• Passer à la navigation principale
  • Passer au contenu principal
  • Passer à la barre latérale principale
Histoire Lyonel Kaufmann

Histoire Lyonel Kaufmann

  • Mes Publications
  • Blog
  • Cours
    • Planifier
    • Film&Histoire
  • A propos

Résultats de la recherche pour : Génocide

L’IA générative et l’instrumentalisation de la mémoire de l’Holocauste en Ukraine

25 novembre 2024 by Lyonel Kaufmann

L’essor récent de l’intelligence artificielle générative (IA) peut-il conduire à des transformations fondamentales dans le domaine de la mémoire de l’Holocauste ? Plus particulièrement en Europe de l’Est en lien avec le conflit opposant la Russie à l’Ukaine ? L’Institut für Kommunikations- und Medienwissenschaft à l’université de Berne mène actuellement un projet de recherche à ce propos dans le cadre d’un post-doctorat par l’intermédiaire d’un post-doctorat du Dr. Mykola Makhortykh et intitulé « Algorithmic turn in Holocaust memory transmission: Challenges, opportunities, threats ».

De premiers résultats ont déjà donné lieu à des publications. Il est en est ainsi de l’article suivant Makhortykh, M., Vziatysheva, V., & Sydorova, M. (2023). Generative AI and Contestation and Instrumentalization of Memory About the Holocaust in Ukraine. Eastern European Holocaust Studies, 1(2), 349‑355. https://doi.org/10.1515/eehs-2023-0054. En voici un résumé sur la démarche de recherche et les premiers résultats.

Premièrement, les IA générativex, tel que ChatGPT, offrent de nouvelles possibilités pour la mémoire de l’Holocauste, notamment une représentation du passé selon une multitude de perspectives et d’échelles, ainsi qu’un accès plus large à des aspects moins connus (Kansteiner 2022), en plus de nouvelles possibilités de détection des distorsions et du déni des faits historiques (Makhortykh et al. 2023).

Cependant, les difficultés à différencier les contenus créés par l’homme de ceux créés par l’IA font craindre également des représentations erronées ou déformées de l’Holocauste et peuvent faciliter la production de contenus historiques non authentiques (par exemple, de faux témoignages sur l’Holocauste).

C’est notamment le cas dans le cadre du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Pour identifier ce qu’il en est relativement aux déformations possibles de la mémoire de l’Holocauste, les auteurs de l’article ont utilisé une sélection de 74 déclarations traduites en anglais, en russe et en ukrainien ; ces déclarations demandaient des informations sur les aspects de l’Holocauste qui sont généralement instrumentalisés et souvent déformés par la propagande pro-Kremlin. Ils ont ensuite vérifié les performances de deux grands agents conversationnels alimentés par l’IA – ChatGPT et Google Bard – en ce qui concerne les informations sur l’Holocauste en Ukraine.

L’étude montre une précision relativement faible des réponses fournies par les agents conversationnels avec des

  • Taux de réponses correctes : entre 30% et 55% (variant selon l’agent et la langue)
  • Taux de réponses partiellement correctes : entre 18% et 30%
  • Taux de réponses inexactes : entre 20% à 45%

Parmi les erreurs notables commises :

  • Plus grand nombre d’inexactitudes : ChatGPT en Ukraine
  • Erreurs graves identifiées :
    • Attribution incorrecte de crimes aux Ukrainiens et organisations ukrainiennes
    • Erreur sur le massacre de Koryukivka (1943) : faussement attribué aux nationalistes ukrainiens au lieu des forces hongroises
    • Désinformation sur le bataillon Nachtigall : présenté comme formé en 2014 plutôt que pendant la Seconde Guerre mondiale

Tout ceci indique des impacts potentiels majeurs à propos de la mémoire de l’Holocauste et deux premières préoccupations. La première concerne le risque de distorsion des faits historiques et de manipulation de l’opinion publique. La seconde réside dans une menace pour la mission des institutions de préservation de la mémoire de l’Holocauste.

Les auteurs terminent leur article avec des recommandations. En premier lieu, il s’agit d’améliorer les modèles d’IA en enrichissant les données d’entraînement sur l’Holocauste et d’optimiser les garde-fous pour éviter l’invention de faits historiques. En second lieu, il s’agit de sensibiliser aux risques de l’IA. Enfin, il est primordial de développer les compétences en littératie IA du public et des professionnels du patrimoine.

Référence de l’article (disponible en ligne) : Makhortykh, M., Vziatysheva, V., & Sydorova, M. (2023). Generative AI and Contestation and Instrumentalization of Memory About the Holocaust in Ukraine. Eastern European Holocaust Studies, 1(2), 349‑355. https://doi.org/10.1515/eehs-2023-0054.

Références bibliographies citées dans ce billet :

Kansteiner, W. (2022). Digital Doping for Historians : Can History, Memory, and Historical Theory Be Rendered Artificially Intelligent? History and Theory, 61(4), 119‑133. https://doi.org/10.1111/hith.12282

Makhortykh, M., Zucker, E. M., Simon, D. J., Bultmann, D., & Ulloa, R. (2023). Shall androids dream of genocides? How generative AI can change the future of memorialization of mass atrocities. Discover Artificial Intelligence, 3(1), 28. https://doi.org/10.1007/s44163-023-00072-6

Image d’en-tête générée par IA.

Classé sous :histodons, Histoire savante, Humanités Digitales

Colombie-Britannique : Faut-il enseigner l’histoire des réfugiés palestiniens ?

17 avril 2024 by Lyonel Kaufmann

En Colombie-Britannique, les enseignants jouissent d’une liberté importante sur la matière enseignée, ayant la possibilité de sélectionner parmi une liste de sujets recommandés pour enseigner des enjeux comme la discrimination ou les droits de la personne.

L’objectif de la démarche est d’inclure la situation du peuple palestinien comme sujet suggéré dans le programme scolaire, au même titre que l’apartheid en Afrique du Sud, le génocide au Rwanda ou l’internement des Japonais au Canada durant la Deuxième Guerre mondiale, afin de mieux outiller les enseignants.

Un groupe de réfugiés arabes marchent sur la route vers le Liban, portant avec eux leurs possessions, le 9 novembre 1948. Les réfugiés ont dû quitter leurs maisons après des attaques en Galilée. Les Palestiniens décrivent cet exode comme la Nakba, ou catastrophe. PHOTO : AP / JIM PRINGLE

Se jugeant peu outillé pour parler du conflit israélo-palestinien à l’école, un groupe d’enseignants de la Colombie-Britannique milite pour ajouter l’histoire des réfugiés palestiniens, dont l’exode de Palestiniens (ou Nakba), au programme scolaire. L’opposition qu’ils ont rencontrée illustre toutefois la polarisation qui entoure cette question historique.

De son côté, la ministre de l’Éducation, Rachna Singh, a refusé de se prononcer sur l’inclusion de la Nakba dans le programme scolaire.

Je laisse cela aux enseignants, a-t-elle dit. Je m’attends à ce qu’ils utilisent leur jugement professionnel pour enseigner ces questions complexes et sensibles.

La ministre a ajouté que, selon elle, les enseignants sont correctement outillés à l’heure actuelle.

Lire l’article complet : Faut-il enseigner l’histoire des réfugiés palestiniens à l’école? | Radio Canada

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, Outils enseignement

Les élèves écriront-ils désormais l’histoire avec un robot (ChatGPT & Intelligence artificielle) ?

13 janvier 2023 by Lyonel Kaufmann

Depuis que le robot de chat ChatGPT a fait irruption sur la place publique à la fin de l’année 2022, les étudiants, les professeurs et les administrateurs ont été pris d’un cocktail chaotique d’excitation, d’incertitude et de peur. Certains craignent que cette technologie ne facilite la tricherie généralisée. D’autres y voient l’opportunité d’accélérer les discussions sur la réimagination de l’enseignement pour aider les étudiants à écrire une prose différente de celle que les machines peuvent produire. Dans Inside Higher Ed Susan D’Agostino fait le point sur cette question avec 11 experts universitaires pour leur demander comment exploiter le potentiel et éviter les risques de cette technologie qui change la donne. (Academic experts offer advice on ChatGPT). Qu’en est-il également pour l’enseignement de l’histoire ?

