Merci aussi à Pascal Blanchard, historien et chercheur associé au CNRS de Marseille, et à ses explications claires et limpides.
Décidément la bêtise et la méchanceté humaine (et celle des Européens dans le cas présent) est sans limite.
Décidément la bêtise et la méchanceté humaine (et celle des Européens dans le cas présent) est sans limite.
Parmi ses travaux, il faut noter
– la réalisation d’un CD-Rom sur l’histoire américaine en deux volumes « Who built america ? » (volume 1 et volume 2).
– il est le co-fondateur en 1994 du Center for History and New Media.
– des supports de cours sur le web en relation notamment avec l’histoire américaine (History Matters. The U.S. survey course on the web) ou de l’histoire mondiale (World History Matters)
– un guide pour les étudiants et chercheurs en histoire des ressources digitales (Digital History: A Guide to Gathering, Preserving, And Presenting the Past on the Web) dont le titre résume bien les préoccupations et les orientations du travail de Reosenzweig.
– plusieurs essais en relation avec le travail de l’historien à l’ère des ressources digitales dont un récent article « Can History be Open Source? Wikipedia and the Future of the Past » [traduction en français par Clioweb, voir aussi notre billet Sur Wikipedia et l’Histoire (Clioweb et Rosenzweig)]. Ce dernier article souligne aussi son intérêt constant pour l’enseignement de l’histoire à l’ère digitale.
– la réalisation d’une banque de données digitales regroupant les ressources les plus diverses en relation avec les attentats du 11 septembre 2001 (The September 11 Digital Archive).
Son champ d’actions et de recherches était fort large puisqu’il englobe autant des considérations sur la conservation du passé à l’ère digitale (questions archivistiques), que sur leur utilisation dans la construction de l’histoire (questions historiques) ou que sur la formation historique des élèves (questions éducatives). Mais, il était avant tout un militant pour un accès libre à la connaissance historique sur le web. Il est décédé début octobre d’un cancer des poumons.
Roy Rosenzweig: Everyone a Historian
La notice de l’American Historical Association
Remembering Roy Rosenzweig de Dan Cohen (co-directeur avec Rosenzweig du Center for History and New Media)
Digital Historian Roy A. Rosenzweig du Washington Post
Bibliographie de ses principaux travaux (curriculum vitae)
Ses livres sur Amazon (US)
Dans son édition du mardi 25 septembre 2007, le journal Le Courrier revient sur la disparition récente de Raoul Hilberg (décédé le 4 août 2007) et propose une page entière au travail réalisé par cet historien relativement à son ouvrage majeur et capital sur le génocide juif : « La destruction des juifs d’Europe ».
L’article intitulé «Le tournant historiographique» est particulièrement intéressant pour comprendre l’apport de Raoul Hilberg relativement à l’historiographie du génocide et des génocides en général: »(Ainsi dans la dernière édition de son ouvrage, régulièrement remis à jour, Raoul Hilberg consacre un chapitre au génocide rwandais. Eric Vigne, ami et éditeur français de Hilberg chez Gallimard, expliquait à Rue89 que ce chapitre sur le Rwanda participait à la démonstration de Hilberg et qu’il voulait ainsi s’adresser aux tenants de la bataille du « pourquoi? », qu’avec ce nouveau génocide, où l’Europe n’avait rien fait, il s’agissait d’arrêter de dire que la connaissance historique permet d’agir et qu’il fallait plutôt s’appliquer à cerner le « comment? ».) »:
S’il considère le génocide juif comme «un événement sans précédent, un acte primordial jamais imaginé avant qu’il surgît», comme il l’explique dans La Politique de la mémoire, il démontre dans toute son oeuvre qu’il n’y a pas de plan central d’extermination, comme il n’existe pas de Führerbefehl pour supprimer les populations juives européennes, car cet ordre n’est pas nécessaire.
