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Histoire Lyonel Kaufmann

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La Suisse et la Première Guerre mondiale : 1. le délire général et le «Röstigraben»

21 août 2014 by Lyonel Kaufmann

Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question : «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?».

« La déclaration de guerre surprit la Suisse en pleine période de prospérité. Le 1er août 1914, le jour de notre fête nationale, le Conseil fédéral mobilisa l’armée et adressa aux grandes puissances une solennelle déclaration de neutralité. Le colonel Ulrich Wille, de Zurich, fut élu général. La mobilisation s’effectua dans un ordre parfait, et, jusqu’à la fin des hostilités, nos différents corps de troupes prirent tour à tour les armes pour garder nos frontières. » (Michaux 1939 : 151)

Dans la plupart de nos manuels d’histoire, à l’exemple du Michaud, tout semble limpide dans le processus de mobilisation décrété par la Suisse et la nomination d’Ulrich Wille comme général. L’alliance est parfaite entre le politique, la population et l’armée.

Pourtant tout fut loin d’être si simple. Et particulièrement la nomination d’Ulrich Wille au poste de général de l’armée suisse. Dès le début du conflit, la méfiance, qui se transformera en profond fossé, s’installe entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. L’attitude de l’état-major général de l’armée suisse, et notamment celle d’Ulrich Wille, joueront un rôle central dans la formation de ce qui est communément appelé le « Röstigraben ». Par ailleurs, si le Conseil fédéral fait sa déclaration de neutralité, celle-ci n’ira pas de soi ainsi que l’illustrera en 1915 l’affaire des colonels ou en 1917 l’affaire Grimm-Hoffmann qui se conclut par la démission du conseiller fédéral Hoffmann.  Enfin le rôle joué par l’armée à l’égard de manifestations ou de la grève générale de 1918 résultant de la situation socio-économique désastreuse pèse encore sur les relations de la gauche avec l’institution militaire, de même que l’emploi de troupes de cantons ruraux installera « une hostilité durable entre les ouvriers et le monde paysan » (Walter 2010 : 134). D’autant plus que l’armée fut une dernière fois mobilisée en 1919 pour assurer le service d’ordre lors des grève de l’été.

Pour mieux comprendre les dessous de l’élection d’Ulrich Wille et l’attitude du général durant le conflit, nous disposons du livre-document de Nicolas Meienberg, datant de 1987 (édition allemande) et intitulé « Le Délire général. L’armée suisse sous influence ». Ce livre s’intéresse à la famille d’Ulrich Wille, plus particulièrement le père et le fils qui furent tous deux officiers d’Etat-major. Le fils, Ulrich II, sera même le rival d’Henri Guisan au poste de général lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Pour réaliser son ouvrage fondé sur la correspondance du général avec sa femme Clara, née comtesse de Bismark, Nicolas Meienberg dut user d’un subterfuge devant l’embargo mit par la famille à la consultation des archives à l’égard des travaux non complaisants.  A la fin de son livre, l’évocation du procédé utilisé par Meienberg mérite d’être rapportée :

« Le présent ouvrage n’aurait pas été possible sans la collaboration de la famille Wille : qu’elle en soit donc remerciée en premier lieu. Jürg Wille, archiviste à Mariafeld [propriété de la famille Wille], et pour ainsi dire chef du clan, a exposé au musée local de Meilen, de janvier à mars 1987, quelques pièces de l’héritage familial (heures de visite le dimanche de 14h à 17h) […].

Le lutrin du général était également exposé, et on y découvrit, en y regardant de plus près, un livre grand format, relié en cuir verdâtre, portant l’inscription gravée «Lettres du général à sa femme 1914-1918», et il s’agissait effectivement des lettres que la famille Wille n’avait jusqu’ici jamais montrée au public […]. Le gardien du musée local n’avait encore jamais vu quelqu’un feuilleter ce livre et il se réjouit que son contenu plaise tant au photographe Roland Gretler et à moi-même : il ne s’opposa donc pas à ce que je recopie quelques passages avec un crayon de couleur (modèle 1918, rouge), également exposé et ayant appartenu au général, ni à ce que Roland Grettler photographie quelques douzaines de pages (une coupe représentative des lettres de 1916-18).»

(Meienberg : 205-206).

Lors d’une deuxième visite, la situation fut plus précaire, mais permis néanmoins de copier environ 10% des lettres de cette période et toutes celles se rapportant à la grève générale de 1918 purent être photographiées.

a) l’élection d’Ulrich Wille par les Chambres fédérales.

