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Histoire Lyonel Kaufmann

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14-18

Apocalypse 10 destins : un outil pédagogique guère nouveau

28 juin 2015 by Lyonel Kaufmann

S’adressant au classe de l’école et du collège, c’est un outil pédagogique, à première vue, tout à fait nouveau que propose Canopé avec « Apocalypse 10 destins ». Ce dérivé de la série Apocalypse la Première Guerre mondiale se veut une expérience interactive unique, mêlant Bande dessinée animée et archives documentaires. Cependant, analyse faite, cet outil demeure fort éloigné d’une véritable interactivité et des jeux sérieux tout en proposant, pour le collège, quelques thèmes novateurs et des activités développant de véritables compétences chez les élèves.

Apocalypse 10 destins, c’est l’histoire de 10 héros dont la vie va être bouleversée par la Grande Guerre. À partir d’une bande dessinée interactive, il est proposé aux enseignants de faire découvrir à leurs élèves des archives documentaires et de les faire travailler ensuite sur des fiches d’activités dans lesquelles la fiction rejoint la réalité historique.

Pour l’élève, il s’agit de choisir un des personnages présentés, dont 4 personnages féminins, et d’observer sa vie. Il dispose de documents et d’informations complémentaires en consultant la Bande dessinée interactive (en fait une vidéo) de la vie durant la Première Guerre mondiale de son personnage. Suivant les personnages, la vidéo d’un personnage a une durée de 9 à 20 minutes. Chaque destin comporte huit «épisodes». Pour chaque épisode, l’élève dispose, s’il le souhaite, de documents complémentaires.

Pour François Jarraud du Café pédagogique

«L’aspect ludique est limité. Par contre Apocalypse ouvre l’enseignement de la guerre vers des pistes nouvelles. Première nouveauté, cette réalisation franco canadienne propose 4 personnages féminins parmi les 10 qui sont présentés. On peut enfin vivre la guerre avec le regard d’une écolière (belge), d’une infirmière (canadienne), d’une maréchale (allemande), d’une étudiante (britannique). Les personnages masculins sont de milieux sociaux différents et de nationalité différente. On peut vivre la guerre d’un tirailleur  sénégalais, d’un agriculteur français ou celle d’un pêcheur canadien ou d’un décorateur de théatre allemand. Le jeu nous sort donc de la mémoire française pour ouvrir à des regards différents. Et c’est vraiment nouveau.»

Source : Enseignez la 1ère Guerre mondiale avec un jeu sérieux

Par contre, nous sommes loin d’un scénario de ludification (Jouer et apprendre l’histoire avec Game of Thrones. Le Café pédagogique, No 161, mars 2015) ou de jeux sérieux. De ce fait, c’est toujours un récit où l’élève reste très largement passif, pour ne pas dire captif, dans son apprentissage de l’histoire de la Première Guerre mondiale. Par ailleurs, le découpage scolaire en périodes est très contraignant. D’autant que, s’il suit le parcours de tous les personnages, l’élève disposera de quatre heures de récit dialogué et sonorisé, deux heures d’archives vidéo, des centaines de photos, plus de 250 dessins, des effets spéciaux, des textes historiques et des documents inédits. Un volume fort impressionnant, mais largement au-delà du temps qu’il est possible de consacrer en classe d’histoire à ce sujet. Les enseignants partiront donc plutôt directement sur les fiches d’activités des dossiers pédagogiques.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que si la série Apocalypse la Première Guerre mondiale a colorisé les archives pour en faire une guerre tout en couleur, les sources présentées dans la Bande dessinée interactive sont elles en noir/blanc… et c’est une excellente nouvelle. On utilisera donc de préférence le dérivé « Apocalypse 10 destins » à la série « Apocalypse la Première Guerre mondiale » (L’Apocalypse vue par Saint Costelle-Clarke. Aggiornamento hist-geo, 25 mars 2014). D’autant plus que les dossiers pédagogiques sont de qualité.

L’enseignant dispose d’un dossier primaire [La Première Guerre mondiale (1914-1918) : la Grande Guerre – (cycle 3 pour la France et 3e cycle, de la 6e à la 8e année, pour le Canada)] et de 10 dossiers abordant les thématiques suivantes et proposant une approche pluridisciplinaire (histoire ; lettres, sciences et arts) :

  • Point historiographique
  • Les bornes chronologiques
  • L’expérience combattante
  • Les populations civiles, entre engagements et souffrances
  • L’émancipation des femmes : mythe ou réalité ?
  • Les progrès technologiques et scientifiques
  • Les progrès médicaux et chirurgicaux
  • Écrire en temps de guerre
  • Les arts et la Grande Guerre

Concernant l’enseignement primaire, les enseignants et les élèves disposent d’un dossier pédagogique intitulé La Première Guerre mondiale, 1914-1918 : « la Grande Guerre », composé de 6 fiches enseignants et de 6 fiches élèves. Les questions posées aux élèves sont uniquement basées sur la restitution et la compréhension. Les fiches personnages se rapportent au destin de Émilien Meysenot, agriculteur français (fiche 2), de James Corcoran, pêcheur baleinier britannique de Terre-Neuve(fiche 3), d’Ismaël Tangaré, forgeron sénégalais (fiche 4), de Louise Masson, infirmière canadienne, française de Québec (fiche 5) et de Margot Wyckersloot, écolière belge (fiche 6). Il n’y a donc pas de perspective autre que celle des vainqueurs qui est développée pour les élèves du primaires. Limitée à un seul dossier fort classique, l’approche primaire est décevante et en rien novatrice. Dommage…

