Histoire savante
Une étude se penche sur les films d’Henry Brandt réalisés pour l’Exposition nationale de 1964
Si plusieurs ouvrages ont paru à l’occasion du cinquantenaire de l’Expo 64, aucun ne s’est penché spécifiquement sur la fameuse série de courts-métrages réunis sous le titre La Suisse s’interroge et projetés dans la section La voie suisse, donc au cœur de l’Expo.
Et pourtant qui, parmi les visiteuses et visiteurs de celle-ci, a oublié le visage triste du petit garçon, au terme de l’ennuyeuse promenade dominicale en «bagnole», racontée dans le seul épisode de fiction, La course au bonheur ?
Lire le compte-rendu de l’ouvrage d’Alexandra Walther, La Suisse s’interroge ou l’exercice de l’audace, Lausanne, Antipodes, 2016, 124 pages par Pierre Jeanneret (Domaine Public) : Une étude se penche sur les films d’Henry Brandt réalisés pour l’Exposition nationale de 1964
Quelle place pour les Humanités digitales aux Journées suisses d’histoire à Lausanne ?
Depuis aujourd’hui jusqu’à samedi se tient la quatrième édition des «Journées suisses d’histoire». Cette année, ces journées ont lieu à l’Université de Lausanne. Dans un récent billet (Digital History delayed), Guido Koller, historien principal aux Archives fédérales Berne et spécialiste en histoire à l’ère numérique, souligne que si cette dernière existe en Suisse également, sa position n’est pas encore solide et que le programme de Journées suisses d’histoire en atteste avec seulement deux panels discutant explicitement des médias et des méthodes numériques.
Dans un premier panel, Jan Hodel, Mareike König et Nadine Fink présenteront, à l’aide d’études de cas, la façon dont les historiens travaillent avec les médias sociaux . Dans un second panel, Anne Jobin, Hannes Mangold, Stefanie Prezioso et Valérie Schafer présenteront la puissance des algorithmes dans les pratiques sociales historiques.
Cela illustre peut-être le scepticisme que Guido Koller constate, dans les pays de langue allemande pour sa part, au sujet de ces nouvelles méthodes. Scepticisme qu’illustre un récent article de Urs Hafner paru dans la Neue Zürcher Zeitung du 27 mai 2016 et dans lequel il est fait référence au récent livre publié par Guido Koller «Geschichte numérique – Historische Welten neu vermessen».
Pour notre part, nous aurons certainement l’occasion d’y revenir dans le cadre du panel avec Jan Hodel, Mareike König et Nadine Fink puisque j’y assurerai le commentaire/modération.
Complément (11.06.2016) : à ces panels, il faut encore ajouter à ces Journées des présentations flashs (voir la liste : https://www.journeesdhistoire.ch/127/flash-presentations.html) centrées les humanités digitales. Parmi ces présentations, on notera plus particulièrement celle de Frédéric Clavert sur les commémorations de la Première Guerre mondiale au travers de twitter (#WW1. Le centenaire de la Grande Guerre sur Twitter). Indiquons également que pour les organisateurs de ces Journées, les Humanités digitales faisaient partie des trois thématiques centrales du colloque (L’historien face aux Digital Humanities, le grand défi).
J’en profite pour présenter succinctement ce panel intitulé #Macht #SocialMedia #Erinerungskultur et ses intervenants. Au travers d’études de cas concrètes, Jan Hodel, Mareike König et Nadine Fink présenteront sous trois aspects différents et complémentaires l’utilisation et la place des médias sociaux dans les processus culturels de la mémoire historique et collective :
- Jan Hodel interviendra sous l’angle des possibilités de recherches, via une analyse de discours, sur deux corpus provenant de médias sociaux (twitter principalement) : les débats en Grande-Bretagne sur les hausses des frais d’étude et les débats en 2015 autour des commémorations des 500 ans de la bataille de Marignan;
- Mareike König s’attachera plus particulièrement à différentes formes de vulgaristaion ou d’usages publics de l’histoire sur Twitter, Facebook ou des blogs en relation avec les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et plus particulièrement les journaux numérisés des combattants (Der Erste Weltkrieg “in Echtzeit”: Tagebücher 1914-1918 in den Sozialen Medien);
- Nadine Fink constate qu’à l’exemple des témoignages audiovisuels intégrés aujourd’hui dans les nouvelles expositions muséales ou à l’école, les modalités de transmission de l’histoire se sont fortement modifiées au cours des dernières années. L’offre importante de nouveaux médias et de matériaux numériques permet de transmettre l’histoire de façon nettement plus diversifiée. Spécialiste des questions relatives à l’histoire orale, elle appuiera son intervention sur deux projets : les Archives de la danse et «Nous, les PTT».