Mais revenons à l’élection du 3 août 1914. Ce jour-là, à l’Assemblée fédérale, nous trouvons, d’un côté, la volonté du conseiller fédéral Arthur Hoffmann, d’origine allemande, de faire nommer Ulrich Wille, un homme qui connaissait personnellement Guillaume II, empereur d’Allemagne, et qui avait ses entrées en Allemagne, via son épouse née Bismark. De l’autre, les réticences notamment de la Suisse romande, exprimées à la tribune par le conseiller national vaudois Edouard Secrétan, et qui voyent en Wille l’homme de l’Allemagne aux pratiques dictatoriales et aux manières arrogantes. Les adversaires de Wille ont même un candidat : Théophil Sprecher von Bernegg, chargé depuis 1907 de mettre en application la nouvelle organisation de l’armée. Les manoeuvres en coulisses durent toute la journée et ce n’est qu’à 20h20 que le président de l’Assemblée fédérale peut donner le résultat du scrutin : 122 voix pour Wille, 63 pour von Sprecher et 7 bulletins blancs. L’élection ne fut donc pas de tout repos.

Ulrich_Wille

Ulrich Wille durant la Première Guerre Mondiale. Wikipedia (https://en.wikipedia.org/wiki/Ulrich_Wille)

Au déclenchement de la guerre, 238’000 hommes seront convoqués sous les drapeaux ainsi que 50’000 chevaux. Pas plus que les autres pays, la Suisse n’est prête pour une guerre totale de longue durée.

b) Un pays neutre prêt aux alliances

La neutralité n’allait pas forcément de soi avant la déclaration solennelle du 4 août 1914 ((Document : Instructions du Conseil fédéral au général Wille concernant l’accomplissement de sa tâche. DDS, vol. 6, doc. 15)).

En 1912, Guillaume II entreprend une visite en Suisse, accompagné d’une importante délégation militaire. Son objectif ? vérifier que le dispositif militaire helvétique résiste à une éventuelle contre-offensive française à travers la Suisse pour répondre à la stratégie du maréchal Von Schlieffen prévoyant le passage des troupes allemandes à travers le Luxembourg et la Belgique. De son côté, la France comptait également sur la solidité du dispositif militaire afin de consacrer le maximum de forces à une offensive au travers de l’Alsace-Lorraine (Walter 2010 : 122-123).

Carte postale illustrant la visite du Kaiser en 1912 (via www.switzerland1914-1918.net)

Carte postale illustrant la visite du Kaiser en 1912 (via www.switzerland1914-1918.net)

En 1912 toujours, devant la forte dépendance vis-à-vis de la Suisse concernant son approvisionnement, le Conseil fédéral envisagea même l’idée d’une alliance avec l’un des futurs belligérants. Dans la tradition de ses prédécesseurs, le chef de la division de l’état-major Theophil Sprecher von Bernegg avait préparé, de concert avec le Conseil fédéral, une liste des points à négocier, le cas échéant, avec un partenaire susceptible d’entrer dans une éventuelle alliance défensive. Le fait que la Suisse dépende, pour ses importations, à part égale des pays de l’Entente et des Puissances centrales joua certainement un rôle dans l’abandon d’une telle solution en 1914.

Après le déclenchement du conflit, l’état-major général de l’armée suisse, sous la conduite d’un général ouvertement favorable à l’Allemagne et composé d’officiers supérieurs alémaniques ne voit pas forcément les choses du même oeil. Le 20 juillet 1915, le général Wille proposa ainsi au Conseil fédéral d’entrer en guerre au côté des Empires centraux ((Document : L’opinion de Wille sur le projet d’instituer la Société suisse de Surveillance économique (SSS). Edition: DDS, vol. 6, doc. 137)). Ces propos, révélés par la presse, suscitèrent un fort mécontentement en Suisse romande.

Du point de vue militaire, le dispositif mis en place en août 1914 et élargi en 1915, communément résumé à la « couverture frontière », subsista dans ses grandes lignes jusqu’en 1918.

c) L’affaire des colonels comme illustration du fossé entre Suisse romande et Suisse alémanique

En décembre 1915, l’affaire des colonels éclate ((Voir l’article du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) :  http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17332.php)) : le général avait permis au service de l’information de l’armée, via deux de ces officiers, à violer la neutralité de la Suisse en fournissant des informations quotidiennes aux légations d’Allemagne et d’Autrichie en échange d’informations allemandes ((Document : Wille exprime son indignation du fait qu’une «source suisse» ait pu informer l’Ambassade de France que les bulletins de l’Etat-Major Général sur la situation militaire seraient communiqués à la Légation d’Allemagne et conteste cette information. DDS, vol. 6, doc. 162)). Lorsque l’ambassade de France, découvrant le pot aux roses, en informe le Conseil fédéral, les deux colonels suisses alémaniques sont simplement déplacés par la hiérarchie militaire. Au final, ils seront condamnés à 20 jours d’arrêts de rigueur et le Conseil fédéral les suspend de leur fonction. L’affaire suscite ainsi le tollé et des manifestations en Suisse romande (Meienberg : 44 et Walter : 129).

place_du_parvis_en_ruineParvis de la cathédrale de Reims après le bombardement.