Concernant le collège, les enseignants disposent d’un article de synthèse historiographique sur la Première Guerre mondiale articulé en trois parties. Premièrement, les approches historiographiques des principaux pays belligérants, France et Canada exceptés. Ensuite, l’article traite de l’historiographie française du conflit. Concernant l’historiographie française, l’article reste essentiellement centré sur la question de « comment les combattants ont-ils tenu ? », articulé autour des tenants du «consentement» et de ceux de la «contrainte». Pour l’historiographie française, l’article conclut avec une ouverture sur le concept de culture de guerre, voire dans le prolongement de l’historien britannique Jay Winter de « cultures de guerres ». Ce pluriel permettant

«d’effectuer des distinctions utiles et des nuances indispensables selon les pays, les régions, les classes sociales, les sexes, en mettant en exergue le fait que la culture de guerre ne serait pas une culture totale, que l’on pourrait généraliser sans y apporter les modérations nécessaires.»

Source : Point historiographique

Enfin, un article évoque l’historiographie canadienne et la différence entre le Canada francophone et le Canada anglophone. Cette partie est plutôt «faible». Le lecteur intéressé aura tout intérêt à lire Le Québec et la Première guerre mondiale 1914-1918 : présentation du dossier thématique de Mourad Djebabla (Université McGill), texte datant de 2009 paru dans Le Bulletin d’histoire politique, vol. 17, no 2 (hiver 2009), p. 17-20. ((Mourra Djebabla est l’auteur du livre  Se Souvenir de la Grande Guerre. La mémoire plurielle de 14-18 au Québec (VLB éditeur, 2004) qui porte sur le récit de la guerre de 1914-1918 dans les manuels québécois francophones.)) D’autant que sur le site de Canope, on y lit des passages de cette présentation sans que le site Canope ne cite soit l’auteur, soit ce travail dans sa bibliographie!

Concernant le Canada et la Première Guerre mondiale, il est étonnant que la question de la conscription ne soit pas abordée. En effet, lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, l’unanimité règne quant à l’intervention du Canada, qui doit soutenir la Grande-Bretagne et participer à son effort de guerre. Dans les villes du Québec, des foules nombreuses expriment leur appui à la cause des Alliés. Mais le vent tourne peu à peu, à mesure que s’envenime la crise ontarienne sur le règlement XVII, qui prévoit l’abolition des écoles françaises d’Ontario. L’ardeur patriotique des Canadiens français refroidit et la contestation québécoise francophone face à la conscription s’accroît. Rapidement, la question de la conscription déchire le Canada : les anglophones, qui sont majoritaires, la soutiennent, tandis que les francophones s’y opposent. En 1917, le gouvernement vote une loi qui rend le service militaire obligatoire. L’opinion publique se déchaîne au cours de l’été et de l’automne de la même année :

La Crise de la Conscription au Québec – 24 juillet 1917 | La Chaîne du Québec

Aux élections de 1918, le résultat de l’élection est sans équivoque : le Québec français vote libéral, le Canada anglais, unioniste ; le premier se retrouve dans l’opposition, et le second, au pouvoir. Au printemps de 1918, des émeutes éclatent à Québec et font rage pendant trois jours. Les militaires tirent sur la foule : cinq civils sont tués et des dizaines de personnes sont blessées.

Comme l’indique le Musée canadien de la Guerre (Conscription, 1917):

«Le débat sur la conscription en 1917 fut l’un des plus violents de l’histoire politique du Canada, et l’un de ceux qui furent le plus source de divisions. Les Canadiens français, ainsi que nombre d’agriculteurs, de syndiqués, d’immigrants non britanniques et d’autres Canadiens, s’opposaient généralement à cette mesure. Les Canadiens anglophones, avec à leur tête le Premier ministre Borden et les principaux membres de son Cabinet ainsi que les immigrants britanniques, les familles de soldats et les Canadiens plus âgés, étaient généralement en faveur.
Le débat sur la conscription se fit l’écho de divisions publiques sur beaucoup d’autres sujets contemporains, dont la langue d’enseignement, l’agriculture, la religion et les droits politiques des femmes et des immigrants. Il devint également un test de l’appui, ou de l’opposition, à la guerre en général.»

Au final, ce n’est que depuis une vingtaine d’année que les historiens canadiens et québécois mettent en lumière la place et le rôle joué par le Québec dans la Grande Guerre. La question de la conscription de 1917-1918 est, dans la mémoire québécoise, assimilée à un «fait identitaire»  (Djebabla, M. (2009). Le Québec et la Première guerre mondiale 1914-1918 : présentation du dossier thématique. In Le Bulletin d’histoire politique, vol. 17, no 2 (hiver 2009), p. 17-20).

Pour les enseignants souhaitant traiter de cette question de la conscription en 1917, le Musée canadien de la Guerre propose d’ailleurs un dossier fort bien fait et une séquence d’enseignement. Dans celle-ci, les élèves sont répartis en trois groupes (fermiers anti-conscription, Canadiens français anti-conscription et Canadiens anglais pro-conscription) et font des recherches sur les arguments pour ou contre la conscription mis de l’avant par le groupe qui leur a été assigné. Les élèves participent ensuite à un débat sur le sujet (Musée canadien de la Guerre : Débat sur la conscription).

