Je vous invite à lire ce très beau texte de Stéphanie Pirez-Huart décrivant les changements du travail en archive à l’ère du covid-19 et du déconfinement.
Stéphanie Pirez-Huart consacre actuellement sa recherche sur l’histoire de Valenciennes à la fin du Moyen Âge. Son étude vise à déterminer l’aire d’influence de la ville à différentes échelles. L’objectif est de définir plusieurs cercles géographiques de l’action urbaine et les modalités de cette autorité. On s’attachera donc aux hommes et aux femmes qui font la ville et son œuvre, mais aussi aux terres et aux paysages. De façon sous-jacente, c’est la question d’une possible identité urbaine qui anime ce travail, dans une perspective de révision de la géographie régionale dans le Moyen Âge tardif.
Extraits :
Les centres d’archives ayant rouvert il y a quelques semaines, Stéphanie Pirez-Huart nous entretient de ses nouvelles conditions de travail aux Archives Départementales du Nord.
Premier extrait : les habitudes d’avant
Comme le décrit Arlette Farge dans son célèbre Goût de l’archive, j’y ai mes petites habitudes, comme beaucoup. Je m’assieds toujours à la même place, dotée d’une lampe avec ampoule, face à la baie vitrée, dans la deuxième rangée en partant de la droite quand on fait face à la salle de lecture depuis la banque de prêt. Et comme le décrit Arlette Farge, c’est toujours très irritant d’y découvrir un intrus lorsque la place n’est pas libre à mon arrivée.
Deuxième extrait : les nouvelles conditions de travail
La pandémie de covid a balayé tout cela. Désormais il faut réserver sa place, et il vaut mieux s’y prendre tôt. Car le nombre de personnes possibles dans la salle est limité, et délimité physiquement. Les longues tables ont été coupées en trois, chaque emplacement matérialisé par un ruban de couleur. À l’entrée il faut montrer patte blanche. Le contrôle des sacs n’est pas nouveau, quoiqu’à mon sens pour le moins curieux dans un lieu comme celui-ci, mais ça n’est pas le plus important. Notre agente d’accueil est désormais masquée mais effectue son travail avec toujours autant de chaleur, bien qu’à bonne distance. C’est elle qui délivre le numéro de place après avoir vérifié mon nom sur sa liste. Dans les escaliers, deux couloirs sont dessinés, l’un montant, l’autre descendant, pour respecter les consignes de circulation des personnes. À l’étage, on trouve une même signalisation au sol, qui invite le public à suivre un chemin précis pour se rendre à la place attribuée puis à la banque de prêt. L’ensemble du comptoir d’accueil est désormais muni d’un vaste mur en plexiglas. Les livres sont interdits à la consultation, les revues ont été retirées des étagères et la salle des inventaires est inaccessible. De nombreuses chaises ont disparu et l’un des pupitres près de la fenêtre est condamné. Le virus et ses conséquences s’imposent au regard, et sa matérialisation dans le paysage, massive en dépit de la transparence du matériau, rappelle constamment les mois qui ont précédé et les raisons qui ont conduit à toutes ces mesures.
Troisième extrait : les conséquences possibles à moyen/long terme :
Ces conditions de travail sont aussi un défi pour les personnels des archives : la salle des inventaires est inaccessible, mais tous les instruments de recherche n’ont pas été numérisés. Si ce système se maintient, les services devront inévitablement envisager des opérations de numérisation massives pour permettre d’accéder aux inventaires qui ne sont pas encore en ligne. Autant de travail supplémentaire avec, j’imagine, les mêmes moyens qu’à l’accoutumée. Et une pression accrue pour répondre aux demandes du public, qui ne manqueront sans doute pas.
Source : Le goût de l’archive déconfinée – Médié V@l
Crédit photo : Photo de Marcus Loke sur Unsplash
Laisser un commentaire