Rapidement, le conflit creuse un fossé, susceptible de créer une scission, entre les Alémaniques et les Romands, « les uns prenant parti pour l’Allemagne, les autres pour la France; ce qui contribua à enliser la Suisse dans le marais de la propagande de guerre» (Jost: 95). Ce fossé débouche sur des tensions culturelles et morales, alimentées dès le début chez les francophones par la violation de la neutralité belge ou le bombardement de la cathédrale de Reims. Partout, la haine du « boche» s’exprime en Suisse romande (Walter : 128). La Suisse est ainsi «un état tampon au coeur d’une Europe travaillée par les rivalités impériales » (Walter 2010 : 119). Au risque de fracasser son unité.

d) L’affaire Grimm-Hoffmann : une crise au sommet de l’Etat

En 1917, le conseiller fédéral Arthur Hoffmann, qui dirige les Affaires étrangères depuis 1914, se fait une dernière fois piéger dans ses tentatives de médiation entre les belligérants. C’est l’affaire Grimm-Hoffmann ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Grimm-Hoffmann)). Il fait envoyer au socialiste Robert Grimm, en voyage en Russie, des informations. Il s’y réjouit aussi des chances d’une paix séparée en faveur de l’Allemagne ((Document : Hoffmann transmet à Grimm une communication sur les conditions de paix et les buts de guerre de l’Allemagne. DDS, vol. 6, doc. 316)). Malheureusement pour Hoffmann, son télégramme est intercepté par le ministre russe des Affaires étrangères. Hoffmann est alors contraint de démissionner ((Document : Lettre de démission de Hoffmann. DDS, vol. 6, doc. 322 et Le Ministre de Suisse à Pétrograd, E. Odier, au Chef du Département politique, A. Hoffmann. Observations sur certaines opinions exprimées en Russie sur la Suisse. DDS, vol. 6, doc. 248)). Il est remplacé par un libéral genevois Gustave Ador, président du CICR et fondateur de l’Agence des prisonniers de guerre. En remplaçant un germanophile par un francophile, l’objectif est clairement de tenter de combler le fossé moral intérieur (Walter : 129-130 et 140)

e) Après 1914 : le sentiment d’un destin privilégié du pays et d’un peuple élu (Sonderfall)

7_a7L’île de la paix. Auteur : Rudolph Weiss. Bâle, Verlag K. Essig, 1916.

«Intitulée « L’île de la Paix » dans les trois langues nationales (Die Friedensinsel, Isola della Pace), cette carte postale ci-dessus, reproduite à partir d’une peinture de l’artiste biennois Rudolf Weiss (1846-1933), est loin de représenter une vision parfaitement idyllique d’une paix sans nuage, telle que l’on pourrait se l’imaginer. L’atmosphère y est plutôt lourde et tourmentée. Entouré d’une mer sombre et d’un ciel menaçant, le Palais fédéral brave la tempête, solidement perché sur un éperon rocheux. Fascinante, mystérieuse et déconcertante, cette représentation insulaire de la Suisse ne se laisse pas facilement interpréter. L’ île peut être perçue de manière équivoque, tantôt dans un sens positif, inspirant la quiétude, la sécurité et la prospérité, tantôt dans un sens négatif en suggérant l’idée d’isolement, de solitude et de repli sur soi… La légende, bilingue, se montre néanmoins rassurante sur le sort de la Suisse. […]». Guerre 14-18. La Suisse en cartes postales.

Après les deux guerres mondiales, la population helvétique développera, de manière indélébile pour Walter (2010 : 126), le sentiment d’un destin privilégié du pays et d’un peuple élu (Sonderfall) par rapport aux autres pays européens et au-delà. Le fossé moral creusé entre Romands et Alémaniques, la neutralité tant bien que mal respectée ou la radicalisation des positions politiques devant la dégradation des conditions économiques et sociales des années 1916-1918 sont occultées au profit d’une histoire déifiée. La volonté de montrer la Suisse comme une île protégée des tumultes au milieu du conflit est trompeuse, même si elle sera rapidement diffusée notamment sur cartes postales durant le conflit. Ce sentiment modèle, aujourd’hui encore, son rapport au monde extérieur et à soi-même.

Prochain article : La Suisse et la Première Guerre mondiale : 2. économie de guerre et situation sociale

PS : au même moment ou presque de la publication de cet article, le billet suivant a été publié sur les blogs du Monde : La Suisse et la guerre, selon le consul suisse de Besançon. Il apporte un point de vue depuis Besançon sur l’armée suisse, Ulrich Wille et le Röstigraben. A lire donc.

Bibliographie

Guerre mondiale, Première. Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F8926.php

Jost, H.-U. (1983). Menace et repliement 1914-1945. In Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses. Tome 3. Lausanne : Payot, pp. 91-178.

La Première Guerre mondiale sur Dodis. Documents Diplomatiques suisse : http://www.dodis.ch/fr/communiques-de-presse/la-premiere-guerre-mondiale-sur-dodis Michaud, G. (1939). Histoire de la Suisse. Lausanne  [etc.]: Payot.

