Lors de la sortie du livre de Prost & Winter [Prost A. et Winter J. (2004). Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie. Paris: Points Histoire, 340p], les historiens de l’école du consentement (Historial de Péronne) se plaignaient de l’attitude du public à leur égard et de la production cinématographique qui selon eux faisaient uniquement la part belle à leurs adversaires de l’école de la contrainte (CRID):
Dans les bandes dessinées de Tardi comme dans les films de Jean-Pierre Jeunet (Un long dimanche de fiançailles) ou de Christian Carion (Joyeux Noël), l’équipe de l’Historial perçoit les signes de son inexorable défaite. […] « Ceux qui nous critiquent ne sont pas nombreux et leurs travaux m’intéressent peu, prévient Annette Becker. […] Pour le public, il est plus facile de croire que nos chers grands-parents ont été forcés de faire la guerre par une armée d’officiers assassins. Heureusement, j’ai la chance de travailler avec des collègues étrangers, loin de ces petites querelles franco-françaises… »
In 1914-1918, guerre de tranchées entre historiens (Le Monde, 10.03.2006)
Tout ceci alors que
« D’un point de vue institutionnel, Becker et Audoin-Rouzeau sont archidominants. Ils refusent le débat, et ne dialoguent qu’avec les morts… Sur ’14-18′, ils contrôlent non seulement les manuels scolaires, mais aussi les sujets d’agrégation et la bibliographie qui va avec. Et puis ils s’adossent à une puissante structure : l’Historial dispose de moyens importants pour financer des bourses, des colloques et une revue internationale… En termes de budget, y’a pas photo ! », affirme Philippe Olivera [membre du CRID].
In 1914-1918, guerre de tranchées entre historiens (Le Monde, 10.03.2006)
Rageant, non? Pas forcément dans la mesure où ainsi qu’en témoignait Bruno Cabanes, professeur associé à l’université Yale (Etats-Unis) et membre du courant du consentement:
Chez certains jeunes, il y a une identification spectaculaire avec les soldats de la Grande Guerre. »
In 1914-1918, guerre de tranchées entre historiens (Le Monde, 10.03.2006)
Il ne restait plus, pour ces historiens officiels, qu’à trouver le moyen de renverser la vapeur. Les commémorations des quatre-vingt-dix ans de l’armistice leur en ont fourni l’occasion avec la réalisation et la diffusion de «14-18, le bruit et la fureur», produit télévisuel labellisé « documentaire historique» et qui devrait trouver ainsi une place de choix dans la mallette des enseignants. Pour parvenir à leur fin et rendre le produit attrayant à l’intention des jeunes téléspectateurs de ce début du XXIe siècle, ils disposent des ingrédients suivants :
- Annette Becker, historienne du Mémorial, fournit la caution scientifique à cette production télévisuelle ;
- une débauche d’effets techniques aux effets marketings et communicationnels garantis : colorisation d’images d’archives, sonorisation de ces mêmes archives muettes et intégration d’extraits de films de fiction ;
- une construction fictionnelle au travers d’un narrateur omniscient en voix-off présenté comme un poilu traversant sans dommage l’entier du conflit ;
- un texte très littéraire et un ton où le familier et l’émotionnel dominent.
Cette manière de scénariser, de narrativiser l’histoire du conflit mondial n’est pas sans rappeler la démarche suivie pour l’Odyssée de l’espèce, série controversée de France 3 consacrée à la préhistoire. Au final, «14-18, le bruit et la fureur» est un produit séducteur, mais à l’honnêteté intellectuelle plus que douteuse, une machine au service d’une propagande digne des plus belles réalisations du bourrage de crâne d’alors.
Observons-le maintenant d’un peu plus près. Pour vous mettre en situation, je vous propose de visionner la présentation de ce documentaire par le journal télévisé de France 2 :
Le script et son décodage:
Dans un premier temps le journaliste met l’accent sur l’exceptionnalité du document au travers des prouesses techniques (colorisation, sonorisation), le commentaire en voix-off lance le slogan suivant : « La guerre comme vous ne l’avez jamais entendue ». Il insiste : chaque plan a été sonorisé.
