Le Dr Hachiya rend compte de sa première rencontre avec un officier des troupes d’occupation qui se présente à l’hôpital.
«Après le déjeuner, je somnolais sur un lit près de la fenêtre lorsque M. Sera accourut en haletant et me murmura tout excité : « Sensei, il y a un officier américain devant l’entrée ! »
Saisi par cette nouvelle, je restai un moment sans voix. Je sentais la peur et la colère qui montaient en moi. Avant que j’eusse retrouvé mes esprits, comme mes sentiments d’hostilité avaient pris le dessus, je m’entendis lui dire d’un ton abrupt : « Sera-san, ignorez-le !
–Sensei, ne dites pas des choses pareilles ! », me répondit-il. Puis, tout à son excitation, il ajouta : « Il attend dans l’entrée. Allez le recevoir, je vous en conjure ! »
Peu à peu, l’hostilité qui m’animait laissa place à la peur. Bientôt, je sus que je n’avais d’autre choix que d’aller recevoir l’officier. J’étais vêtu d’un pantalon et d’une chemise sales et, dans l’état moral qui était le mien, je n’étais guère d’humeur à affronter l’étranger.
L’instant d’après, j’entendis des pas dans l’escalier et l’officier parut. Élégant et digne, il était accompagné d’un garde au teint basané, armé d’un revolver, qui lui servait d’interprète. Je les informai que j’étais le directeur de l’hôpital des Communications et, après avoir croisé leur regard en guise d’accueil, je proposai de faire le tour des salles. L’officier était plus intéressé par les victimes du typhon que par celles de la bombe A. Il savait ce qui s’était produit à Miyajima pendant la tempête et il voulait absolument savoir comment nous nous en étions tirés. Je découvris bientôt que l’interprète ne savait pas vraiment le japonais. Ce que nous nous disions était donc fort mal transmis. Après avoir fait notre tour, tandis que nous nous dirigions vers l’entrée, nous tombâmes sur ma femme. L’officier demanda si elle avait été blessée et je lui dis qu’elle était anémique et avait reçu plusieurs blessures. Je lui retroussai les manches pour lui montrer quelques-unes de ses cicatrices. Là-dessus, il hocha la tête et puis partit.»
« Journal d’Hiroshima, 6 Août – 30 Septembre 1945 » de Michihiko Hachiya, Simon Duran – http://amzn.eu/h4bnzwL
Lire le début du journal : http://www.tallandier.com/pdf/9791021010772.pdf
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