Meienberg, N. (1988). Le Délire général. L’armée suisse sous influence. Carouge-Genève : Zoé.

Walter, F. (2010). Histoire de la Suise. Tome 4 : La création de la Suisse moderne (1830-1930). Neuchâtel : Editions Alphil – Presses universitaires suisses.

Classé sous :Histoire savante, Opinions&Réflexions

Les poilus (vraiment) en couleurs

16 août 2014 by Lyonel Kaufmann


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Les éditions Taschen publient des autochromes en couleurs de la Première Guerre mondiale. Contrairement au travail de faussaire réalisé pour Apocalypse, la 1ère Guerre mondiale, il ne s’agit pas d’images en noir/blanc colorisées après coup, mais de photographies prises en couleurs au moment du conflit. Ces images rares permettent de découvrir la vie quotidienne des soldats sous un autre jour. 

blankLes quais de la Meuse. Une vue sur Verdun en ruines.  © Jules Gervais-Courtellemont, Edition Taschen

Sur les 4500 photographies en couleur de la guerre qui nous sont parvenues, l’ouvrage en comporte plus de 320 provenant d’archives d’Europe, des États-Unis ou d’Australie. Au niveau technique, la technologie de l’autochrome venait toute juste d’être mise au point. Ce procédé, qui produisait des diapositives en couleur sur plaques de verre, avait été breveté en 1903 par les frères Lumière. Un petit groupe de pionniers comme les photographes Paul Castelnau, Fernand Cuville, Jules Gervais-Courtellemont, Léon Gimpel, Hans Hildenbrand, Frank Hurley, Jean-Baptiste Tournassoud ou encore Charles C. Zoller, a choisi le terrain de la guerre pour expérimenter cette nouvelle technique. Comme l’explique l’auteur de ce livre Pierre Walther ces photos sont surtout « des mises en scènes minutieuses » car l’autochrome nécessitait une technique contraignante.

« Rien que le caractère encombrant de l’équipement, qui pesait jusqu’à 15 kilos, avec les plaques et les divers objectifs, ne permettait pas [des prises d’image sur le vif]. Les temps d’exposition relativement longs des plaques d’autochromes – les personnes photographiées devaient rester immobiles six secondes par ciel couvert, et tout de même une bonne seconde si le soleil brillait – empêchait la réalisation d’instantanés »

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Des soldats allemands aux aguets dans une tranchée bétonnée. © Hans Hildenbrand, Taschen, LVR LandesMuseum Bonn.

L’autochrome nécessitait donc un assez long temps de pose, ce qui explique que la plupart des photos représentent des tableaux soigneusement agencés, loin du feu de l’action sur la ligne de front. Nous y découvrons des portraits de groupe, des soldats se préparant au combat, des villes ravagées par des bombardements – la vie quotidienne et les conséquences dévastatrices des opérations militaires.

L’ouvrage est disponible en allemand, français et anglais au prix de 39,99€.

La présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur (et la possibilité de le commander) : http://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/photography/all/05794/facts.la_grande_guerre_en_couleurs.htm

Source de l’info : http://www.france24.com/fr/20140814-images-grande-guerre-poilus-couleurs-photographies-poilus-guerre-mondiale/

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Publications Balisé avec :14-18

Compte-rendu : Les Sommnambules de Christopher Clark

13 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Ce 28 juin 1914 au matin, le continent européen est en paix. Une belle journée estivale débute à Sarajevo… Trente-sept jours plus tard, le monde est en guerre. Le conflit qui débute mobilisera 65 millions de soldats, fera 20 millions de morts et autant de blessés. Il emportera trois empires et, à peine achevé, portera déjà en lui les origines et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Les Somnambules de Christopher Clark revient sur la manière dont l’Europe a marché vers la guerre à l’été 1914. Compte-rendu.
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«Les protagonistes de 1914 étaient des somnambules qui regardaient sans voir, hantés par leurs songes mais aveugles a la réalité des horreurs qu’ils étaient sur le point de faire naitre dans le monde.»

Telle est la dernière phrase de l’ouvrage de Christopher Clark dont le sous-titre est « Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre». Une phrase digne d’un roman, mais il s’agit bien d’un ouvrage historique que Clark nous propose. Cet ouvrage complexe et touffu de 668 pages (dont 100 pages de notes bibliographiques) veut«moins expliquer pourquoi la guerre a éclaté que comment on en est arrivé là» (p. 17) et considère que «dans l’histoire que raconte ce livre, […], l’initiative personnelle est prépondérante» (p. 17). Cette histoire des acteurs rejette à l’arrière-plan, voire veut la rendre caduque, la recherche de catégories causales lointaines telles l’impérialisme, le nationalisme ou le jeu des alliances.

