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Histoire Lyonel Kaufmann

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Histoire active

Pour une écriture vidéoludique de l’Histoire (14-18)

10 avril 2018 by Lyonel Kaufmann

La Première Guerre Mondiale peut-elle être représentée par le jeu vidéo ? C’est l’une des questions qui seront posées lors d’une journée d’étude interdisciplinaire à l’Université Bordeaux-Montaigne le 12 avril 2018.

Argumentaire scientifique

Objet d’étude transdisciplinaire à partir duquel les différentes disciplines qui constituent les sciences humaines et sociales peuvent être observées sous un nouvel angle, le jeu vidéo suscite aujourd’hui de plus en plus l’intérêt du monde académique. Ce mouvement d’intérêt actuel envers un média jadis méprisé s’inscrit à la fois dans l’affirmation du poids économique du secteur, mais aussi dans ses formes de légitimation culturelle. De fait, il apparaît évident que les sujets traités à partir d’autres industries culturelles comme le cinéma peuvent aussi bien l’être à partir du jeu vidéo.

Dans le cadre de la commémoration du Centenaire de la Grande Guerre, l’École Doctorale Montaigne-Humanités (Université Bordeaux-Montaigne) encadre le 12 avril 2018 une journée d’étude interdisciplinaire centrée sur la représentation vidéoludique de l’Histoire et plus particulièrement sur celle de la Première Guerre mondiale. En autorisant le joueur à devenir acteur de l’Histoire (agentivité), dans des représentations virtuelles photo-réalistes mettant en scène les différents théâtres d’opérations qui ont façonné le visage du monde au début du XXe siècle, le jeu vidéo questionne l’Histoire. En utilisant des images d’archives dans ces récits interactifs, comme ce fut le cas dans Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre ; en faisant appel à des historiens pour conseiller et apporter leur expertise ; en essayant d’être le plus fidèle possible aux faits qui ont eu lieu il y a de ça 100 ans, le jeu vidéo n’est-il pas aujourd’hui un moyen, tout comme le cinéma de fiction et documentaire, de représenter l’Histoire, d’en apporter une nouvelle écriture, une nouvelle dimension ?

Pour paraphraser Marc Ferro, le problème ici est « de se demander si le [jeu vidéo modifie] ou non notre vision de l’Histoire, étant entendu que l’objet de l’Histoire n’est pas seulement la connaissance des phénomènes passés, mais également l’analyse des liens qui unissent le passé au présent, la recherche des continuités, des ruptures » (Ferro, 1993 ; 217). L’objectif premier de cette journée consiste à penser l’Histoire autrement ; à soulever l’hypothèse selon laquelle le jeu vidéo peut se penser comme un outil de l’Histoire. Dans quelle mesure, avec des jeux comme Soldats Inconnus et plus récemment, Battlefield 1, le jeu vidéo se dote-t-il également doté d’une dimension pédagogique ?

Se côtoieront des spécialistes, chercheuses et chercheurs venus tout droit d’horizons différents et dont la complémentarité permettra d’envisager l’Histoire par le biais de l’interdisciplinarité.

Source et programme détaillé : Pour une écriture vidéoludique de l’Histoire (14-18) | Ecole doctorale Université Bordeaux Montaigne

Classé sous :Histoire active, Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire

Le jeu vidéo n’a rien à envier au cinéma ou à la littérature | Les Inrocks

1 avril 2018 by Lyonel Kaufmann

La dernière chronique des jeux vidéos des Inrocks s’intéresse à cinq jeux vidéos dont un à caractère historique (« Florence », « The Council », « Life is Strange : Before the Storm », « Kona » et « Subsurface Circular »). Pour les Inrocks, ces cinq beaux jeux récents ont un point commun : chacun de son côté et encore plus quand on les réunit, ils montrent que, comme conteur d’histoires, le jeu vidéo n’a plus grand-chose à envier au cinéma ou à la littérature.

Le jeu vidéo est aussi un moyen de raconter des histoires. On n’a pas dit surtout – surtout pas « surtout » : ne pas croire qu’il s’ennoblirait en privilégiant le récit traditionnel aux dispositifs ludiques plus abstraits –, mais aussi : entre autres choses, le jeu vidéo permet, d’une manière différente et parfois plus profonde ou plus percutante que ses prédécesseurs cinématographique, théâtral et littéraire, de faire partager le destin, les pensées ou les émotions de personnages qui ne sont pas nous. En la matière, il n’y a d’ailleurs pas de règles, pas une façon unique de faire, mais bien des options différentes.

La présentation de The Council par les Inrocks :

The Council ou la géopolitique des egos

A l’image de Life is Strange il y a trois ans bien que dans un style radicalement différent, The Council offre, sinon une voie, du moins une voix nouvelle à ce genre ludique hybride, popularisé par les adaptations de films, séries ou comics de Telltale Games (The Walking Dead, Batman…), qui navigue entre le jeu d’aventure graphique – jadis, on disait point & click – et le cinéma interactif. Ce premier titre du studio bordelais Big Bad Wolf nous met dans la peau, ou plutôt dans la tête, de Louis de Richet qui recherche sa mère disparue sur une petite île au large de l’Angleterre. Nous sommes en 1793 et, invité par le mystérieux (et, dans le formidable épisode 1 qui vient de paraître, invisible) Lord Mortimer, Richet va aller de surprise en surprise dans une atmosphère merveilleusement malsaine.

