Le procès Eichmann, en avril 1961, fut un moment décisif: dans l’histoire de l’Europe, dans l’histoire d’Israël, dans l’histoire de l’humanité. Le procès du plus célèbre fonctionnaire nazi est analysé, sous divers angles, dans « le Moment Eichmann ». L’historienne Annette Wieviorka a codirigé l’ouvrage. Entretien de BibliObs.
Le livre dirigé par Sylvie Lindeperg et Annette Wieviorka analyse, sous divers angles, le déroulement et l’écho de ce procès. Depuis les comptes-rendus à la radio (chapitre d’Amit Pinchevski, Tamar Liebes, Ora Herman), jusqu’à l’utilisation des archives (chapitre de Stewart Tryster), en passant par la représentation de la Shoah en URSS (Vanessa Voisin) ou l’étude de l’empreinte du procès dans le cinéma israélien (Ophir Lévy), le livre démonte toute la mécanique de cette représentation, théâtrale sous bien des aspects, qui se termina par la pendaison – mille fois méritée – d’Adolf Eichmann.
Désormais, il n’y avait plus d’impunité pour les génocidaires.
J’ai plus particulièrement appris :
Dans votre livre, on peut lire qu’Israël n’était pas intéressé par la chasse aux nazis, et que, pourtant, on a conçu des lois, très rapidement, qui punissaient le nazisme.
Oui, mais la loi de 1950, sur les nazis et leurs collaborateurs, n’était pas faite pour les SS. Elle était faite pour les Juifs, ceux qu’on considérait comme des collaborateurs juifs, les membres des conseils juifs, les policiers des ghettos, les kapos des camps de concentration. Il y a eu des dizaines de procès contre les kapos.
En ce qui concerne Eichmann, Israël n’était pas très intéressé par l’idée d’un procès: c’est un homme, Fritz Bauer, procureur général du Land de Hesse, qui a forcé la main à Israël. Il a traqué Eichmann jusqu’en Argentine. Bauer était le héros du film «le Labyrinthe du Silence», sorti en 2014. Il est mort, certains disent de façon étrange, en 1968. Il était Juif, socialiste et homosexuel, donc une cible parfaite pour les nazis. Un nouveau film, sorti en Allemagne en octobre dernier, lui rend hommage: «Der Staat Gegen Fritz Bauer». Il est entièrement consacré à l’affaire Eichmann et doit sortir prochainement en France…
Le Moment Eichmann,
sous la direction de Sylvie Lindeperg et Annette Wieviorka,
Albin Michel, 304 p., 20 euros.
L’entretien : http://ift.tt/1Qc86fJ