs intervenants aient mis en avant le terme de co-construction, chaque intervenant vend sa région, son département, son état central ou l’approche de son académie. C’est convenu et humain dans la mesure où chacun et chacune devra présenter un bilan à ses électeurs ou à ses patrons pour être reconduit-e à la prochaine échéance électorale ou au prochain changement de ministre.
Si chacun tend à tirer la couverture à soi, les tensions entre les différents niveaux (Etat, régions, département) paraissent à première vue avoir diminué. Une nouvelle répartition des rôles a été instituée et mise en place depuis environ un an et demi. Cette nouvelle clé de répartition a causé quelques surprises que nous avons évoqué dans notre synthèse à propos de la maintenance prise désormais en charge par les régions dans les lycées.
Peut-on cependant si facilement distinguer équipements numériques (à charge des collectivités territoriales) et matériel pédagogique (Etat central) ? Au niveau des propos tenus lors de la table ronde, il est intéressant de noter les mots-clés des uns et des autres qui transgressent la règle établie pour répondre par la négative à cette question.
Ainsi au niveau des collectivités locales, nous avons pu noter les termes de politiques éducatives, culture numérique ou massification des usages. Le lendemain, dans le cadre du séminaire des collectivités locales, M. Kamel Chibli – Vice-Président de la région Languedoc Roussillon Midi-Pyrénées et Vice-Président à l’Association des Régions de France (ARF) – a insisté de la part de la région pour que l’action pédagogique au sein des écoles soit amplifiée. Pour sa part, M. Jean-Pierre Quignaux, chargé de mission numérique à l’Assemblée des Départements de France (ADF) souligne la volonté des départements d’établir une liaison entre les différents systèmes numériques aux bassins de vie en coordination avec leurs actions sociales en vue d’établir une continuité pédagogique. Cependant, ces volontés peuvent rapidement être contrecarrées par la situation financière de ces collectivités locales, plus particulièrement à les entendre celle des départements.
De leur côté, les représentants de l’Etat infèrent également dans la sphère des collectivités territoriales. Il en est ainsi lorsque Mme Armande le Pellec-Muller, Recteur de région académique de Montpellier et Toulouse, souhaite l’instauration d’un seul ENT par degré (primaire, collège, lycée) en France ou lorsque Mme Hélène Bernard, Rectrice de l’Académie de Toulouse, met l’accent sur les tablettes ou le mobilier scolaire. De son côté, Jean-Yves Capul, Chef du service du Développement du numérique éducatif au sein de la Direction du Numérique pour l’Éducation, ne manque pas de souligner que l’l’État intervient dans les équipements mobiles et individuels et que 25% des collèges sont déjà entrés dans ces programmes. Ce dernier élément a également été repris, ce lundi 29 août, lors de la conférence de rentrée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale.
Par ailleurs, tant Mme Hélène Bernard que M. Jean-Yves Capul ferment la porte aux velléités des collectivités locales d’intervenir au niveau pédagogique lorsque la première insiste sur le fait que l’État central garde la main, au moyen du projet pédagogique global contenu dans le projet de rénovation de l’école, sur la pédagogie et les matériel mis à disposition des enseignants notamment au travers de la diffusion de contenus éducatifs numériques adaptés soit nationaux (Canope, Eduscol), soit européens (Europeanna, invité d’honneur de l’édition 2016). Pour sa part, Jean-Yves Capul insiste sur l’important effort financier étatique fait en matière de formation des enseignants au numérique et au niveau des ressources mises à disposition des enseignants au travers de banques de ressources pour l’ensemble des programmes et des principales disciplines des cycles 3 et 4.
Ainsi donc, si le climat entre les différents partenaires s’est apaisé, les jeux de pouvoir et les rivalités transparaissent néanmoins en filigrane. Le point de convergence n’en demeure pas moins dans le fait que, pour chacun de ces acteurs, l’école numérique est une priorité, pour ne pas dire l’enjeu essentiel, de leurs politiques éducatives. Les montants engagés sont considérables et néanmoins ne paraissent pas suffire. C’est bien dans ce cadre-là qu’au-delà des jeux de pouvoir se situe l’enjeu d’une co-construction pour aboutir à une meilleure efficience des moyens engagés par les collectivités.
Fin de cette première partie. A suivre…
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