Entre un tête-à-tête avec Napoléon Bonaparte et une rencontre avec George Washington qui sont aussi de la « fête », on va tout faire pour comprendre ce qui se passe ici. C’est une affaire d’intuitions, un jeu de stratégie : chaque personnage auquel on se trouve confronté est comme un pays avec lequel on choisira ou non d’entrer en guerre. Un pays dont on découvre les points forts et faibles, les « immunités » et les « vulnérabilités », nouant des alliances et effectuant des choix (au risque de passer à côté de quelque chose de plaisant, d’enrichissant ou de déterminant). Sous les sales gueules (sidérantes, pour certaines) et les bonnes manières, ça bouillonne. Si le fond de l’air appartient au roman policier, l’aventure, elle, est d’abord intérieure.

Source : Cinq preuves que le jeu vidéo n’a rien à envier au cinéma ou à la littérature

Classé sous :Histoire active, Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire

L’histoire autrement | madrasa

25 mars 2018 by Lyonel Kaufmann

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Quel moyen pourrais-je utiliser afin de rendre vivant mes cours d’histoire ? Par quelle astuce pratique pourrais-je faire construire des ressources par mes élèves dans cette discipline ?

C’est à ces deux questions qu’Eric Hitier a essayé de répondre. Il dit bien essayer.

— À lire sur L’Histoire autrement | madrasa

Classé sous :Histoire active, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement

TV/Série : Jon Snow est-il le nouveau roi Arthur ?

22 février 2018 by Lyonel Kaufmann

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Aujourd’hui, les séries télé constituent désormais un vaste champ d’étude pour la recherche. Et oui, il y a des colloques, des publications et même des revues entières qui y sont consacrés !

C’est le cas du travail de Justine Breton, agrégée de Lettres modernes et docteur en littérature médiévale à l’Université de Picardie Jules Verne. Elle a publié dans la revue scientifique TV/Série un article intitulé « Jon Snow : le nouveau roi Arthur de Game of Thrones ».

Pour sa part, Manon Bril avec Avides de Recherches, la chaine Youtube du magazine Mondes Sociaux, présente en son et en images cet article de Justine Breton.

Pour en revenir à l’article de Justine Breton, en voici le résumé

« Bien que la Guerre des Deux Roses soit reconnue comme l’une des influences essentielles de Game of Thrones (HBO, 2011- ), certaines sources littéraires de la série demeurent dans l’ombre. Pourtant, la série adaptée des romans de George R. R. Martin, par définition née de l’écriture littéraire, présente d’importantes résurgences romanesques, en particulier lorsque l’on considère le célèbre texte de T.H.White, The Once and Future King (1938-1977), au regard du personnage de Jon Snow. L’œuvre de White retrace l’ascension d’Arthur de son enfance d’orphelin à la gloire puis la chute de la Table ronde. Si cette œuvre est peu connue du public français, elle demeure très célèbre dans les pays anglophones. Le parallèle entre les deux héros, Arthur et Jon, discret mais efficace, tant dans la diégèse que dans la structure de la série, offre une lecture nouvelle des scènes consacrées au bâtard Stark, et une approche éclairée de l’ensemble de la série. De son origine mystérieuse à son ascension militaire et sociale, habilement mise en scène tout au long de Game of Thrones, Jon semble suivre le même parcours que le roi Arthur. À travers le prisme de The Once and Future King, il est possible d’étudier l’évolution du personnage dans Game of Thrones, et d’établir ainsi quelques hypothèses sur son avenir. Les premières saisons forment le parcours initiatique de Jon Snow qui, à l’instar du jeune Arthur de White, vit des aventures formatrices participant à l’éducation d’un futur grand dirigeant. Postulats littéraires à l’appui, ce rapprochement permet de développer une lecture sérielle de l’œuvre de White, ainsi qu’une nouvelle analyse littéraire de Game of Thrones.»

A suivre aussi, le magazine Mondes Sociaux : http://sms.hypotheses.org/11071

Classé sous :Histoire active, Histoire savante, Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions

Place, rôle et fonction du témoignage et plus largement de l’enseignement de la Shoah. Bilan des journées des 22-23 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

15 février 2018 by Lyonel Kaufmann

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En conclusion de ces deux journées extrêmement riches en interventions de qualité et en diversité des approches, j’ai eu le plaisir d’intervenir dans une table ronde finale réunissant pour des interventions en français, allemand et anglais Peter Gautschi (Schweiz), Darius Jackson (United Kingdom), et Sabrina Moisan (Canada). Nous devions concevoir notre intervention sous la forme d’un billet de blog, puis engager la discussion. Mon intervention intiale.

En préambule, je tiens à mettre en exergue des propos suivants qui ont résonné en moi et ont été prononcés, lors de son atelier par Peter Gautschi (22.01.2018) :

« Aujourd’hui, il n’y a pas de sujet plus difficile que l’enseignement de la Shoah ».

Depuis hier, nous avons eu la chance d’assister à un nombre très impressionnant d’ateliers qui ont relevé le challenge représenté par cet enseignement de la Shoah en milieu scolaire comme dans d’autres contextes.