Pour en revenir à Apocalypse – 10 destin et à ses dossiers, les enseignants disposent d’un article de synthèse franco-canadien sur la question de l’émancipation des femmes durant la Première Guerre mondiale, intitulé L’émancipation des femmes : mythe ou réalité ?, mais ne proposant pas d’activités spécifiques en classe. Les autres dossiers sont pour leur part constitué chacun d’un article de synthèse, de fichiers téléchargeables et d’une fiche d’activité.

A titre d’exemple, le dossier «Ecrire en temps de guerre» propose une fiche d’activités concernant les différents supports et genres d’écriture qui témoignent aujourd’hui de la Première Guerre mondiale. La deuxième activité propose aux élèves de rédiger un texte à la première personne selon un genre d’écriture. Les genres proposés sont un article de presse, une lettre ouverte, une lettre officielle, une lettre privée, un récit rétrospectif à la 1re personne et un journal intime. Après avoir pris connaissance du sujet qui lui a été attribué et avoir visionné l’extrait d’Apocalypse 10 destins qui lui est associé, les élèves ont à répondre au sujet sous forme d’un texte structuré, en respectant les caractéristiques du genre d’écriture demandé. Les sujets proposés sont les suivants :

Extrait à visionner : destin d’Émilien Meysenot, scène 3, 15 août 1914.

  • Sujet 1 : Imaginez la lettre officielle qu’envoie le soldat Émilien Meysenot à son général, le 16 août 1914, après avoir compris le problème lié àl’uniforme rouge des Français.
  • Sujet 2 : Imaginez la lettre qu’envoie le soldat Émilien Meysenot à son frère, le 16 août 1914, après avoir compris le problème lié à l’uniforme rouge des Français.
  • Sujet 3 : Imaginez le récit que fait Émilien Meysenot de sa première expérience du combat dans son journal le 16 août 1914.

Extrait à visionner : destin de Margot Wyckersloot, scène 4, 19 septembre 1914.

  • Sujet 4 : Margot Wyckersloot a vieilli. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, elle décide de raconter son expérience de la guerre à ses enfants. Imaginez le récit qu’elle fait de sa première rencontre avec les soldats allemands le 19 septembre 1914.
  • Sujet 5 : Imaginez ce qu’écrit Margot Wyckersloot dans son journal intime, le 19 septembre 1914, après sa première rencontre avec des soldats allemands.
  • Sujet 6 : Imaginez la lettre qu’envoie Margot Wyckersloot, le 20 septembre 1914, à son frère mobilisé pour lui raconter sa première rencontre avec des soldats allemands.

Extrait à visionner : destin de Dim Seed, scène 3, 24 décembre 1914.

  • Sujet 7 : Imaginez l’article que le reporter Dim Seed écrit après avoir assisté aux fraternisations de Noël 1914.
  • Sujet 8 : Imaginez la lettre qu’envoie le soldat Émilien Meysenot à sa fiancée Joséphine après les fraternisations de Noël 1914.
  • Sujet 9 : Émilien Meysenot a vieilli. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, il décide de raconter son expérience de la guerre à ses enfants. Imaginez le récit qu’il fait de la fraternisation de Noël de décembre 1914.

Extrait à visionner : Destin de Vera Pringle, scène 3, 20 mai 1915.

  • Sujet 10 : Imaginez la lettre ouverte que Vera Pringle fait publier dans les journaux afin de réclamer le droit de vote pour les femmes,suite à leur engagement dans l’effort de guerre.
  • Sujet 11 : Imaginez l’article que Dim Seed écrit au début de l’année 1916 sur l’engagement des femmes dans l’effort de guerre.
  • Sujet 12 : Imaginez la lettre que Susan, la mère de Vera Pringle, envoie au patron de l’usine d’armement dans laquelle elle travaille pour lui demander un salaire équivalent à celui des hommes.

Contrairement au dossier primaire, les activités proposées peuvent être de niveaux taxonomiques élevés et développent, de cette manière, de véritables compétences chez les élèves. Avec le destin de Vera Pringle, c’est également le destin d’une personne représentative d’un pays vaincu qui est abordé. Il est cependant dommage que l’activité de restitution finale se limite à faire observer les différences entre les divers genres d’écriture. Il serait intéressant d’amorcer un véritable travail de comparaison entre les pays belligérants symbolisés par ces différents personnages. A cet effet, il faut signaler le travail réalisé entre 2007 et 2009 par le collectif Regards croisés sur la Première Guerre mondiale (http://europe14-18.eu/preview_site/fr/pages/projet.htm) qui proposait notamment une méthodologie et une boîte à outil pour construire des séquences d’enseignement en la matière.

Classé sous :Didactique, Médias et technologies, Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions Balisé avec :14-18, Canada, France, jeux sérieux, multimédia

14-18 : Des munitions suisses vendues à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne

15 avril 2015 by Lyonel Kaufmann

Un article du Blog Switzerland and the First World War présente les exportations de munitions suisses durant la Première Guerre mondiale en direction des pays de l’Entente et des Empires centraux.

Les ventes aux Pays de l’Entente (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis) furent 32 fois plus importantes que les exportations pour les Empires centraux d’août 1916 à février 1917 et du double d’août 1917 à janvier 1918.

Hang on! Switzerland was neutral during the First World War. What were the Swiss doing, making artillery shells? Well, international law allowed a neutral to trade with both sides. More than that, the Swiss were not simply taking advantage of the war to make a profit. The Allies armies needed as many shells as they could get, and those from Switzerland were a significant contribution.

