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Histoire Lyonel Kaufmann

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Nouvelles de l'histoire

Histoire du Québec : Quand Philippe Couillard joue à l’instituteur national

14 juin 2015 by Lyonel Kaufmann

Il est toujours particulièrement intéressant, voire fascinant, d’observer que la vision historique, développée par Philippe Couillard, chef du parti libéral québécois et actuel premier ministre de la Province du Québec, trouve sa source dans un ouvrage auprès du premier manuel connu d’histoire du Canada, rédigé par Joseph-François Perrault en 1831…

Dans son édition du 13 juin, Le journal Le Devoir, nous apprend que devant quelque 1600 militants réunis à Montréal pour le Congrès du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, premier ministre de la Province du Québec, a livré, samedi, un vibrant plaidoyer pour que les Québécois se réapproprient l’histoire de leur pays, le Canada.

Philippe Couillard 2014 11 11 E

Philippe Couillard, à Québec, lors de la cérémonie du Jour du souvenir du 11 novembre 2014. Source : Wikipedia

« Nous ne renoncerons pas à notre histoire ou notre avenir, à un pays né de la collaboration et du désir d’unité. Une histoire qui a des moments si beaux qu’il faudrait mieux les enseigner à nos enfants. »

La collaboration entre Louis-Hypolyte La Fontaine et Robert Bladwin inspire le chef libéral. « Par exemple, cette histoire de Baldwin et de La Fontaine qui, ensemble, ont combattu pour le gouvernement responsable et démocratique, chacun de leur côté, mais ensemble également au point où un jour Baldwin a décidé qu’il allait être candidat à Rimouski et La Fontaine a décidé d’être candidat à Toronto parce qu’ils portaient la démocratie et le gouvernement responsable. Ils ont été élus comme ça. » 

« On voudrait nous faire oublier ces moments », a poursuivi Philippe Couillard en visant ses adversaires indépendantistes. Le chef libéral a aussi parlé des liens entre les Patriotes de Louis-Joseph Papineau et le mouvement de rébellion du Haut-Canada, dirigé par William Lyon Mackenzie, puis de l’alliance entre John A. Macdonald et George-Étienne Cartier, qui a mené à la création de la fédération canadienne en 1867. « On voudrait nous faire oublier cette histoire, renoncer à l’alliance entre Cartier et Macdonald qui a permis de jeter les bases de la fédération, mais également de mettre en place des mesures qui assurent la promotion et la protection du caractère français du Québec. »

(Source : Couillard: les enfants québécois devraient mieux connaître l’histoire de leur pays, le Canada | Le Devoir)

Cette déclaration de Philippe Couillard intervient alors que je lis l’ouvrage L’Histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècle d’enseignement. ((Bouvier, F., Allard, M., Aubin, P., & Larouche, M.-C. (sous la direction de). (2012). L’Histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècles d’enseignement. Québec: Septentrion.)) Je ne peux que rapprocher ces déclarations du premier manuel connu d’histoire du Canada, rédigé par Joseph-François Perrault en 1831 et observer que sa conception de l’histoire traverse toujours les débats politiques québécois.

L'histoire nationale à l'école québécoise

Par ailleurs, il est fascinant d’observer que, pour une partie de son récit, Perrault prend modèle pour la période du Régime français (c. 1743-1763) sur un récit antérieur d’un jésuite, Pierre-François-Xavier Charlevoix, datant de 1744. Pour, le début du Régime anglais (1763-1791), son modèle est celui de l’historien d’origine britannique William Smith et de son History of Canada : from its first descovery to the year 1791 publié en 1815.

Dans la préface à sa deuxième partie de son Histoire du Canada, paru en 1832 ((Perrault, J-F. (1832). Abrégé de l’histoire du Canada. Deuxième partie : Depuis sa conquête par les Anglais en 1759 et 1760 jusqu’à l’établissement d’une Chambre d’assemblée en 1792. Québec : P. & W. Ruthven.)), il fournit son interprétation de son histoire du Canada. Aujourd’hui encore, on y trouve son écho dans les propos tenus par Philippe Couillard.

Perrault

«Il semble que la Providence m’a préservé presque seul, de toute la génération existante lors de la Conquête du Canada, pour rendre hommage aux Anglais de la conduite sage et judicieuse qu’ils ont tenue envers les Canadiens; des grâces et faveurs que leur Rois leur ont accordées, et des avantages qui sont résultés aux uns et autres.

Puisse ce petit ouvrage imprimer ces bienfaits dans le coeur de leurs Enfan[t]s, leur faire aimer et soutenir l’intérêt d’une Nation qui les a, en toutes occasions, bravement protégé, défendu, et n’a cessé d’accumuler des faveurs sur le Pays.»

(Perrault 1832 : préface)

Concernant l’enseignement de l’histoire au Québec, cet ouvrage de Perrault est capital, car il va servir de modèle à de nombreux auteurs de manuels. Il en forme le modèle dominant. Pour Michel Allard ((Allard, M. (2012). L’enseignement de l’histoire nationale (1831-1873). Du premier manuel au premier programme. In F. Bouvier, M. Allard, P. Aubin, & M.-C. Larouche (sous la direction de), L’Histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècles d’enseignement (pp. 23-70). Québec: Septentrion, p. 32))

«En s’inspirant d’un historien britannique, il est à l’origine d’une interprétation de l’histoire nationale minimisant les conséquences négatives et maximisant les effets positifs de la Conquête britannique. Cette interprétation circule encore tant dans la société québécoise que dans les programmes d’études…»

Et j’ajouterai dans les discours de Philippe Couillard.