En affirmant la nature bureaucratique de la destruction et en soulignant la division du travail, Hilberg s’oppose à une interprétation faisant de Hitler un homme surpuissant et diabolique ou celle d’un génocide mis en place par quelques antisémites fanatiques. La décentralisation de la destruction des juifs réclamant la participation de tous les organismes disposant des moyens d’accomplir leur part de travail, il penche plutôt pour une concurrence des institutions qui aboutit à ce que l’historien allemand Hans Mommsen appelle une «radicalisation cumulée». Véritable initiateur d’un nouveau courant historiographique, Hilberg contribue au développement des Holocaust and Genocide Studies dont les nombreuses revues et les programmes universitaires soulignent l’importance. Rechignant à utiliser le mot «Holocauste», problématique étymologiquement parlant, Raul Hilberg se montre aussi critique face à la globalisation de la mémoire du génocide juif et à son instrumentalisation. Il n’hésite pas à dénoncer les organisations juives américaines – notamment sur leurs demandes de réparation contre les banques suisses – ou à défendre ses collègues, comme Norman Finkelstein écarté de son poste après la parution de L’Industrie de l’Holocauste.
Ces articles du Courrier présentent l’avantage d’être consultables en ligne : Penser la destruction des juifs d’Europe.
– United States in the 1930s and 1940s
– Scenes of Rural America
Le site Modern American Poetry comporte un dossier sur la Grande Dépression. Ce site propose notamment un dossier de photographies et de travaux d’artistes peintres:
– A Photo Essay on the Great Depression : les photographies;
– A Depression Art Gallery : pour les travaux des artistes peintres.
A l’aide de ce site, il me paraît intéressant de comparer de quelle manière la crise est présentée au travers de ces deux médias (thèmes abordés, personnages présentés, lieux choisis, …). Il serait aussi possible de s’interroger sur l’utilisation de la couleur dans les tableaux. Nous y reviendrons dans notre prochain article.
Roosevelt et le New Deal (D. Letouzey)
«Le New Deal, un moment très important dans l’histoire des Etats-Unis, fait partie des questions qui ont été abandonnées en chemin par l’histoire scolaire. Cette situation pourrait nourrir une intéressante étude de cas sur les choix de contenus opérés par les concepteurs des programmes. Ces choix dépendent de nombreux facteurs, notamment de l’évolution de la recherche historique (le triomphe récent de l’histoire culturelle aux dépens de l’histoire sociale), du contexte politique et idéologique… Ainsi, les instructions actuelles qui écrivent, à propos des » transformations de l’âge industriel » : » le phénomène majeur est la croissance économique » laissent peu de place à l’étude de » la catastrophe collective » décrite par Russell Aven (cf Jean Heffer La grande dépression, les EU en crise, Archives Gallimard).» (introduction de Daniel Letouzey relativement à sa page sur le New Deal)
New Deal et cinéma ou comment sortir de la crise en images (C. Robinot – Académie de Versailles)
Pour Claude Robinot, «la grande force des Américains c’est de traduire, presque immédiatement, leur histoire en scénarios de film. Regardez le photogramme extrait de « Gold diggers 1933 », il est antérieur au travail de Dorothy Lange et des autres photographes de la Farm security administration (1935-1942). Pourtant ils se confondent et se répondent dans un dialogue entre réel et fiction qui crée le fond d’une histoire culturelle américaine.»
A partir des documents multimédias proposés, C. Robinot propose les pistes suivantes de travail:
– Texte : Comment Roosevelt décrit-il la crise ? (mécanisme économique et effets sociaux)
– Film 1 : Quelles images retenir de la crise économique, pourquoi est-elle particulièrement cruelle pour cette génération ?
– Texte 2 : Quels sont les remèdes proposés pour relancer l’économie ?
– Film 2 : Pourquoi, dans une démocratie, faut-il convaincre l’opinion publique de la justesse des choix politiques ? Comment les Américains s’y prennent-ils pour essayer de convaincre ?
Articles précédents de cette «série de l’été» :
le New Deal a-t-il prolongé et aggravé la crise économique des années 1930?
A nouveau, la réponse est fortement marquée en fonction de son positionnement idéologique entre ceux qui estiment que sans intervention de l’Etat il n’aurait pas été possible avant longtemps de sortir de la crise (Keynésiens principalement) et ceux qui estiment que l’intervention de l’Etat a nui à une reprise plus rapide qui était en cours (les monétaristes, les libéraux). On retrouve donc le débat entre Keynésiens et monétaristes.
