En France, l’arrivée d’un nouveau programme d’histoire ou de toute autre matière donne lieu à l’ouverture de la chasse. Chaque éditeur scolaire relifte plus ou moins profondément sa ou ses collections de manuels et les enseignants se les voient ensuite proposés. L’arrivée donc des nouveaux programmes de 6e ne déroge donc pas à cette règle.
Cette arrivée a donné lieu cette année à une discussion ouverte sur le Ning des Clionautes (Quel nouveau manuel de sixième choisir ?). Et c’est à la fois un des intérêts concrets de ce web 2.0 parfois si mystérieux à certains et une fenêtre très intéressante sur les préoccupations des enseignant-e-s au moment de devoir faire leur choix. Dans tous les cas, les débats ont été animés:
Réponse de 18 Juin 2009 à 22 26
leEt bien les collègues qui ont choisi le Magnard (ce n’est pas mon cas) ou encore ceux qui y ont participé vont apprécier !!!
Merci de lire les commentaires qui font appel à des critiques constructives et mesurées car s’il y a bien un enseignement à retirer de ce débat, c’est que nous n’attendons pas tous la même chose d’un manuel. Je rappelle également que c’est le professeur qui fait le programme et pas le manuel.
Je m’interroge sur l’intérêt de poursuivre ce débat si nous n’arrivons pas à dépasser les querelles partisanes, des jugements à l’emporte-pièce, des généralisations ou des procès d’intentions (favoriser tel ou tel éditeur).
Cependant, dans le domaine des manuels, deux nouveaux éléments modifient progressivement la donne dans le choix et la nature de ceux-ci:
- les manuels numériques;
- l’Open source
C’est ainsi que, par exemple, la Californie à la situation financière désastreuse (Le Temps –La solution de la Californie faute de dollars – 04.07.2009) planifie l’adoption de manuels numériques et libres de droits (Infobourg – Manuels scolaires numériques pour la Californie du 21e siècle):
Californie – Le gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger, veut remplacer les manuels scolaires traditionnels par des manuels numériques gratuits et libres de droits. Dès la rentrée 2009, les élèves du secondaire auront accès à des manuels numériques pour les cours de mathématiques et de sciences. La Californie sera ainsi le premier état américain à adopter une telle mesure.
On trouve déjà sur le net quelques initiatives de manuels numériques libres de droits, répertoriées notamment sur Wikipedia (Open textbook) et vous trouverez ici quelques exemples relatifs à l’histoire en anglais (Community College Consortium for Open Educational Resources (CCCOER) – History ou Textbook Revolution – World History). Dans le domaines francophone, c’est l’association Sésamath qui montre la voie en ce domaine. Pour sa part, Educnet a synthétisé les enjeux économiques des manuels numériques libres de droits ou non (Educnet – Manuel numérique).
Plus radicalement, les manuels scolaires sous toutes leurs formes forment-ils des moyens efficaces d’apprentissage? C’est ce que remet en cause l’expérience des professeurs mathématiques de l’école primaire de Woodlawn (Floride) qui en se débarrassant des manuels au profit d’autres démarches ont vu les résultats de leurs élèves s’améliorer notablement ( Tampabay.com – Woodlawn Elementary thinks outside the book to pull D to a B).
Prolongements: Lucas N. (2001) Enseigner l’histoire dans le secondaire. Manuels et enseignement depuis 1902. Rennes: PUR.
Vincent Mespoulet dit
Bonjour Lyonel,
Pour compléter et actualiser les références sur les initiatives californiennes visant à promouvoir les manuels numériques en Open Source, je te conseille de lire cet article du New-York Times paru il y a quelques jours, qui fait le point sur les manuels numériques en Open Source. Cet article est particulièrement bien informé et te donnera des exemples précis avec les liens afférents.
Il y a bien sûr un argument économique dans cette politique, mais il y a surtout un argument pédagogique valable, le changement de paradigme des conditions d’apprentissage des Digital Natives qui s’accomodent mal d’un manuel fini et linéaire. En outre, ce qu’il y a de plus intéressant à mon sens, c’est bien la « dématérialisation » de l’enseignant lui-même autant que celle du manuel. L’enseignant ne disparait pas, mais se démultiplie de plus en plus facilement, ce qui est très mal compris par ceux qui critiquent l’enseignement online, selon un préjugé de déshumanisation. C’est l’inverse qui se passe, en fait. Son auditoire ne se réduit plus à sa classe en présentiel. Il s’élargit à des communautés éducatives beaucoup plus vastes parce qu’il devient producteurs de ressources en ligne. En même temps, ce changement modifie en profondeur la structure du temps scolaire qui rend de plus en plus problématique (obsolète ?) le modèle classique du prof devant une trentaine d’élèves.
J’ai utilisé largement au cours de l’année passée cette notion de « flatclassroom » en invitant régulièrement de nombreux enseignants dans ma classe réelle via ma classe virtuelle (une plateforme de e.learning, ou tout simplement Skype) : mes élèves ont pu travailler et discuter en direct avec des enseignants des Etats-Unis, de Chine, ou même du Népal et du Burkina Faso: l’enseignant peut ainsi devenir ponctuellement l’enseignant d’autres élèves. Ces classes distantes écoutaient et voyaient mes cours en même temps que mes propres élèves.
Lyonel Kaufmann dit
Merci à Vincent pour l’article du New-York Times et ses compléments fort intéressants.
Personnellement (je l’est déjà exprimé ici), cela fait longtemps que je pense que la classe, la période (de 45 ou 50 minutes), le travail à heure fixe etc. sont remis en cause. En fait c’est la logique du travail de l’atelier, du temps et du chronomètre, chère à la Révolution industrielle qui est ainsi remis en cause. J’ai toujours été frappé, de par ici, par les horloges présentes dans les couloirs d’école: c’étaient les mêmes que celle des ateliers d’usines. L’enseignant n’étant pas sans rapport avec le chef d’atelier ou le contremaître. Et le directeur d’école le digne équivalent du directeur d’usine.
Ton évocation de la dématérialisation de l’espace et du temps (et donc aussi de l’enseignant et du manuel) n’est pas sans évoquer la nouvelle organisation du travail où il n’y a plus d’horaires de travail et où la séparation entre vie professionnelle et vie privée est abolie. La mise à plat (du moins apparente) des hiérarchies je la perçois également au travers de ton expression «flatclassrom».
Maintenant ses nouvelles organisations du travail ont également été un moyen d’augmenter la productivité du travail. Le poids de la gestion du temps étant aussi intériorisée par le salarié.
Le nouveau paradigme ne me paraît ni meilleur, ni pire que le précédent (l’aliénation du travailleur restant la norme), sauf que nous vivons dans une société sans utopie sociale… à l’échelle de l’école née cette utopie sociale s’est appelée démocratisation de l’école et des études…