Dans chacun des cas, il sera possible de réfléchir à la culture mémorielle véhiculée par ces nouveaux médias et jusqu’à quel point ceux-ci tendent à concurrencer les discours historiques traditionnels ou dominants. Dans une autre perspective, les médias sociaux permettent-ils la circulation dans l’espace public de récits parfois conflictuels ou des exclus de l’histoire ? permettent-ils vraiment une pluralité de point de vue jusqu’à présent difficilement accessibles? Enfin, dans quelle mesure, les médias sociaux génèrent de nouveaux questionnements, renouvèlent ou non la forme de l’archive et proposent-ils de nouvelles formes de récit historiques ?
Concernant les participants à ce panel,
- Jan Hodel est co-fondateur avec le regretté Peter Haber d’hist.net et travaille en tant que professeur d’histoire et de diactique à la Fachhochschule Nordwestschweiz (FHNW) à Bâle et Brugg;
- Mareike König est bibliothécaire en chef et historienne du numérique (relations franco-allemandes au 19e siècle) au Deutsches Historisches Institut Paris.
- Nadine Fink est chargée d’enseignement en didactique de l’histoire et éducation à la citoyenneté à la HEP Vaud à Lausanne.
Au niveau pratique, ce panel aura lieu le samedi 11 juin de 9:00 à 10:45 en salle 4078 de l’Anthropole (attention lieu modifié).
La chute de l’Empire byzantin était-elle inéluctable ?

L’entité politique qui se présentait comme l’Empire romain d’Orient et qui s’est étendu en Asie, en Europe et en Afrique a résisté à ses voisins durant onze siècles, jusqu’en 1453. Dans un récent ouvrage l’historien Michel Kaplan revient les éléments qui ont permis cette incroyable longévité. Cet article est la version longue d’un papier paru initialement dans le Matin Dimanche. Retour également sur la fin d’un empire qui est une des dates sensées marquées le passage du moyen-âge aux temps modernes.
Lire l’article de Guillaume Henchoz sur Medium : La chute de l’Empire byzantin était-elle inéluctable ?
Image : capture d’écran d’une miniature turque du XVe siècle illustrant la prise de Constantinople. © DR
Ces gaulois vendus à Rome
Face à l’ancienne fureur guerrière, le sac de Rome en 390, la prise de Delphes en 279, la société gauloise se serait-elle ramollie dans les années 60 avant notre ère ?
Vercingétorix devant ses troupes l’aurait dit « la Gaule unie, formant une seule nation, animée d’un même esprit, peut défier l’univers »… Certes, mais l’esprit n’y était déjà plus ! Le discours savant, évoque souvent une Gaule prête à rentrer dans l’histoire, peut-on, tout au contraire, envisager des élites gauloises livrant leur pays à César ?
À écouter sur France Culture : Laurent Olivier, Conservateur en chef du musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye http://ift.tt/1O91X9O
« L’apocalypse de la modernité » : une lecture incontournable
Depuis le début du Centenaire, une question revient sans cesse dans les débats, les conférences : comment un tel conflit a-t-il pu dévaster l’Europe ?
Si de nombreux ouvrages s’attachent à décrire les engrenages diplomatiques et politiques de l’été 1914 et que d’autres expliquent de quelles manières, pendant la guerre, les peuples se sont mobilisés, il est souvent beaucoup plus difficile de discerner les raisons profondes, civilisationnelles qui nous ont poussés vers l’abîme.