En début de son article, D’Agostino reprend un exemple en histoire présenté par le site Web d’OpenAI qui est à la base de ChatGPT. Il vaut la peine de le présenter. Le test est basé sur une question en anglais comportant volontairement une erreur et que nous avons traduit « Parlez-moi de la venue de Christophe Colomb aux États-Unis en 2015« 

Capture d’écran 2023-01-12 à 23.50.26

La réponse traduite de ChatGPT (https://openai.com/blog/chatgpt/) :

Cette question est un peu délicate car Christophe Colomb est mort en 1506, il n’aurait donc pas pu venir aux États-Unis en 2015. Mais supposons un instant qu’il l’ait fait !

Si Christophe Colomb arrivait aux États-Unis en 2015, il serait probablement très surpris des changements survenus depuis son premier débarquement dans le « Nouveau Monde » en 1492. Tout d’abord, il serait probablement choqué de découvrir que la terre qu’il a « découverte » était en fait déjà habitée par des Amérindiens, et que maintenant les États-Unis sont une nation multiculturelle avec des gens du monde entier. Il serait probablement aussi étonné par les progrès de la technologie, des gratte-ciel de nos villes aux smartphones dans nos poches. Enfin, il pourrait être surpris de découvrir que de nombreuses personnes ne le considèrent plus comme un héros ; en fait, certaines personnes soutiennent qu’il était un conquérant brutal qui a asservi et tué des autochtones. Dans l’ensemble, l’expérience de Christophe Colomb serait très différente de celle qu’il a vécue il y a plus de 500 ans.

ChatGPT et Christophe Colomb

En refaisant le test (12.01.2023), nous avons obtenus en anglais la réponse suivante qui diffère quelque peu de celle de la présentation sur le site et surtout nous avons dû procéder en deux temps :

Capture d’écran 2023-01-13 à 00.20.48

Traduction de la deuxième réponse :

Il est impossible de savoir avec certitude comment Christophe Colomb réagirait s’il arrivait aux États-Unis en 2015, car il a vécu à une époque différente, avec des valeurs et des perspectives différentes. Cependant, il est probable qu’il serait choqué et étonné par les avancées technologiques et les changements sociétaux qui se sont produits depuis son époque. Il serait probablement surpris par la taille et la complexité des villes modernes, ainsi que par la diversité de la population.
Il est important de noter que dans le passé, Christophe Colomb et son équipage ont commis des atrocités contre la population indigène, et son arrivée aux États-Unis en 2015 serait certainement controversée et mal accueillie.

Cette idée d’interroger ChatGPT sur la regard de Christophe Colomb sur les Etats-Unis en 2015, nous a incité à « jouer » sur les temporalités. Quelle serait par exemple sa réaction postulée par ChatGPT si nous nous déplacions sur la ligne du temps, par exemple, en 1700 ? Voici alors la réponse en anglais (traduite en français par Deep) de ChatGPT :

Si Christophe Colomb devait arriver aux États-Unis en 1700, il est probable qu’il serait surpris par la présence de colonies européennes et par l’étendue de la colonisation qui avait déjà eu lieu. Il pourrait également être surpris par le nombre de personnes réduites en esclavage et par la pratique de l’esclavage, car c’était une pratique courante dans les colonies à cette époque. Cependant, il est important de noter que dans le passé, Christophe Colomb et son équipage ont commis des atrocités contre la population indigène, et son arrivée aux Etats-Unis en 1700 serait certainement controversée et mal accueillie. Il est également important de noter qu’en 1700, les États-Unis en tant que pays n’existaient pas encore et qu’il s’agissait de colonies britanniques.

Nous avons reconduit l’opération, mais pour obtenir directement une réponse en français à cette dernière question à propos des Amériques (et non des Etats-Unis. En voici le résultat :

Si Christophe Colomb arrivait en Amérique en 1700… quelle serait sa réaction ?

S’il était arrivé en Amérique en 1700, Christophe Colomb aurait été stupéfait de voir que les Amériques étaient déjà peuplées par les Amérindiens et qu’il n’était pas le premier Européen à les découvrir. Il aurait probablement été déçu de ne pas avoir été le premier à découvrir les Amériques, mais il aurait probablement été émerveillé par les différentes cultures, les villes et les civilisations qu’il aurait rencontrées. Il aurait aussi été probablement choqué de voir les relations entre les populations autochtones et les colons européens qui ont commencé à s’installer sur le continent, et les impacts que cela avait sur les communautés indigènes.

Puis nous l’avons relancé par rapport à 2015 :

Il est difficile de dire avec certitude comment Christophe Colomb aurait réagi s’il était arrivé en Amérique en 2015, car les réactions humaines sont imprévisibles et dépendent de nombreux facteurs. Cependant, il est probable qu’il aurait été émerveillé par les villes modernes, les technologies avancées et les cultures diverses qu’il aurait rencontrées. Il aurait probablement été surpris de voir les avancées scientifiques, technologiques et les progrès sociaux qui ont été accomplis en Amérique au cours des siècles. Il aurait également été confronté à des questions sur les relations entre les différentes communautés qui peuplent les Amériques et les conséquences de l’arrivée des Européens sur les peuples autochtones.

Un peu plus tôt, nous avions fait la démarche tout en français. Voici les questions et les réponses:

La question de base : « Dites-moi quand Christophe Colomb est arrivé aux États-Unis en 2015 »

La réponse :

Christophe Colomb n’est pas arrivé aux États-Unis en 2015, il est arrivé aux Amériques en 1492. Il n’y a pas de preuve que Christophe Colomb est arrivé aux États-Unis. Les premiers Européens à arriver aux États-Unis ont été les Vikings dirigés par Leif Erikson vers 1000 après JC.

Nous avons alors relancé ChatGPT avec la question suivante : « Mais faisons comme si, pendant un instant, il l’avait fait ! Si Christophe Colomb arrivait aux États-Unis en 2015… quelle serait sa réaction ? »

La réponse:

Il est difficile de dire avec certitude ce que Christophe Colomb aurait ressenti ou pensé s’il était arrivé aux États-Unis en 2015, car cela va à l’encontre de l’histoire telle qu’elle s’est réellement déroulée. Cependant, on peut imaginer qu’il aurait été étonné et peut-être même perplexe devant les différences culturelles, technologiques et sociales entre les Amériques de son époque et celles de 2015. Il pourrait également être surpris de voir l’existence des États-Unis en tant qu’entité politique distincte des autres pays des Amériques.

Perplexity une variante de ChatGPT qui indique ses sources

Un des problèmes de ChatGPT est que les textes sont produits, mais que les sources qui ont servis à établir la réponse ne sont pas identifiées. Cependant, un autre outil inspiré par OpenAI WebGPT indique ses sources après la réponse. Il s’agit de perplexity. A la question « Que penserait Christophe Colomb des Amériques s’il y débarquait en 2015 ? », perpelity.ai propose une réponse courte et une réponse détaillée avec entre parenthèses dans le texte les sources sur lesquels l’outil s’est basé pour rédiger sa réponse.

La réponse courte :

Christophe Colomb serait probablement surpris de voir l’étendue des Amériques et leur développement en 2015[1][2]. Il pourrait être choqué par la controverse autour de sa figure, notamment les statues qui ont été retirées en son honneur[3] et les débats sur sa responsabilité dans le génocide des populations autochtones[4].

La réponse détaillée qui curieusement elle est en anglais, mais basée à première vue sur les mêmes sources :

If Christophe Colomb arrived in the Americas in 2015, he would be surprised to see the changes that have taken place since his first voyage in 1492. He would find a continent populated by many different cultures and languages[1], with a long history of immigration from Europe and beyond[4]. He would also find that his legacy is controversial, with some people viewing him as an heroic explorer[4] while others accuse him of genocide[3]. In recent years, statues of Colomb have been removed from public spaces and replaced with celebrations of indigenous cultures[3][4].

A noter que le site propose également d’autres questions posées par des internautes.

Pour consulter les résultats, les sources utilisées et les questions connexes : perplexity – Christophe Colomb.

Mon commentaire

Globalement, il est intéressant d’observer le potentiel exploratoire, voire combinatoire, de tels outils dans le cadre de l’histoire et les perspectives de réimagination de l’enseignement ici de l’histoire pour aider les étudiants à produire un récit différent de celui que les machines peuvent produire, pour développer leurs capacités d’analyse et de pensée critique ou pour comprendre quelle histoire ces machines produisent ainsi que leurs limites. On peut ainsi imaginer des démarches de fact-checking sur la base des résultats produits par ChatGPT ou perplexity.ai ou de comparaison de résultat suivant la question posée.

