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Jusqu’à peu, notre vision des berceaux des plus anciennes civilisations se limitait à la vallée du Nil, à la Mésopotamie et à l’Inde. Aujourd’hui les territoires de l’archéologue s’étendent des steppes russes jusqu’à la péninsule arabiques. Et dans l’histoire scolaire?
Grande dépression et New Deal : 2. Que nous dit l'historiographie? (1)
La période estivale est propice à la préparation de la rentrée scolaire… y compris pour les formateurs en didactique… Je vous propose donc de suivre ma réflexion relative au sujet sur la Grande Dépression et le New Deal. Vos commentaires sont en tout temps les bienvenus.
Sujet précédent : Grande Dépression et New Deal : 1. Comment ce sujet est-il traité par l’histoire scolaire?
Je me propose de traiter de la question historiographique en deux billets. Dans ce premier billet, je m’arrêterai au traitement historiographique de la crise de 1929.
Dans cette optique, j’ai procédé en trois étapes:
– consultation de l’article « Crises économiques »de l’Encyclopædia Universalis 2006 (toujours instructif);
– la réactivation de mes lectures universitaires et leur renouvellement en recherchant de nouvelles parutions;
– une recherche via l’Internet et les mots-clés « Crise 1929 historiographie).
L’extrait suivant article de l »Encyclopædia Universalis permet de mettre en évidence les différents courants et interprétation de la crise de 1929:
La crise de 1929 est longtemps demeurée un champ clos où s’affrontent les explications concurrentes. Les approches libérales, qui insistent sur les atteintes aux mécanismes concurrentiels (L. Robbins, 1934) ; les approches marxistes, centrées sur la baisse tendancielle du profit dans un monde capitaliste voué à la sous-consommation (E. Varga, 1935) ; les approches keynésiennes, qui situent l’origine de la crise dans une déficience de la demande globale, par épuisement des occasions d’investissement (A. Hansen, 1941) ou chute de la consommation (P. Temin, 1976) ; enfin, les approches monétaires, qui mettent en exergue l’impact de la déflation sur le poids réel de la dette (I. Fisher, 1933) ou les erreurs de la politique monétaire américaine (M. Friedman et A. Schwarz, 1963) sont en fait à bien des égards complémentaires, malgré d’évidentes divergences, notamment sur l’incidence de la variable salaires réels. Une interprétation cohérente doit articuler – et non opposer – les explications conjoncturelles ou axées sur les erreurs de politique économique et les explications structurelles (par exemple, en termes de blocage du « mode de régulation » concurrentiel ; R. Boyer, J. Mistral, 1983). Mais la compréhension de la grande dépression a surtout progressé grâce aux analyses convergentes (C. Kindleberger, 1973 ; D. Alcroft, 1977 ; P. Fearon, 1978) qui insistent sur la dimension internationale des enchaînements. La gravité de la crise est due aux conditions déséquilibrées du rétablissement de l’étalon-or après la guerre, dans un monde où se cumulent les facteurs d’instabilité financière et où il n’existe plus de leadership international : la Grande-Bretagne n’est plus en état d’exercer le rôle qui était le sien avant 1914, et les États-Unis, confrontés à leurs propres problèmes, ne sont pas prêts à assumer leurs responsabilités mondiales.
Schématiquement, la crise de 1929 s’inscrit dans quatre courants de pensée. Aujourd’hui encore, chaque nouveau apport s’inscrit, d’une manière ou d’une autre dans ces quatre courants de la pensée économique. On constate également que c’est un lieu à forte connotation idéologique. Les quatre courants:
– les approches libérales auxquelles il font adjoindre à mon avis les approches monétaires qui n’en sont qu’une déclinaison particulière (Milton Friedman);
– les approches marxistes;
– les approches keynésiennes;
– les approches de l’école française de la régulation qui est une école de pensée économique associant approche keynésienne et approche marxiste.: »(On peut y ajouter une couche de Thomas Kuhn, le système productif fordiste cher aux régulationnistes formant un paradigme économique pour l’économie observée) »:.

Il est intéressant de constater que la crise de 1929 met en présence plusieurs explications concurrentes et qu’il n’existe pas de véritable consensus relativement à cette crise, notamment en raison de ses enjeux idéologiques. Par contre, dans les manuels, c’est la version de John Kenneth Galbraith (1908-2006) (La Crise économique de 1929. Anatomie d’une catastrophe financière de 1954) qui fournit très largement et durablement une vulgate scolaire univoque et, à première vue, indépassable.