Les différentes sessions d’atelier ont permis de constater la grande diversité des situations dans lesquels des démarches pédagogiques ont été réalisées qui, à chaque fois, répondent à des visées propres au lieu et institution dans lesquels ces démarches s’inscrivent. Durant ces ateliers, j’ai eu l’occasion de rencontrer les situations suivantes :

  • le travail de médiation dans un musée;
  • la réalisation d’un matériel pédagogique par une Fondation luttant contre le racisme et l’antisémitisme;
  • la réalisation d’un moyen d’enseignement numérique au service d’un curriculum;
  • la création d’un site internet par un.e enseignant.e
  • une séquence didactique réalisée par un ou des enseignants disciplinaire (histoire) ou interdisciplinaire;
  • un projet pédagogique interdisciplinaire d’un établissement scolaire;
  • la réalisation d’un artiste (peintre, écrivain, vidéaste, réalisateur de film, …);
  • un site internet pédagogique de formation formelle ou informelle;
  • un programme de formation d’apprentissage de la langue pour des immigrés (nouveaux arrivants).

Au coeur de ces démarches, il y avait des témoignages des survivants de la Shoah sous différentes formes, mais plus particulièrement sur la base de capsules vidéos à partir desquelles des activités pédagogiques ou des démarches de médiation culturelles ont été conduites ou seraient à conduire. Une histoire d’en bas en quelque sorte qui fait écho et parfois s’inscrit en tension avec les plans d’études officiels et à l’instutionnalisation de l’enseignement de la Shoah. Ces pratiques représentent une incursion de la vie, voire en donne, face à la sécheresse des propos d’un plan d’études ou d’un matériel officiel pré-découpé.

Au coeur généralement de ces démarches, il y a la noble ambition, au travers de ce recours aux témoignages d’offrir aux élèves une multiplicité de point de vue (multiperspectivité) à partir desquels il s’agit pour eux d’accéder à une forme d’intelligibilité de la Shoah.

Cependant, il s’agit aussi de comprendre que les témoignages sont mis au service d’objectifs et de finalités qui dépassent leur valeur intrinsèque et l’histoire de la Shoah elle-même. S’ajoute, au témoignage lui-même, sa mise au service

  • d’un discours de maître;
  • d’un dispositif muséal;
  • d’un dispositif pédagogique ou didactique;
  • d’un plan d’étude avec ses finalités et objectifs propres;
  • de la construction de la compréhension historique au sens spécifique de la période étudiée ou plus large;
  • d’un travail d’enquête à mener par les élèves;
  • de la construction d’une leçon de morale;
  • d’une pure émotion…

Concernant la situation de l’enseignement dans le cadre scolaire, la situation finalement n’est pas différente de celle de tout sujet inclus dans les programmes. Les élèves ne sont pas à l’école pour faire oeuvre d’historien et contribuer directement au développment de la science historique, mais ils y sont pour développer, au travers des outils de la pensée historique et de l’historien, des compétences qui devront leur servir au-delà de l’enseignement de cette discipline. Je pense ici plus particulièrement à la question du développement de l’esprit critique et de la formation du citoyen, deux finalités très souvent assignées à l’enseignement de l’histoire à l’école. La « valeur » des témoignages n’est ainsi pas qu’intrinsèque et travaillée pour eux-mêmes, mais elle dépend des objectifs assignés par l’institution scolaire.

Par rapport à l’histoire de la Shoah et à son enseignement à l’école, il y existe donc une forme de dilemme, car l’événement ne peut pas être réductible aux seules finalités scolaires1. C’est là qu’intervient, à mon avis, la plus que nécessaire contribution de Noa Mkayton du mardi matin concernant l’importance de fonder cet enseignement sur un dispositif didactique solide oeuvrant dans le sens de la multiperspectivité historique. Son dispositif présente la grande qualité de pouvoir être utilisé pour tout sujet d’enseignement en histoire.

D’autre part, il paraît difficile de réduire un tel enseignement dans un curriculum scolaire qui n’offre généralament qu’espace-temps réduit2 ? Quelle place également faut-il laisser et jusqu’où à la pensée critique et à la créativité des élèves, deux compétences-clés de notre 21e siècle et de l’ère numérique ? Ces derniers éléments militent, comme certains ateliers l’ont proposé, pour un enseignement de la Shoah dépassant le seul cadre d’une classe et des heures d’histoire prévues à la grille horaire. A la multiperspectivité s’ajoute ainsi la multilittéracie et des approches interdisciplinaires.

  1. Et évidemment tout sujet sensible, voire tout sujet, enseigné ne devrait pas être réductible aux seules finalités scolaires. ↩
  2. Durant ce colloque, il a notamment évoqué des temps d’enseignement de 3 à 6 heures préconisés par les plans d’études. Donc 3 à 6 heures pour prendre la mesure d’un événement ayant conduit à l’assassinat de 6 millions de personnes au moins. ↩

Classé sous :Didactique, Histoire active, Histoire savante, Humanités Digitales, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions

Enseignement et apprentissage de la Shoah : Peter Gautschi : Fuir l’Holocauste. Utilisation de témoignages vidéo dans un environnement d’apprentissage basé sur une application Web | 22 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

13 février 2018 by Lyonel Kaufmann

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Après deux sites web, la troisième présentation en atelier du lundi 22 janvier que je tiens à mettre en avant est une WebApp, actuellement en allemand, réalisée en Suisse par le Centre pour la didactique historique et le devoir de mémoire à la Haute école pédagogique de Lucerne.