Une enquête menée en 1995 par Robert Whales (The Great Depression: Consensus among American Economic Historians) posait la question suivant à un panel d’historiens et d’économistes : « Etes-vous d’accord avec l’affirmation que le New Deal a prolongé et aggravé la crise de 1929? » 27% des économistes et 6% des historiens répondaient favorablement à cette affirmation alors que 51% des économistes et 75% des historiens pensaient le contraire :
The minority view is represented by Harold L. Cole and Lee E. Ohanian who argue that the « New Deal labor and industrial policies did not lift the economy out of the Depression as President Roosevelt and his economic planners had hoped, » but that the « New Deal policies are an important contributing factor to the persistence of the Great Depression. » They claim that the New Deal « cartelization policies are a key factor behind the weak recovery. » They say that the « abandonment of these policies coincided with the strong economic recovery of the 1940s. » Lowell E. Gallaway and Richard K. Vedder argue that the « Great Depression was very significantly prolonged in both its duration and its magnitude by the impact of New Deal programs. » They suggest that without Social Security, work relief, unemployment insurance, mandatory minimum wages, and without special government-granted privileges for labor unions, business would have hired more workers and the unemployment rate during the New Deal years would have been 6.7% instead of 17.2%.
Par ailleurs, en fonction du positionnement politique, la droite conservatrice a développé les critiques suivantes à l’égard du New Deal :
– Le New Deal était infiltré par des communistes;
– Le New Deal est en partie (mais pas dans sa totalité) un programme fasciste équivalent à une dictature présidentielle: telle est notamment la position de Hoover, le prédécesseur de Roosevelt, dans ses mémoires. Cette position est rejetée par des historiens spécialistes du fascisme : « What Fascist corporatism and the New Deal had in common was a certain amount of state intervention in the economy. Beyond that, the only figure who seemed to look on Fascist corporatism as a kind of model was Hugh Johnson, head of the National Recovery Administration. » : »(Stanley Payne, History of Fascism, 1995, p 230) »:
Il existe également des critiques de gauche au New Deal recensée par un article de Wikipedia (Critics of the New Deal – From the Left)
Relativement au caractère révolutionnaire ou non du New Deal, les trois positions suivantes situent les tendances principales de ce débat qui vont du caractère révolutionnaire, au conservatisme en passant par une légère dose de réformiste social.
1.- Le texte de Carl N. Degler intitulé « The Third American Revolution » tente de prouver que le New Deal proposé par Roosevelt constitue la troisième révolution américaine. Le New Deal, qui a été la progéniture de la crise, a fait émerger de cette dernière une nouvelle conception de ce que constitue une société satisfaisante. Il a complètement bouleversé l’ordre établit en revivifiant le Parti démocrate, en protégeant la syndicalisation des travailleurs américains, en régularisant l’économie et en garantissant un minimum de bien-être à la population.
2.- Barton J. Bernstein, quant à lui, tente de démontrer dans l’article intitulé « The New Deal: The Conservative Achievements of Liberal Reform » que le New Deal n’a pas transformé le système américain en opérant une redistribution du pouvoir, mais a plutôt aidé à conserver et à protéger le capitalisme corporatif. Les moyens employés par Roosevelt étaient avant tout libéraux, et ne servaient que des buts conservateurs. Le New Deal n’a donc pas révolutionné la société américaine par ces changements, mais a avant tout permit une continuation. Malgré les améliorations apportées, il a échoué à maints égards.
3.- Quant à Susan Ware, dans son livre intitulé « Beyond Suffrage:Women in the New Deal », elle tente de prouver qu’un certain nombre de femmes à la maison blanche, constituant le « network », ont joué un rôle important dans les politiques du New Deal, en aidant à en diffusé le contenu et en faisant du lobbying. Toutefois, elle avoue que ce programme de réformes constituait des lacunes. Sur le plan social et même dans les campagnes électorales, les femmes ont été d’un grand intérêt, ce qui constitue une innovation importante pour l’époque.
