Pourquoi, à une époque où l’histoire de la violence et des génocides suscite le plus vif intérêt du public, celui du Rwanda intéresse si peu? Il y a un quart de siècle, près d’un million de personnes ont été assassinées en l’espace de cent jours. L’Afrique est-elle vraiment trop «loin» de l’Europe pour que nous nous sentions concernés par l’horreur qu’évoquent ces chiffres? Stéphane Audoin-Rouzeau lui-même le confesse: l’historien était resté à peu près insensible à ce carnage avant de ressentir un profond «saisissement» lors d’un voyage en 2008.
«Au Rwanda, le temps n’efface rien, comme le montre le récit de Stéphane Audoin-Rouzeau. A chaque cérémonie commémorative, des rescapés, hommes et femmes, sont saisis de ce que les médecins nomment «crise traumatique». Or loin de s’estomper avec les années, ces crises semblent de plus en plus nombreuses et brutales au fil des années. Terreur inhumaine qui vous poursuit à l’infini: «Les Interahamwe arrivent! On tue mes enfants! On tue mes enfants! On me coupe les seins!» Tels sont les mots désespérés d’une femme en pleine réminiscence dans un stade à Kigali en 2008, avant d’être évacuée.
Les lieux de mémoire se sont imposés dans le paysage: Gisozi, le mémorial de la capitale Kigali; Nyamata, où 50’000 personnes ont péri dans une église (oui, 50’000); l’école de Murambi, refuge fatal pour un nombre équivalent de personnes, dont de très nombreux enfants; la colline de Bisesero, lieu d’une résistance acharnée; l’église du village de Nyange, démolie au bulldozer avec 3000 réfugiés tutsis à l’intérieur, sur l’ordre du prêtre… «On acquiert la conviction que ce que nous savons du génocide est en dessous de la vérité», note l’auteur dans ses notes de terrain.»
Stéphane Audoin-Rouzeau, «Une initiation. Rwanda (1994-2016)», Seuil, 174 p.
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