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A cette interprétation de la Conquête bonne-ententiste, l’historien François-Xavier Garneau opposera, au cours des années 1850, une interprétation plus nationaliste au sens canadien-français. Cette histoire offre la deuxième trame interprétative majeure de l’histoire du Canada français qui se développera du côté des Indépendantistes québécois. ((Garneau, F.-X. (1856). Abrégé de l’histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à 1840, à l’usage des maisons d’éducation. Québec: A. Côté.))

«Le premier grand nom à retenir de ce XIXe siècle tumultueux, après celui de Papineau en qui s’incarna l’espoir de libération politique, est celui de l’historien Garneau en qui s’incarna l’émerveillement du passé français. Son Histoire du Canada, publiée de 1845 à 1848, fut pour le Canada français l’équivalent de ce qu’a été le Génie du christianisme pour le catholicisme français du XIXe siècle. (…) L’Histoire de Garneau fut à la fois un plaidoyer et un acte de foi. L’insuccès de la révolte de 1837-38 et sa dure répression avaient laissé toutes les classes de la population dans un profond désenchantement. Les propositions du Rapport de Lord Durham visant à l’union des deux Canadas et à une assimilation progressive de la population française par une massive immigration britannique semblaient compromettre irrévocablement le destin de la nation canadienne-française. Pour contrecarrer l’esprit de défaitisme, Garneau entreprend de rappeler aux Canadiens français qu’ils ont un passé et que ce passé est glorieux.»

Falardeau, J.-C. (1964). Un annonciateur de grandeur: François-Xavier Garneau (1809-1866). In L’essor des sciences sociales au Canada français. Québec: Ministère des Affaires culturelles, p. 14-15. Cité par Encyclopédie de L’Agora (http://agora.qc.ca/Dossiers/Francois-Xavier_Garneau)

Pour Garneau, la Conquête ne produit pas que des bienfaits. Si la paix règne dans tout le pays après 1760 lorsque les armes sont déposées, ce calme est dû non à l’attitude des vainqueurs, mais, pour Garneau, au fait que «les habitants ruinés, décimés par le feu sur tant de champs de bataille, ne songèrent plus qu’à se renfermer dans leurs terres pour réparer leurs pertes» (Garneau 1856: 178).

L’ambition de Garneau est clairement affirmée dans son Discours préliminaire de son ouvrage Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours ((Garneau, F.-X. (1852). Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours. Québec: Imprimé par J. Lovell.)):

«Si l’on envisage l’histoire du Canada dans son ensemble, depuis Champlain jusqu’à nos jours, en voit qu’elle se partage en deux grandes phases que divise le passage de cette colonie de la domination française à la domination anglaise, et que signalent la première, les guerres avec les Sauvages et les provinces qui forment aujourd’hui les Etats-Unis; la seconde, la lutte politique et parlementaire des Canadiens ((dans le sens canadien-français)) pour leur conservation nationale. La différence des armes, entre ces deux époques, nous les montre sous deux points de vue distincts; mais c’est sous le dernier qu’ils m’intéressent davantage. Il y a quelque chose de touchant et de noble tout à la fois à défendre la nationalité de ses pères, cet héritage sacré qu’aucun peuple, quelque dégradé qu’il fût, n’a jamais ôsê répudier publiquement. Jamais cause plus grande et plus sainte n’a inspiré un cœur haut placé, et mérité la sympathie des hommes généreux.

[…]  le Canada a été soumis à de grandes vicissitudes, qui ne sont pas de son fait, mais qui tiennent à la nature de sa dépendance coloniale, les progrès n’y marchent qu’à travers les obstacles, les secousses sociales, et une complication qu’augmentent de nos jours la différence des races mises en regard par la métropole; les haines, les préjugés, l’ignorance et les écarts des gouvernans et quelquefois des gouvernés. Les auteurs de l’union des deux provinces du Canada, projetée en 1822 et exécutée en 1840, ont étayé cette mesure de diverses raisons spécieuses pour couvrir d’un voile légal une grande injustice. L’Angleterre, qui ne veut voir dans les Canadiens français que des colons turbulens, des étrangers mal affectionnés, feint de prendre pour des tentatives républicaines leur inquiétude, leur attachement à leurs institutions et à leurs usages menacés, artifice indigne d’un grand peuple. L’abolition de leur langue, et la restriction de leur franchise électorale pour les tenir, malgré leur nombre, dans la minorité et la sujétion, ne prouvent que trop qu’elle ne croit rien de ce qu’elle dit, et que ni les traités, ni les actes publics les plus solennels, n’ont pu l’empêcher de violer des droits d’autant plus sacrés qu’ils servaient d’égide au faible contre le fort.

Mais quoiqu’on fasse, la destruction d’un peuple n’est pas chose aussi facile qu’on pourrait se l’imaginer.

Nous sommes loin de croire que notre nationalité soit à l’abri de tout danger. Comme bien d’autres nous avons eu nos illusions à cet égard, illusions qui s’envolent chaque jour devant les intrigues, et la corruption qui rappellent certaines époques de l’histoire de l’Irlande.

Mais, dans le vrai, l’existence du peuple canadien n’est pas plus douteuse aujourd’hui, qu’elle ne l’était il y a un demi siècle. Notre destinée est de lutter sans cesse, tantôt contre les barbares qui couvrent l’Amérique, tantôt contre une autre race qui, jetée en plus grand nombre que nous dans ce continent, y a acquis depuis longtemps une prépondérance, qui n’a plus rien à craindre. Nous ne comptions que 60,000 âmes en 1760 et nous dépassons aujourd’hui 700,000.»