Une des idées de base de l’ouvrage est qu’à l’été 1914 nous sommes en présence d’une crise exceptionnellement complexe du fait des interactions multilatérales entre cinq adversaires d’importance égale (Allemagne, Autriche-Hongrie, France, Russie et Grande-Bretagne) auxquels s’ajoutent d’autre acteurs secondaires (Italie, Empire ottomane, Etats balkaniques). Ces interactions multilatérales ne seraient pas sans certaines similitudes avec la situation internationale telle qu’elle a émergé après la fin de la Guerre froide et elles la rendraient familière et d’une «modernité brutale» à un lecteur du XXIe siècle :

«Tout a commencé par un groupe de tueurs kamikazes et une poursuite en automobile. Derrière l’attentat de Sarajevo se trouve une organisation ouvertement terroriste, mue par le culte du sacrifice, de la mort et de la vengeance – une organisation extra-territoriale, sans ancrage géographique ou politique clair, éclatée en différente cellule qui ignorent les clivages politiques» (p. 15).

L’ouvrage est organisé en trois parties. La première partie s’attache aux interactions entre la Serbie et l’Autriche-Hongrie dont la rivalité a déclenché le conflit. La deuxième partie tente de répondre en autant de chapitre à quatre questions : comment s’est produite la polarisation de l’Europe en deux blocs alliance entre 1897 et 1907? comment les gouvernements d’Etats européens élaboraient-ils leur politique étrangère (les voix multiples de la politique étrangère européennes) ? comment les Balkans en sont-ils venus à être le théâtre d’une crise d’une telle complexité (l’imbroglio des Balkans ) ? comment un système international qui semblait entrer dans une ère de détente a-t-il engendré une guerre mondiale (la détente et les dangers de la période 1912-1914) ? Pour sa part, la troisième partie s’attache à l’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 et aux 37 jours qui s’en suivirent (la crise de juillet) et qui menèrent le continent européen alors en paix à un monde en guerre.

Le rôle des acteurs

Comme indiqué précédemment, l’ouvrage de Clark est centré sur les acteurs. De certains acteurs se doit-on immédiatement préciser. L’ouvrage est essentiellement centré sur les acteurs diplomatiques et des cabinets ministériels ainsi, que dans la dernière partie, sur les responsables militaires. Les acteurs économiques ou les milieux intellectuels sont les grands absents de l’ouvrage. Ne joueraient-ils donc aucun rôle direct ou indirect dans ce qui forme la pensée, les actions et les décisions des acteurs présents dans l’ouvrage ? On peut légitimement en douter. D’autant plus qu’au final, l’ensemble des actions des acteurs peuvent paraître, au lecteur, confuses ou volatiles, voire peu fondées. Cette impressions découle certainement du parti pris initial de Clark concernant les acteurs et leur constante marge de manoeuvre individuelle ainsi que de la volonté d’offrir un tableau d’une situation où tout n’est pas joué au début de la crise de juillet 1914, voire sur les attitudes changeantes des décideurs depuis 1912.

La formation intellectuelle des élites et leurs origines sociales ainsi que les discours intellectuels et nationalistes sont des éléments structurant la pensée et les actions de ces acteurs qui ne peuvent être si facilement écartés. Il manque alors à cet ouvrage une biographie de groupe afin de situer ces acteurs socialement et intellectuellement. Ainsi, concernant le scénario balkanique, Clark met en évidence la rhétorique des chefs de l’Etat de l’Entente et des récits «du déclin inévitable de l’Autriche» qui permettent de «légitimer la lutte des Serbes qui apparaissent comme les hérauts d’une modernité prédéterminée à balayer les structures obsolètes de la Double monarchie» (p. 350-351) alors qu’industriellement et administrativement l’Empire austro-hongrois est, contrairement aux Etats balkaniques, un des centres de la modernité. A d’autres moments, Clark met en évidence la surestimation générale des décideurs concernant la puissance économique et militaire russe. Le fait que ces récits sont largement partagés indique qu’ils ne naissent pas spontanément dans la tête des acteurs, mais s’inscrivent dans des processus infiniment plus complexes et des schèmes limitant le libre-arbitre décisionnel des individus.

Comment analyser également l’augmentation des budgets militaires, des dépenses d’armement et des effectifs des armées en temps de paix sans s’attacher aux liens de ces acteurs avec les milieux économiques et plus particulièrement avec l’industrie d’armement ? Pourtant, en pages 336-350, Clark évoque brièvement les différentes actions économiques impérialistes des puissances européennes dans l’Empire ottoman. Cet aspect d’une lutte économique, voire géopolitique, pour la conquête de nouveaux marchés est intéressante, mais cet axe n’est jamais développé par Clark qui en revient rapidement à des considérations purement militaire ou politiques.

L’absence d’un engrenage fatal et d’un responsable particulier au conflit mondial

L’ouvrage de Clark permet cependant de mettre en veilleuse les thèses des responsabilités du conflit ainsi que d’un soi-disant engrenage fatal qui aurait conduit au déclenchement de la Première Guerre mondiale du fait de la mécanique des alliances.