Ainsi la qualité de ce documentaire viendrait non pas des sources elles-mêmes, mais des prouesses techniques qui aujourd’hui colorisent et sonorisent des images d’archives. Une telle entrée en matière occulte
- qu’à aucun moment dans ce documentaire, il n’est procédé à un travail relativement à la nature, l’identification et la contextualisation des sources utilisées alors que 25 personnes étaient chargées de coloriser les images, aucune n’a été chargée de légender les séquences… ;
- que seuls les extraits des films de fiction sont identifiés par leur titre et leur date de sortie ;
- que nous ne disposons d’aucune image authentique des combats de 1914-1918 ;
- qu’il n’y a aucune raison historienne de coloriser ces images ;
- le fait que les sons ou les dialogues ont été inventés pour l’occasion.
En définitive, les images ne servent que d’illustration aux propos du narrateur, poilu imaginaire, et ce soi-disant documentaire historique n’est qu’une œuvre de fiction de plus, un roman à thèse à la forme picturale particulière, mélange d’images colorisées, de quelques-unes en noir blanc et d’extraits de films de fiction.
L’intention n’en est pas moins de faire croire au spectateur que ceci est « vrai », plus vrai en tout cas que tous les films de fiction consacrés à la guerre de 1914-1918 pour zapper ces derniers. Il serait intéressant de faire une analyse plus fine de ce documentaire pour repérer des scènes qui, sous une forme ou sous une autre, font écho à la scène d’un film de fiction. Ainsi, lorsque le film s’attèle à l’épisode de l’offensive du Chemin des Dames, il y a un commentaire du narrateur relativement aux officiers d’Etat-major, présentés comme indifférents au sort de la troupe, et les images nous montrent la cour d’une splendide bâtisse où trônent les voitures rutilantes de ces officiers. Une scène comparable figure dans le film de Stanley Kubrick, les Sentiers de la Gloire.
La présentation du documentaire s’attache ensuite au commentaire qui accompagne les images :
« Pour la première fois, c’est un poilu imaginaire comme le soldat inconnu qui nous raconte ces quatre ans de tranchée en images d’archives colorisées. »
Un poilu tellement imaginaire qu’il est improbable. Ce narrateur est omniscient, l’exact inverse de Fabrice à Waterloo, et capable de nous parler de sa vie quotidienne, de ses sentiments tout en étant au courant des considérations stratégiques de l’Etat-major et nous fournissant des informations statistiques en temps réel sur le conflit. Le tout dans une langue digne d’Apollinaire et de Céline ainsi que le démontre l’extrait suivant de la vidéo :
« On mange de la boue, on dort gluant et on vit glaise comme si on portait tout debout et déjà ouvert notre cercueil.»
Néanmoins il est curieusement moins omniscient pour nous parler de la reproduction en termes militaires de la hiérarchie sociale et des considérations de classe. De même, il reste très largement collé à l’évocation militaire et l’offensive du Chemin des Dames, par exemple, n’est que le fait d’officiers présomptueux, coupés de la troupe, mais rien ne relie la décision de Nivelle de pousser l’infanterie sous le feu des canons avec l’approbation tacite de Clémenceau ou de Poincaré. Point non plus d’arrêt sur la participation des peuples colonisés à l’effort de guerre. Il y a des absences, des silences qui sont éloquents.