The Swiss branch of the British Ministry of Munitions opened an office in Berne, Switzerland, in September 1915. Weeks before that, the British had signed a contract with a Swiss manufacturer for 

100,000 units of the No.100 type artillery fuses per week, over 26 weeks: the first of many orders. In September 1916 the Allies placed a contract for 5.2 million units of the No.106 fuse.

By the end of the First World War, the Swiss had made over 25 million artillery shell fuses for the British, as well as over 121 million components used in assembling other fuses. These were precision parts that required skilled labour. After the Italian entry into the war, that country also bought munitions from the Swiss.

This work required considerable raw materials, but Switzerland’s natural resources were limited and she depended on trade to obtain many such supplies. For example, the Swiss imported brass for making the No.106 fuse from the USA, and steel from the UK. 

In an attempt to stop this trade, the Germans created a “black list” of manufacturers making munitions for the Entente (France, the UK and allies), to ensure that they could not obtain coal, steel or iron from Germany (which was the main source of these materials for Swiss factories). Swiss firms and the Swiss government tried to evade these measures, and the Germans renegotiated this agreement at later dates. For the flow of trade in the other direction, the Société Suisse de Surveillance économique was established to ensure that no metal which had been supplied to the Swiss for the production of fuses for the Entente, was sent to the Central Powers instead.

Picture Above: left to right, the shell, No.106 Mk II fuse and safety cap for a British 18-pounder field gun. This was one of the types of fuses supplied by the Swiss to the Entente armies. 
Image source: « Mili14 » at collections.delcampe.net

La qualité et la fiabilité des munitions suisses apparaissent comme étant élevées dans un rapport rédigé en 1918 par un inspecteur anglais, notamment dans les manufactures de Genève et du Locle.

“In Switzerland there are whole districts such as Geneva and Le Locle whose industries are watchmaking, and whose people are therefore hereditarily trained to most accurate work. Fortunately these districts are French-speaking, and very pro-Entente. Large contracts were placed in both these districts with extremely satisfactory results… The fuzes produced by them on a very large scale gave complete satisfaction, and the rejects were only a very small percentage of the whole.”

Comme indiqué, le fait que ces manufactures horlogères soient citées dans la partie francophone de la Suisse joua en faveur des pays de l’Entente. Indirectement, ce passage met en lumière les fractures entre la Suisse romande et la Suisse alémanique durant le conflit. Les premiers prenant partie pour les pays de l’Entente et les seconds pour les Empires centraux. En 14-18, la Suisse fut divisée comme rarement.

Sources de l’article : UK National Archives, MUN 5/321B/28 and MUN 4/2026.

(Via www.switzerland1914-1918.net)

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, sur le web Balisé avec :14-18, neutralité, Suisse

Revue de Presse : 1959 : le retour aux vérités des combattants

12 février 2015 by Lyonel Kaufmann

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VieMortFrancais

André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux,
Vie et Mort des Français 1914-1918. Couverture. © D.R.

«Quarante ans après la fin de la Première Guerre mondiale, Hachette publiait Vie et Mort des Français, un livre qui racontait l’histoire de 1914-1918 en donnant une large place aux témoins. Les trois auteurs (André Ducasse, Jacques Meyer, Gabriel Perreux), s’ils n’étaient pas des historiens professionnels, faisaient cependant partie des anciens élèves de l’École normale supérieure et des agrégés de l’Université. Et ils avaient combattu pendant la Grande Guerre, ainsi que leur préfacier, Maurice Genevoix, de l’Académie française, lui-même auteur d’un précieux témoignage sans cesse réédité.

[…]

Le grand succès du livre tient à l’accueil des anciens combattants de 14-18 encore nombreux en 1959, et à ce que le public commençait à être sensible à la dimension humaine de l’histoire. Si bien que les éditions Hachette demandèrent à deux des auteurs de participer à la collection « La Vie quotidienne » avec des volumes sur les soldats (Jacques Meyer) et sur les civils (Gabriel Perreux) de la Grande Guerre. C’était en 1966, au cœur du cinquantenaire de la Première Guerre mondiale.»

André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux, Vie et Mort des Français 1914-1918, présentation de Maurice Genevoix, Paris, Hachette, 1959, 512 p.

A lire : 1959 : le retour aux vérités des combattants

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Publications Balisé avec :14-18, poilus, témoignages

Controverse sur les causes de la Grande Guerre | Historiens et Géographes

25 décembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) nous propose sur son site une analyse critique du livre de Christopher Clark (2014). Les Somnambules. Paris: Flammarion. Ce livre de l’historien australien qui enseigne à Londres a été réédité 11 fois en Allemagne en 6 mois. Ses conférences sont très suivies.

L’historien Gerd Krumeich, Professeur émérite à l’université de Düsseldorff, a accepté que la revue « Historiens et Géographes » de l’APHG publie dans sa version numérique son article critique qui est paru dans la revue pédagogique pour les enseignants allemands « Geschichte für heute » en mars 2014.

Gerd Krumeich a publié en 2013 un livre « Juli1914, Eine Bilanz » en réponse aux thèses de Clark qui atténue les responsabilités allemandes dans le conflit charge les Serbes, les Russes et les Français. En octobre 2014, son dernier ouvrage « Le feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ? » souligne au contraire les responsabilités allemandes dans le déclenchement du conflit.