D’où l’intérêt de l’ouvrage de Claudio Gentile, l’Apocalypse de la modernité, qui cherche à y répondre. L’auteur, l’universitaire italien Emilio Gentile, dépeint avec précision le monde d’avant 14 comme un monde « perdu » en quête de repaires. Marquée par le « Dieu est mort » de Nietzsche, l’humanité est simultanément submergée dans une effervescence scientifique et technique unique en son genre. Face à l’émergence de cette nouvelle société moderne et sans Dieu qui dégraderait physiquement et moralement la condition humaine, l’homme du siècle naissant semble ne plus savoir vers qui tourner son regard.
Lire le compte-rendu : « L’apocalypse de la modernité » : une lecture incontournable – SAM2G – SAM2G
Audoin-Rouzeau : «À Verdun, le devoir de mémoire l’a emporté sur le devoir d’histoire
Dans cet autre article du Figaro consacré aux commémorations de la bataille de Verdun, Stéphane Audoin-Rouzeau revient sur une bataille qui, dès 1916, a représenté un véritable mythe pour la nation française. Il y regrette particulièrement que, contrairement aux propositions de la Mission du centenaire, le pouvoir politique n’ait pas commémoré conjointement les batailles de Verdun et de la Somme :
Les deux batailles sont pourtant étroitement liées: les Allemands abandonnent l’offensive sur Verdun dès lors que commence le bombardement allié sur la Somme, lors de la dernière semaine de juin 1916. En outre, la Somme – qui fut la bataille la plus internationale de la guerre du fait du rôle majeur du Royaume-Uni et des troupes des Dominions de l’empire britannique – ne le cède en rien à l’horreur de Verdun: en un temps plus court (cinq mois contre dix), les pertes s’y révèlent plus importantes encore, signalant ainsi un nouveau franchissement des seuils de violence. Surtout, là où les conséquences stratégiques de la bataille de Verdun sont inexistantes, celles de la Somme sont immenses: le nouvel Etat-Major allemand ayant pris conscience, sur place, de l’écart en train de se creuser au bénéfice des Alliés, mettra tout son poids dans la balance pour obtenir la fatale décision de guerre sous-marine à outrance, prise début 1917, au risque de provoquer en avril l’entrée en guerre des Etats-Unis. Le XXème siècle commence alors vraiment. Le «siècle des Américains».
L’article du Figaro : Audoin-Rouzeau : «À Verdun, le devoir de mémoire l’a emporté sur le devoir d’histoire
Vu d’Allemagne : «Verdun, un carnage inutile» – Le Figaro

Alors que le dimanche 29 mai, les Français commémoreront le centenaire de la bataille de Verdun, Le Figaro interviewe l’historien allemand Gerd Krumeich, spécialiste de la Première Guerre mondiale. Ce dernier a publié en novembre dernier Verdun 1916 (Tallandier), avec l’historien français Antoine Prost. Deux extraits de cet interview.
La France et l’Allemagne vont commémorer le centenaire de la bataille de Verdun. Quelle place occupe cette bataille dans l’histoire allemande?
La bataille de Verdun n’a pas la même place dans la mémoire allemande que dans celle de la France. Depuis les années 1920 et encore aujourd’hui, Verdun est perçue comme un carnage absurde, où plus de 140.000 soldats sont tombés pour rien. Ils ont combattu malgré la stratégie insensée du général Falkenhayn et se sont sacrifiés pour l’Allemagne. Cet aspect a été utilisé ensuite par la propagande nazie. Après la Deuxième Guerre mondiale et ses horreurs, la bataille est tombée dans l’oubli. Puis Verdun est devenu un lieu de rencontre entre vétérans allemands et français. La compréhension franco-allemande s’y est développée au fur et à mesure et Verdun s’est transformé en lieu de réconciliation.
Comment la bataille de Verdun est-elle enseignée dans les écoles allemandes?
Elle l’est très peu. On évoque les morts et son inutilité. La photo de la poignée de mains entre Kohl et Mitterrand, en 1984, est reproduite dans tous les manuels. Verdun cŽest le symbole d’une histoire commune et d’un deuil commun. Verdun nous rappelle que l’entente franco-allemande est essentielle pour que vive l’Europe.