Les termes du débat sont ainsi posés dès le 19e siècle et il se poursuit aujourd’hui. Philippe Couillard a fait le choix de la Conquête bonne-ententiste alors que d’autres présentent la Conquête de 1760 «comme une défaite militaire fondamentale ayant entravé toute la suite de l’histoire du Québec par ses conséquences politiques, sociales et économiques. Seule l’indépendance du Québec pourrait pallier éventuellement cet état de fait» ((L’Histoire nationale à l’école québécoise : 12)). Dans les deux camps, l’histoire est instrumentalisé pour appuyer sa vision politique.

Classé sous :Didactique, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions

Le « roman national » au collège serait une nouveauté « radicale »

3 juin 2015 by Lyonel Kaufmann

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En Suisse comme en France, les tenants du roman national se réfère  à l’enseignement de l’histoire au primaire et non à l’enseignement de l’histoire collège qui était centré sur les humanités classiques et une histoire générale.

Extrait de l’article de Claude Lelièvre sur Mediapart :

Le « roman national » au collège serait une nouveauté, car il n’a jusqu’alors existé qu’à l’école communale (et c’est cet enjeu qui est fondamentalement au centre actuel des polémiques -politiques- sur l’enseignement de l’histoire, venant pour l’essentiel des « droites extrêmes »).

Pierre Nora sait très bien que ce serait une nouveauté puisque dans son article célèbre sur « Lavisse, instituteur national », il indique qu’Ernest Lavisse ( le promoteur fondamental de ce qui sera appelé plus tard le  »roman national ») «  ne donna tant de lui-même au primaire que parce que seule y est étudiée l’histoire de la France » ( ( « Lieux de mémoire », Gallimard, 1997, premier volume , page 254).

Tout le monde devrait en effet avoir en mémoire que les livres d’histoire de la communale commençaient certes (sous la troisième République, et au moins jusqu’à la quatrième République) par la Gaule, les Gaulois, puis les Gallo-romains ; mais que ceux de la classe de sixième traitaient – eux – de l’Antiquité (à savoir pour l’essentiel de l’Egypte, de la Grèce et de l’Asie mineure, puis de l’Empire romain).

Lire la suite : Le « roman national » au collège serait une nouveauté « radicale »

Pour la situation dans le canton de Vaud, lire ma thèse : Autorité du discours – Discours de l’autorité : les manuels d’histoire vaudois 1938-1998 : manuelshistoire.ch

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions

L’histoire de Caen en réalité augmentée (QR Codes et tags NFC)

30 mai 2015 by Lyonel Kaufmann

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La ville de Caen a lancé en mai 2015 deux dispositifs permettant de découvrir son histoire au fil de ses rues à l’aide de QR Codes et de tags NFC.

Pionnière en matière de technologie sans contact depuis dix ans, l’agglomération Caen la Mer a reçu le label Territoire leader du mobile sans contact. Associé au musée de Normandie, Caen  souhaite maintenant appliquer ces innovations à la culture et au patrimoine.

Avec IStoryPath, application disponible sur tablette et smartphone, trois parcours sont consultables par les visiteurs de la ville: Caen été 44, le château de Caen et Parcs & jardins.

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L’application se décompose en trois parties : le contenu, une frise et une carte. Après avoir sélectionné l’un des trois thèmes proposés sur la table numérique à l’église Saint-Georges, l’utilisateur choisit ses points d’intérêts. Ainsi, pour le thème Château de Caen, quatorze lieux lui sont proposés.

Pour chaque point d’intérêt, un historique du lieu et des photos d’archives fournies par des historiens.

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Avec «Caen, été 44», l’itinéraire entraîne les visiteurs en 12 étapes dans le quotidien des caennais lors de la Bataille de Normandie du 6 juin au 19 juillet 1944. Comment ont-ils assuré leur approvisionnement en vivres et biens de consommation courante ? Comment étaient organisés les secours, les soins médicaux ? Quels furent les moyens mis en place pour lutter contre les incendies après la destruction de la caserne des pompiers ?

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Le circuit peut être parcouru à pied en 1 h 30 environ.

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Source : L’histoire de Caen se revit dorénavant grâce aux QR codes et tags NFC

Classé sous :Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire, sur le web

À 102 ans, elle passe et obtient enfin sa thèse, rejetée sous le nazisme pour «raisons raciales» | Slate

15 mai 2015 by Lyonel Kaufmann

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À 102 ans, le 7 mai 2015, Ingeborg Rapoport a reçu dans son salon à Berlin trois professeurs de l’Université de Hambourg pour soutenir pendant 45 minutes la thèse qui lui avait été refusée en 1938, sous le IIIe Reich. Le Wall Street Journal raconte l’histoire de cette réhabilitation particulièrement tardive. Ingeborg Rapoport deviendra en juin la diplômée la plus âgée du monde.
Ingeborg Syllm, de son nom de jeune fille, soumet une première fois sa thèse de néonatologie –étude consacrée aux nouveaux-nés– à l’Université de Hambourg à 25 ans. Elle a planché sur la diphtérie, une maladie alors mortelle pour beaucoup d’enfants en Europe et aux États-Unis. Mais sa mère est juive et, cinq ans après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler, la jeune femme voit sa demande rejetée: les autorités académiques de Berlin invoquent des «raisons raciales». On lui refuse le droit de présenter son travail à l’oral. «Une honte pour l’Allemagne est une honte pour la science», commente-t-elle.
C’est alors une pratique courante. Comme elle, plusieurs milliers de professeurs et d’étudiants non aryens sont renvoyés de l’université. Certains sont déportés. Le doyen de l’Université de Hambourg s’illustre particulièrement dans cette voie en déclarant «le premier institut national-socialiste de l’enseignement suppérieure du Reich» et en créant des unités de biologie de la race et de la loi coloniale.
Ingeborg Syllm part aux États-Unis en 1938, …

