«Ils reviennent avec une deuxième apocalypse : deux ans après la série documentaire sur la Seconde Guerre mondiale, le duo Isabelle Clarke-Daniel Costelle livre Apocalypse Hitler narrant la montée au pouvoir dudit dictateur nazi. Avec le même dispositif : des images d’archives colorisées, sonorisées et liées par un commentaire lu par Mathieu Kassovitz. « Comment Hitler a-t-il été possible ? » s’interroge le documentaire, qui couvre les années 1889 à 1934. Si le premier opus (diffusé dans 165 pays) a rencontré un grand succès d’audience — 6,5 millions de téléspectateurs en moyenne par épisode —, il avait également suscité la polémique, notamment au sujet de la colorisation des archives. Apocalypse, la Deuxième Guerre mondiale défendait son dispositif avec des arguments de prime-time et de grand public. Mais, appliqué à la trajectoire d’un seul homme, Adolf Hitler, le procédé se parodie et aboutit à une caricature.»
A cette époque, en 2009, j’avais rédigé la chronique suivante pour le Café pédagogique : «Apocalypse : au delà des prouesse techniques est-ce de l’histoire ?» (2009). Le Café pédagogique, No 105, septembre. Je posais notamment la question suivante à laquelle ma chronique tentait de répondre : cette émission est-elle utilisable en classe d’histoire? Si oui, à quelles conditions?
Mes propos gardent toute leur actualité. La caricature était déjà présente à partir du moment où, concernant le premier Apocalypse, l’essentiel du propos se résumait dès le début de la série à illustrer le propos suivant sur les causes de cette guerre : «Y a un pyromane incroyable, Hitler, qui met le feu à toute la planète.» Un propos totalement désuet historiographiquement puisque l’historien Ian Kershaw, par exemple, disqualifie dans sa biographie d’Hitler tout travail historique qui se contenterait de présenter Hitler en Deus ex machina. Visiblement depuis 2009, Isabelle Clarke et Daniel Costelle n’ont toujours pas mis à jour leur logiciel historique…
Reste le grand Barnum fort bien présenté et résumé par Ecrans qui conclut :
Le docu est un blockbuster, avec Hitler en acteur principal, un vrai sens du montage, de la post-synchro (la sonorisation), de la profondeur de champ et de l’étalonnage (la colorisation). Isabelle Clarke le revendique même dans le dossier de presse : la démarche des auteurs tient du « geste artistique ». Et, s’ils utilisent « les codes narratifs et plastiques du cinéma », c’est parce qu’ils sont « indispensables à une compréhension de l’histoire par le plus grand nombre ». C’est bien ça : Apocalypse Hitler n’est pas un documentaire historique, c’est du cinéma.
Source : Du bruit autour du Führer | Ecrans
Apocalypse Hitler
Documentaire d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle
France 2, ce soir 25 octobre 2011 à 20 h 35.
Mise à jour (07.11.2011)
André Gunthert propose un article fort intéressant sur le même documentaire et intitulé Apocalypse ou la trouille de l’histoire.
Concernant la vacuité de la démarche historique de Clarke et Costelle, il indique:
Si la biographie historique n’est plus un genre prisé par les chercheurs, c’est que le rôle des grands personnages, qui ponctuaient autrefois l’histoire comme autant de démiurges, a été sérieusement revu à la baisse, au profit d’une plus grande attention pour les mécanismes économiques et sociaux ou pour d’autres conjonctions de facteurs. Dans cette approche, un personnage aussi caricaturé qu’Hitler a toutes les chances de constituer un piège dont aucun projet narratif ne peut se sortir.
[…]
Quel a été le rôle du chef du parti nazi dans la catastrophe allemande? Les spectateurs d’Apocalypse seraient surpris de découvrir que cette question représente un point focal du débat historiographique, et qu’elle suscite des interprétations diverses et contradictoires. Le rôle déclencheur de la crise de 1929 dans la montée du nazisme est toutefois généralement admis. Dans les deux heures du film de Costelle et Clarke, ce facteur externe décisif est expédié en moins de 40 secondes, au début du 2e épisode, appuyé sur quelques images dont on se demande bien en quoi elles expliquent le lien causal entre misère et fascisme.
Il conclut son article en indiquant :
Apocalypse restera comme le produit typique d’une époque qui craint les apparences du passé, confondant les destinées de l’archive historique et de la production commerciale, mais ne sait pas reconnaître l’archaïsme d’une approche dépassée de l’histoire. C’est moins Costelle et Clarke qu’il faut tenir pour responsables de cet état de fait que France 2, qui n’oserait pas promouvoir un documentaire historique sans le présenter comme un défi technologique, et qui empile les superlatifs pour s’autoconvaincre de diffuser en prime time une vision désuète et terriblement old school de l’histoire.
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