Clark met en évidence que les alliances au sein des deux blocs ne sont pas figées et que chaque situation potentiellement conflictuelle conduit les acteurs de chacun des Etats à considérer dans quelle mesure les termes de l’alliance seront à appliquer ou non. Les rapports de force entre les membres de chacune des alliances sont également susceptibles d’évoluer. Ainsi la Grande-Bretagne cherche autant à contenir l’Allemagne sur le continent européen que d’évaluer la menace que représente la Russie relativement à l’Empire britannique. A l’été 1914, ces menaces sont considérées comme équivalentes. Néanmoins, la majorité des décideurs britanniques considèreront que l’intervention de la Grande-Bretagne aux côtés de l’Entente offre les moyens de contenir tant la Russie (et de la contenter) que l’Allemagne (p. 537-538).

De même, au printemps 1914, l’Alliance franco-russe a également installé «un mécanisme de mise à feu géopolitique le long de la frontière austro-serbe» (p. 351) et les conditions d’un conflit sont remplies à cette date. En outre, le dilemme sécuritaire joue son rôle en plein soit le fait que «toute décision prise par un Etat pour renforcer sa sécurité augmente le sentiment d’insécurité des autres Etats, les forçant à se préparer au pire» (p. 314). Les éléments sont alors réunis pour qu’à tout moment une querelle balkanique se transforme en guerre européenne.
Clarke met également en évidence le caractère particulier de la situation à l’été 1914 :

«Une lointaine querelle dans la sud-est de l’Europe [devient] l’élément déclencheur d’une guerre continentale, alors qu’aucune des trois grandes puissances de l’Entente n’est attaquée directement, ni même menacée» (p. 528).

Cependant, depuis 1913, les puissances occidentales ont cessé de considérer l’Autriche-Hongrie comme le pivot de la stabilité de l’Europe centrale et orientale. Le sentiment du déclin inévitable de l’Autriche et parallèlement le sentiment de légitimité de la lutte des Serbes ne seront donc pas pour rien dans l’échec à maintenir la localisation du conflit dans les Balkans et entre les seules Autriche-Hongrie et Serbie. Pourtant, le 13 juillet 1914, Helmut von Moltke, chef d’état-major allemand, croira «encore possible que l’Autriche lance une offensive contre la Serbie et règle le conflit sans que la Russie n’intervienne» (p. 509). Alors que le gouvernement allemand n’a pas encore décrété l’état de guerre et que l’Autriche-Hongrie est toujours engagée dans une mobilisation partielle contre la Serbie, la mobilisation générale décidée par la Russie le 30 juillet 1914 est une décision lourde de conséquence qui transforme une guerre locale en conflit général.

Cependant, concernant au final la question des responsabilités, Clark conclut que

«Le déclenchement de la guerre de 1914 n’est pas un roman d’Agatha Christie à la fin duquel nous découvrons le coupable, debout dans le jardin d’hiver, un pistolet encore fumant à la main. Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie» (p. 551).

Avec son ouvrage, et malgré les faiblesses relevées, Christopher Clark fera date parmi les plus de 25’000 ouvrages et articles consacrés aux origines de la Première Guerre mondiale. L’ouvrage a l’avantage de ne pas se concentrer sur un seul pays, mais de permettre au lecteur d’englober le champ entier de l’Europe. L’ouvrage a également le mérite de traiter la situation des Balkans pour elle-même avant de s’attacher à la crise de juillet qui transforme une guerre locale en un conflit mondial. Le lecteur en conclut que rien n’était écrit d’avance et qu’en juillet 1914, l’Europe portait en elle les germes d’autres avenirs, sans doute moins terribles, que les gouvernants européens fonctionnant comme des somnambules ne surent ou voulurent saisir.

Clark, C. (2013). Les Somnambules. Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre. Paris: Flammarion, 668 pages.

Classé sous :Didactique, Histoire savante, Opinions&Réflexions, Publications Balisé avec :14-18

La planche du 6 août : Gen d’Hiroshima | SciencesDessinées

11 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Pour la commémoration du 69e anniversaire du bombardement nucléaire de la ville d’Hiroshima au Japon le 6 août 1945, difficile de ne pas présenter l’un des mangas les plus célèbres dans le monde : Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa. Gen d’Hiroshima fait partie des classiques des mangas. Sciences Dessinées nous présente le manga et analyse la planche.

Keiji Nakazawa, Gen d'Hiroshima, 1973-1985.

Keiji Nakazawa, Gen d’Hiroshima, tome 1, 1973-1985.

Les espaces de la destruction font place à une représentation des corps des habitants d’Hiroshima qui “ont tous l’air de monstres, déformés par les brûlures. Cette planche, tristement réaliste, emprunte des souvenirs d’enfance de Keiji Nakazawa, qui a lui-même vu son enfance transformée par la bombe atomique qui a détruit sa ville, pour devenir celle d’un survivant.