Par ailleurs, l’incise ci-dessus permet au reportage de France 2 d’introduire le propos qui sous-tend l’entier de l’entreprise et c’est désormais Jean-François Delassus, le réalisateur, qui endosse le propos, la thèse du documentaire. Tout d’abord il indique qu’il s’agit pour le téléspectateur d’avoir
« L’impression d’être à côté des poilus, en face d’eux, […] comme une mouche sur le mur. Il va partager leur vie. […] Moi si j’avais eu entre 18 et 45 ans, j’aurais été là à sa place et en quoi j’aurais supporté ce qu’il a vécu ? Il s’agit de comprendre comment ce poilu imaginaire a pu supporter cela et au nom de quelles valeurs »
Pour plus de sûreté, Delassus fournit directement la réponse. Deux valeurs ont porté cette guerre : la haine et la patriotisme. Un deuxième extrait tiré de la voix off soutient ce propos du réalisateur et exalte le sang
«Je ne veux pas passer sous silence une transe qui est aussi une jouissance. La tuerie soulage la haine.»
Ce faisant est éliminé ainsi du champ de vision du téléspectateur toute autre dimension de l’attitude des poilus pendant et après ce conflit. Le dispositif retenu forme ainsi un écran à toute autre compréhension notamment celle du pacifisme, dans l’entre-deux-guerres, des survivants. Par une magnifique pirouette également, et par une contradiction remarquable alors qu’on a sonorisé des archives muettes de gens qui ne sont plus là pour se défendre, c’est le soldat inconnu, par essence muet, qui zappe les témoignages des survivants et notamment des deux dernier d’entre eux Lazare Ponticelli, très clair lui dans son rejet de la guerre et de l’inutilité de celle-ci («En 1914, je me suis engagé») ou Louis de Cazenave, dernier combattant ayant connu le «Chemin des Dames» :
« La guerre ? Hay hay hay ! Un truc absurde, inutile ! A quoi ça sert de massacrer des gens ? Rien ne peut le justifier, rien ! »
« La gloire, l’héroïsme ? De la fumisterie ! »
« Le patriotisme ? Un moyen de vous faire gober n’importe quoi ! »
Plus fort de café encore, cette interprétation du conflit est présentée par le réalisateur comme novatrice, révolutionnaire et sortant de l’historiquement correct :
« En réalité ce conflit a été accepté, a été consenti par la troupe et par l’arrière. Cette vision de la guerre de 14-18 est révolutionnaire, elle est radicalement différente. Elle sort de l’historiquement correct. »
Nous nageons ainsi en pleine malhonnêteté intellectuelle tant en fonction de la chronologie des questionnements historiographiques du conflit (l’école du consentement étant antérieur à l’école de la contrainte) que dans le statut des courants historiographiques, car s’il y a un « historiquement correct »— une vision officielle— c’est celle de l’école du consentement et donc les chercheurs de l’Historial de Péronne !
Ressources complémentaires :
- Historiograpnie Première Guerre mondiale : https://lyonelkaufmann.ch/histoire/historiographie_sujets/pages/_29.html
- Décédé, Lazare Ponticelli fait basuler la Grande Guerre dans l’Histoire
Sur les images tournées pendant la Première Guerre mondiale, un « vrai » documentaire existe : L’héroïque cinématographe (2003) de Laurent Veray et Agnès de Sacy, DVD 50 minutes, Quark Productions. Deux articles pour l’accompagner
- http://www.cndp.fr/Tice/Teledoc/mire/mire_heroiquecine.htm avec des propositions d’utilisation avec les élèves ;
- Un compte-rendu des Clionautes : http://www.clionautes.org/spip.php?article1611
Anthony Lozac'h dit
bonjour Lyonel,
Au préalable, je partage en partie votre argumentaire critique sur Le Bruit et la Fureur. Une scène m’a également gêné pour sa « malhonnêteté », c’est l’extrait d’une lettre d’une mère à son fils au front qui le « préfère mort dans l’honneur »…
Je fais pourtant partie de ces enseignants qui trouvent de documentaire « remarquable », c’est-à-dire digne d’entrer dans ma mallette pédagogique. Avec des limites qu’un montage permettra de surmonter. On peut tout-à-fait garder les scènes sur la vie quotidienne des poilus, sur Verdun, pour illustrer le cours. Le rôle de l’enseignant est de préciser le statut de l’image(ici, les batailles reconstituées). Celles-ci, bien que retravaillées, colorisées, montrent et touchent.