La suite Slate.fr http://ift.tt/1PKjrnA

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, sur le web Balisé avec :39-45, nazisme

« L’idée de vouloir faire de l’histoire un ″roman national″ est dérangeante »

13 mai 2015 by Lyonel Kaufmann

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Le géographe Michel Lussault préside le Conseil supérieur des programmes (CSP), à l’origine des projets de programmes scolaires qui nourrissent depuis quelques semaines un vif débat. Le point avec Michel Lussault. 

La question de l’enseignement de l’islam, inscrit dans les thématiques obligatoires en classe de 5e, a enflammé – et politisé – le débat. Accordez-vous réellement une place plus importante à cette religion ?

Nous faisons le choix de proposer aux professeurs plusieurs entrées (des « sous-thèmes ») pour chaque thème trimestriel. L’enseignement de l’islam est obligatoire, en effet. Mais c’est déjà le cas aujourd’hui ! Certains prétendent que la chrétienté, elle, ne sera plus forcément enseignée. Par incompréhension ? Par malhonnêteté ? Peut-être me suis-je mal expliqué. En tout cas, la chrétienté n’est pas facultative.Je prends un exemple. « Société, Eglise et pouvoir politique dans l’Occident chrétien du XIe siècle au XVe siècle » est un des thèmes à traiter en 5e. Un seul sous-thème est obligatoire : la monarchie française. On ne peut pas étudier ce sujet sans aborder la chrétienté. L’enseignant doit ensuite choisir entre deux autres points, qui relèvent de l’histoire sociale, mais qui tous deux reviennent à étudier une société marquée par l’Eglise. Mais nous aurions dû l’écrire plus clairement.

Certains historiens jugent « lâche » de laisser le choix aux enseignants d’aborder ou pas certains sujets qui fâchent…

Je ne comprends pas que l’on mélange la science historique avec la morale politique. En quoi enseigner les traites négrières serait-il lâche ? Faut-il renoncer à expliquer en quoi les lois antisémites de Pétain sont scandaleuses ? Faut-il un enseignement allégorique, enseigner une nation française mythique qui n’a jamais existé ? Il y a quelque chose de dérangeant dans l’idée, récurrente, de vouloir faire de l’histoire un « roman national ». Car cela renvoie à une conception de l’histoire qui ne serait plus un outil de lucidité. Or la lucidité n’est pas le dolorisme, la repentance ou la culpabilité. Il s’agit juste de reconnaître la pluralité de l’histoire de France.Certains historiens jugent « lâche » de laisser le choix aux enseignants d’aborder ou pas certains sujets qui fâchent…

Je ne comprends pas que l’on mélange la science historique avec la morale politique. En quoi enseigner les traites négrières serait-il lâche ? Faut-il renoncer à expliquer en quoi les lois antisémites de Pétain sont scandaleuses ? Faut-il un enseignement allégorique, enseigner une nation française mythique qui n’a jamais existé ? Il y a quelque chose de dérangeant dans l’idée, récurrente, de vouloir faire de l’histoire un « roman national ». Car cela renvoie à une conception de l’histoire qui ne serait plus un outil de lucidité. Or la lucidité n’est pas le dolorisme, la repentance ou la culpabilité. Il s’agit juste de reconnaître la pluralité de l’histoire de France.

Source : « L’idée de vouloir faire de l’histoire un ″roman national″ est dérangeante »

Classé sous :Didactique, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, sur le web

Il y a cent ans : le génocide des Arméniens (24 avril 1915)

26 avril 2015 by Lyonel Kaufmann

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Trois régimes, entre la fin du XIXe siècle et le début des années 1920, ont œuvré à la destruction du peuple arménien : le sultanat ottoman, le gouvernement des Jeunes-Turcs et le pouvoir kémaliste. Mais c’est au cœur de la Première Guerre mondiale, en 1915, que débute véritablement le premier génocide du XXe siècle. Le point sur les publications de ces derniers jours consacrées au Génocide des Arméniens.

Morgenthau336

Cadavres d’Arméniens : photo prise par l’Église apostolique arménienne et transmise à Henry Morgenthau, 1915, près d’Ankara. Publiée en 1919 dans Mémoires de l’ambassadeur Morgenthau, l’ambassadeur américain écrit en légende : « Ceux qui sont tombés sur le chemin. Des scènes similaires étaient chose commune à travers toutes les provinces arméniennes, au printemps et à l’automne 1915. La mort dans toutes ses formes – massacres, famines, épuisement – détruisit la grande partie des réfugiés. La politique turque était l’extermination sous couvert de déportation. »

« Morgenthau336 » par Henry Morgenthau — Ambassador Morgenthau’s Story Doubleday, Page p314, (http://net.lib.byu.edu/estu/wwi/comment/morgenthau/images/Morgen50.jpg). Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons – http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Morgenthau336.jpg#/media/File:Morgenthau336.jpg.