 Le manga, sous la forme qu’il a prise après 1945, est imprégné de l’expérience historique unique du Japon. […] Le manga contemporain est né dans le feu d’Hiroshima, qui lui a donné ce que Saya Shiraishi a baptisé “l’Expérience originelle” : l’histoire d’un groupe de jeunes survivants orphelins, soudé par l’amitié et le refus de mourir, qui lutte dans un univers postapocalyptique et fait se lever l’aube d’un monde nouveau. Ce scénario traumatique se retrouve sous mille et une formes dans le manga et ka japanimation. Dans sa version première, telle que Keiji Nakazawa l’a mise en scène en 1972 dans Gen d’Hiroshima, de jeunes héros à l’optimisme increvable luttent avec une claire conscience pour reconstruire un monde meilleur” (Jean-Marie Bouissou, 2008, “Pourquoi le manga est-il devenu un produit culturel global ?“, Esprit, n°7/2008, pp. 42-55).

Lire la présentation du manga et l’analyse de la planche : La planche du 6 août : Gen d’Hiroshima | SciencesDessinées:

Classé sous :Histoire savante, Nouvelles de l'histoire, Outils enseignement, sur le web

L'historien israélien Zeev Sternhell « ne voit pas la fin » de la guerre à Gaza

11 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Né en Pologne en 1935, Zeev Sternhell a vécu enfant les horreurs de la seconde guerre mondiale, qui l’ont conduit à se réfugier en France. Après-guerre, il a choisi de prendre la nationalité israélienne. Devenu historien, il s’est spécialisé dans l’histoire du fascisme et la montée du nationalisme en France. Considéré comme la « conscience de la gauche d’Israël », il pose un regard désabusé sur la situation politique de son pays. Pour Zeev Sternhell, la guerre en cours à Gaza n’est qu’une conséquence logique de l’échec des accords d’Oslo.

LeMonde.fr : Quel est votre sentiment sur le conflit qui oppose actuellement Israël aux factions armées palestiniennes dans la bande de Gaza ?
Zeev Sternhell : Si les choses s’étaient passées normalement, Gaza aurait dû être évacuée au moment des accords d’Oslo en 1993 et devenir une partie intégrale du futur Etat palestinien. C’est ce qui se serait passé si les accords d’Oslo avaient été mis en œuvre tels qu’ils avaient été pensés par Itzhak Rabin [assassiné le 4 novembre 1995 par l’extrémiste de droite Yigal Amir] et Shimon Pérès – bien que ce dernier soit un opportuniste qui, pour des raisons obscures, est considéré comme un grand homme. Si ces accords avaient été appliqués, les colonies juives de Gaza, entre 6 000 et 8 000 âmes à l’époque, auraient été évacuées. Cela aurait été un formidable signal pour mettre fin à la colonisation.

Tout se serait passé différemment car l’évacuation aurait eu lieu dans le cadre d’un accord entre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP, de Yasser Arafat) et Israël. Et non pas unilatéralement, comme l’a fait le premier ministre Ariel Sharon en 2005. 

Lire la suite : L’historien israélien Zeev Sternhell « ne voit pas la fin » de la guerre à Gaza:

Lire son portrait (en édition abonnés) : Zeev Sternhell, une passion française

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La longue histoire du conflit israélo-arabe

29 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

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Source :

[INFOGRAPHIE] La longue histoire du conflit israélo-arabe, par @AFPgraphics #AFP pic.twitter.com/VP1cvpR1fP

— Agence France-Presse (@afpfr) 28 Juillet 2014

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C'était quoi, les années 1990 ? | Mediapart

27 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

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Dans La Décennie, le grand cauchemar des années 1980 (Éditions La Découverte, 2006), l’historien des idées François Cusset avait montré comment cette période de l’Histoire avait constitué le triomphe d’une idéologie réactionnaire d’un genre nouveau, fondée sur la disparition de tout sens critique.

Il récidive à propos des années 1990 avec un ouvrage collectif intitulé Une histoire (critique) des années 1990, de la fin de tout au début de quelque chose, publié par les éditions La Découverte et le centre Pompidou Metz. En parallèle, le centre Pompidou Metz organise, du 24 mai 2014 au 2 mars 2015, une exposition intitulée 1984-1999 : La décennie.

Le livre, organisé en grandes thématiques (politique, cinéma, musique, économie, sport, arts visuels…) vise à analyser ce qu’on peut retenir des mutations intellectuelles, politiques, sensibles ou techniques qui se sont opérées pendant les dix années qui s’écoulent entre la chute du mur de Berlin et l’effondrement des Twin Towers.

