Dans la section Cannes Classics, la Cinémathèque suisse présente le fameux film de Leopold Lindtberg, une œuvre marquante de la cinématographie helvétique.
La Cinémathèque suisse travaille à la restauration des grands classiques de 1930 à 1960. Son directeur, Frédéric Maire, était heureux de présenter Die Letzte Chance à Cannes, septante ans, enfin soixante-dix après sa projection lors de la première édition du festival, où il remporta un Grand Prix, prélude à un succès mondial. Produite par Praesens Film, l’œuvre est signée de Leopold Lindtberg. Né à Vienne, en 1902, il fuit le nazisme en 1933.
L’action de Die Letzte Chance se situe en Italie du Nord, en 1943. Deux officiers prisonniers, un Anglais et un Américain, s’évadent et essayent de passer en Suisse. Le récit picaresque glisse vers la tragédie dans une petite paroisse montagnarde abritant une quinzaine de réfugiés juifs. Ils désespèrent de passer le col qui les sépare de la Suisse. Les officiers décident de guider les migrants, auxquels se joignent des orphelins italiens. Passer la frontière est une épreuve; il en est encore une, plus redoutable peut-être car elle dépend de la bureaucratie: la Suisse est un petit pays qui ne peut pas accueillir tout le monde…
Pour Antoine Duplan, Die Letzte Chance pose des questions morales toujours actuelles.
Source : Le Temps «Die Letzte Chance»: la barque n’était pas tout à fait pleine – Le Temps
En complément de cet article du Temps, j’ajoute l’analyse, toujours pertinente, faite en 1987 par Rémy Pithon en rapport avec les dernières scènes du film :
«Le dernier aspect de cette production cinématographique que nous jugeons utile de signaler encore concerne les films de la fin de la guerre et de l’immédiat après-guerre. Le film suisse va alors insister fortement sur le thème de la Suisse, asile de tous les malheureux. Esquissé déjà, comme nous l’avons vu, dans FUSILLER WIPF à propos de 1914-1918, […] [ce sujet] est traité deux fois par Lindtberg : dans MARIE-LOUISE en 1944 et dans DIE LETZE CHANCE en 1945. Le cinéma suisse contribue donc pour une très large part à la diffusion d’une image positive de la Suisse, refuge de tous les déshérités et les sans patrie. DIE LETZE CHANCE fut durablement l’œuvre de référence à cet égard, et cela non seulement en Suisse même, mais aussi à l’étranger, car le film connut une carrière internationale absolument exceptionnelle. Or si on le revoit maintenant, on remarque que son message n’est pas aussi linéaire : lorsque les réfugiés parviennent enfin en Suisse, après mille péripéties, ils demeurent un certain temps dans l’incertitude : va-t-on les accepter ou les reconduire à la frontière, c’est-à-dire les condamner à mort ? Finalement la décision officielle tombe : l’asile est accordé. La réalité a souvent contredit la fiction cinématographique; nous le savons maintenant, mais il n’était pas courant de le dire à ce moment-là. Aussi à l’époque, cette inquiétante séquence fut-elle reçue comme un élément de suspense à valeur strictement dramatique. Ce que l’on retint avant tout fut l’édifiant discours final des rescapés militaires, et les images de colonnes de réfugiés sauvés par la Suisse.»
Référence : Pithon, R. (1987). Le cinéma Suisse et les mythes nationaux (1938-1945). In Crettaz, B., Jost, H.-U., Pithon, R. (1987). Peuples inanimés, avez-vous donc une âme? Images et identités suisses au XXe siècle. Lausanne : Histoire et société contemporaines, 6/87, p. 58
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