Enfin, sortant du prisme uniquement politique ou économique, l’histoire culturelle s’est attachée à la production culturelle, issue du New Deal, sous l’impulsion ou non de l’Etat au niveau littéraire, photographique, pictural ou cinématographique. Deux thématiques principales pourrait émerger :
Par ailleurs, concernant le cinéma américain, C. Robinot, de l’Académie de Versailles (New Deal et cinéma ou comment sortir de la crise en images), souligne que «la grande force des Américains c’est de traduire, presque immédiatement, leur histoire en scénarios de film. Regardez le photogramme extrait de « Gold diggers 1933 », il est antérieur au travail de Dorothy Lange et des autres photographes de la Farm security administration (1935-1942). Pourtant ils se confondent et se répondent dans un dialogue entre réel et fiction qui crée le fond d’une histoire culturelle américaine.» De plus, relativement à l’utilisation de deux films, il est proposé les questionnements suivants aux élèves:
En synthèse, je mettrai en évidence la richesse des questionnements et des problématiques pouvant être traitée en classe d’histoire concernant le New Deal. Elle couvre des champs économique, politique et social ainsi que et culturel :
Dans mon prochain article, j’aborderai la question des ressources pédagogiques autour du New Deal.
Articles précédents de cette «série de l’été»:
- le site ne doit pas être un jardin secret, c’est-à-dire qu’il doit être aisé de faire rentrer ou sortir des informations du système ;
- l’utilisateur doit rester propriétaire de ses propres données ;
- le site doit être entièrement utilisable à travers un navigateur standard ;
- le site doit présenter des aspects de réseaux sociaux.
Réalisation par des élèves de 5e, de la All Saints CE Primary School, de London. Réalisé avec iMovie pour partager l’histoire anglaise avec leur correspondants en Grèce.
: »(Pour ceux qui penseraient que je ne suis qu’un ayatollah technophile, je les engage à lire cet article.) »:
La période estivale est propice à la préparation de la rentrée scolaire… y compris pour les formateurs en didactique… Je vous propose donc de suivre ma réflexion relative au sujet sur la Grande Dépression et le New Deal. Vos commentaires sont en tout temps les bienvenus.
Sujet précédent : Grande Dépression et New Deal : 1. Comment ce sujet est-il traité par l’histoire scolaire?
Je me propose de traiter de la question historiographique en deux billets. Dans ce premier billet, je m’arrêterai au traitement historiographique de la crise de 1929.
Dans cette optique, j’ai procédé en trois étapes:
– consultation de l’article « Crises économiques »de l’Encyclopædia Universalis 2006 (toujours instructif);
– la réactivation de mes lectures universitaires et leur renouvellement en recherchant de nouvelles parutions;
– une recherche via l’Internet et les mots-clés « Crise 1929 historiographie).
L’extrait suivant article de l »Encyclopædia Universalis permet de mettre en évidence les différents courants et interprétation de la crise de 1929:
La crise de 1929 est longtemps demeurée un champ clos où s’affrontent les explications concurrentes. Les approches libérales, qui insistent sur les atteintes aux mécanismes concurrentiels (L. Robbins, 1934) ; les approches marxistes, centrées sur la baisse tendancielle du profit dans un monde capitaliste voué à la sous-consommation (E. Varga, 1935) ; les approches keynésiennes, qui situent l’origine de la crise dans une déficience de la demande globale, par épuisement des occasions d’investissement (A. Hansen, 1941) ou chute de la consommation (P. Temin, 1976) ; enfin, les approches monétaires, qui mettent en exergue l’impact de la déflation sur le poids réel de la dette (I. Fisher, 1933) ou les erreurs de la politique monétaire américaine (M. Friedman et A. Schwarz, 1963) sont en fait à bien des égards complémentaires, malgré d’évidentes divergences, notamment sur l’incidence de la variable salaires réels. Une interprétation cohérente doit articuler – et non opposer – les explications conjoncturelles ou axées sur les erreurs de politique économique et les explications structurelles (par exemple, en termes de blocage du « mode de régulation » concurrentiel ; R. Boyer, J. Mistral, 1983). Mais la compréhension de la grande dépression a surtout progressé grâce aux analyses convergentes (C. Kindleberger, 1973 ; D. Alcroft, 1977 ; P. Fearon, 1978) qui insistent sur la dimension internationale des enchaînements. La gravité de la crise est due aux conditions déséquilibrées du rétablissement de l’étalon-or après la guerre, dans un monde où se cumulent les facteurs d’instabilité financière et où il n’existe plus de leadership international : la Grande-Bretagne n’est plus en état d’exercer le rôle qui était le sien avant 1914, et les États-Unis, confrontés à leurs propres problèmes, ne sont pas prêts à assumer leurs responsabilités mondiales.