«Fuir l’Holocauste» est une WebApp qui vise à sensibiliser les jeunes à la thématique des réfugiés juifs en 1939-1945 et en Suisse. Cinq récits de réfugiés retracent la persécution du peuple juif par le régime nazi et établissent un lien étroit avec la Suisse. Ces témoignages doivent permettent aux jeunes d’appréhender le thème de l’Holocauste.

L’idée centrale de l’application Web est que les élèves rencontrent les témoins et témoignent de leur compréhension de l’évasion pendant la Shoah. Ils pro- duisent un album et l’envoient par e-mail à un ami (et au professeur s’ils travaillent avec l’application à l’école).

Selon Peter Gautschi, directeur du Centre pour la didactique historique et le devoir de mémoire à la haute école pédagogique de Lucerne, l’atout principal de cette application réside dans son interactivité, puisqu’elle permet aux jeunes d’élaborer leur propre témoignage au moyen d’un album implanté dans la WebApp, de l’envoyer par courriel à une connaissance ainsi qu’à l’enseignant et de contribuer ainsi à une mémoire partagée. Cette application en allemand destinée aux jeunes sera disponible au printemps 2018 et pourra être utilisée aussi bien individuellement que pour l’enseignement en classe.

Comme dans les deux précédents projets, le témoignage de témoins enregistrés sur bande vidéo est utilisé pour sensibiliser et aborder la question de la Shoah avec des élèves de 14 à 18 ans avec ici en point de mire le thème de l’évasion pendant la Shoah. Ce thème a été choisi, car la migration et l’évasion sont des sujets d’actualité également dans le débat politique actuel.

Les concepteurs sont partis des contraintes du programme et du cadre horaire de l’enseignement de l’histoire. En effet, dans le plan d’études, l’enseignant a 6 heures à disposition pour enseigner l’Holocauste. Dans le même temps, pour Peter Gautschi, il n’y a pas aujourd’hui de sujet plus difficile que l’enseignement de l’Holocauste. Comment faire dès lors en fonction de ses contraintes et difficultés ? La WebApp a été conçue pour être utilisée en classe en 3 leçons de 2 heures.

L’application poursuit trois objectifs à réaliser par les élèves :

  • être capable de retenir la mémoire d’un témoin contemporain;
  • savoir que de « simples » personnes ont aidé les personnes en fuite dans leur évasion;
  • être motivé à rencontrer l’histoire au moyen d’entrevues avec des témoins oculaires.

Cette WebApp s’inscrit également dans une tendance qui découpe les chapitres dont on disposait dans les anciens manuels pour en faire des micro-univers numériques. La réalisation d’un album revient, sous une forme plus attractive et cherchant à introduire un enseignement de la multiperspectivité en histoire, à la réalisation d’exercices qui accompagnait auparavant les manuels scolaires traditionnels. Dans le cas présent, on peut considérer être en présence d’une forme d’« instrumentalisation » du témoignage au service d’une production scolaire par les élèves. Devant l’enseignement d’un sujet, la Shoah, considéré comme étant le plus difficile à enseigner, la question se pose s’il est possible de rester dans le cadre étroit d’un curriculum n’accordant que 6 heures pour un tel sujet et qui l’inscrit dans une suite de thèmes au rythme de traitement comparable. Il y a là une forme de paradoxe difficilement réductible.

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Enseignement et apprentissage de la Shoah : Ilona Shulman Spaar : Enseigner à travers le témoignage des survivants de l’Holocauste | 22 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

9 février 2018 by Lyonel Kaufmann

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Dans son intervention en atelier du lundi 22 janvier, Ilona Shulman Spaar a présenté les ressources pédagogiques du site internet du Vancouver Holocaust Education Center (VHEC).

En 1975, des survivants de la Shoah vivant à Vancouver ont fondé la Vancouver Holocaust Centre Society. Depuis lors, elle a recueilli 200 témoignages de survivants de la Shoah ayant habité à Vancouver. Les témoignages, enregistrés entre 1982 et 2015, font partie d’une série de projets de documentation vidéo qui remontent à la fin des années 1970 et se poursuivent aujourd’hui. En 1994, la fondation ouvre le Vancouver Holocaust Education Center (VHEC) qui accueille 25’000 élèves par année et offre également des sessions via Skype.

A partir du projet visant à numériser les témoignages recueillis par le VHEC, à les préserver, en faciliter l’accès et à les utiliser pédagogiquement, 22 extraits vidéos de témoignages de survivants forment la base d’activités pédagogiques destinées aux élèves de 12 à 17 ans. Ces activités sont conçues pour le nouveau plan d’études de la Colombie-Britannique. Il s’agit de leçons prêtes à l’emploi pour les enseignants. Les objectifs pédagogiques du Centre sont, au travers des témoignages et des ressources complémentaires, de construire une histoire à échelle humaine (humanize history), de préserver aujourd’hui les témoignages pour les générations futures et d’apprendre du passé pour construire le présent et le futur.

La démarches didactique s’appuie sur les travaux et les concepts de Peter Seixas et Tom Morton, connus aux Etats-Unis et au Canada, au travers de leur ouvrage The Big Six. Historical Thinking Concepts1. Les dimensions du développement d’habiletés de pensée critique et créative ainsi que la réflexion sur la responsabilité sociale qui doivent en découler forment également les compétences fondamentales du nouveau curriculum de la Colombie-Britannique.