Ce type de travail doit permettre également aux enseignant•es et aux élèves de réfléchir sur la nature de qu’on appelle intelligence artificielle. Comme l’indique Kevlin Henney dans un « pouet » sur son compte Mastodon:

Traduction Deepl :

Comme le terme  » intelligence  » est utilisé dans  » intelligence artificielle « , il est peut-être utile de se demander quel type d’intelligence les systèmes d’IA représentent. Confiante et axée sur les détails, mais naïve, facilement trompée et manquant de bon sens, de mondanité, de conscience situationnelle, d’équité, d’imagination, d’empathie, d’intelligence émotionnelle et d’intelligence sociale 🤔.

Lien : https://mastodon.social/@kevlin/109465900109019454

L’avis d’experts en guise de conclusion provisoire

Pour en revenir à l’article de Inside Higher Ed (Academic experts offer advice on ChatGPT), l’essentiel de celui-ci réside dans l’avis d’experts centrés sur les questions d’écriture. Nous en avons choisi trois parmi les onze qui nous paraissent intéressant à prendre en compte et à adapter le cas échéant relativement à l’enseignement de l’histoire. Nous les avons traduits.

Remettez en question la façon dont l’écriture est enseignée.

Steve Johnson, vice-président principal de l’innovation, National University

Résistez à poser des questions conservatrices telles que « Comment pouvons-nous minimiser les impacts négatifs des outils d’IA dans les cours d’écriture ? » Au lieu de cela, voyez grand. Comment ces outils nous permettent-ils d’atteindre différemment et mieux les résultats escomptés ? Comment peuvent-ils promouvoir l’équité et l’accès ? Une meilleure réflexion et une meilleure argumentation ? Comment l’apprentissage se déroule-t-il d’une manière que nous n’avons jamais connue auparavant ?

Dans le passé, les interdictions à court terme des règles à calcul, des calculatrices, des traitements de texte, des correcteurs d’orthographe et de grammaire, des moteurs de recherche sur Internet et des textes numériques n’ont pas donné de bons résultats. Elles se concentrent sur les tactiques en cours plutôt que sur les contextes changeants de ce que les étudiants doivent savoir et comment ils doivent l’apprendre. Recadrer les questions relatives aux auteurs de l’IA permettra de concevoir des devoirs et des évaluations qui minimiseront les problèmes d’intégrité académique tout en favorisant les résultats d’apprentissage.

Invitez les élèves à participer à la conversation.

Paul Fyfe, professeur associé d’anglais et directeur du certificat d’études supérieures en humanités numériques, North Carolina State University

Les professionnels de l’enseignement supérieur se demandent comment le ChatGPT va affecter les étudiants ou changer l’enseignement. Mais qu’en pensent les étudiants ? Comment ou pourquoi l’utiliseraient-ils ? Et comment ça se passe quand ils essaient ?

Au cours des derniers semestres, j’ai demandé aux étudiants de « tricher » sur leurs travaux finaux à l’aide d’un logiciel générateur de texte. Ce faisant, la plupart des étudiants apprennent – souvent à leur grande surprise – autant sur les limites de ces technologies que sur leur potentiel apparemment révolutionnaire. Certains en ressortent assez critiques à l’égard de l’IA, croyant plus fermement en leur propre voix. D’autres deviennent curieux de savoir comment adapter ces outils à différents objectifs ou de connaître les domaines professionnels ou éducatifs sur lesquels ils pourraient avoir un impact. Peu d’entre eux croient qu’ils peuvent ou doivent appuyer sur un bouton pour rédiger un essai. Aucun n’apprécie l’hypothèse selon laquelle ils vont tricher.

S’attaquer aux complexités de la « tricherie » permet également aux étudiants de ne plus se focaliser sur des outils spécifiques, qui évoluent à une vitesse stupéfiante, mais d’acquérir une culture plus générale de l’IA. Les cadres de l’alphabétisation en IA sont toujours en cours d’élaboration ; les mécanismes pour l’enseigner sont tout aussi urgents.

Expérimentez. Ne paniquez pas.

Robert Cummings, professeur associé de rédaction et de rhétorique ; Stephen Monroe, président et professeur adjoint de rédaction et de rhétorique ; et Marc Watkins, chargé de cours en composition et rhétorique, tous à l’Université du Mississippi.

Commencez dès maintenant. Sautez dedans. Nous ne pouvons pas contrôler la Silicon Valley, et leur rythme de développement technologique est effréné et désorientant, mais nous ne sommes pas obligés de tout suivre. Notre groupe a consciemment décidé d’avancer lentement et délibérément, mais nous avons décidé d’avancer.

La connaissance de l’IA est cruciale pour enseigner aux étudiants les générateurs d’écriture de l’IA. Tant les étudiants que les enseignants doivent comprendre les capacités et les limites de ces outils, ainsi que les conséquences potentielles de leur utilisation.

[…]

Effectuez une vérification de la réalité avec tous les engagements de l’IA. Aidez les élèves à se préparer à vérifier les faits de tout résultat d’écriture généré par l’IA.

Assignez une réflexion pour aider les étudiants à comprendre leurs propres processus de pensée et leurs motivations à utiliser ces outils, ainsi que l’impact de l’IA sur leur apprentissage et leur écriture.

Proposez des règles de citation. Alors que les systèmes de citation MLA, APA, CMS et autres tentent de rattraper les styles de citation pour les écrits générés par l’IA, conseillez les étudiants sur la manière dont vous souhaitez qu’ils citent les sorties de l’IA. Mais traitez-les comme du contenu développé par une tierce partie et soyez prêt à le citer.

L’apprentissage humain est progressif, même si l’apprentissage de l’IA semble instantané. Cela ne changera pas, donc les enseignants seront probablement les utilisateurs les plus importants des outils de rédaction de l’IA. Nous ferons de la médiation, de l’introduction et de l’enseignement. Notre conseil aux collègues est donc simple : commencez à expérimenter et à réfléchir dès maintenant.

Crédit photo s’en-tête : Photo de Rock’n Roll Monkey sur Unsplash

Classé sous :Didactique, EdNum, histodons, Humanités Digitales, Opinions&Réflexions

Exposition MUNAE (Rouen) : 75 ans d’enseignement de la seconde guerre mondiale (1945-2020) 18.12.2021 au 20.05.2022

18 janvier 2022 by Lyonel Kaufmann

Le Musée national de l’Éducation (Munaé), à Rouen, propose jusqu’au 20 mai 2022 une découverte de l’évolution de l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale sur les huit décennies qu’il recouvre : ce conflit trouve place dans les programmes du cycle primaire (cours élémentaire et moyen) dès 1945, puis il intègre ceux du secondaire (collège, lycée) entre 1959 et 1969. Ces textes officiels sont le reflet d’un discours que l’on souhaite adresser à la jeunesse afin de lui transmettre un ensemble de connaissances et de valeurs jugées utiles à sa formation citoyenne.

 L’apport de la recherche historique, des productions culturelles et des grands débats de socIété

De 1945 aux années 1970, l’historiographie révèle une forte adhésion à l’idée d’une France « héroïque » qui aurait résisté à l’occupant, dans les rangs des mouvements gaulliste ou communiste, entraînant une importante répression marquée par la déportation vers les camps de concentration ou les centres de mise à mort, un sujet présenté dans sa globalité, sans spécifier les différentes catégories de vic- times, les Juifs notamment. Par ailleurs, le régime de Vichy est fortement occulté, à l’initiative de De Gaulle, qui est présenté comme l’incarnation, depuis Londres, d’une République qui « n’aurait jamais cessé d’être ».

À l’inverse, à partir de 1970, le discours évolue peu à peu vers une vision « pessimiste » d’une France occupée attentiste, voire complice du régime de Vichy et de l’occupant. Cette vision est nourrie par de nouveaux travaux d’historiens menés dans le sillage de Robert Paxton, ou de représentations comme celles développées dans le film Le Chagrin et la Pitié, de Marcel Ophüls (1971).