Dans le cadre de mes recherches via l’Internet et des recherches relativement récente, je signale plus particulièrement, l’article en ligne de Pierre-Cyrille Hautcœur (paru en version papier dans Politique Etrangère, n°3-4, 2000) Crise de 1929 et politique internationale (L’article dans sa version papier s’intitule Crise de 1929 et politique internationale: pourquoi il ne faut pas brûler le FMI, disponible au format .pdf). En effet, cet article s’inscrit bien dans la perspective des enchaînements internationaux. Le résumé de son intéressant article:
On montre dans cet article l’importance des considérations politiques internationales dans les origines de la crise de 1929 et dans son déroulement. On analyse ensuite les conséquences multiples de la crise et des analyses qui en furent faites sur les relations internationales après la seconde guerre mondiale et sur leur organisation au sein des institutions internationales. On conclut à l’importance de la coopération internationale institutionalisée dans la prévention des crises.
Et sa présentation des origines de la Crise :
Nombre d’interprétations de la crise en font un événement principalement américain: le krach de Wall Street dans le cas le plus simpliste, l’effondrement du crédit provoquant un blocage de l’investissement et de la consommation sous l’effet des faillites bancaires en série dans la version plus sophistiquée actuellement dominante, la chute de la consommation sous l’effet d’un chômage rapidement croissant du fait de l’absence des régulations salariales dans une certaine tradition keynésienne, la saturation d’un mode de régulation dans lequel la demande ne suit pas la croissance de l’offre selon une lignée post-marxiste, toutes explications qui sortent peu du cadre national.
Pourtant, deux autres lignées d’interprétation accordent davantage de poids aux interactions internationales, et de ce fait, presque nécessairement, aux considérations politiques. La première souligne les méfaits d’un système monétaire international de change fixe dans la transmission de la crise. La seconde invoque en priorité les conséquences de la première guerre mondiale en Europe.

Fort bien. Mais comment s’y prendre avec des élèves de 15-16 ans pour sortir d’un discours univoque, problématiser le sujet et ne pas les perdre dans les méandres des différentes approches de la crise? C’est le retour à un petit livre de Bernard Rosier (5e édition de Pierre Dockès) qui me fournit les base d’une problématisation possible :
le krach a-t-il causé la dépression ou le krach est-il né de ces premières difficultés industrielles [des Etats-Unis]?: »(Les théories des crises économiques. Paris: La Découverte, 2003, p. 48. Rosier et Dockès émargent, pour leur part, à l’école de la régulation) »: Une bonne base de départ, me semble-t-il, pour faire travailler les élèves.
Notre prochain billet sera lui, plus précisément centré sur la Grande Dépression et le New Deal. Après une petite pause due à mes vacances !
N'abusons pas du mot croisade ! (Jean Flori)
Extrait choisi:
N’abusons pas du mot croisade ! Il faut le réserver au phénomène historique précis qui a eu lieu dans un cadre géopolitique et religieux bien caractérisé : une guerre considérée comme sainte, menée par la chrétienté latine pour la délivrance des Lieux saints à Jérusalem. La confiscation du terme à des fins idéologiques, politiques ou militaires est dangereuse, car elle suscite des amalgames dans des mémoires collectives d’une très grande susceptibilité.
Pour lire l’article entier : N’abusons pas du mot Croisade (01.08.2007)
Technorati Tags: Croisades
Liens (31.07.2007)
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Cours d’introduction à l’histoire économique pour des économistes. Le cours s’appuie sur une liste de textes (certains sont mis en lien), sur des éléments de débats historiques et sur une bibliographie fort intéressante en histoire économique.
Grande Dépression et New Deal : 1. Comment ce sujet est-il traité par l’histoire scolaire?
Dans la mesure également où l’activité éditoriale de ce blog fonctionne au ralenti, je vais comme dans la presse instituer une série de l’été. Cette série sera aussi l’occasion de suivre les étapes de ma réflexion lors de la préparation d’un sujet.
Je vous propose de suivre ma réflexion relative au sujet sur la Grande Dépression et le New Deal. Vos commentaires sont en tout temps les bienvenus.Dans le cadre de la préparation d’un sujet en histoire, deux choses me paraissent importantes dans une première phase exploratoire :
– la manière dont le sujet est généralement traité dans le domaine scolaire;
– l’état de la situation historiographique relativement au sujet choisi.Ce sont les deux premiers éléments de toute transposition didactique digne de ce nom.
Le traitement scolaire de la la crise des années 1930 forme le premier épisode de notre série de l’été : La Grande Dépression et le New Deal.
Concernant la place du sujet dans les programmes scolaires, il s’agit, me concernant, de comprendre quel rôle l’histoire scolaire a cherché, cherche à lui faire jouer et de prendre de la distance pour en apprécier la pertinence à l’aide de l’état de la recherche. C’est la meilleure manière, pour moi, de sortir soit du récit national, soit des discours de l’évidence.