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Avec Primary Voices, les élèves travaillent les témoignages au travers de 6 thèmes :

  1. Témoignages (c’est la séquence recommandée si les enseignants ont peu de temps à disposition)
  2. Famille
  3. Camps nazis
  4. Se cacher
  5. Immigrer
  6. Réflexions

Chaque thème est divisé en trois séries de leçons :

  1. NOW : les activités initient les élèves au thème du module de cours et les engagent avec des témoignages choisis.
  2. NEXT : cette leçon approfondit l’engagement des élèves sur le thème, en introduisant un plus grand nombre de témoignages.
  3. BEYOND : il s’agit d’encourager les enseignants et les élèves à choisir leurs propres questions d’enquête. Ils sont encouragés à explorer plus en profondeur la collection d’archives du VHEC.
Aperçu du matériel pédagogique à disposition des enseignants et des élèves concernant le dernier thèmes "Réflexions" et pour l'axe "NOW".
Aperçu du matériel pédagogique à disposition des enseignants et des élèves concernant le dernier thèmes « Réflexions » et pour l’axe « NOW ».

L’intégration très poussée des activités pédagogiques au curriculum de la Colombie-Britannique interroge sur la substitution ainsi opérée au travail de l’institution scolaire et des enseignants. Ce choix du VHEC est le résultat de la demande des enseignants eux-mêmes (« we don’t have time »).

Ilona Shulman Spaar a mené une évaluation du matériel proposé, par l’intermédiaire d’un questionnaire, auprès des enseignants et des élèves.

Du côté des enseignants, les commentaires positifs portent sur l’excellence des ressources proposées, l’impact et la force tant des témoignages que des activités et leur intérêt à les utiliser dans le futur. Les améliorations attendues portent sur une meilleure convivialité du site pour les élèves et un accès facilité aux informations (« il y a trop à « creuser » pour obtenir des informations »).

Du côté des élèves, ceux-ci mettent en avant qu’ils ont beaucoup appris, que le site offre de nouvelles perspectives et ont apprécié l’accès au niveau émotionnel des survivants par le biais de témoignages. Ils trouvent, par contre, que la navigation au sein du site est confuse et souhaitent plus de matériel visuel tels des tableaux, vidéos et animations.

A partir de ces éléments, Ilona Shulman Spaar s’est interrogée sur l’intégration du numérique. Dans quelle mesure, l’interactivité bénéficie ou non à l’implication des élèves ? A la lecture des demandes des élèves de plus de matériel visuel, est-ce que la littéracie numérique joue en faveur ou en défaveur des capacités de lectures des élèves, car visiblement les élèves rencontrent des difficultés à lire les instructions.

A noter, à mon avis, qu’il s’agit également de s’interroger sur la littéracie numérique proposée par le VHEC. Il s’agit essentiellement de matériel numérisé que les élèves consultent pour réaliser des tâches qui elles, ne nécessitent pas l’utilisation du numérique. Il conviendrait donc de proposer des activités où les élèves synthétisent ou résument leur compréhension des témoignages, produisent et créent des contenus sous forme numérique ou que des outils numériques les aident à évaluer les témoignages ou à formuler leur raisonnement et leurs questionnements. C’est à cette condition qu’on pourra véritablement parler d’un développement de la littéracie numérique auprès des élèves.

Le site Primary Voices : http://vhec.org/primaryvoices

  1. J’avais présenté ces concepts dans l’article suivant : https://lyonelkaufmann.ch/histoire/2013/10/17/le-projet-de-la-pensee-historique/. ↩

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Enseignement et apprentissage de la Shoah : Dorothee Wein : Apprendre avec des Interviews. Témoins de la Shoah | 22 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

8 février 2018 by Lyonel Kaufmann

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Impossible de suivre toutes les sessions d’ateliers organisées à l’occasion de ces journées consacrées à l’enseignement de la Shoah. A chaque plage d’atelier, quatre sessions étaient données en parallèle soit en français, soit en allemand, soit en anglais. Pour ma part, j’ai fait le choix de suivre des sessions soit en allemand, soit en anglais comportant le recours et l’utilisation de ressources numériques et des nouveaux médias. Je vous en propose quelques aperçus non exhaustifs.

Dorothee Wein présentait l’important travail réalisé par le Center für Digitale Systeme de la Freie Universität Berlin.

Dans un temps où les rencontres avec les survivants de la Shoah vont se faire de plus en plus rares en raison de leur disparition, la question de la transmission orale de leur histoire et celle de la Shoah se pose de manière de plus en plus aiguë. C’est dans cette perspective que l’environnement d’apprentissage numérique “Lernen mit Interviews. Zeugen der Shoah” (Apprendre avec des Interviews. Témoins de la Shoah) a été conçu par l’Université libre de Berlin.

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L’environnement d’apprentissage « Témoins de la Shoah » met l’accent sur des interviews vidéo biographiques réalisés avec des survivants, accompagnés de matériel et de tâches contextuelles. Dans ces entrevues vidéo, les survivants nous racontent leurs expériences de la Shoah et comment ils ont vécu avec leurs souvenirs après leur libération.

Pour chaque film, des propositions de travail ont été élaborées permettant de rapprocher des thèmes, des histoires et des sources. Celles-ci peuvent être éditées directement dans la fenêtre de travail de l’environnement d’apprentissage. Des documents tels que des photographies d’époque sont disponibles à cette fin. Tous les résultats du travail réalisé peuvent être combinés, présentés ou imprimés par chaque élève dans un espace ressemblant à un Padlet.