La littérature sur les responsabilités de la Première Guerre mondiale a encore de belles années devant elles ! De remettre l’accent sur la responsabilité allemande ne peut qu’avoir les faveurs d’une revue française… même si dans le fond cela est un débat vain, relié principalement au Traité de Versailles, c’est-à-dire le traitement des vaincus par les vainqueurs.

Il est en outre réducteur de traiter l’ouvrage de Clarke sous le seul angle des responsabilités. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, il tente notamment de répondre en autant de chapitre à quatre questions : comment s’est produite la polarisation de l’Europe en deux blocs alliance entre 1897 et 1907? comment les gouvernements d’Etats européens élaboraient-ils leur politique étrangère (les voix multiples de la politique étrangère européennes) ? comment les Balkans en sont-ils venus à être le théâtre d’une crise d’une telle complexité (l’imbroglio des Balkans ) ? comment un système international qui semblait entrer dans une ère de détente a-t-il engendré une guerre mondiale (la détente et les dangers de la période 1912-1914) ?

L’article d’Historiens et Géographes : Controverse sur les causes de la Grande Guerre

Mon compte-rendu de l’ouvrage de Christopher Clarke : Compte-rendu : Les Somnambules de Christopher Clarke

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Publications Balisé avec :14-18, Historiographie

Retrouver 14-18 : cent ans de cinéma vus par Laurent Véray | Slate.fr

19 décembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Il s’agit du troisième volet d’un grand entretien de Slate (et Non-fiction.fr) avec Laurent Véray, professeur d’études cinématographiques et audiovisuelles à l’université Paris III, portant sur le cinéma «de» et «sur» la Grande Guerre.

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Infanterie australienne équipée de masques à gaz / Frank Hurley via Wikimedia (domaine public)

L’époque de la Grande Guerre a été l’occasion de la mise en place d’un modèle du «film de guerre», d’un dispositif cinématographique pérenne qu’on retrouve jusque dans la production contemporaine. Sur le fond aussi, 14-18 constitue un objet cinématographique récurrent, souvent retravaillé, notamment dans les deux dernières décennies. Au-delà de ces continuités, quelles sont les grandes ruptures de cette histoire des films «sur» 14-18, après les films «de» 14-18?

Laurent Véray – Sur le temps long, on observe effectivement un grand écart entre les films sur 14-18 réalisés sur le moment et postérieurement. Les éléments psychologiques –la difficulté du retour, la peur, l’angoisse des soldats au combat– se développent après la guerre, puisque pendant le conflit, les personnages sont dans des postures héroïques plus conformes aux ambitions patriotiques de la plupart des films de cette époque, dans lesquels mourir est presque un honneur très vite récompensé. Et plus généralement, tandis que les films du début du XXe siècle tendaient à glorifier la mort, les films plus récents font souvent des héros des victimes. Les soldats sont des hommes brisés, anéantis par la guerre, ce sont des personnages mutilés, traumatisés, qui perdent leur virilité.

Sur des séries telles Apocalypse à la question

Si la mise en série des archives, nécessairement fragmentaires, relève d’une forme de manipulation destinée, a minima, à faciliter le récit, quel usage peut-on faire de l’image d’archive pour en exploiter sans le tordre le potentiel d’informations historiques?

La réponse de Laurent Véray:

Il n’y a pas une seule pratique valable, et c’est cela qui, justement, va à l’encontre des séries comme Apocalypse: il n’y a pas qu’un seul mode de récit de l’histoire. Les formes du récit varient en fonction de la nature même du support et du mode de représentation que l’on utilise, mais aussi de nos sensibilités, de nos perceptions respectives, de notre culture, et de notre idéologie éventuellement. Il n’y a pas une vérité historique, mais un ensemble de travaux historiques sur une période donnée. Et on sait bien que des mêmes sources peuvent donner lieu à des analyses divergentes. Je pense qu’il faut défendre une richesse de représentations, de créations et de disparités d’usages possibles, qui peut aller de formes très classiques, comme les grands récits rétrospectifs, jusqu’à des formes expérimentales. Certains artistes s’emparent de matériaux historiques, fixes ou animés, et font des performances, des installations, etc. A mi-chemin, des films ni expérimentaux, ni trop classiques choisissent un dispositif adapté en fonction des sources utilisées, qui correspond aussi à une hypothèse de travail, en s’éloignant de la prétention à vouloir tout raconter. Finalement, c’est l’idée selon laquelle on peut tout dire, tout montrer –cette vision totalisante de l’histoire– que je trouve effrayante. Dans l’analyse des causes et des conséquences en histoire, on se rend bien compte que les choses ne sont jamais simples et qu’il est illusoire de croire qu’on pourrait tout comprendre en regardant des fresques historiques formatées par la télévision.

Lire l’entier de l’entretien : Retrouver 14-18 : cent ans de cinéma vus par Laurent Véray | Slate.fr.

Classé sous :Histoire savante, Médias et technologies, Opinions&Réflexions Balisé avec :14-18, Films&Histoire, Historiographie

Filmer la Grande Guerre – avec Laurent Véray | Nonfiction.fr

5 décembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Parce qu’elle est contemporaine du premier âge du cinématographe, l’histoire de la Première Guerre mondiale n’est pas vraiment dissociable de celle du cinéma. Les tranchées ont donné leur matière à ses bandes ; les armées et les gouvernements ont pour la première fois mobilisé les opérateurs au service du divertissement des soldats, de l’information des populations et de la propagande ; et de très nombreuses façons, l’intensification et la diversification de la production cinématographique en a transformé les techniques, l’esthétique, et jusqu’à la géographie. Mêmes et autres, l’histoire de la Grande Guerre et celle du cinéma sont aussi un entrelac centenaire, puisque de 1914 à 2014, des Croix de Bois à Un long dimanche de fiançailles, de Capitaine Conan à Apocalypse, on n’a cessé de remonter ou de recréer des images de la guerre.