Je connais peu de documentaires qui s’attardent sur le statut de l’image, y compris sur des documentaires de la Seconde guerre mondiale qui font autorité (du moins ce n’est pas systématique).
Enfin, on peut comparer certains extraits très « péronnistes » avec des vignettes de Tardi pour introduire le débat historiographique : Comment les poilus ont-ils fait pour tenir au front ? je le fais systématiquement, et je suis satisfait qu’un documentaire illustre enfin le propos de la théorie du consentement. On peut aussi confronter ce montage avec des scènes de l’héroïque cinématographique.
Quant à diffuser l’intégralité du documentaire, les horaires officiels (et le sens de la pédagogie) nous en dissuaderont…
Sur mes 46 élèves de 3e, 6 ont vu le documentaire. Ce bourrage de crâne me semble moins inquiétant, car il touchera moins les élèves, que le sens critique de certaines épreuves comme le brevet des collèges.
http://www.clionautes.org/spip.php?article1994
Rémy Cazals dit
Votre commentaire est très intéressant et je n’ai pas à revenir sur le film. Mais l’expression « école de la contrainte » n’est pas juste. Ce que recherche le CRID (http://www.crid1418.org) c’est à comprendre la complexité de la guerre, la complexité des attitudes, le faisceau des facteurs qui peuvent expliquer la ténacité des combattants ou de l’arrière, et dont le jeu peut être différent selon les individus, selon les moments, selon leur plus ou moins grande exposition au danger. Nous récusons l’expression « consentement » parce que, pouvant signifier « adhésion, résignation et soumission », elle ne veut finalement rien dire et n’est donc pas opérationnelle. Il suffit d’ailleurs de lire attentivement les ouvrages des partisans du consentement pour s’apercevoir qu’ils font aussi état de la contrainte.
Cordialement.
Rémy Cazals
Lyonel Kaufmann dit
Cher Monsieur Cazals
Effectivement j'ai repris la formule d'Antoine Prost "école de la contrainte" pour qualifier les membres du CRID. Elle est un peu réductrice probablement. Merci donc pour les précisions et l'intérêt porté à ce billet.
Cordialement
Anthony Lozac'h dit
bonjour Lyonel,
Au préalable, je partage en partie votre argumentaire critique sur Le Bruit et la Fureur. Une scène m'a également gêné pour sa « malhonnêteté », c'est l'extrait d'une lettre d'une mère à son fils au front qui le « préfère mort dans l'honneur »…
Je fais pourtant partie de ces enseignants qui trouvent de documentaire « remarquable », c'est-à-dire digne d'entrer dans ma mallette pédagogique. Avec des limites qu'un montage permettra de surmonter. On peut tout-à-fait garder les scènes sur la vie quotidienne des poilus, sur Verdun, pour illustrer le cours. Le rôle de l'enseignant est de préciser le statut de l'image(ici, les batailles reconstituées). Celles-ci, bien que retravaillées, colorisées, montrent et touchent.
Je connais peu de documentaires qui s'attardent sur le statut de l'image, y compris sur des documentaires de la Seconde guerre mondiale qui font autorité (du moins ce n'est pas systématique).
Enfin, on peut comparer certains extraits très « péronnistes » avec des vignettes de Tardi pour introduire le débat historiographique : Comment les poilus ont-ils fait pour tenir au front ? je le fais systématiquement, et je suis satisfait qu'un documentaire illustre enfin le propos de la théorie du consentement. On peut aussi confronter ce montage avec des scènes de l'héroïque cinématographique.