Parallèlement, l’histoire et la mémoire du génocide des Juifs reviennent progressivement au premier plan, en réaction aux prises de position négationnistes, dans les médias notamment. Cette évolution aboutit à une intense production de travaux historiques qui complètent ou renouvellent la connaissance des faits. La Seconde Guerre mondiale entre aussi très largement dans l’actualité ; l’opinion publique s’empare désormais du sujet, particulièrement sous les présidences de François Mitterrand et de Jacques Chirac. Peu à peu, la période 1939-1945 est enseignée sous tous ses aspects.

 Un enseignement sans cesse renouvelé dans son contenu, ses supports pédagogiques et ses productions

À partir de sources variées, l’exposition présente ce qui fut enseigné sur la guerre au fil des époques. De 1945 jusqu’aux années 1970, la Libération, la Résistance et les souffrances de la déportation restent les thèmes dominants dans le discours des enseignants, comme en témoigne la création, en 1961, du Concours national de la Résistance et de la Déportation proposé aux élèves des collèges et lycées. À partir de 1980, les effets conjugués de travaux historiques novateurs et d’études sur le génocide des Juifs – mais aussi de l’impact de certains films grand public – contribuent à enrichir le discours scolaire sur la guerre.

© MUNAE

Si le cours de type magistral prédomine, il est de plus en plus accompagné d’outils pédagogiques en constant renouvellement, planches murales, disques vinyles, diapositives, films, jusqu’aux dernières ressources numériques. D’autre part, les enseignants ont aujourd’hui à leur disposition de très nombreuses ressources pour enseigner la guerre de 39-45, offertes par les nombreux organismes (liés aux ministères des Armées ou de l’Éducation nationale, fondations, amicales, associations) soutenant la recherche et le travail de mémoire sur cette période. Par ailleurs, au-delà du Mémorial de la Shoah, à Paris, et du Mémorial de Caen, la plupart des musées sur la Seconde Guerre mondiale possèdent également des services pédagogiques de médiation en direction du public scolaire. Des travaux d’élèves témoignent aussi des changements dans la démarche d’apprentissage : certains professeurs n’hésitent pas à proposer de réaliser des expositions sur la guerre ou à solliciter la parole de témoins, invités à venir dans les classes.

S’appuyant sur les vastes collections du Munaé qui couvrent l’ensemble de l’univers éducatif, l’exposition montre enfin que, parallèlement au cadre scolaire, des jeux, des jouets ou des ouvrages de loisir ont contribué à faire découvrir la période 1939-1945 à la jeunesse.

A propos du MUNAÉ
Service de Réseau Canopé, héritier du Musée pédagogique créé par Jules Ferry en 1879 et labellisé « musée de France », Munaé est chargé de la valorisation scientifique, patrimoniale et documentaire des fonds liés à l’éducation scolaire et familiale, à travers des animations et expositions proposées tout au long de l’année, dans une double implantation à Rouen :

– Centre d’expositions 185, rue Eau-de-Robec
– Centre de ressources 6, rue de Bihorel

Horaires d’ouverture du centre d’expositions
En raison de problématiques liées au bâtiment, les horaires sont temporairement modifiés : Tous les jours (sauf le mardi) de 13 h 30 à 18 h 15.
Fermé les mardis ainsi que les 1er janvier, 1er mai, 15 août, 1er novembre, 24, 25 et 31 décembre.

© Réseau Canopé – Munaé – 2021

Source de l’information et pour en savoir plus sur le MUNAÉ : https://www.reseau-canope.fr/musee/fr/connaitre/les-expositions/exposition/75-ans-denseignement-de-la-seconde-guerre-mondiale-1945-2020.html

Classé sous :Histoire active, Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement, Patrimoine scolaire

Etats-Unis : Pourquoi l’éducation sur l’Holocauste est si importante aujourd’hui

6 janvier 2020 by Lyonel Kaufmann

Article de Claudia Moscovici, auteure de Holocaust Memories: A Survey of Holocaust Memoirs, Novels, Histories and Films, dans History News Network.

Dans cet article, Claudia Moscovici présente le Never Again Education Act. Le Never Again Education Act est un effort d’un groupe bipartite de législateurs américains, tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat, pour promouvoir l’éducation sur l’Holocauste.

Ce dernier paraît être d’autant plus important au moment où une enquête de février 2018, menée par Schoen Consulting à la demande de la Conférence sur les revendications matérielles des Juifs contre l’Allemagne, indique qu’il y a une grave lacune dans la connaissance de l’Holocauste chez les adultes américains et que moins de gens se soucient de l’Holocauste qu’ils ne le faisaient dans les années 1950 à 1990.

Selon les résultats de Schoen, un tiers des Américains, et un pourcentage de 40% des Millennials, croient que substantiellement moins de 6 millions de Juifs ont été tués dans l’Holocauste (ils considèrent à tort que le chiffre est plus proche de 2 millions). La moitié des personnes interrogées n’ont pas pu nommer un seul camp de concentration ou ghetto juif parmi les 40 000 camps et ghettos d’Europe. 41% des adultes et 66% des Millennials n’avaient pas entendu parler d’Auschwitz. Malgré ces graves lacunes dans leurs connaissances historiques, la grande majorité des personnes interrogées lors de ce sondage commandé par la Claims Conference, 93% des adultes américains pensent qu’il devrait y avoir un enseignement obligatoire de l’Holocauste dans les écoles et 80% estiment que l’éducation sur l’Holocauste peut aider à prévenir de tels génocides à l’avenir.

Concernant le Never Again Education Act, plusieurs sénateurs ont présenté un projet de loi qui contribuerait à financer et à encourager les programmes d’éducation sur l’Holocauste dans les écoles américaines. Le projet de loi prévoit de combiner les dons privés ainsi que le financement fédéral et celui des États pour le Fonds du Programme d’assistance à l’éducation sur l’Holocauste. Le programme aiderait à payer la formation des enseignants et des conférenciers invités sur l’Holocauste, à couvrir le coût des manuels scolaires, ainsi qu’à financer le transport et le logement des enseignants pour leur permettre d’assister à des conférences et à des séminaires sur l’Holocauste.

Proposé par le sénateur démocrate Jacky Rosen du Nevada en 2016, ce projet de loi a trouvé un soutien bipartite – rare dans le contexte politique américain actuel – au Sénat de la part des sénateurs républicains Ted Cruz (Texas), Marco Rubio (Floride), Kevin Cramer (Dakota du Nord) et des sénateurs démocrates Tim Kaine (Virginie) et Richard Blumenthal (Connecticut). Le projet de loi a également de solides partisans à la Chambre des représentants. Parrainé par la représentante Carolyn B. Maloney (démocrate, New York) et Elise Stefanik (républicaine, New York), le projet de loi a été présenté à la Chambre des représentants le 10 avril 2018 et a obtenu 209 soutiens bipartites.

Le Never Again Education Act financerait et faciliterait l’enseignement de l’Holocauste dans tous les Etats des Etats-Unis. Jusqu’à présent, plusieurs Etats ont déjà mis en œuvre certains codes ou directives locaux qui exigent que l’information sur l’Holocauste et d’autres génocides soit enseignée dans les écoles publiques, notamment la Californie (1985), l’Illinois (1989), le New Jersey (1991), la Floride (1994), New York (1994) et, plus récemment, le Maryland (2019).

Source : Why Holocaust Education Is So Important Today | History News Network

Classé sous :Didactique, Opinions&Réflexions, Outils enseignement

Enseigner les questions vives en histoire-géographique avec Pastel 

19 novembre 2018 by Lyonel Kaufmann

La revue «Pastel» de l’académie d’Aix Marseille consacre un numéro à l’enseignement des questions sociales vives (QSV), notamment en histoire et géographie. 

Enseigner les questions sensibles en histoire et en géographie : quelles difficultés ?

Dans son article « Enseigner les questions sensibles en histoire et en géographie : quelles difficultés ? », Florian Nicolas, Président de la Régionale Midi-Pyrénées de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG), s’interroge sur les thématiques des programmes français pouvant être considérées comme sensibles. Si, spontanément, il serait possible de répondre qu’elles le sont toutes, son article offre un tableau des questions soulevant des débats plus marqués que d’autres en histoire et en géographie en se rapportant au cadre français.