Parler de l’histoire cinématographique de la guerre 14-18, ou encore, de 14-18 dans l’histoire du cinéma, c’est ainsi traverser un champ de questionnements particulièrement vaste, structuré par un faisceau d’interactions singulièrement vertigineux, et entrecoupé d’innombrables plis. C’est une aventure pionnière, dont Laurent Véray est incontestablement l’un des explorateurs les plus expérimentés. Professeur d’études cinématographiques et audiovisuelles à l’université Paris III.

Ce premier volet de cet interview avec Laurent Véra est consacré au film «Les croix de bois». A suivre donc… : ENTRETIEN – Filmer la Grande Guerre – avec Laurent Véray – Nonfiction.fr le portail des livres et des idées.

Classé sous :Médias et technologies, Opinions&Réflexions Balisé avec :14-18, film&histoire

Revue de presse : Concours « Première Guerre mondiale » pour les classes suisses : projets récompensés

9 novembre 2014 by Lyonel Kaufmann

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Berne, 07.11.2014 – Le concours lancé par le président de la Confédération Didier Burkhalter en mars 2014 à l’occasion du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale a été remporté par trois classes, l’une de Liestal, l’autre de Morges et la troisième de Tenero. Dans toute la Suisse, des élèves se sont penchés sur le thème de la « Grande Guerre », et ont soumis des projets. Les classes récompensées se rendront la semaine prochaine à Ypres, en Belgique, et y rencontreront le président de la Confédération le 14 novembre 2014. Ypres a été le théâtre de batailles sanglantes pendant la Première Guerre mondiale.

L’information : Concours « Première Guerre mondiale » pour les classes suisses : projets récompensés.

Classé sous :Nouvelles de l'histoire Balisé avec :14-18, Concours, Histoire, RevuePresse, Suisse

Les poilus (vraiment) en couleurs

16 août 2014 by Lyonel Kaufmann


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Les éditions Taschen publient des autochromes en couleurs de la Première Guerre mondiale. Contrairement au travail de faussaire réalisé pour Apocalypse, la 1ère Guerre mondiale, il ne s’agit pas d’images en noir/blanc colorisées après coup, mais de photographies prises en couleurs au moment du conflit. Ces images rares permettent de découvrir la vie quotidienne des soldats sous un autre jour. 

blankLes quais de la Meuse. Une vue sur Verdun en ruines.  © Jules Gervais-Courtellemont, Edition Taschen

Sur les 4500 photographies en couleur de la guerre qui nous sont parvenues, l’ouvrage en comporte plus de 320 provenant d’archives d’Europe, des États-Unis ou d’Australie. Au niveau technique, la technologie de l’autochrome venait toute juste d’être mise au point. Ce procédé, qui produisait des diapositives en couleur sur plaques de verre, avait été breveté en 1903 par les frères Lumière. Un petit groupe de pionniers comme les photographes Paul Castelnau, Fernand Cuville, Jules Gervais-Courtellemont, Léon Gimpel, Hans Hildenbrand, Frank Hurley, Jean-Baptiste Tournassoud ou encore Charles C. Zoller, a choisi le terrain de la guerre pour expérimenter cette nouvelle technique. Comme l’explique l’auteur de ce livre Pierre Walther ces photos sont surtout « des mises en scènes minutieuses » car l’autochrome nécessitait une technique contraignante.

« Rien que le caractère encombrant de l’équipement, qui pesait jusqu’à 15 kilos, avec les plaques et les divers objectifs, ne permettait pas [des prises d’image sur le vif]. Les temps d’exposition relativement longs des plaques d’autochromes – les personnes photographiées devaient rester immobiles six secondes par ciel couvert, et tout de même une bonne seconde si le soleil brillait – empêchait la réalisation d’instantanés »

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Des soldats allemands aux aguets dans une tranchée bétonnée. © Hans Hildenbrand, Taschen, LVR LandesMuseum Bonn.

L’autochrome nécessitait donc un assez long temps de pose, ce qui explique que la plupart des photos représentent des tableaux soigneusement agencés, loin du feu de l’action sur la ligne de front. Nous y découvrons des portraits de groupe, des soldats se préparant au combat, des villes ravagées par des bombardements – la vie quotidienne et les conséquences dévastatrices des opérations militaires.

L’ouvrage est disponible en allemand, français et anglais au prix de 39,99€.

La présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur (et la possibilité de le commander) : http://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/photography/all/05794/facts.la_grande_guerre_en_couleurs.htm

Source de l’info : http://www.france24.com/fr/20140814-images-grande-guerre-poilus-couleurs-photographies-poilus-guerre-mondiale/

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Publications Balisé avec :14-18

Compte-rendu : Les Sommnambules de Christopher Clark

13 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Ce 28 juin 1914 au matin, le continent européen est en paix. Une belle journée estivale débute à Sarajevo… Trente-sept jours plus tard, le monde est en guerre. Le conflit qui débute mobilisera 65 millions de soldats, fera 20 millions de morts et autant de blessés. Il emportera trois empires et, à peine achevé, portera déjà en lui les origines et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Les Somnambules de Christopher Clark revient sur la manière dont l’Europe a marché vers la guerre à l’été 1914. Compte-rendu.
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«Les protagonistes de 1914 étaient des somnambules qui regardaient sans voir, hantés par leurs songes mais aveugles a la réalité des horreurs qu’ils étaient sur le point de faire naitre dans le monde.»