Schématiquement, la crise de 1929 s’inscrit dans quatre courants de pensée. Aujourd’hui encore, chaque nouveau apport s’inscrit, d’une manière ou d’une autre dans ces quatre courants de la pensée économique. On constate également que c’est un lieu à forte connotation idéologique. Les quatre courants:
– les approches libérales auxquelles il font adjoindre à mon avis les approches monétaires qui n’en sont qu’une déclinaison particulière (Milton Friedman);
– les approches marxistes;
– les approches keynésiennes;
– les approches de l’école française de la régulation qui est une école de pensée économique associant approche keynésienne et approche marxiste.: »(On peut y ajouter une couche de Thomas Kuhn, le système productif fordiste cher aux régulationnistes formant un paradigme économique pour l’économie observée) »:.
Il est intéressant de constater que la crise de 1929 met en présence plusieurs explications concurrentes et qu’il n’existe pas de véritable consensus relativement à cette crise, notamment en raison de ses enjeux idéologiques. Par contre, dans les manuels, c’est la version de John Kenneth Galbraith (1908-2006) (La Crise économique de 1929. Anatomie d’une catastrophe financière de 1954) qui fournit très largement et durablement une vulgate scolaire univoque et, à première vue, indépassable.
Dans le cadre de mes recherches via l’Internet et des recherches relativement récente, je signale plus particulièrement, l’article en ligne de Pierre-Cyrille Hautcœur (paru en version papier dans Politique Etrangère, n°3-4, 2000) Crise de 1929 et politique internationale (L’article dans sa version papier s’intitule Crise de 1929 et politique internationale: pourquoi il ne faut pas brûler le FMI, disponible au format .pdf). En effet, cet article s’inscrit bien dans la perspective des enchaînements internationaux. Le résumé de son intéressant article:
On montre dans cet article l’importance des considérations politiques internationales dans les origines de la crise de 1929 et dans son déroulement. On analyse ensuite les conséquences multiples de la crise et des analyses qui en furent faites sur les relations internationales après la seconde guerre mondiale et sur leur organisation au sein des institutions internationales. On conclut à l’importance de la coopération internationale institutionalisée dans la prévention des crises.
Et sa présentation des origines de la Crise :
Nombre d’interprétations de la crise en font un événement principalement américain: le krach de Wall Street dans le cas le plus simpliste, l’effondrement du crédit provoquant un blocage de l’investissement et de la consommation sous l’effet des faillites bancaires en série dans la version plus sophistiquée actuellement dominante, la chute de la consommation sous l’effet d’un chômage rapidement croissant du fait de l’absence des régulations salariales dans une certaine tradition keynésienne, la saturation d’un mode de régulation dans lequel la demande ne suit pas la croissance de l’offre selon une lignée post-marxiste, toutes explications qui sortent peu du cadre national.
Pourtant, deux autres lignées d’interprétation accordent davantage de poids aux interactions internationales, et de ce fait, presque nécessairement, aux considérations politiques. La première souligne les méfaits d’un système monétaire international de change fixe dans la transmission de la crise. La seconde invoque en priorité les conséquences de la première guerre mondiale en Europe.
Fort bien. Mais comment s’y prendre avec des élèves de 15-16 ans pour sortir d’un discours univoque, problématiser le sujet et ne pas les perdre dans les méandres des différentes approches de la crise? C’est le retour à un petit livre de Bernard Rosier (5e édition de Pierre Dockès) qui me fournit les base d’une problématisation possible :
le krach a-t-il causé la dépression ou le krach est-il né de ces premières difficultés industrielles [des Etats-Unis]?: »(Les théories des crises économiques. Paris: La Découverte, 2003, p. 48. Rosier et Dockès émargent, pour leur part, à l’école de la régulation) »: Une bonne base de départ, me semble-t-il, pour faire travailler les élèves.
Notre prochain billet sera lui, plus précisément centré sur la Grande Dépression et le New Deal. Après une petite pause due à mes vacances !
