Finalement à la lecture de différents compte-rendus consacrés à la sortie du film La Rafle de Roselyne Bosch, il m’apparaît que celui-ci comme d’autres productions récentes (L’Évasion de Louis XVI; 14-18: le bruit et la fureur; Apocalypse) s’inscrit parfaitement dans la perspective de Nicolas Sarkozy de réécrire l’histoire à destination des élèves français pour construire un nouveau roman national. Plus que des œuvres historiques, ce sont des films d’actualité et, à ce titre, il s’agit de document d’archives pour une future étude historique de cette présidence française. Y verra-t-on aussi le basculement d’un enseignement de l’histoire vers un enseignement purement mémoriel et émotionnel?
- Un intéressant compte-rendu du film La Rafle. Premièrement ce compte-rendu replace le film dans la filmographie sur le Vel d’Hiv qui n’était abordé jusqu’à présent qu’indirectement par le cinéma français. Ensuite, Zéro de conduite interroge cette volonté du film de vouloir reconstituer les images de l’événement et sa prétention de se hisser au rang de document d’époque en se donnant des gages d’historicité avec Serge Klarsfeld dans le rôle de superviseur. Enfin, il y a cette autre volonté affirmée de vouloir émouvoir, instruire et créer le souvenir le tout enrobé de tapage médiatique et taillé sur mesure pour les enseignant-e-s de Troisième et Première. En adoptant le point de vue des enfants et de l’émotion, La Rafle est finalement en total accord avec la perspective de l’enseignement de l’histoire développée par Nicolas Sarkozy au travers de exemples de Guy Moquet ou de l’adoption par les élèves du primaire d’enfants juifs déportés. Film sur son temps plus que film d’histoire?
A noter aussi que l’émission de radio La Fabrique de l’Histoire sur France Culture dans « A quoi sert l’histoire aujourd’hui? » de vendredi dernier débattait autour du film de Roselyne Bosch avec Sylvie Lindeperg, Steven Kaplan et Jean-François Bossy : Fabrique de l’histoire : La Rafle France Culture.
Culturopoing nous offre également une très intéressant débat pour accompagner la sortie du film: Les 400 coups de la Gestapo douce (débat autour du film « La Rafle »). Les quelques extraits suivants sont sans pitié concernant ce genre d’entreprise qu’est devenue sur France 2 le docu-fiction:
- Cyril Cossardeaux: Traiter un grand sujet nécessaire et rappeler le crime indélébile de la France ne dispense pas de faire du cinéma…
- Bruno Piszorowicz: C’est en partie vrai pour ce qui concerne la forme en effet, mais c’est sans doute parce que la réalisatrice s’est limitée, s’est accrochée même, aux seules anecdotes et histoires transmises des témoins pour construire sa trame.
- Cyril Cossardeaux : Cette première partie à Montmartre, c’est vraiment pas possible quoi ! On dirait Le Tragique destin annoncé d’Amélie Poulinstein ! Plus chromo tu meurs ! Tout est vrai, rien n’est crédible hélas !
Et puis, tout de même il faut quand même évoquer ce qui me semble être à la fois maladroit et gênant, à savoir que nous avons là un film qui se veut tellement explicatif que tous ses personnages se trouvent réduits à la seule échelle de leur judéïté, comme de simples archétypes. - Cyril Cossardeaux : Monsieur Klein traitait déjà de la Rafle du Vel d’Hiv. Moins directement peut-être qu’ici, à travers, à travers le destin d’un homme et presque sur le ton de la fable allégorique (allant d’ailleurs au-delà du drame de la Shoah pour nous questionner sur l’Autre, l’altérité, etc.). Mais je pense que c’est ce qui donnait au film une dynamique narrative bien plus forte et en faisait du cinéma, pas une leçon d’Histoire. Et pourtant, je ne suis pas un fan de Losey dans l’absolu !
Voir aussi notre précédent article: L’Éducation nationale, partenaire et prescripteur du film | Le Figaro
bricabraque dit
Merci pour cette analyse qui permet de prendre du recul après le matraquage promotionnel autour de ce film.
J.B.