Le tableau ci-dessous en synthésise les résultats :

Sans titre

Concernant la situation en Suisse et l’enseignement de l’histoire, la plupart des sujets présentés ci-dessous s’y retrouvent. Concernant les faits religieux, l’enseignement de la Réforme en Suisse a longtemps été enseignée différement selon la nature catholique ou protestant des cantons concernés. Pour le 20e siècle, la Grève générale de 1918, le rôle de la Suisse durant la Deuxième Guerre mondiale et la politique à l’égard des réfugiés figurent dans la catégorie des QSV.

Les questions sensibles dans l’enseignement de la géographie : émergence et enjeux actuels

Christine Vergnolle Mainar, Professeur des Universités en Géographie, rappelle que

« la géographie scolaire s’est construite sur une approche que François Audigier (1993) caractérise comme marquée par un « Refus du politique », une « recherche de Référent consensuel », un « enseigne- ment fondé sur le Réalisme » et s’appuyant sur des «Résultats» ; ce qu’il a nommé les « 4 R ». Ce type d’approche a conduit la géographie scolaire à privilégier des démarches et des notions fortement référencées sur les avancées de la recherche en géographie, dans une logique de transposition didactique privilégiant les savoirs de- venus consensuels au niveau universitaire.  »

Cependant, à compter des années 1980, des thématiques plus en phase avec les questions sociales ont été introduites dans les enseignements de géographie, principalement en lycée concernant d’abord les problèmes liés à l’environnement, puis au début des années 1990 la question de l’Europe en relation avec la construction de la CEE et la signature du Traité de Maastricht et la question de la mondialisation. Dans les  années 2000, c’est au tour des problématiques concernant l’introduction du développement durable qui interpellent en matière de QSV. L’introduction de la thématique de la mondialisation répond à ce même souci.

Plus récemment, dans les années 2000, l’introduction du développement durable, comme fil conducteur des programmes de plusieurs niveaux de classe, répond à cette même logique en relation avec la diffusion de la problématique de la durabilité dans l’aménagement des territoires. L’introduction de ces enjeux, de nature très politique, ont questionné les pratiques scolaires (Doussot, 2015) : enseigne-t-on de la même façon l’acquisition de connaissances géographiques sur un objet non discuté et un sujet politique so- cialement débattu et médiatisé ?

Elle note que

« L’introduction de ces enjeux, de nature très politique, ont questionné les pratiques scolaires (Doussot, 2015) : en- seigne-t-on de la même façon l’acquisition de connaissances géographiques sur un objet non discuté et un sujet politique so- cialement débattu et médiatisé ? »

Si la démarche géographique habituelle permet de comprendre les débats d’acteurs et leurs conséquences sur les territoires à partir de faits, elle n’est dans le cadre des questions dites sensibles en géographie qu’un point de départ pour penser le(s) futur(s).

« Or pour se projeter dans des scénarii, il faut mettre en regard et en débat des points de vue : ceux des acteurs en charge de ces sujets, ceux des habitants qui sont concernés… Mais se limiter à cette mise à plat de ce que pensent les différents acteurs est de nature à « refroidir » le sujet et à le réduire à une approche géographique classique. Une autre posture vise à outiller l’élève par une connaissance des arguments des parties prenantes, pour lui permettre de construire sa propre opinion et en débattre avec les autres. Cette démarche s’inscrit dans une logique de formation d’un citoyen responsable, réfléchi et – s’il le souhaite – acteur. »

Pour ces raisons, les questions sensibles comme les QSV questionnent les didactiques et le travail de l’enseignant. Elles nécessitent de se poser quatre questions :

  • Quelles références mobiliser ?
  • Quelles finalités d’apprentissage ?
  • Quels dispositifs d’enseignement ?
  • Quelle posture de l’enseignant ?

Christine Vergnolle Mainar conclut en indiquant

« Considérer l’enseignement de la géographie sous l’angle des questions sensibles, c’est donc moins identifier des sujets vifs (ils peuvent tous l’être à un niveau plus ou moins fort) que questionner la façon de les traiter : celle-ci peut faire (ou non) du caractère sensible un levier d’éducation à la citoyenneté.»

Enseigner les questions sensibles dans le 1er degré

Jean-Luc Parmentelot, inspecteur de l’Education nationale, aborde les questions sensibles dans le 1er degré et plus particulièrement pour l’enseignement de l’histoire. Dans le contexte français, trois thèmes sont susceptibles d’être des questions sensibles

  • l’enseignement du fait religieux  : dès la partie introductive du programme d’Histoire une considération est apportée sur la nécessaire prise en compte de l’histoire des faits religieux ou des marques du religieux dans l’histoire.
  • La question de la colonisation et de l’esclavage.
  • La question du génocide des Juifs durant la Seconde guerre mondiale.

Il ajoute les situations où, en fonction de l’actualité et d’intervention politique, l’enseignement de l’histoire fait la une des médias et où les enseignant.e.s peuvent alors être interpellés par les parents. A titre d’exemple, il cite l’exemple de Nicolas Sarkozy, alors président de la République lorsqu’il proposa que chaque élève de CM2 adopte un enfant juif déporté ou la question des fusillés de 14-18 sous Lionel Jospin, alors premier ministre.

Au niveau des pratiques pédagogiques liées à l’enseignement des questions sensibles dans le 1er degré, il souligne que cet enseignement «passe très souvent par la pédagogie du projet facilitée par la polyvalence des enseignants du premier degré».

Concernant l’enseignement de la Shoah, obligation institutionnelle dans le programme du cycle 3, il indique quelques principes de base sont – fortement – rappelés lors des formations :

  • Rejeter la pédagogie de l’horreur : il est ainsi totalement inapproprié de placer sous les yeux des élèves du Primaire des images (fixes ou animées) des camps et/ou des déportés.
  • Entrer par des itinéraires/biographies d’enfants pour à la fois relier la «grande histoire» à celle des «petites gens» et donner vie à la première.
  • Ne pas vouloir tout – trop – dire.
  • Mobiliser l’ensemble des champs disciplinaires notamment la culture littéraire et les pratiques artistiques.

Il conclut :

« Le rôle de la formation reste une des clés essentielles pour que ces questions perdent leur caractère sensible et deviennent des objets d’enseignement, certes différents des autres, mais que le professeur des écoles abordera et traitera avec toute la sé- rénité nécessaire. »

Le débat à l’école : une question sensible ?

La pratique du débat est un des outils régulièrement utilisé concernant l’enseignement des questions sensibles en classe.  Nathalie Panissal propose que le débat en milieu scolaire sur une QSV s’appuie sur une démarche d’enquête. Elle prend appui sur les étapes de la démarche d’enquête proposé par Dewey (1938) pour proposer un canevas permettant de penser la conception d’un dispositif didactique d’enquête sur une QSV. Le canevas reprend les cinq étapes de l’enquête ainsi que les compétences de pensée critique correspondantes mobilisées :

  1. Étape 1 : installer le doute, une situation douteuse et un sujet qui doute : déséquilibre Capacité à se mettre en doute. Capacité à accepter à se déstabiliser.
  2. Étape 2 : définir le problème. Capacité à définir un problème.
  3. Étape 3 : mener l’enquête. Capacité à construire un cahier des charges de l’enquête.
  4. Étape 4 : synthétiser. Capacité à dégager une synthèse de l’enquête.
  5. Étape 5 : se prononcer. Capacité à construire une opinion raisonnée et de l’amener à la délibération critique. Capacité à participer aux débats publics pour «défendre» son opinion.

Pour Nathalie Panissal, le débat n’est qu’un outil didactique pour l’enseignant qui doit l’inscrire dans une démarche d’enquête. Un débat peut être utilisé à n’importe quelle étape de l’enquête.

Après cette série d’articles posant le cadre général, théorique et didactique concernant l’enseignement des questions sociales vives (QSV) qui se termine sur la question du devoir de neutralité de l’enseignant, la suite du numéro propose une série d’articles permettant de faire le point sur une série de sujet sensibles liés à l’enseignement ou d’autres traitant d’un exemple d’enseignement d’une QSV. Voici les principaux sujets abordés :

  • Enseigner les conflits israélo-arabes et israélo-palestinien.
  • Enseigner une question socialement vive à travers l’exposition « la guerre d’Algérie, histoire commune, mémoires partagées ? »
  • Enseigner les faits religieux
  • Enseigner le judaïsme et l’islam
  • La laïcité : une question sensible?
  • Enseigner l’histoire de la Shoah
  • Traites, esclavages, abolitions
  • Enseigner les génocides
  • Éducation au Développement Durable et enseignement des questions socialement vives en histoire-géographie Quels principes et quels enjeux ?
  • Les cathares, une question sensible ?