L’article du Figaro : Vu d’Allemagne : «Verdun, un carnage inutile»
Les livres de la spéciale « Verdun, la paix » (2) : La grande guerre, carnet du centenaire

André Loez et Nicolas Offenstadt ont choisi la forme du carnet pour évoquer la Première Guerre mondiale au grand public.
Des textes courts, souvent illustrés, dont seul l’assemblage construit un discours, sans démonstration académique.

L’ouvrage est construit en 9 sections.
Le choix des lieux, par exemple, marque la volonté des auteurs de sortir des sentiers battus des nécropoles et champs de bataille les plus courus, pour nous faire découvrir non seulement la variété des sites mais, à travers eux, le caractère continental, puis mondial, de la guerre. Certes, Dixmude, près d’Ypres, nous est bien connue, mais irons-nous jamais à Anzac Cove, en Turquie, à Olsztynek, en Pologne, ou eut lieu la capitale bataille de Tannenberg, ou encore à Santa Isabel, en Guinée Equatoriale, « le Cameroun allemand » ? Et que dire des lieux près desquels nous passons sans rien savoir ?
Lire le compte-rendu : Les livres de la spéciale « Verdun, la paix » (2) : La grande guerre, carnet du centenaire
Découvertes : Neandertal modern or not modern ?
S’aventurer dans les profondeurs d’une grotte, y faire reculer l’obscurité, une torche à la main. Trouver une vaste salle hérissée de stalagmites. Les briser par centaines. Les assembler pour ériger de petits enclos circulaires, tout en gardant vivante la lueur vacillante du feu — pour retrouver le chemin du retour à l’air libre. « Il y a quelques années, dit Jacques Jaubert, professeur de préhistoire à l’université de Bordeaux, je n’aurais jamais cru que l’homme de Néandertal, que j’étudie depuis trente ans, en soit capable. » C’est pourtant bien ce qu’il décrit dans un article signé par une équipe internationale, et publié dans la revue Nature jeudi 26 mai : il y a 176 500 ans, l’homme de Néandertal a construit d’énigmatiques structures à plus de 300 mètres de l’entrée de la grotte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Il s’agit de la plus ancienne construction jamais découverte aussi loin de la lumière du jour.
Néanmoins les scientifiques sont divisés sur cette découverte et plus particulièrement sur la modernité de Néandertal qu’elle indique pour certains d’entre-eux :
Comment Bruniquel est-elle perçue par les spécialistes ? « C’est une découverte unique en son genre, même si je ne suis pas certain qu’elle nous en dise beaucoup sur les compétences sociales des Néandertaliens, estime Jean-Jacques Hublin (Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste de Leipzig).
Comprendre la fonction de telles structures circulaires est un défi. Cela démontre une nouvelle fois le peu de connaissances que nous avons des comportements des humains archaïques du Pléistocène, qui sont presque uniquement documentés par les outils de pierre et les restes de gibiers. »
Les querelles ne manqueront pas sur l’interprétation du comportement de ces Néandertaliens. « Le qualifier de moderne parce qu’il est complexe, comme c’est indiqué dans Nature, est selon moi trompeur, estime ainsi Jean-Jacques Hublin. Et il est un peu exagéré de suggérer qu’on n’avait pas envisagé la possibilité de telles constructions par des Néandertaliens. »
Ces débats sur la modernité de Néandertal divisent la communauté scientifique. Certains le voient comme un humain archaïque naturellement supplanté par l’homme moderne venu d’Afrique, d’autres veulent en faire son égal malchanceux – comme une figure anachronique du bon sauvage exterminé par un colonisateur sans scrupule. La génétique a récemment bouleversé ces conceptions figées en montrant que ces deux humanités s’étaient croisées, mêlées et peut-être aimées, au point que nous portons dans notre ADN, encore aujourd’hui, quelques pourcents d’ADN néandertalien.
Une belle problématique et une enquête à mener en classe.
Lire l’article : Néandertal s’aventurait au fond des grottes, 140 000 ans avant « Homo sapiens »