Le 24 avril 1915 marque le début du génocide avec l’arrestation de plusieurs centaines d’intellectuels, de notables et de dirigeants politiques arméniens à Constantinople et leur déportation et exécution dans des conditions absolument inouïes de terreur et de violence. Jusqu’à un million et demi de personnes ont alors péri, soit près des deux tiers des Arméniens vivant sur le territoire de la Turquie.

Les origines du génocide des Arméniens

Instruction of the Ministery of the Interior on april 24

La circulaire 3052 du 24 avril 1915 signée par le ministre de l’intérieur Talaat Pacha ordonne aux autorités militaires et aux administrations de l’ensemble de l’Empire ottoman d’arrêter les élites arméniennes locales. C’est l’acte fondateur du démarrage des massacres de masse et le 24 avril 1915 est très rapidement retenu comme date du début des opérations

« Instruction of the Ministery of the Interior on april 24 » par Mehmed Talat (1874–1921) — Ottoman Archives. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons – http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Instruction_of_the_Ministery_of_the_Interior_on_april_24.png#/media/File:Instruction_of_the_Ministery_of_the_Interior_on_april_24.png

La Vie des Idées a interrogé Vincent Duclert, historien qui enseigne à l’EHESS. Il vient de faire paraître, chez Fayard, La France face au génocide des Arméniens (2015).

V. D. : Il y a dans l’Empire ottoman – très clairement à partir de 1913, avec le coup d’État des Jeunes-Turcs autoritaires qui prennent le pouvoir – une volonté d’extermination des Arméniens ottomans. Plusieurs raisons expliquent cette volonté et, ensuite, cette planification, qui sera menée à son terme dans le cadre de la guerre, qui va aider à la réalisation de l’extermination.

Il y a d’abord des raisons idéologiques, puisque, dès la fin du XIXe siècle, les Arméniens deviennent l’ennemi intérieur : il y a un vocabulaire issu du darwinisme social désignant les Arméniens comme des « microbes », des éléments à rejeter, à détruire. Il y a aussi le fait que le peuplement arménien est concentré dans les vilayets (provinces) du centre de l’Anatolie. Or ce sont ces provinces que l’élément turc de l’Empire ottoman veut reprendre à son compte, pour régénérer l’Empire par la « turcification ». Il s’agit de mobiliser les forces turques pour transformer l’Empire en une forteresse turque, notamment contre les attaques des puissances européennes qui tentent de soumettre l’Empire ottoman à leur profit.

Il y a le fait que les Arméniens sont une population vulnérable, une population loyale, qui n’a pas de capacité de résistance à cette persécution sans fin qui commence au milieu du XIXe siècle. Il y a enfin, dans l’Empire ottoman, une sorte d’« acculturation » au processus d’extermination des Arméniens. Il faudra l’élément décisif, c’est-à-dire la volonté politique de mettre en œuvre une Organisation spéciale destinée à exterminer les Arméniens – soit sur les routes de la déportation, soit dans des camps de concentration – pour aboutir au premier génocide du XXe siècle.

(Source : 1915 : le génocide des Arméniens – La Vie des idées)

Ce que les puissances européennes et les autres savaient dès 1915

Un mois après ce qui est considéré comme le début du génocide, c’est-à-dire le 24 avril 1915,

les trois puissances de l’Entente – Russie, France, Angleterre – émettent une déclaration solennelle attestant du fait qu’un crime « contre l’humanité et contre la civilisation » (c’est la première fois qu’on emploie cette expression) est en cours dans l’Empire ottoman. Et, puisqu’il y a crime, les puissances de l’Entente annoncent qu’elles poursuivront en justice les responsables unionistes de ce crime contre l’humanité.

Il y a donc très clairement une connaissance par le monde et par les belligérants de ce qui se passe. Les Allemands, qui sont les alliés de l’Empire ottoman, connaissent très précisément l’ampleur de la déportation et les massacres qui se déroulent sur les routes de la déportation. Tous les observateurs présents de nations neutres, comme les États-Unis et la Suisse, ainsi que des diplomates et missionnaires allemands qui défient leur gouvernement, révèlent cette mise en œuvre de l’extermination, mais il n’y a pas d’objectif de guerre visant le génocide, le sauvetage des rescapés, par exemple. La France ne mène qu’une seule opération, celle du Musa Dagh, qui sera connue ensuite parce que le grand romancier allemand Franz Werfel en fera un roman, intitulé Les Quarante jours du Musa Dagh (1933).

(Source : 1915 : le génocide des Arméniens – La Vie des idées)

Qui reconnaît aujourd’hui le génocide des Arméniens ?

Une vingtaine de pays, dont la France et la Russie, reconnaissent aujourd’hui le génocide arménien (voir la liste exhaustive des pays et institutions internationales reconnaissant le génocide des Arméniens).

En Suisse, le Conseil national (contre l’avis du Conseil fédéral) a reconnu le génocide arménien en 2003, tout comme le Canton de Genève et le Grand Conseil vaudois ultérieurement.

Pour la première fois, à l’occasion des commémorations, l’Allemagne a reconnu le ‘génocide’ arménien par la voix de son président Joachim Gauck, lors d’une cérémonie religieuse à Berlin,100 ans jour pour jour après les massacres.

«Nous devons également, nous Allemands, faire notre travail de mémoire», a déclaré Joachim Gauck. Il a évoqué «une coresponsabilité, et même, potentiellement, une complicité (de l’Allemagne) dans le génocide des Arméniens».