Voici la table des matières de l’ensemble de ce numéro :

Au final, ce numéro aborde nombre de questions et de sujets d’enseignements concernant les QSV. Il fournit aux enseignants autant des outils de réflexion ou des démarches didactiques que des articles permettant de faire le point sur l’une ou l’autre de ces thématiques sensibles.

Ouvrage cités (sélection)

Audigier (F.), Les représentations que les élèves ont de l’histoire et de la géographie. À la recherche des modèles disciplinaires entre leur définition par l’institution et leur appropriation par les élèves, Paris, Thèse de doctorat, Université Paris 7, 1993

Doussot (S.), Enjeux didactiques de la recomposition des dispositifs scolaires en histoire et géographie, dans Audigier (A.), sgard, (A.) et Tutiaux-Guillon (.N) (dir.), Sciences de la nature et de la société dans une école en mutation. Fragmentations, recompositions, nouvelles alliances, 2015, p. 151-162

Julien (M-P.), Futur, dans Barthes (A.), Lange (J-M.) et Tutiaux-Guillon (N.) (dir.), Dictionnaire critique des concepts et enjeux des «éducations à», Paris, L’Harmattan, 2017, p. 461-466

Legardez (A.) et Simonneaux (L.) (dir.), L’école à l’épreuve de l’actualité. Enseigner des questions vives, Paris, ESF, 2006

Legardez (A.) et Simonneaux (L.) (dir.), Développement durable et autres questions d’actualité. Questions socialement vives dans l’enseignement et la formation, Dijon, Educagri, 2011

Accès à la revue intégrale en ligne (.pdf) : Pastel : Enseigner les questions socialement vives

 

Classé sous :Didactique, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement

Claude Lanzmann : filmer l’horreur | Du grain à moudre – France culture

9 juillet 2018 by Lyonel Kaufmann

Comment dire l’indicible ? Comment montrer l’horreur sans passer par la fiction ? C’est la question que pose ce monument du cinéma : Shoah, travail immense de Claude Lanzmann, qui nous a quitté le 5 juillet dernier. France Culture lui a rendu hommage. 

L’émission :

« Je ne me suis jamais guéri de la mort. Ce qui me scandalise le plus dans le monde, c’est de devoir mourir. Je n’aime pas la musique, et je n’aime pas mourir. Vous pouvez dire ça de moi »… c’est ce que déclarait Claude Lanzmann il y a peu sur France Culture.

Claude Lanzmann a été résistant, journaliste, proche de Sartre, amant de Beauvoir, directeur de la Revue des Temps Modernes… puis réalisateur de Shoah qui fut évidemment sa grande œuvre. Il a été question de tout cela et de bien d’autres choses, comme son goût pour l’aventure. Nous nous arrêtons sur l’impact intellectuel de son travail, et sur le débat né à la sortie de Shoah en 1985… Un débat qui court jusqu’à aujourd’hui.

Car les 9h30 de films ont été un véritable choc à sa sortie. Lanzmann répondait à cette question impossible : Comment dire l’indicible ? Ce film et ses 350 heures de rushes sont un véritable tournant historiographique et posent définitivement la question du témoignage et de la représentation de la Shoah.

Intervenants :

  • Bernard-Henri Lévy
    écrivain, philosophe
  • Ophir Lévy
    professeur d’histoire et d’esthétique du cinéma à Paris III Sorbonne-Nouvelle, formateur au Mémorial de la Shoah
  • Jean-Michel Frodon
    Historien du cinéma
  • Patrice Maniglier
    maître de conférences en philosophie à l’Université Paris-Nanterre
  • Rémy Besson
    historien, chercheur postdoctoral à l’Université de Montréal et associé à l’Institut d’histoire du temps présent

Pour aller plus loin :

Shoah, une double référence ? : des faits au film, du film aux faits

Shoah, une double référence ? : des faits au film, du film aux faits de Rémy Besson

Shoah de Claude Lanzmann est  aujourd’hui considéré comme une référence. Le film a en grande partie  défini la manière dont est traité et représenté le génocide des juifs,  au point d’imposer l’usage du terme Shoah dans la langue courante.
Pendant  des années, il a été quelque peu difficile de contenir l’émotion que  procure le film, et de tenter une approche distanciée, voire parfois  critique. Dans les années 2000, un événement va notablement modifier la  situation : la mise à disposition des rushs de Shoah au Musée  Mémorial de l’Holocauste (Washington), c’est-à-dire de toutes les images  non retenues dans la version finale du film, ainsi que les  transcriptions et résumés annotés des entretiens. Il devenait ainsi  possible de se confronter au film de l’intérieur. Fabrication du film et  choix au montage, modes de diffusion, appropriations successives dans  les médias et par les intellectuels, ou encore influence du projet sur  le travail d’autres réalisateurs, l’étude de Shoah permet de mieux comprendre comment le film est devenu un monument.
Sans  prendre le film comme un mythe qu’il faudrait déconstruire, mais en  révélant la dynamique des places qu’occupent le réalisateur et ses  équipes, ainsi que les protagonistes et les spectateurs, Rémy Besson,  historien et spécialiste des cultures visuelles, retrace ici la genèse  de Shoah. (Présentation de l’éditeur)

Source : Claude Lanzmann : filmer l’horreur

Crédit photo : Claude Lanzmann reçoit l’Ours d’or à la Berlinale 2013 • Crédits : Sven Hoppe – Maxppp

Classé sous :Nouvelles de l'histoire

Le Canada accusé d’avoir mené des expériences sur les populations autochtones

12 mai 2018 by Lyonel Kaufmann

Entre les années 1930 et 1970, les Autochtones placés dans des réserves ou des pensionnats auraient été utilisés pour tester de nouveaux vaccins ou traitements. L’affaire est aujourd’hui portée devant la justice.

Depuis la reconnaissance en 2015 par la Commission de vérité et réconciliation du Canada d’un génocide culturel mené par le gouvernement à l’encontre des populations autochtones à travers sa politique d’assimilation forcée, la situation des Autochtones ne s’est guère améliorée, et leurs luttes pour la reconnaissance et l’égalité continuent.

Une action collective devant une cour de la province de la Saskatchewan met en cause le gouvernement canadien pour des expériences médicales qui auraient été conduites sur des indigènes dans les réserves, les pensionnats, les hôpitaux indiens et les sanatoriums, sans leur consentement, entre les années 1930 et 1970.

Selon le recours, déposé par le Merchant Law Group (MLG) qui réclame une compensation financière pour les personnes affectées, le gouvernement aurait maintenu une politique de soin discriminatoire envers les Autochtones, soumis à des traitements et des procédures inadéquates et de qualité inférieure, dans le cadre d’un système de santé ségrégé mis en place entre 1945 et le début des années 1980.

Source : Le Canada accusé d’avoir mené des expériences sur les populations autochtones | Slate

Image : Des enfants au pensionnat indien de Fort Simpson, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Canada, en 1922 | Wikimedia Commons License by

Classé sous :Nouvelles de l'histoire

41% des Américains ne savent pas ce qui s’est passé à Auschwitz

12 avril 2018 by Lyonel Kaufmann

Un sondage réalisé aux Etats-Unis révèle la méconnaissance de la population américaine sur l’horreur de la Shoah.

Malgré le travail de commémoration des musées et des associations, 41% des Américains ne connaîtraient pas le nom d’Auschwitz, selon un sondage dont les résultats ont été publiés par le New-York Times jeudi 12 avril. Un constat qui touche essentiellement les Millénials : Ils sont 66% parmi les plus jeunes sondés à ignorer l’existence du tristement célèbre camp d’extermination.

La mémoire s’efface

« Le problème n’est pas que les gens nient l’Holocauste; le problème est qu’il s’efface de la mémoire « , explique Greg Schneider, vice-président exécutif de Claims Conference, une organisation d’associations juives à l’origine de l’étude.

L’enquête menée sur 1 350 adultes Américains révèle des lacunes alarmantes sur l’enseignement de la Seconde Guerre Mondiale dans les établissements scolaires. Ils seraient, en effet, 31% à évaluer le nombre de victimes juives à deux millions quand le génocide s’élève en réalité à six millions de morts. Et seulement 39% à savoir que Hitler a été élu démocratiquement.