Le dispositif tient compte des différents contextes possibles d’enseignement (cours Powerpoint, travail devant l’ordinateur, classe inversée). C’est aussi la raison pour laquelle ces témoignages ont également fait l’objet de quatre DVD.

En ligne, l’enregistrement est obligatoire. Tout en chacun peut très facilement en même temps créer son compte et utiliser le site. Les interviews durent entre 25 et 30 minutes et sont découpés en sous-chapitres. L’image ci-dessous permet de visualiser le dispositif concernant un des témoins, Richard Glazar1 :

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Tous les interviews bénéficient en outre d’une transcription et des tâches sont proposées en lien avec l’interview. Les tâches sont organisées à partir de 3 axes, à la complexité grandissante :

  1. Connaître : concernant l’histoire de Richard, il est demandé aux élèves de résumer l’histoire de Richard Glazar (environ 600 signes), non pas de manière exhaustive, mais en tenant compte des passages de l’histoire dont l’élève se souvient. Les élèves doivent également donner un titre à leur résumé en sélectionnant une citation issue de l’interview vidéo.
  2. Approfondir (plusieurs taches sont proposées à choix) : il est ainsi proposé aux élèves de créer un album sur la vie de Richard Glazar avant et après Treblinka. Pour ce faire, les élèves doivent sélectionner des photos dans le matériel et des citations tirées de la transcription de l’entrevue. Pour les phases de la vie de Richard Glazar dont on ne dispose pas de photos, les élèves doivent trouver un moyen de les représenter. Une autre tâche proposée leur demande de formuler une question ou une tâche qui les intéresse l’élève.
  3. Discuter/Débattre : il est demandé à l’élève s’il a le sentiment d’avoir connu Richard Glazar à travers le film et de discuter de la façon dont il pourrait rencontrer une personne par le biais d’une entrevue vidéo.

De plus, une carte permet de localiser le parcours des témoins tant avant et durant la Deuxième Guerre mondiale qu’après (1938 | 1942 | 1949 | 2010).

Globalement, le travail proposé est très individualisé. C’est dans la dernière partie avec Discuter/Débattre qu’un travail plus collectif est offert. Néanmoins, l’enseignant.e garde sa marge de manoeuvre pour initier soit directement un travail plus collectif, soit des mises en commun à l’issue des tâches à réaliser.

Il est à noter également que l’enseignant.e et les élèves disposent d’une partie de site consacré aux questions que posent une histoire orale. Trois axes sont abordés : se souvenir – raconter – explorer. Cette démarche évidemment peut être menée pour d’autres sujets que la Shoah. C’est un apport scientifique et didactique bienvenu.

La page d’accueil : http://www.zeugendershoah.de

Crédit photos : les images de cet article sont issues du site.

  1. L’interview orinal de Richard Glazar (durée 7h24) a été réalisé par Claude Lanzmann à Allschwil et à Bâle entre 1978 et 1981 pour son film Shoah. 29 minutes en ont été extraites pour le site. ↩

Classé sous :Didactique, Histoire active, Histoire savante, Humanités Digitales, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement

Enseignement et apprentissage de la Shoah : Noa MKAYTON : Connecting to history – Connecting to ourselves. Thoughts about a multi-perspective Holocaust Education | 23 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

8 février 2018 by Lyonel Kaufmann

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En début de cette deuxième journée des Journées d’étude internationales consacrées à l’enseignement et l’apprentissage de la Shoah, la Dr. Noah Mkayton, Directrice adjointe du Département européen de l’institut Yad Vashem (http://www.yadvashem.org/) a abordé la question de cet enseignement sous un angle didactique. Sa démarche préconise une approche sous un angle multidimensionnel.

Sa présentation a été plus qu’intéressante dans la mesure où la démarche didactique exposée peut être appliquée à tout sujet d’histoire. Elle est donc généralisable. De plus, cette démarche s’inscrit entièrement en cohérence avec la démarche d’enquête, au coeur du Plan d’études romand (PER) notamment pour l’enseignement de l’histoire.

La démarche didactique proposée s’appuie sur les acteurs de la Shoah sous un angle multidimensionnel. Ce concept met l’accent sur les actes, les omissions et les décisions des individus dans leur contexte historique respectif. L’examen des décisions individuelles dans leur contexte doit aider les élèves à évaluer les comportements humains.

En analysant de quelles manières les individus ont pris position au sein de leur société, tant pendant l’Holocauste que de nos jours, les élèves pourront faire des rapprochements entre l’Holocauste et d’autres catastrophes humaines actuelles. En effet, la manière dont les gens se sont liés au changement massif des normes qui a finalement rendu possible le génocide peut être considérée comme une question clé pour l’éducation à l’Holocauste, et cela reste un défi central dans l’éducation des étudiants à être aujourd’hui des citoyens responsables.

La démarche didactique développée est organisée autour de trois phases : Connaissance – Compréhension – Connexion. Il s’agit pour les élèves d’acquérir des connaissances sur les événements historiques, puis de parvenir à une compréhension sûre et potentiellement transformatrice pour enfin connecter ses connaissances à la vie actuelle.