Telle est la dernière phrase de l’ouvrage de Christopher Clark dont le sous-titre est « Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre». Une phrase digne d’un roman, mais il s’agit bien d’un ouvrage historique que Clark nous propose. Cet ouvrage complexe et touffu de 668 pages (dont 100 pages de notes bibliographiques) veut«moins expliquer pourquoi la guerre a éclaté que comment on en est arrivé là» (p. 17) et considère que «dans l’histoire que raconte ce livre, […], l’initiative personnelle est prépondérante» (p. 17). Cette histoire des acteurs rejette à l’arrière-plan, voire veut la rendre caduque, la recherche de catégories causales lointaines telles l’impérialisme, le nationalisme ou le jeu des alliances.

Une des idées de base de l’ouvrage est qu’à l’été 1914 nous sommes en présence d’une crise exceptionnellement complexe du fait des interactions multilatérales entre cinq adversaires d’importance égale (Allemagne, Autriche-Hongrie, France, Russie et Grande-Bretagne) auxquels s’ajoutent d’autre acteurs secondaires (Italie, Empire ottomane, Etats balkaniques). Ces interactions multilatérales ne seraient pas sans certaines similitudes avec la situation internationale telle qu’elle a émergé après la fin de la Guerre froide et elles la rendraient familière et d’une «modernité brutale» à un lecteur du XXIe siècle :

«Tout a commencé par un groupe de tueurs kamikazes et une poursuite en automobile. Derrière l’attentat de Sarajevo se trouve une organisation ouvertement terroriste, mue par le culte du sacrifice, de la mort et de la vengeance – une organisation extra-territoriale, sans ancrage géographique ou politique clair, éclatée en différente cellule qui ignorent les clivages politiques» (p. 15).

L’ouvrage est organisé en trois parties. La première partie s’attache aux interactions entre la Serbie et l’Autriche-Hongrie dont la rivalité a déclenché le conflit. La deuxième partie tente de répondre en autant de chapitre à quatre questions : comment s’est produite la polarisation de l’Europe en deux blocs alliance entre 1897 et 1907? comment les gouvernements d’Etats européens élaboraient-ils leur politique étrangère (les voix multiples de la politique étrangère européennes) ? comment les Balkans en sont-ils venus à être le théâtre d’une crise d’une telle complexité (l’imbroglio des Balkans ) ? comment un système international qui semblait entrer dans une ère de détente a-t-il engendré une guerre mondiale (la détente et les dangers de la période 1912-1914) ? Pour sa part, la troisième partie s’attache à l’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 et aux 37 jours qui s’en suivirent (la crise de juillet) et qui menèrent le continent européen alors en paix à un monde en guerre.

Le rôle des acteurs

Comme indiqué précédemment, l’ouvrage de Clark est centré sur les acteurs. De certains acteurs se doit-on immédiatement préciser. L’ouvrage est essentiellement centré sur les acteurs diplomatiques et des cabinets ministériels ainsi, que dans la dernière partie, sur les responsables militaires. Les acteurs économiques ou les milieux intellectuels sont les grands absents de l’ouvrage. Ne joueraient-ils donc aucun rôle direct ou indirect dans ce qui forme la pensée, les actions et les décisions des acteurs présents dans l’ouvrage ? On peut légitimement en douter. D’autant plus qu’au final, l’ensemble des actions des acteurs peuvent paraître, au lecteur, confuses ou volatiles, voire peu fondées. Cette impressions découle certainement du parti pris initial de Clark concernant les acteurs et leur constante marge de manoeuvre individuelle ainsi que de la volonté d’offrir un tableau d’une situation où tout n’est pas joué au début de la crise de juillet 1914, voire sur les attitudes changeantes des décideurs depuis 1912.

La formation intellectuelle des élites et leurs origines sociales ainsi que les discours intellectuels et nationalistes sont des éléments structurant la pensée et les actions de ces acteurs qui ne peuvent être si facilement écartés. Il manque alors à cet ouvrage une biographie de groupe afin de situer ces acteurs socialement et intellectuellement. Ainsi, concernant le scénario balkanique, Clark met en évidence la rhétorique des chefs de l’Etat de l’Entente et des récits «du déclin inévitable de l’Autriche» qui permettent de «légitimer la lutte des Serbes qui apparaissent comme les hérauts d’une modernité prédéterminée à balayer les structures obsolètes de la Double monarchie» (p. 350-351) alors qu’industriellement et administrativement l’Empire austro-hongrois est, contrairement aux Etats balkaniques, un des centres de la modernité. A d’autres moments, Clark met en évidence la surestimation générale des décideurs concernant la puissance économique et militaire russe. Le fait que ces récits sont largement partagés indique qu’ils ne naissent pas spontanément dans la tête des acteurs, mais s’inscrivent dans des processus infiniment plus complexes et des schèmes limitant le libre-arbitre décisionnel des individus.