(Source : Le président allemand reconnaît le génocide arménien – rts.ch – Monde)

Le mercredi 22 avril 2015, le parlement autrichien a également reconnu symboliquement le génocide. Le Parlement européen l’a fait en 1987 déjà et a encore appelé cette semaine la Turquie à le reconnaître. (Source : Centenaire du génocide arménien : C’est quoi un génocide? – Monde – tdg.ch)

L’attitude de la Turquie

Au début de cette année 2015, le gouvernement turc a envoyé des invitations annonçant que la Turquie célèbrerait avec un jour d’avance le centenaire de la grande bataille de Gallipoli, commémorée en Australie tous les 25 avril. Pour Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris et grand connaisseur de la Turquie.

«Faire coïncider ces deux dates ne doit évidemment rien au hasard. Pour le président Erdogan, célébrer Gallipoli le même jour que les commémorations du génocide arménien est une manière de vider ce dernier de son sens. Pour les Arméniens, c’est évidemment une insulte insupportable.»

Reste que, selon Hamit Bozarslan, la société turque d’aujourd’hui n’est pas monolithique dans le refus de reconnaître le génocide arménien :

«En fait, la population est divisée en trois groupes très inégaux à ce sujet. D’abord, il y a une petite minorité libérale et intellectuelle très courageuse qui reconnaît le génocide. Puis il y a une majorité de Turcs qui sait ce qui s’est passé mais ne veut pas en parler. Enfin, il y a l’establishment politique qui assume ce qui s’est passé, mais refuse de reconnaître le génocide: c’est le courant négationniste.»

(Source : 24 avril 1915: La bataille des Dardanelles occulte le génocide arménien – Monde – tdg.ch)

Pour aller plus loin : http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_arm%C3%A9nien

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, sur le web

Depuis quand Charles Martel est-il un héros de l’histoire de France ? | L’Obs

18 avril 2015 by Lyonel Kaufmann

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La droite identitaire affirme que la bataille de Poitiers est « une page fondatrice de notre roman national. » Deux historiens, William Blanc et Christophe Naudin, montrent au contraire que la place réservée à l’événement n’a cesse de fluctuer en fonction des intérêts politiques.

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Extraits. Vitrail de la cathédrale de Strasbourg (CC)Vitrail de la cathédrale de Strasbourg (CC) À lire aussi

«Les auteurs reviennent d’abord sur ce que l’on sait de la bataille de Poitiers. Ou, plus exactement, ce que l’on ne sait pas. Le lieu ? Il est si flou que les historiens anglo-saxons parlent de «The Battle of Tours». La date exacte? Selon les sources, elle varie de 731 à 734. Le but de l’expédition montée par les Arabes ? Le pillage plutôt que la conquête, semble-t-il. Quant au déroulement de la bataille, un chroniqueur de l’époque donne le chiffre fantaisiste de 365.000 Sarrasins tués…

Dans la deuxième partie, les deux historiens analysent les fluctuations de la place réservée à Charles Martel par la postérité. Un sujet très politique: car s’il n’était qu’un maire du Palais (un usurpateur en somme), c’était aussi le grand-père de Charlemagne. Comment se revendiquer de lui sans cautionner une atteinte à la légitimité royale ? Louis IX trouva la parade: faisant réaménager la basilique de Saint-Denis, il fit sculpter sur le tombeau de Charles Martel une couronne que celui-ci n’avait jamais portée dans la réalité.

Au XIXe siècle, c’est dans l’école que la bataille de mémoire se déplace. Avec, là aussi, des écarts spectaculaires. Héros de Chateaubriand et des manuels catholiques, Charles Martel s’efface progressivement sous la IIIe République. Dans le «Petit Lavisse», best-seller de l’école laïque (137.000 unités par an jusqu’en 1939), pas une ligne, pas un mot sur la bataille de Poitiers et le grand-père de Charlemagne. Bref, ce héros national a tous les airs d’un intermittent du spectacle. A de longues périodes d’oubli succèdent des retours très politiques.»

Lire la suite : Depuis quand Charles Martel est-il un héros de l’histoire de France ? – Bibliobs – L’Obs

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, Publications

Revue de Presse : L’historien Alain Dewerpe est mort

18 avril 2015 by Lyonel Kaufmann

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Alain Dewerpe, en 1997.
Alain Dewerpe, en 1997. DR

En 2006, avec Charonne, 8 février 1962 (Folio), Alain Dewerpe signait une œuvre magistrale. Sous-titrée Anthropologie historique d’un massacre d’Etat, cette synthèse porte sur la répression policière de la manifestation de protestation contre les actions terroristes menées par l’OAS en France. Elle restera à la fois comme le produit d’un rigoureux travail d’historien, un grand ouvrage de méthodologie et l’hommage d’un fils à sa mère, qui fut l’une des huit victimes de ce massacre. Un hommage discret, comme le fut l’homme sa vie durant : une simple ligne à l’orée du livre. En s’intéressant à cet événement tragique, qui se situait hors de son parcours académique d’historien du travail et de l’industrialisation, Alain Dewerpe en évacuait en même temps toute la dimension subjective. « Si être le fils d’une martyre de Charonne ne donne aucune lucidité, il n’interdit pas de faire son métier d’historien », précisait-t-il.

Source : L’historien Alain Dewerpe est mort | Le Monde

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14-18 : Des munitions suisses vendues à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne

15 avril 2015 by Lyonel Kaufmann

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Un article du Blog Switzerland and the First World War présente les exportations de munitions suisses durant la Première Guerre mondiale en direction des pays de l’Entente et des Empires centraux.