Bien évidemment, l’historiographie sur le sujet est un élément jouant un rôle clé dans cette mise à distance. De plus, j’escompte que l’historiographie me permette de trouver une ou plusieurs problématiques qui pourront être travaillées par les élèves.

La salle des exchange après le Krach
1930-67B: The trading floor of the New York Stock Exchange just after the crash of 1929. (public domain)
Image source: http://www.ecommcode2.com/hoover/research/photos/images/1930-67B.gif
L’enseignement de la Grande Dépression et du New Deal : état de situation
Tout d’abord, je ne pensais pas directement traiter de la Grande Dépression et du New Deal, mais de la crise économique des années 1930. Dans ce cadre-là, le New Deal aurait représenté un des sujets développés. D’autant que j’avais lu avec intérêt les propositions de Daniel Letouzey (Roosevelt et le New Deal).
Concernant la crise économique des années 1930 ainsi qu’elle est traitée au niveau secondaire I (élèves de 15-16 ans), une première constatation s’impose : ce sujet n’est pas traité pour lui-même dans le programme de 9e année. Premièrement, il figure généralement dans l’ensemble fourre-tout de l’entre-deux-guerres. Il prend place dans une double histoire causale conjointe : en premier lieu de la montée du nazisme en Allemagne et plus généralement des fascismes en Europe; en second lieu de la marche vers la deuxième guerre mondiale.
Dans ce cadre-là, le New Deal intervient pour mettre en évidence la solution démocratique et réformant le modèle libéral par rapport à la solution de l’Allemagne nationale-socialiste. Pour sa part, le Krach de Wall Street sert lui d’élément déclencheur (et spectaculaire), comme l’attentat de Sarajevo, à la crise des années 1930. Il forme un événement-évidence qui n’est jamais questionné.
Concernant la situation en France, Daniel Letouzey (Roosevelt et le New Deal) formule un constat guère plus réjouissant :
«Le New Deal, un moment très important dans l’histoire des Etats-Unis, fait partie des questions qui ont été abandonnées en chemin par l’histoire scolaire. Cette situation pourrait nourrir une intéressante étude de cas sur les choix de contenus opérés par les concepteurs des programmes. Ces choix dépendent de nombreux facteurs, notamment de l’évolution de la recherche historique (le triomphe récent de l’histoire culturelle aux dépens de l’histoire sociale), du contexte politique et idéologique… Ainsi, les instructions actuelles qui écrivent, à propos des » transformations de l’âge industriel » : » le phénomène majeur est la croissance économique » laissent peu de place à l’étude de » la catastrophe collective » décrite par Russell Aven (cf Jean Heffer La grande dépression, les EU en crise, Archives Gallimard).» (introduction de Daniel Letouzey relativement à sa page sur le New Deal)
En résumé, dans tous les cas, la crise de 1930 ou le New Deal ne sont pas étudiés pour eux-mêmes dans les programmes scolaires. Cela vient peut-être aussi des difficultés rencontrées par les enseignant-e-s relativement à un enseignement de l’histoire économique. Cependant, le développement d’une histoire culturelle relativement à la Grande Dépression et au New Deal offre la possibilité d’un renouvellement du sujet enseigné et d’un sujet à enseigner pour lui-même.
Ce sera l’objet du deuxième épisode de notre série : La Grande Dépression et le New Deal : 2. Que nous dit l’historiographie?
Liens (30.07.2007)
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Transatlantica est une revue biannuelle (janvier-juin, juillet-décembre) à comité de rédaction indépendant . Elle veut être un lieu de débat et de publication pour l’ensemble des études américaines, sans exclusive.
Liberty, Equality, Fraternity
« La Bastille dans let premiers jours de sa démolition, le 20 julliet 1789 »
Source: © Photothèque des Musées de la Ville de Paris/Joffre/Degraces « La Bastille dans let premiers jours de sa démolition, le 20 julliet 1789 » (Ref. 9 CAR 1493). Huile sur toile (77×114 cm)
Le site américain Liberty, Equality, Fraternity propose un ensemble de médias fort intéressants (images, textes, cartes, chansons, frise chronologique) en lien avec la Révolution française. Au total, le site regroupe plus de 600 sources (documents primaires) en collaboration avec le Center for History and New Media (George Mason University) et l’American Social History Project (City University of New York), avec le soutien de la the Florence Gould Foundation et du National Endowment for the Humanities.
Pour replacer ces images dans le contexte révolutionnaire, douze thèmes sont présentés et développés tel les causes sociales de la Révolution, les femmes et la révolution, les chants révolutionnaires, l’héritage révolutionnaire ou la guerre, la terreur et la résistance à la révolution.