Quant à diffuser l'intégralité du documentaire, les horaires officiels (et le sens de la pédagogie) nous en dissuaderont…
Sur mes 46 élèves de 3e, 6 ont vu le documentaire. Ce bourrage de crâne me semble moins inquiétant, car il touchera moins les élèves, que le sens critique de certaines épreuves comme le brevet des collèges.
http://www.clionautes.org/spip.php?article1994
Anthony Lozac'h
Lyonel Kaufmann dit
Cher Anthony,
Déontologiquement ce docu-fiction pose problème d'utilisation à mon avis tant à l'historien qu'à l'enseignant d'histoire. Son statut sera-t-il le même pour les élèves que, par exemple, Un Dimanche de fiancailles qui sera très clairement perçu comme un film de fiction par les élèves ou avec la BD de Tardi (selon votre exemple). «14-18, le bruit et la fureur» a pour moi le même statut.
Aura-t-on le temps de faire le minimum de travail d'analyse nécessaire avec les élèves relativement à cet objet?
A quelles véritables sources cette fois-ci le confrontera-t-on?
« Je connais peu de documentaires qui s'attardent sur le statut de l'image »: effectivement, je n'en disconviens pas. Et c'est bien pour cela que je préfère généralement travailler avec des films de fictions lorsque je peux les rattacher à un point de vue historiographique et que je peux mettre en parallèle avec des sources pour distinguer fiction/histoire. Leur statut est nettement plus clair.
Cependant, je valide tout à fait la démarche que tu proposes qui ne peut être que comparatiste si l'on souhaite néanmoins utiliser ce docu-fiction.
Rémy Cazals dit
Votre commentaire est très intéressant et je n'ai pas à revenir sur le film. Mais l'expression « école de la contrainte » n'est pas juste. Ce que recherche le CRID (http://www.crid1418.org) c'est à comprendre la complexité de la guerre, la complexité des attitudes, le faisceau des facteurs qui peuvent expliquer la ténacité des combattants ou de l'arrière, et dont le jeu peut être différent selon les individus, selon les moments, selon leur plus ou moins grande exposition au danger. Nous récusons l'expression « consentement » parce que, pouvant signifier « adhésion, résignation et soumission », elle ne veut finalement rien dire et n'est donc pas opérationnelle. Il suffit d'ailleurs de lire attentivement les ouvrages des partisans du consentement pour s'apercevoir qu'ils font aussi état de la contrainte.
Cordialement.
Rémy Cazals
Lyonel Kaufmann dit
Effectivement j'ai repris la formule d'Antoine Prost « école de la contrainte » pour qualifier les membres du CRID. Elle est un peu réductrice probablement. Merci donc pour les précisions et l'intérêt porté à ce billet.
Cordialement
Lyonel Kaufmann dit
bonjour Lyonel,
Au préalable, je partage en partie votre argumentaire critique sur Le Bruit et la Fureur. Une scène m’a également gêné pour sa « malhonnêteté », c’est l’extrait d’une lettre d’une mère à son fils au front qui le « préfère mort dans l’honneur »…
Je fais pourtant partie de ces enseignants qui trouvent de documentaire « remarquable », c’est-à-dire digne d’entrer dans ma mallette pédagogique. Avec des limites qu’un montage permettra de surmonter. On peut tout-à-fait garder les scènes sur la vie quotidienne des poilus, sur Verdun, pour illustrer le cours. Le rôle de l’enseignant est de préciser le statut de l’image(ici, les batailles reconstituées). Celles-ci, bien que retravaillées, colorisées, montrent et touchent.
Je connais peu de documentaires qui s’attardent sur le statut de l’image, y compris sur des documentaires de la Seconde guerre mondiale qui font autorité (du moins ce n’est pas systématique).
Enfin, on peut comparer certains extraits très « péronnistes » avec des vignettes de Tardi pour introduire le débat historiographique : Comment les poilus ont-ils fait pour tenir au front ? je le fais systématiquement, et je suis satisfait qu’un documentaire illustre enfin le propos de la théorie du consentement. On peut aussi confronter ce montage avec des scènes de l’héroïque cinématographique.