N’abusons pas du mot croisade ! Il faut le réserver au phénomène historique précis qui a eu lieu dans un cadre géopolitique et religieux bien caractérisé : une guerre considérée comme sainte, menée par la chrétienté latine pour la délivrance des Lieux saints à Jérusalem. La confiscation du terme à des fins idéologiques, politiques ou militaires est dangereuse, car elle suscite des amalgames dans des mémoires collectives d’une très grande susceptibilité.
Pour lire l’article entier : N’abusons pas du mot Croisade (01.08.2007)
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Le traitement scolaire de la la crise des années 1930 forme le premier épisode de notre série de l’été : La Grande Dépression et le New Deal.
Concernant la place du sujet dans les programmes scolaires, il s’agit, me concernant, de comprendre quel rôle l’histoire scolaire a cherché, cherche à lui faire jouer et de prendre de la distance pour en apprécier la pertinence à l’aide de l’état de la recherche. C’est la meilleure manière, pour moi, de sortir soit du récit national, soit des discours de l’évidence.
Bien évidemment, l’historiographie sur le sujet est un élément jouant un rôle clé dans cette mise à distance. De plus, j’escompte que l’historiographie me permette de trouver une ou plusieurs problématiques qui pourront être travaillées par les élèves.
L’enseignement de la Grande Dépression et du New Deal : état de situation
Tout d’abord, je ne pensais pas directement traiter de la Grande Dépression et du New Deal, mais de la crise économique des années 1930. Dans ce cadre-là, le New Deal aurait représenté un des sujets développés. D’autant que j’avais lu avec intérêt les propositions de Daniel Letouzey (Roosevelt et le New Deal).
Concernant la crise économique des années 1930 ainsi qu’elle est traitée au niveau secondaire I (élèves de 15-16 ans), une première constatation s’impose : ce sujet n’est pas traité pour lui-même dans le programme de 9e année. Premièrement, il figure généralement dans l’ensemble fourre-tout de l’entre-deux-guerres. Il prend place dans une double histoire causale conjointe : en premier lieu de la montée du nazisme en Allemagne et plus généralement des fascismes en Europe; en second lieu de la marche vers la deuxième guerre mondiale.
Dans ce cadre-là, le New Deal intervient pour mettre en évidence la solution démocratique et réformant le modèle libéral par rapport à la solution de l’Allemagne nationale-socialiste. Pour sa part, le Krach de Wall Street sert lui d’élément déclencheur (et spectaculaire), comme l’attentat de Sarajevo, à la crise des années 1930. Il forme un événement-évidence qui n’est jamais questionné.
Concernant la situation en France, Daniel Letouzey (Roosevelt et le New Deal) formule un constat guère plus réjouissant :
«Le New Deal, un moment très important dans l’histoire des Etats-Unis, fait partie des questions qui ont été abandonnées en chemin par l’histoire scolaire. Cette situation pourrait nourrir une intéressante étude de cas sur les choix de contenus opérés par les concepteurs des programmes. Ces choix dépendent de nombreux facteurs, notamment de l’évolution de la recherche historique (le triomphe récent de l’histoire culturelle aux dépens de l’histoire sociale), du contexte politique et idéologique… Ainsi, les instructions actuelles qui écrivent, à propos des » transformations de l’âge industriel » : » le phénomène majeur est la croissance économique » laissent peu de place à l’étude de » la catastrophe collective » décrite par Russell Aven (cf Jean Heffer La grande dépression, les EU en crise, Archives Gallimard).» (introduction de Daniel Letouzey relativement à sa page sur le New Deal)
En résumé, dans tous les cas, la crise de 1930 ou le New Deal ne sont pas étudiés pour eux-mêmes dans les programmes scolaires. Cela vient peut-être aussi des difficultés rencontrées par les enseignant-e-s relativement à un enseignement de l’histoire économique. Cependant, le développement d’une histoire culturelle relativement à la Grande Dépression et au New Deal offre la possibilité d’un renouvellement du sujet enseigné et d’un sujet à enseigner pour lui-même.
Ce sera l’objet du deuxième épisode de notre série : La Grande Dépression et le New Deal : 2. Que nous dit l’historiographie?
Raphaël Rosa (Populace ou peuple souverain?) et Matthias Bolens (Les représentations identitaires vaudoises sous l’Helvétique). Bibliothèque historique vaudoise, 2007, 320 p.