Dans la première phase, alors que, dans leur écrasant majorité, les manuels scolaires et le matériel pédagogique, présentent la Shoah dans une perspective chronologique, des documents sont remis à l’examen des élèves en leur demandant, à partir de ceux-ci, de raconter ce qui s’est passé et de présenter l’histoire dans une perspective rétroactive. A tire d’exemple, deux documents fournis aux élèves pour mener cette enquête rétroactive ont été présentés. Le premier est une photographie de 1942 en Allemagne de déportés juifs avec leurs bagages bien préparés. Le deuxième était une reproduction d’un cahier en hébreux/arabe du Dr. Mojzis Woskin-Nahartabi de 1943. Il s’agit connecter les élèves à la Weltbeziehung de ces acteurs 1.

Après avoir raconté ce qui s’est passé, les élèves sont amenés à décrire historiquement où se trouvaient ces acteurs (victimes ou bourreaux), de décrire (historiquement toujours) quel était leur champ d’action (marge de manoeuvre), d’étudier les dynamiques d’inclusion et d’exclusion par rapport aux communautés nationales. Qui est inclus dans cette communauté nationale? qui en est exclu2?

Concernant les acteurs individuels, ceux-ci sont à envisager sous quatre dimensions : leur contexte idélologique, leur connaissance de la situation, les risques et les bénéfices de leurs actions. cette approche permet d’évaluer la marge de manoeuvre des acteurs. Ainsi en est-il des hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande qui avaient le choix de participer ou non à l’exécution des populations juives de Pologne. Leur commandant leur a laissé le choix. Aucune conséquence négative n’en a résulté pour ceux qui ont choisi de ne pas participer. Cependant très peu ont saisi cette opportunité. Qu’est-ce qui fait la différence entre ceux qui l’ont saisie et les autres? Quel est le poids du groupe, du conformiste? Quelle est l’adhésion effective des hommes du bataillon à l’extermination des Juifs? etc. (Christopher R. Browning. Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne. Paris: Texto, 2005). On dépasse ainsi le cadre d’une biographie traditionnelle faite d’une suite de dates. La démarche permet ensuite de comparer ce qui est comparable dans différentes situations historiques ou au sein de la même et d’évaluer les décisions prises par ces différents acteurs. La démarche est entièrement transposable pour tout sujet d’histoire enseignée. Les élèves développent ainsi leur compréhension et leur pensée historiques.

Enfin, dans la phase de connexion, la Shoah pourra être connectée à des événements contemporains pour dépasser le simple « plus jamais cela »3. Les mêmes catégories d’analyse de la société concernée (inclusion/exclusion de la communauté nationale) et des acteurs permettront de construire la Weltbeziehung (Relation au monde) actuel (ou d’une autre situation historique).

Concernant cette connexion passé-présent, Noah Mkyayton n’a pas également manqué de présenter un certain nombre de dangers dont celui de l’effacement, de la minimisation, du détournement et de l’utilisation de la Shoah dans un tout autre agenda politique pouvant conduire à une réécriture totale de l’histoire.

Cependant, la démarche didactique abordée permet de mettre en avant que l’histoire est le résultat de décisions humaines (positives ou négatives), de faire le lien entre une action individuelle et un contexte plus global, d’aborder la question des systèmes de valeur d’une société à un moment donné de son histoire, de présenter une expérience humaine dans un contexte spécifique et d’appréhender le contexte particulier de la violence de la Shoah ou d’autres génocides4.

Photo : Noa MKAYTON à la HEP Vaud, le 23 janvier 2018. © Lyonel Kaufmann, 2018

  1. A traduire par l’expérience du sujet relativement au monde dans lequel il vit. Leur relation au monde. ↩
  2. Concernant la Shoah et l’Allemagne, la catégorie des exclus inclus non seulement les Juifs, mais également les homosexuels, les persécutés politiques, les Sinti, les personnes vivant avec un handicap et les populations slaves. ↩
  3. Qui se base souvent sur les émotions et se transforme en leçon de morale. ↩
  4. On pensera plus particulièrement à la déshumanisation des acteurs auquel un tel phénomène conduit (Christopher R. Browning. Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne. Paris: Texto, 2005) ↩

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Enseignement et apprentissage de la Shoah : Monique Eckmann : «Oui mais…», transmettre la Shoah, défis et potentialités perçus depuis un pays Bystander | 22 janvier 2018, HEP Vaud, Lausanne

23 janvier 2018 by Lyonel Kaufmann

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« La Shoah crée un fardeau qui confère des devoirs et des responsabilités partagées » (M. Eckemann, 22 janvier 2018)

Sociologue, membre depuis 2004 de la délégation suisse à la Task Force for International Cooperation on Holocaust Education et du Remembrance and Research (ITF) Education Working Group, Monique Eckmann est notamment auteur de 2 ouvrages de référence sur la question :

  • Eckmann, M., Stevick, D. & Ambrosewicz-Jacobs, J. (Ed.). Research in Teaching and Learning about the Holocaust : A Dialog Beyond Borders. Berlin: Metropol, 2017 (https://holocaustremembrance.com/sites/default/ les/research inteachingandlearningabouttheholocaustweb.pdf)
  • Eckmann, M., Heimberg, Ch. (2011). Mémoire et pédagogie : Autour de la transmission de la destruction des Juifs d’Europe. Genève: Institut d’Etudes Sociales.