Quant à diffuser l’intégralité du documentaire, les horaires officiels (et le sens de la pédagogie) nous en dissuaderont…
Sur mes 46 élèves de 3e, 6 ont vu le documentaire. Ce bourrage de crâne me semble moins inquiétant, car il touchera moins les élèves, que le sens critique de certaines épreuves comme le brevet des collèges.
http://www.clionautes.org/spip.php?article1994
Lyonel Kaufmann dit
bonjour Lyonel,
Au préalable, je partage en partie votre argumentaire critique sur Le Bruit et la Fureur. Une scène m’a également gêné pour sa « malhonnêteté », c’est l’extrait d’une lettre d’une mère à son fils au front qui le « préfère mort dans l’honneur »…
Je fais pourtant partie de ces enseignants qui trouvent de documentaire « remarquable », c’est-à-dire digne d’entrer dans ma mallette pédagogique. Avec des limites qu’un montage permettra de surmonter. On peut tout-à-fait garder les scènes sur la vie quotidienne des poilus, sur Verdun, pour illustrer le cours. Le rôle de l’enseignant est de préciser le statut de l’image(ici, les batailles reconstituées). Celles-ci, bien que retravaillées, colorisées, montrent et touchent.
Je connais peu de documentaires qui s’attardent sur le statut de l’image, y compris sur des documentaires de la Seconde guerre mondiale qui font autorité (du moins ce n’est pas systématique).
Enfin, on peut comparer certains extraits très « péronnistes » avec des vignettes de Tardi pour introduire le débat historiographique : Comment les poilus ont-ils fait pour tenir au front ? je le fais systématiquement, et je suis satisfait qu’un documentaire illustre enfin le propos de la théorie du consentement. On peut aussi confronter ce montage avec des scènes de l’héroïque cinématographique.
Quant à diffuser l’intégralité du documentaire, les horaires officiels (et le sens de la pédagogie) nous en dissuaderont…
Sur mes 46 élèves de 3e, 6 ont vu le documentaire. Ce bourrage de crâne me semble moins inquiétant, car il touchera moins les élèves, que le sens critique de certaines épreuves comme le brevet des collèges.
http://www.clionautes.org/spip.php?article1994
Anthony Lozac'h dit
bonjour Lyonel,
Au préalable, je partage en partie votre argumentaire critique sur Le Bruit et la Fureur. Une scène m’a également gêné pour sa « malhonnêteté », c’est l’extrait d’une lettre d’une mère à son fils au front qui le « préfère mort dans l’honneur »…
Je fais pourtant partie de ces enseignants qui trouvent de documentaire « remarquable », c’est-à-dire digne d’entrer dans ma mallette pédagogique. Avec des limites qu’un montage permettra de surmonter. On peut tout-à-fait garder les scènes sur la vie quotidienne des poilus, sur Verdun, pour illustrer le cours. Le rôle de l’enseignant est de préciser le statut de l’image(ici, les batailles reconstituées). Celles-ci, bien que retravaillées, colorisées, montrent et touchent.
Je connais peu de documentaires qui s’attardent sur le statut de l’image, y compris sur des documentaires de la Seconde guerre mondiale qui font autorité (du moins ce n’est pas systématique).
Enfin, on peut comparer certains extraits très « péronnistes » avec des vignettes de Tardi pour introduire le débat historiographique : Comment les poilus ont-ils fait pour tenir au front ? je le fais systématiquement, et je suis satisfait qu’un documentaire illustre enfin le propos de la théorie du consentement. On peut aussi confronter ce montage avec des scènes de l’héroïque cinématographique.
Quant à diffuser l’intégralité du documentaire, les horaires officiels (et le sens de la pédagogie) nous en dissuaderont…
Sur mes 46 élèves de 3e, 6 ont vu le documentaire. Ce bourrage de crâne me semble moins inquiétant, car il touchera moins les élèves, que le sens critique de certaines épreuves comme le brevet des collèges.
http://www.clionautes.org/spip.php?article1994
Anthony Lozac’h
Lyonel Kaufmann dit
Cher Anthony,
Déontologiquement ce docu-fiction pose problème d’utilisation à mon avis tant à l’historien qu’à l’enseignant d’histoire. Son statut sera-t-il le même pour les élèves que, par exemple, Un Dimanche de fiancailles qui sera très clairement perçu comme un film de fiction par les élèves ou avec la BD de Tardi (selon votre exemple). «14-18, le bruit et la fureur» a pour moi le même statut.