Les textes, cartes et chansons sont en anglais et pourraient être utilisés pour un enseignement bilingue ou en lien avec un enseignement en anglais. Pour les images, elles forment un ensemble de 245 images, présenté ainsi par le site:
« Below you can browse through a list of 245 images included in Liberty, Equality, and Fraternity. The largest number are political cartoons. But we also include paintings and images of artifacts such as fans and buttons. The images are drawn from many repositories, but particularly from the Museum of the French Revolution in Vizille in southwest France and Olin Library at Cornell University. An essay on how to read images provides useful background ».
Dans une perspective pédagogique, le site propose aussi tout un travail sur « Comment regarder les images » (« How to read images« ) qui intéressera les enseignant-e-s et leurs élèves. Ainsi à la deuxième page de ce travail, l’auteur aborde la question suivante : «How could an engraver or a painter make the viewer realize that a particular event had a specifically revolutionary character?» (Comment un graveur ou un peintre peut-il amener le spectateur qu’un événement particulier a des caractéristiques révolutionnaires?). En outre, pour faciliter le travail des enseignant-e-s et des élèves, un choix a été effectué relativement aux images pour en pré-sélectionner plus particulièrement quarante-deux (Imaging the French Revolution).
A ce sujet, il est à noter que c’est essentiellement la face violence jumelée à celle de la remise en cause de l’ordre social (exécution du roi ou de Marie-Antoinette) qui sont mises en avant : »(On lira avec intérêt l’article de Casey Harison The French Revolution on Film: American and French Perspectives dans «the History Teacher.») »: En cela, le dossier se rapproche quelque peu de la vision « burkienne » (et donc réactionnaire) de la révolution française [Edmund Burke (1790). Réflexions sur la Révolution de France] A moins que cela soit une manière de mettre en évidence la différence fondamentale entre la guerre d’Indépendance des Etats-Unis et la Révolution française. En effet, pour Howard Zinn, alors que la révolution française est une révolution populaire remettant en cause l’ordre social établi, l’Indépendance des Etats-Unis est un mouvement indépendantiste conduit par des aristocrates fortunés (Blancs, anglo-saxons, fortunés et conservateurs), cherchant à maintenir ses privilèges et sa domination sur les autres composantes sociales (classes populaires, Noirs, Indiens…). [Zinn H. (2004). Une histoire populaire des Etats-Unis. De 1492 à nos jours. Paris: Editions AGONE, 812 pages]
D’un point de vue didactique, cet ensemble de sources historiques s’intègre à une démarche didactique et pédagogique permettant aux élèves de construire leur connaissance et compréhension historique à l’aide de sources à l’image de l’historien. Un des chevaux de bataille d’une partie des didacticiens en histoire américain.
Mes remerciements vont au site revolutionfrancaise.net pour m’avoir fait découvrir ce site.
Liens (26.07.2007)
- Dictionnaire des citations politiques – (c) Damien Bégoc
Dictionnaire des citations politiques de Damien Bégoc (version en ligne): 1275 citations de toutes tendances, 400 auteurs français ou étrangers, contemporains ou classiques, index de 720 mots-clés et 4600 entrées.
Liens (25.07.2007)
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TV5.org – Tour de France – mémoire du tour (1954-1997)
TV5 a compilé ses archives de la télé publique concernant le Tour de France De 1954 à 1997. Il s’agit de courtes séquences de ce qui a été diffusé durant le journal télévisé à différentes époques. Dans le contexte actuel du cyclisme et du Tour de France, il n’est pas inintéressant de relier le Tour de France avec du cyclisme, ses liens avec les médias et la ferveur populaire qu’il génère. On peut même envisager de travailler sur l’histoire du dopage…
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Cette page présente très simplement et efficacement les principes d’un objectif pédagogique à partir de la taxonomie de Bloom. Des exercices sont également prévus au terme de la présentation.
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La page du site des Parcours diversifiés consacré à la définition des objectifs pédagogiques tout en dépassant la simple reprise des niveaux élaborés par Benjamin Bloom. S’ouvre aussi à la question des compétences transversales.
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Vidéos du débat en ligne organisé par Youtube et CNN avec les candidats démocrates à l’élection présidentielle américaine de 2008.
Liens (24.07.2007)
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Le colloque international « Traces de 14-18 » (Rémy Cazals éditeur) a été organisé par l’association « Les Audois » et par les Archives départementales de l’Aude. Les contributions s’articulent autour des questions des témoignages de poilus, des médias (presse, littérature, cinéma), des blessures et des prolongements (tel la place de Verdun dans la mémoire nationale française).