Les ventes aux Pays de l’Entente (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis) furent 32 fois plus importantes que les exportations pour les Empires centraux d’août 1916 à février 1917 et du double d’août 1917 à janvier 1918.

Hang on! Switzerland was neutral during the First World War. What were the Swiss doing, making artillery shells? Well, international law allowed a neutral to trade with both sides. More than that, the Swiss were not simply taking advantage of the war to make a profit. The Allies armies needed as many shells as they could get, and those from Switzerland were a significant contribution.

The Swiss branch of the British Ministry of Munitions opened an office in Berne, Switzerland, in September 1915. Weeks before that, the British had signed a contract with a Swiss manufacturer for 

100,000 units of the No.100 type artillery fuses per week, over 26 weeks: the first of many orders. In September 1916 the Allies placed a contract for 5.2 million units of the No.106 fuse.

By the end of the First World War, the Swiss had made over 25 million artillery shell fuses for the British, as well as over 121 million components used in assembling other fuses. These were precision parts that required skilled labour. After the Italian entry into the war, that country also bought munitions from the Swiss.

This work required considerable raw materials, but Switzerland’s natural resources were limited and she depended on trade to obtain many such supplies. For example, the Swiss imported brass for making the No.106 fuse from the USA, and steel from the UK. 

In an attempt to stop this trade, the Germans created a “black list” of manufacturers making munitions for the Entente (France, the UK and allies), to ensure that they could not obtain coal, steel or iron from Germany (which was the main source of these materials for Swiss factories). Swiss firms and the Swiss government tried to evade these measures, and the Germans renegotiated this agreement at later dates. For the flow of trade in the other direction, the Société Suisse de Surveillance économique was established to ensure that no metal which had been supplied to the Swiss for the production of fuses for the Entente, was sent to the Central Powers instead.

Picture Above: left to right, the shell, No.106 Mk II fuse and safety cap for a British 18-pounder field gun. This was one of the types of fuses supplied by the Swiss to the Entente armies. 
Image source: « Mili14 » at collections.delcampe.net

La qualité et la fiabilité des munitions suisses apparaissent comme étant élevées dans un rapport rédigé en 1918 par un inspecteur anglais, notamment dans les manufactures de Genève et du Locle.

“In Switzerland there are whole districts such as Geneva and Le Locle whose industries are watchmaking, and whose people are therefore hereditarily trained to most accurate work. Fortunately these districts are French-speaking, and very pro-Entente. Large contracts were placed in both these districts with extremely satisfactory results… The fuzes produced by them on a very large scale gave complete satisfaction, and the rejects were only a very small percentage of the whole.”

Comme indiqué, le fait que ces manufactures horlogères soient citées dans la partie francophone de la Suisse joua en faveur des pays de l’Entente. Indirectement, ce passage met en lumière les fractures entre la Suisse romande et la Suisse alémanique durant le conflit. Les premiers prenant partie pour les pays de l’Entente et les seconds pour les Empires centraux. En 14-18, la Suisse fut divisée comme rarement.

Sources de l’article : UK National Archives, MUN 5/321B/28 and MUN 4/2026.

(Via www.switzerland1914-1918.net)

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, sur le web Balisé avec :14-18, neutralité, Suisse

L’historien derrière la console : Assassin’s Creed : Unity. Entrevue avec Laurent Turcot | HistoireEngagée

14 avril 2015 by Lyonel Kaufmann

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Laurent Turcot est professeur d’histoire au département des sciences humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Spécialiste de l’histoire moderne canadienne et européenne (16e au 19e siècle), plus particulièrement de l’histoire sociale et culturelle de cette période, il a récemment collaboré, à titre d’historien consultant, à la production du jeu vidéo Assassin’s Creed : Unity, de la compagnie française Ubisoft, volet d’une série très populaire campé cette fois dans l’époque de la Révolution française de 1789. Il vient de faire paraître un ouvrage tiré de cette expérience inusitée, coécrit avec son collègue français l’historien Jean-Clément Martin, aux éditions Vendémiaire : Au cœur de la Révolution : les leçons d’histoire d’un jeu vidéo (2015). Marc-André Robert, doctorant en histoire à l’Université de Laval, l’a interrogé pour HistoireEngagée autour de l’enjeu des multiples visages de l’historien et de l’engagement de ce dernier dans la diffusion de l’histoire. Une excellente introduction sur la question de l’utilisation du jeu vidéo en classe d’histoire. Je vous en propose un extrait, histoire de vous inciter à le lire en entier…

L’historien derrière la console : Assassin’s Creed : Unity. Entrevue avec Laurent Turcot | HistoireEngagée:

assassinscreed.ubi.com

assassinscreed.ubi.com

MAR : En même temps, on s’entend qu’il s’agit là d’un jeu vidéo, s’adressant essentiellement à une communauté de gamers, des gens qui s’intéressent probablement déjà à cette franchise qu’est Assassin’s Creed, sinon qui la découvre ; il s’agit d’un jeu grand public, pour des gens qui n’ont forcément pas une formation d’historien ni même une culture historique développée, qui veulent jouer à ce jeu d’abord pour ces vertus ludiques, son style de gameplay, sa dynamique, son design. Autrement dit, au-delà de l’aspect historique, le jeu les intéresse en tant que jeu. Puisque ce n’est pas un document historique, est-ce que cette obligation du recours étroit aux sources est si valable, nécessaire ?