Sa conférence d’ouverture portait — après la Déclaration de Stockholm adoptée en 2000 par une quarantaine de pays, puis la fondation de l’IHRA, dont la Suisse est membre depuis 2004— sur le bilan à faire aujourd’hui, les acquis, et les défis qui nous attendent alors que ces projets semblaient initier une européanisation, voire une universalisation de la transmission de l’histoire et de la mémoire de la Shoah.

Si les travaux effectués au sein de l’IHRA ont permis des avancées pour la formation, qui se ressentent sur le terrain, ils comportent aussi des dilemmes. Où en sommes-nous face aux réticences au sujet de la Shoah? Comment inscrire ce sujet dans le champ de l’éducation aux Droits humains et à la démocratie, ou dans celui de la prévention des crimes contre l’humanité? Quelle est la part à accorder respectivement aux victimes, aux bourreaux, aux bystanders — spectateurs passifs ou témoins engagés?

Dans son intervention, Monique Eckmann a mis en avant les 3 phases de la Shoah dans l’espace public :

  • l’ère du silence après 1945;
  • l’ère des bourreaux à la suite du procès A. Eichmann en 1961;
  • l’ère actuelles des victimes dans le cadre d’une globalisation de la mémoire.

Dans le domaine éducatif, avant la déclaration de Stockholm, l’histoire de la Shoah était une histoire non officielle faite par des enseignants militants et critiques à l’égard du système. Durant ces deux dernières décennies, nous sommes passés à un enseignement désormais officiel de la Shoah. Ce changement n’est pas sans interroger les enseignants militants des débuts.

Concernant la place de cet enseignement de la Shoah en Suisse, il faut noter l’invisibilité de la Shoah dans l’espace public et les sentiments ambivalents à l’égard de cette question. La Shoah est considérée par beaucoup comme non-suisse et l’ambivalence porte sur la politique officielle à l’égard des réfugiés et celle des banques : quelles sont les marges de manoeuvre des institutions et des individus dans un tel contexte ?

Monique Eckmann a présenté quelques dossiers remarquables. En premier lieu, l’ensemble des démarches qui a mené à la reconnaissance du génocide des Roms dans le cadre notamment de l’IHRA (https://www.holocaustremembrance.com/focus/genocide-roma). Avec le 2 août, le génocide des Roms disposent d’une journée de la mémoire de ce génocide. La Suisse participe d’ailleurs au site spécifique qui est consacré à cette question : https://www.holocaustremembrance.com/focus/genocide-roma.

Un autre important travail a été réalisé concernant la question de la comparaison de la Shoah avec d’autres génocides. Le Committe on Holocaust, Génocide & Crimes Against Humanity a réalisé un vrai travail de comparaison permettant de dégager les spécificités de chaque génocide. Loin d’être une remise à plat de l’Holocauste, ce travail en établit ses caractéristiques propres et donc sa singularité par rapport aux autres génocides. Dans le cadre de ce travail de comparaison, il faut souligner les 8 étapes des génocides établies par Gregory Stanton (http://genocide.mhmc.ca/fr/genocide-comparaison).

Concernant l’enseignement de la Shoah pour traiter à l’école la question des Droits de l’homme, Monique Eckmann s’interroge s’il est souhaitable de partir des pires abus relativement aux Droits de l’homme pour enseigner ces derniers. Dans tous les cas, trois axes sont identifiables concernant un tel enseignement :

  • éduquer sur les droits humains
  • éduquer pour les droits humains
  • éduquer dans et par les droits humains : soit garantir l’accès à une école démocratique, une atmosphère garantissant l’égalité de traitement, le respect des droits et un débat démocratique.

Il est également important de ne pas confondre le racisme au quotidien et le racisme d’Etat.

Enfin, il est important, pour M. Eckmann, de penser également en terme de formation professionnelle des adultes et pas seulement aux enfants. Ceci est particulièrement souhaitable pour les personnes qui seront ensuite amenées à exerces des droits sur autrui tel le personnel de santé, les policiers ou les garde-frontières.

Enfin, Mme Eckmann a aborder la question et la place des émotions dans l’enseignement de la Shoah. Il lui paraît important d’enseigner non pas à partir des émotions, mais des faits historiques pour éviter d’en faire une leçon de morale. Il s’agit de réfléchir aux conséquences tragiques du pouvoir.

Trois différents types d’acteurs sont à l’oeuvre qu’il convient d’examiner à partir de questions spécifiques :

  • les victimes : il s’agit ici de transmettre leur expérience et leur mémoire;
  • les perpétrateurs (pour les bourreaux) : pour explorer leurs (micro-)marges de manoeuvre, leurs espaces d’initiatives;
  • les bystanders ou spectateurs : concernant leur influence sur la situation historique.
7 Decembre 1965 Rabbi Abraham Joshua Heschel presents Judaism and World Peace Award to Dr. Martin Luther King, Jr.
7 Decembre 1965 Rabbi Abraham Joshua Heschel presents Judaism and World Peace Award to Dr. Martin Luther King, Jr.

Elle conclut en indiquant qu’il s’agit de ne pas tomber dans le piège de la concurrence des victimes et de travailler dans le sens d’une solidarité des victimes comme lors de la lutte des droits civiques entre les responsables de la communauté noire (Martin Luther King) et les représentants de la communauté juive américaine.

Source de la photo d’en-tête : https://www.holocaustremembrance.com/country/switzerland

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