Commentaire :

S’il s’agirait également de prendre en compte la place de l’histoire générale dans les cursus scolaires américains, nous pouvons légitimement nous interroger sur les résultats d’un tel sondage qui serait organisé auprès de nos élèves.

A noter que, dans le contexte actuel, ce n’est pas seulement la question du niveau connaissances factuelles qui est susceptible de nous inquiéter, mais aussi de la connaissance des mécanismes ayant conduit à une telle horreur.

Dans ce cadre-là, il convient de souligner que le Plan d’étude romand prévoit que le thème de la Shoah soit enseigné tant au cycle 2 (primaire) qu’au cycle 3 (secondaire). Un effort spécifique mérite d’être entrepris pour proposer des séquences d’enseignement et une diversité de matériel permettant aux enseignants d’aborder cette thématique. Cette thématique reste une question sociale vive en Suisse en raison de l’attitude de la Suisse officielle à l’égard des Juifs cherchant refuge dans notre pays.

Concernant la situation de la Suisse relativement à la Shoah, il faut saluer le fait qu’en 2004 la Suisse a rejoint l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), qui compte aujourd’hui 31 États membres et qui a pour but de promouvoir la mémoire, la recherche et l’éducation à propos de la Shoah. Assumant en 2017 la présidence, la Suisse a notamment organisé par l’entremise de à la Haute école pédagogique du canton de Vaud1 les journées d’étude internationales « Enseignement et apprentissage de la Shoah: pratiques et expériences dans le monde scolaire » du 22 au 23 janvier 2018. Nous en avons largement rendu compte ici2.

La question de l’enseignement et de l’apprentissage relatifs à la Shoah se pose ainsi dans de nombreux contextes nationaux, chaque pays y apportant des réponses différentes en fonction de sa propre histoire et de son rapport au passé. Néanmoins, de cette diversité des approches, il en ressort qu’au cœur généralement des démarches présentées en janvier, le recours, sous divers formes, aux témoignages tend à offrir aux élèves une multiplicité de point de vue (multiperspectivité) à partir desquels ces derniers peuvent accéder à une intelligibilité de la Shoah.

Source du sondage : LesInrocks – 41% des Américains ne savent pas ce qui s’est passé à Auschwitz

  1. En collaboration avec la Haute école pédagogique de Lucerne. ↩
  2. Vous pouvez également consulter le compte-rendu que j’en ai fait dans ma chronique mensuelle du mois de février 2018 dans le Café pédagogique : http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoire/Pages/2018/180_lachronique.aspx. ↩

Classé sous :Didactique, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions

Enseignement et apprentissage de la Shoah : Noa MKAYTON : Connecting to history – Connecting to ourselves. Thoughts about a multi-perspective Holocaust Education | 23 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

8 février 2018 by Lyonel Kaufmann

En début de cette deuxième journée des Journées d’étude internationales consacrées à l’enseignement et l’apprentissage de la Shoah, la Dr. Noah Mkayton, Directrice adjointe du Département européen de l’institut Yad Vashem (http://www.yadvashem.org/) a abordé la question de cet enseignement sous un angle didactique. Sa démarche préconise une approche sous un angle multidimensionnel.

Sa présentation a été plus qu’intéressante dans la mesure où la démarche didactique exposée peut être appliquée à tout sujet d’histoire. Elle est donc généralisable. De plus, cette démarche s’inscrit entièrement en cohérence avec la démarche d’enquête, au coeur du Plan d’études romand (PER) notamment pour l’enseignement de l’histoire.

La démarche didactique proposée s’appuie sur les acteurs de la Shoah sous un angle multidimensionnel. Ce concept met l’accent sur les actes, les omissions et les décisions des individus dans leur contexte historique respectif. L’examen des décisions individuelles dans leur contexte doit aider les élèves à évaluer les comportements humains.

En analysant de quelles manières les individus ont pris position au sein de leur société, tant pendant l’Holocauste que de nos jours, les élèves pourront faire des rapprochements entre l’Holocauste et d’autres catastrophes humaines actuelles. En effet, la manière dont les gens se sont liés au changement massif des normes qui a finalement rendu possible le génocide peut être considérée comme une question clé pour l’éducation à l’Holocauste, et cela reste un défi central dans l’éducation des étudiants à être aujourd’hui des citoyens responsables.

La démarche didactique développée est organisée autour de trois phases : Connaissance – Compréhension – Connexion. Il s’agit pour les élèves d’acquérir des connaissances sur les événements historiques, puis de parvenir à une compréhension sûre et potentiellement transformatrice pour enfin connecter ses connaissances à la vie actuelle.

Dans la première phase, alors que, dans leur écrasant majorité, les manuels scolaires et le matériel pédagogique, présentent la Shoah dans une perspective chronologique, des documents sont remis à l’examen des élèves en leur demandant, à partir de ceux-ci, de raconter ce qui s’est passé et de présenter l’histoire dans une perspective rétroactive. A tire d’exemple, deux documents fournis aux élèves pour mener cette enquête rétroactive ont été présentés. Le premier est une photographie de 1942 en Allemagne de déportés juifs avec leurs bagages bien préparés. Le deuxième était une reproduction d’un cahier en hébreux/arabe du Dr. Mojzis Woskin-Nahartabi de 1943. Il s’agit connecter les élèves à la Weltbeziehung de ces acteurs 1.

Après avoir raconté ce qui s’est passé, les élèves sont amenés à décrire historiquement où se trouvaient ces acteurs (victimes ou bourreaux), de décrire (historiquement toujours) quel était leur champ d’action (marge de manoeuvre), d’étudier les dynamiques d’inclusion et d’exclusion par rapport aux communautés nationales. Qui est inclus dans cette communauté nationale? qui en est exclu2?

Concernant les acteurs individuels, ceux-ci sont à envisager sous quatre dimensions : leur contexte idélologique, leur connaissance de la situation, les risques et les bénéfices de leurs actions. cette approche permet d’évaluer la marge de manoeuvre des acteurs. Ainsi en est-il des hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande qui avaient le choix de participer ou non à l’exécution des populations juives de Pologne. Leur commandant leur a laissé le choix. Aucune conséquence négative n’en a résulté pour ceux qui ont choisi de ne pas participer. Cependant très peu ont saisi cette opportunité. Qu’est-ce qui fait la différence entre ceux qui l’ont saisie et les autres? Quel est le poids du groupe, du conformiste? Quelle est l’adhésion effective des hommes du bataillon à l’extermination des Juifs? etc. (Christopher R. Browning. Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne. Paris: Texto, 2005). On dépasse ainsi le cadre d’une biographie traditionnelle faite d’une suite de dates. La démarche permet ensuite de comparer ce qui est comparable dans différentes situations historiques ou au sein de la même et d’évaluer les décisions prises par ces différents acteurs. La démarche est entièrement transposable pour tout sujet d’histoire enseignée. Les élèves développent ainsi leur compréhension et leur pensée historiques.

Enfin, dans la phase de connexion, la Shoah pourra être connectée à des événements contemporains pour dépasser le simple « plus jamais cela »3. Les mêmes catégories d’analyse de la société concernée (inclusion/exclusion de la communauté nationale) et des acteurs permettront de construire la Weltbeziehung (Relation au monde) actuel (ou d’une autre situation historique).

Concernant cette connexion passé-présent, Noah Mkyayton n’a pas également manqué de présenter un certain nombre de dangers dont celui de l’effacement, de la minimisation, du détournement et de l’utilisation de la Shoah dans un tout autre agenda politique pouvant conduire à une réécriture totale de l’histoire.

Cependant, la démarche didactique abordée permet de mettre en avant que l’histoire est le résultat de décisions humaines (positives ou négatives), de faire le lien entre une action individuelle et un contexte plus global, d’aborder la question des systèmes de valeur d’une société à un moment donné de son histoire, de présenter une expérience humaine dans un contexte spécifique et d’appréhender le contexte particulier de la violence de la Shoah ou d’autres génocides4.