Aura-t-on le temps de faire le minimum de travail d’analyse nécessaire avec les élèves relativement à cet objet?
A quelles véritables sources cette fois-ci le confrontera-t-on?
« Je connais peu de documentaires qui s’attardent sur le statut de l’image »: effectivement, je n’en disconviens pas. Et c’est bien pour cela que je préfère généralement travailler avec des films de fictions lorsque je peux les rattacher à un point de vue historiographique et que je peux mettre en parallèle avec des sources pour distinguer fiction/histoire. Leur statut est nettement plus clair.
Cependant, je valide tout à fait la démarche que tu proposes qui ne peut être que comparatiste si l’on souhaite néanmoins utiliser ce docu-fiction.
Rémy Cazals dit
Votre commentaire est très intéressant et je n’ai pas à revenir sur le film. Mais l’expression « école de la contrainte » n’est pas juste. Ce que recherche le CRID (http://www.crid1418.org) c’est à comprendre la complexité de la guerre, la complexité des attitudes, le faisceau des facteurs qui peuvent expliquer la ténacité des combattants ou de l’arrière, et dont le jeu peut être différent selon les individus, selon les moments, selon leur plus ou moins grande exposition au danger. Nous récusons l’expression « consentement » parce que, pouvant signifier « adhésion, résignation et soumission », elle ne veut finalement rien dire et n’est donc pas opérationnelle. Il suffit d’ailleurs de lire attentivement les ouvrages des partisans du consentement pour s’apercevoir qu’ils font aussi état de la contrainte.
Cordialement.
Rémy Cazals
Lyonel Kaufmann dit
Effectivement j’ai repris la formule d’Antoine Prost « école de la contrainte » pour qualifier les membres du CRID. Elle est un peu réductrice probablement. Merci donc pour les précisions et l’intérêt porté à ce billet.
Cordialement
julienhenzelin dit
Cher Lyonel,
J'ai apprécié le fond de ton article et je vois mieux le souci d'un docu-fiction pour les personnes qui n'ont pas le recul nécessaire pour en tirer ce qui est "vrai" de ce qui a été ajouté pour en faire "un guerre comme nous ne l'avons jamais entendue".
Du point de vue de l'enseignement, je trouve en effet difficile de pouvoir valablement expliquer, demander un travail de réflexion à des élèves, alors même que ce sont des sujets qu'ils ne connaissent parfois pas. En tirer le vrai du faux me paraît être mission impossible. Ou alors, avec des cours d'introduction et de pédagogie très différents de ce qui se fait aujourd'hui.
Mais ce document montre bien que tous les métiers évoluent et que nous devons nous adapter autant dans la formation que dans l'interprétation des sources d'information à notre disposition.
Encore merci pour cet article.
Julien
Anthony Lozac'h dit
bonjour Lyonel,
Au préalable, je partage en partie votre argumentaire critique sur Le Bruit et la Fureur. Une scène m'a également gêné pour sa "malhonnêteté", c'est l'extrait d'une lettre d'une mère à son fils au front qui le "préfère mort dans l'honneur"…
Je fais pourtant partie de ces enseignants qui trouvent de documentaire "remarquable", c'est-à-dire digne d'entrer dans ma mallette pédagogique. Avec des limites qu'un montage permettra de surmonter. On peut tout-à-fait garder les scènes sur la vie quotidienne des poilus, sur Verdun, pour illustrer le cours. Le rôle de l'enseignant est de préciser le statut de l'image(ici, les batailles reconstituées). Celles-ci, bien que retravaillées, colorisées, montrent et touchent.