LT : Il s’agit du même débat que celui des romans historiques. On pourrait parler des bandes dessinées, des films historiques. On m’a demandé s’il existe un autre jeu vidéo articulé autour d’une trame historique ayant été critiqué aussi vivement. Lorsque la comédie musicale Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon, adaptée de l’œuvre de Victor Hugo, a été présentée à Paris à partir de 1998, je n’ai pas souvenir qu’on l’ait attaqué sur son contenu historique. On l’a attaqué en revanche sur son style, ses constructions, sur les affabulations que Plamondon a peut-être faites, jamais sur le côté historique. Alors qu’ici, la raison pour laquelle on s’est attaqué au contenu historique, c’est la nature épidermique de la Révolution française. Au Québec, ici, les Français ne s’en rendent peut-être pas compte, mais si on créait un jeu vidéo sur la Conquête, ce serait la même chose. Mon rêve, ce serait qu’avec une compagnie de jeu québécoise, on reconstitue la bataille des Plaines d’Abraham, les 20 minutes, un peu à la manière de Quentin Tarantino. Tu vois un personnage, tu le suis pendant quelques minutes, et clac ! il meurt. Tu te transportes de l’autre côté, tu en suis un autre et clac ! il meurt. Tu vas vers Montcalm, clac ! il meurt. On a tout pour le faire… sauf l’argent. Donne-moi 200 millions de dollars pour faire ce genre de reconstitution du 18e siècle, je vais te faire la bataille des Plaines. Et sur les bancs d’école ensuite, on va en avoir des milliers de jeunes pour suivre un cours sur la Conquête.

MAR : Il ne faut donc pas percevoir Assassin’s Creed comme un médium d’enseignement de l’histoire, mais plutôt comme un médium de présentation, d’initiation à l’histoire. Car bien évidemment, Assassin’s Creed Unity ne remplace pas L’Ancien régime et la Révolution de Tocqueville par exemple. Ce jeu ne cherche pas à montrer l’Histoire (avec un grand H) de la Révolution française. De toute façon, ce n’est pas le but recherché. Il s’agit d’un angle d’approche particulier sur la Révolution, grand public, geek même, qui plus est dans un contexte ludique. Par ailleurs, si Tocqueville avait tout écrit sur la Révolution française, si une telle entreprise était possible, Jean-Clément Martin n’aurait probablement pas consacré une partie de sa carrière à étudier cet événement. L’histoire qu’écrivent les historiens est une histoire au présent, condamnée à être sans cesse dépassée.

LT : On n’épuise jamais le sujet. Quand tu écris un livre d’histoire, ce n’est pas pour épuiser un sujet. Tu apportes une brique au mur. Comme on le disait, ici, il s’agit d’un jeu vidéo. On a lancé des critiques à un jeu vidéo de la même manière que l’on pourrait critiquer un livre d’histoire. Je veux bien qu’on relève toutes les erreurs historiques. Dans un certain article, on croyait identifier les sept erreurs historiques du jeu. J’ai voulu leur écrire pour leur dire que je pourrais leur en fournir 300 de plus en moins de cinq minutes. Mais quel est l’intérêt de faire ça ? D’abord, moi, je n’ai pas de temps à perdre avec ça. Ensuite, ce n’est pas le but d’un jeu vidéo. L’intérêt premier, c’est autre chose. J’ai des amis qui ne sont pas historiens. Lorsque le jeu est sorti, je suis allé jouer chez l’un d’eux. Cet ami m’a dit : « Attends ! Il faut que je te montre cette scène de la Sainte-Chapelle !». Puis, il se déplace avec le personnage sur les lieux. Le gars n’est jamais allé à Paris et là, il sait ce que c’est que la Sainte-Chapelle et il la trouve superbe. Il a gagné. Les touristes vont chercher le Paris de la Révolution et ils vont vouloir voir ça. Pour tous ces gens-là, le pari est gagné. Tu as 15 millions de personnes qui vont entrer en contact avec Robespierre, Danton, Marat, des personnages centraux de l’histoire, puis tu te dis, quel est le problème, réellement ? Ils vont vouloir aller sur Wikipédia, ils vont y aller. Si ça se trouve, ils vont se dire qu’ils n’en ont pas assez et ils vont aller se chercher un livre sur la Révolution française. Bon, c’est peut-être 0,000001% des joueurs, mais c’est tout de même ça de gagné.

[…] Dans mon cours sur la Renaissance par exemple, certains étudiants ayant joué à Assassin’s Creed II, me parlent de l’assassinat de Julien de Médicis et comment Laurent de Médicis dit le Magnifique s’en est sorti. Quand je leur raconte l’histoire, ils me répondent que c’est exactement ce qu’ils ont vu dans le jeu. Qu’ont-ils fait ensuite ? Ils ont voulu en savoir plus et ils ont consulté ma bibliographie. C’est un déclencheur qui est déterminant.

Pour ma part, je retiens plus particulièrement deux éléments de cet extrait. Premièrement, «il ne faut donc pas percevoir Assassin’s Creed comme un médium d’enseignement de l’histoire, mais plutôt comme un médium de présentation, d’initiation à l’histoire». Deuxièmement, ce n’est pas la recherche d’anachronisme qui est intéressante, mais le fait qu’il joue, chez certains joueurs, voire étudiants, le rôle de déclencheur dans leur quête historique. Ainsi, pour Laurent Turcot, le déclencheur de son intérêt pour l’histoire du 18e siècle a été le film Amadeus de Milos Forman.

Et vous? Quel a été votre déclencheur historique?

(Via histoireengagee.ca)

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