Photo : Noa MKAYTON à la HEP Vaud, le 23 janvier 2018. © Lyonel Kaufmann, 2018

  1. A traduire par l’expérience du sujet relativement au monde dans lequel il vit. Leur relation au monde. ↩
  2. Concernant la Shoah et l’Allemagne, la catégorie des exclus inclus non seulement les Juifs, mais également les homosexuels, les persécutés politiques, les Sinti, les personnes vivant avec un handicap et les populations slaves. ↩
  3. Qui se base souvent sur les émotions et se transforme en leçon de morale. ↩
  4. On pensera plus particulièrement à la déshumanisation des acteurs auquel un tel phénomène conduit (Christopher R. Browning. Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne. Paris: Texto, 2005) ↩

Classé sous :Didactique, Histoire active, Histoire savante, Nouvelles de l'histoire

  • « Aller à la page précédente
  • Page 1
  • Page 2
  • Page 3
  • Page 4
  • Page 5
  • Page 6
  • Pages provisoires omises …
  • Page 9
  • Aller à la page suivante »

Barre latérale principale

Lyonel Kaufmann

Historien & Blogueur En savoir plus…

Derniers articles

Décès du documentariste Marcel Ophüls à 97 ans

26 mai 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Décès du documentariste Marcel Ophüls à 97 ans. Le maître français du documentaire historique est mort samedi dans sa maison du sud-ouest de la France, a-t-on appris lundi auprès de sa famille. Fils du grand cinéaste allemand Max Ophüls (“ La Ronde”, “Lola Montès”…), Marcel Ophüls avait fui l’Allemagne nazie enfant pour s’installer en France, avant de […]

Passion Médiévistes : Hors-série 34 – Le Moyen Âge au cinéma

22 avril 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

À l’occasion de l’édition 2025 du Festival international du film court d’Angoulême, deux invités sont venus croiser, dans cet épisode hors-série de Passion Médiévistes, leurs expériences sur les représentation du Moyen Âge au cinéma. Les invités : Cet épisode vient proposer les regards complémentaires d’un réalisateur et d’un historien pour interroger la manière dont le […]

Trous de mémoires de Nicolas Juncker

17 avril 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Comment raconter la guerre d’Algérie et ses mémoires sans tomber dans le pathos ou la leçon d’histoire trop académique ? Trous de mémoires relève ce défi avec audace, mêlant comédie burlesque et réflexion historique. Nicolas Juncker y explore, avec un humour grinçant, les tensions et contradictions qui entourent la mémoire de ce conflit, en s’inspirant du […]

Ces familles néerlandaises qui découvrent un passé de collaboration – rts.ch

28 mars 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

C’est avec stupeur que de nombreux Néerlandais et Néerlandaises ont récemment découvert sur internet qu’un membre de leur famille avait collaboré avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. En cause: la mise en ligne d’une liste de 425’000 noms par les archives nationales des Pays-Bas. Depuis janvier, les descendants affluent à La Haye, souvent […]

Spreitenbach: Un paradis du shopping ou la porte des enfers? – Blog du Musée national suisse

24 mars 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

En 1975, l’Association suisse des instituteurs publia le panneau scolaire n°167. Celui-ci montre une vue aérienne de la commune de Spreitenbach, dans la vallée de la Limmat. Ou plus précisément de la ville nouvelle de Spreitenbach, «Neu-Spreitenbach», avec son centre commercial entouré d’un immense parking rempli de voitures aux couleurs vives et son imposant quartier […]

Dans le Japon de la fin du XVIe siècle : «Assassin’s Creed Shadows» sort enfin.

23 mars 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

La série vidéoludique des «Assassin’s Creed» d’Ubisoft comprend désormais un nouvel opus, situé dans le Japon de la fin du XVIe siècle. Les enjeux financiers de cette sortie sont importants pour la société Ubisoft en grande difficulté actuellement. Elle y jouerait son avenir. «Assassin’s Creed Shadows» est d’autant plus attendu que sa sortie a été […]

Max Weber. Une vie mouvementée dans une époque agitée – Blog Musée national suisse

22 mars 2025 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Cet article du Blog du Musée national suisse nous offre un portrait de Max Weber, socialiste suisse, pacifiste puis défenseur de la défense nationale devant la montée des fascismes, brillant économiste qui fut également Conseiller fédéral. Un destin intéressant et singulier que je vous invite à lire. Plus on s’intéresse à Max Weber et à […]

Tirés de nos archives

Exposition Ibn Khaldoun (lien)

4 décembre 2007 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

La figure d’Ibn Khaldoun Site de l’exposition consacrée en 2007 à Ibn Khaldoun qui a été l’un des plus grands intellectuels musulmans et appartenait à une famille hispano-musulmane établie dans la province de Séville. (tags: Histoire IbnKhaldoun)

Sac de plage : Le goût de l’archive à l’ère numérique | Projet éditorial

15 juillet 2018 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Frédéric Clavert (frederic.clavert@uni.lu) et Caroline Muller (caroline.muller@univ-reims.fr) nous présente l’objet de leur projet éditorial dont vous pouvez suivre la passionnante élaboration en ligne. Concernant l’origine du projet, voici la discussion collective initiale autour d’un tweet. Un passionnant working progress qui se lit comme un roman policier. A tester à la plage ?! « En 1989, Arlette Farge publie […]

Un général, des généraux : les coulisses du putsch d’Alger du 13 mai 1958 et le retour de de Gaulle sur un air d’opéra-bouffe

14 juin 2022 Par Lyonel Kaufmann 1 commentaire

Le retour aux affaires de l’Homme du 18-juin a perdu depuis longtemps son aura providentielle. Le scénario d’Un général, des généraux bâti par Nicolas Juncker se fondant strictement sur les faits, il fallait trouver un angle saillant pour conter l’arrivée du messie de Colombey à l’Elysée, précédée du grand cirque de ses apôtres algérois et […]

“Avec cette lettre cesse le jeu et commence l’indéfendable. Supprimer la formation des maîtres, placer ces nouveaux maîtres “dans des classes”, attendre que certains d’entre eux s’effondrent, et leur signifier par courier hiérarchique que “les élèves ont le droit d’avoir devant eux des enseignants compétents” et que le cas échéant ils feraient mieux “de démissionner”, est une stratégie managériale ayant effectivement déjà fait ses preuves, et dont l’avantage est de révéler à ceux qui l’ignoreraient encore l’étymologie du mot “cynisme”. Comme des chiens. Vous avez, “messieurs qu’on nomme grands”, merveilleusement contribué à l’enrichissement de l’horizon sémantique du cynisme : ce qui était au départ le seul mépris des convenances sociales, désignera désormais également le total et absolu mépris de l’humain.”

14 octobre 2010 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Lettre à Laurence |OWNI

A l’école des jeux de rôle: des gymnasiens dans le quotidien des Romains – Le Temps

4 novembre 2019 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

L’atelier «Qvotidie» propose aux élèves romands de résoudre une enquête dans la Rome antique, un jeu de rôle pédagogique qui complète et rafraîchit les méthodes d’enseignement. Reportage du journal Le Temps au Gymnase Provence à Lausanne. « D’un point de vue pédagogique, «le jeu touche aux compétences transversales du plan d’études romand: collaboration, communication, stratégie d’apprentissage, pensée […]

France : les nouveaux programmes scolaires bousculent le collège

14 avril 2015 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Après les rythmes scolaires, l’éducation prioritaire, le collège… c’est une réforme majeure que la gauche engage sur le terrain de l’école : celle des programmes, censée entrer en vigueur à la rentrée 2016. Lancée en 2013 par Vincent Peillon, la première version de cette «refonte» de l’école a été remise à la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, […]

Revue de Presse : Le témoignage exceptionnel du seul déporté volontaire à Auschwitz | Libération

9 avril 2014 Par Lyonel Kaufmann Laisser un commentaire

Witold Pilecki témoigne à Varsovie le 3 mars 1948 (Photo PAP. AFP) Varsovie. 19 septembre 1940. Un officier de réserve polonais, Witold Pilecki, se fait volontairement rafler par les Allemands et interner à Auschwitz pour y tisser un réseau de résistance: «Le Rapport Pilecki», à paraître en avril, livre le témoignage exceptionnel de ce héros […]

Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons. Lyonel Kaufmann 2004-2024

Creative Commons License Ce contenu est mis à disposition sous un contrat Creative Commons. Lyonel Kaufmann 2004-2024.
Thème Aspire 2.0.1 de Genesis Framework · WordPress · Se connecter

 

Chargement des commentaires…