Comment analyser également l’augmentation des budgets militaires, des dépenses d’armement et des effectifs des armées en temps de paix sans s’attacher aux liens de ces acteurs avec les milieux économiques et plus particulièrement avec l’industrie d’armement ? Pourtant, en pages 336-350, Clark évoque brièvement les différentes actions économiques impérialistes des puissances européennes dans l’Empire ottoman. Cet aspect d’une lutte économique, voire géopolitique, pour la conquête de nouveaux marchés est intéressante, mais cet axe n’est jamais développé par Clark qui en revient rapidement à des considérations purement militaire ou politiques.

L’absence d’un engrenage fatal et d’un responsable particulier au conflit mondial

L’ouvrage de Clark permet cependant de mettre en veilleuse les thèses des responsabilités du conflit ainsi que d’un soi-disant engrenage fatal qui aurait conduit au déclenchement de la Première Guerre mondiale du fait de la mécanique des alliances.

Clark met en évidence que les alliances au sein des deux blocs ne sont pas figées et que chaque situation potentiellement conflictuelle conduit les acteurs de chacun des Etats à considérer dans quelle mesure les termes de l’alliance seront à appliquer ou non. Les rapports de force entre les membres de chacune des alliances sont également susceptibles d’évoluer. Ainsi la Grande-Bretagne cherche autant à contenir l’Allemagne sur le continent européen que d’évaluer la menace que représente la Russie relativement à l’Empire britannique. A l’été 1914, ces menaces sont considérées comme équivalentes. Néanmoins, la majorité des décideurs britanniques considèreront que l’intervention de la Grande-Bretagne aux côtés de l’Entente offre les moyens de contenir tant la Russie (et de la contenter) que l’Allemagne (p. 537-538).

De même, au printemps 1914, l’Alliance franco-russe a également installé «un mécanisme de mise à feu géopolitique le long de la frontière austro-serbe» (p. 351) et les conditions d’un conflit sont remplies à cette date. En outre, le dilemme sécuritaire joue son rôle en plein soit le fait que «toute décision prise par un Etat pour renforcer sa sécurité augmente le sentiment d’insécurité des autres Etats, les forçant à se préparer au pire» (p. 314). Les éléments sont alors réunis pour qu’à tout moment une querelle balkanique se transforme en guerre européenne.
Clarke met également en évidence le caractère particulier de la situation à l’été 1914 :

«Une lointaine querelle dans la sud-est de l’Europe [devient] l’élément déclencheur d’une guerre continentale, alors qu’aucune des trois grandes puissances de l’Entente n’est attaquée directement, ni même menacée» (p. 528).

Cependant, depuis 1913, les puissances occidentales ont cessé de considérer l’Autriche-Hongrie comme le pivot de la stabilité de l’Europe centrale et orientale. Le sentiment du déclin inévitable de l’Autriche et parallèlement le sentiment de légitimité de la lutte des Serbes ne seront donc pas pour rien dans l’échec à maintenir la localisation du conflit dans les Balkans et entre les seules Autriche-Hongrie et Serbie. Pourtant, le 13 juillet 1914, Helmut von Moltke, chef d’état-major allemand, croira «encore possible que l’Autriche lance une offensive contre la Serbie et règle le conflit sans que la Russie n’intervienne» (p. 509). Alors que le gouvernement allemand n’a pas encore décrété l’état de guerre et que l’Autriche-Hongrie est toujours engagée dans une mobilisation partielle contre la Serbie, la mobilisation générale décidée par la Russie le 30 juillet 1914 est une décision lourde de conséquence qui transforme une guerre locale en conflit général.

Cependant, concernant au final la question des responsabilités, Clark conclut que

«Le déclenchement de la guerre de 1914 n’est pas un roman d’Agatha Christie à la fin duquel nous découvrons le coupable, debout dans le jardin d’hiver, un pistolet encore fumant à la main. Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie» (p. 551).

Avec son ouvrage, et malgré les faiblesses relevées, Christopher Clark fera date parmi les plus de 25’000 ouvrages et articles consacrés aux origines de la Première Guerre mondiale. L’ouvrage a l’avantage de ne pas se concentrer sur un seul pays, mais de permettre au lecteur d’englober le champ entier de l’Europe. L’ouvrage a également le mérite de traiter la situation des Balkans pour elle-même avant de s’attacher à la crise de juillet qui transforme une guerre locale en un conflit mondial. Le lecteur en conclut que rien n’était écrit d’avance et qu’en juillet 1914, l’Europe portait en elle les germes d’autres avenirs, sans doute moins terribles, que les gouvernants européens fonctionnant comme des somnambules ne surent ou voulurent saisir.

Clark, C. (2013). Les Somnambules. Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre. Paris: Flammarion, 668 pages.

Classé sous :Didactique, Histoire savante, Opinions&Réflexions, Publications Balisé avec :14-18

La Grande Guerre et le heavy metal par la BCU

11 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

Une entrée originale consacrée à la Première Guerre mondiale.

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La guerre est l’un des thèmes privilégiés dans le heavy metal et dans l’univers metal en général, et plus particulièrement les deux guerres mondiales qui ont influencé beaucoup de groupes dans le choix de leurs noms, dans l’écriture des textes, le choix des pochettes d’albums, du fait de leur caractère extraordinaire, leur côté fascinant, mais aussi le côté évidemment sombre et violent voire morbide des guerres.
Lire la suite sur Hypothèses : http://buclermont.hypotheses.org/1657

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, sur le web Balisé avec :14-18

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