Je connais peu de documentaires qui s'attardent sur le statut de l'image, y compris sur des documentaires de la Seconde guerre mondiale qui font autorité (du moins ce n'est pas systématique).
Enfin, on peut comparer certains extraits très "péronnistes" avec des vignettes de Tardi pour introduire le débat historiographique : Comment les poilus ont-ils fait pour tenir au front ? je le fais systématiquement, et je suis satisfait qu'un documentaire illustre enfin le propos de la théorie du consentement. On peut aussi confronter ce montage avec des scènes de l'héroïque cinématographique.
Quant à diffuser l'intégralité du documentaire, les horaires officiels (et le sens de la pédagogie) nous en dissuaderont…
Sur mes 46 élèves de 3e, 6 ont vu le documentaire. Ce bourrage de crâne me semble moins inquiétant, car il touchera moins les élèves, que le sens critique de certaines épreuves comme le brevet des collèges.
http://www.clionautes.org/spip.php?article1994
Cordialement,
Benoît Gillet dit
Je viens de visionner 14-18 Le bruit et
la fureur, quel documentaire!
Alors, conquis, je me renseigne, et
voilà que je tombe sur un site citant (et oui, la langue française
peut être amusante parfois…):
»Cette manière de scénariser, de
narrativiser l’histoire du conflit mondial n’est pas sans
rappeler la démarche suivie pour l’Odyssée de l’espèce, série
controversée de France 3 consacrée à la préhistoire. Au final,
«14-18, le bruit et la fureur» est un produit séducteur, mais à
l’honnêteté intellectuelle plus que douteuse, une machine au
service d’une propagande digne des plus belles réalisations du
bourrage de crâne d’alors. »
L’honnêteté intellectuelle semble
être mise à mal, selon vous, par le récit ficitif adopté pour le
légender, ainsi que quelques oublis (et en ayant lu votre
commentaire et n’étant pas agrégé d’histoire, je respecte
entièrement votre parole), mais tout de même!
Je m’intéresse beaucoup à l’histoire,
et particulièrement à la 1re Guerre Mondiale, et je puis vous
assurer que, tout faussement subjectif que soit le »récit », il
apporte beaucoup à l’apprentissage de cette période pour les
personnes auxquelles il est destiné (donc, de préférence à des
élèves)… ce film fait l’avant et l’après de cette guerre, mais
également, évite de faire l’impasse sur des »détails », des »à
côtés » qui sont indispensables à la compréhension de tout un
siècle. Alors, certes, il n’est pas exhaustif, et oui, la
colorisation et surtout la bande sonore presque improvisée en font
un film risible pour les personnes d’enseignement supérieur (et
encore, spécialisés en Histoire, et au rythme où va le monde mon
bon monsieur…), mais personnellement, il m’a apporté une lumière,
voir une connaissance de certains faits qu’aucun documentaire portant
sur la guerre »14-18 » ne l’avait fait jusqu’à présent (et
même/surtout en classe), car il faut bien dire que jusqu’à présent,
ceux-ci se contentaient de paraphraser les manuels scolaires dans
toute leur concision! De plus, et ce point est parfaitement
subjectif, mais le commentaire d’Alexandre Astier donne une proximité
non négligeable à l’ensemble.
Alors, même si l'(extrême)exactitude
est à vérifier, que l’authenticité n’est pas au rendez-vous,
pensez-vous que la (presque) justesse du récit historique ne mérite
pas à ce point qu’on ne l’enseigne à des élèves séparés de plus
d’un siècle de cette période?
Benoît Gillet
Lyonel Kaufmann dit
Pour être clair, je ne remet pas en cause l’importance d’enseigner la Première Guerre mondiale. C’est l’utilisation de ce documentaire, qui plus est seulement celui-ci, qui pose problème.
Maintenant pour aller plus loin, il serait intéressant que vous indiquiez ce que ce documentaire précisément vous a apporté, ces éléments pour vous « indispensable à la compréhension de tout un siècle. »