Voir l’interview en vidéo de François Cusset sur les années 1990 : C’était quoi, les années 1990 ? | Mediapart

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Nul besoin de penser comme Hitler pour être nazi aujourd'hui | Slate

17 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

Le mouvement grec Aube dorée fait dorénavant régulièrement l’actualité. Cependant, il semble qu’un point demeure peu clair pour une grande part de l’opinion: comment peut-on être un grec néo-nazi? Le stéréotype de l’Aryen blond aux yeux bleus est dans les esprits, et il apparaît contraire à cette réalité. En fait, le néo-nazisme dont il est question est, sur bien des points, hétérodoxe quant aux conceptions d’Adolf Hitler. Il participe de cette tradition politique que l’historien britannique Roger Griffin avait surnommé l’«universal nazism». Il renvoie à l’histoire complexe des notions d’aryanité et d’européanité. En somme: le nazisme pour tous, c’est possible. Sparte: au nord, à droite Selon Aube dorée, ce n’est pas elle qui perpétue le nazisme, mais le nazisme qui copia la Grèce. Le parti affirme ainsi que son logotype n’aurait rien à voir avec le drapeau à croix gammée, mais tout avec l’antique méandre grec. Pour lui, c’est le national-socialisme allemand qui a copié les gréco-romains, et en particulier Sparte. Ce n’est pas complètement faux, mais c’est nettement plus compliqué que cette justification. Dès le début du nazisme, la question du dogme aryen a posé le problème: quelle analyse fallait-il faire des civilisations gréco-latines? Si le génie de la «race pure» provenait du grand Nord et s’était conservé dans les Allemands, pouvait-on désigner comme arriérées les civilisations méditerranéennes antiques? …

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La Première Guerre mondiale sur Dodis.ch

15 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

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«Allons donc! Croyez-vous que les grandes puissances voudront en découdre à cause de cette question locale?»
C’est avec ces mots que répond, le 20 juillet 1914, Arthur Zimmermann, sous-secrétaire de l’Office allemand des Affaires étrangères, à la demande d’Alfred de Claparède, représentant suisse à Berlin, lorsque ce dernier soulève la question d’un éventuel éclatement de la guerre (DDS, Vol. 6, doc. 3, dodis.ch/37181, original en allemand). Huit jours plus tard, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. En quelques jours, le conflit s’étend comme une traînée de poudre à toute l’Europe. L’attentat de Sarajevo contre François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, déclenche la Première Guerre mondiale.

Jusqu’à présent, la première série des «Documents Diplomatiques suisses », de 1848 à 1945, n’était disponible qu’en format papier ou rétrodigitalisé. Désormais, les documents retranscrits et annotés à partir des anciens volumes des DDS sont tous intégrés dans la base de données Dodis. Un siècle jour pour jour après l’éclatement du conflit, le volume publié en 1981, couvrant la période allant du 28 juin 1914 au 11 novembre 1918, est désormais indexé par thématique, personne et dénomination géographique. Il est consultable sur dodis.ch/1914-1918. Accessibles en ligne en format PDF, les documents du Conseil fédéral, de l’armée, de l’administration, des légations, mais également de privés offrent un aperçu des relations extérieures de la Suisse durant la Première Guerre mondiale.

Cinq thèmes principaux sont couverts par l’ensemble des 470 documents et du dossier :

  1. Une situation militaire menaçante : pour assurer la sécurité des frontières, le Conseil fédéral ordonne, le 31 juillet 1914 déjà, la mobilisation de l’armée (doc. 11, dodis.ch/37556). Il est intéressant de souligner que, durant la première année du conflit, la direction militaire considère que l’irrédentisme italien est la menace la plus sérieuse pour l’intégrité territoriale de la Suisse (doc. 30, dodis.ch/37559). Plus il devient évident que la situation sur le front ouest stagne, plus les craintes augmentent de voir les belligérants chercher une victoire décisive en passant par la Suisse (doc. 168, dodis.ch/37564; doc. 169, dodis.ch/37565 et doc. 252, dodis.ch/37571).
  2. «Nos réserves de denrées alimentaires sont presque épuisées» : bientôt, la position géographique de la Suisse se fait également sentir sur le plan économique. Les questions du commerce et de l’approvisionnement sont une priorité pendant les quatre années suivantes.
  3. Une politique de neutralité en sursis : plusieurs facteurs ont obligé le Conseil fédéral à défendre de manière répétée la neutralité de la Suisse vis-à-vis de l’étranger. Des incidents tels que l’affaire Obersten (doc. 166, dodis.ch/37473) ou encore l’affaire Hoffmann-Grimm (doc. 326, dodis.ch/37548) provoquent l’irritation des pays en guerre. Songeant au plan de leurs adversaires (passer à travers la Suisse), les puissances de l’Entente expriment nécessairement des réserves quant à la reconnaissance de la neutralité suisse, ce qui provoque les protestations du Conseil fédéral (doc. 364, dodis.ch/37483; doc. 365, dodis.ch/37185 et doc. 367, dodis.ch/37486).
  4. Le spectre de la révolution d’Octobre… : la dernière année de guerre se déroule sous l’influence de la révolution d’Octobre en Russie (doc. 355, dodis.ch/37605) et de l’aggravation des conflits sociaux en Suisse. Les rapports sur les atrocités commises par les bolchéviques (doc. 456, dodis.ch/37194), ainsi que les activités d’agitation de la mission diplomatique soviétique à Berne (doc. 462, dodis.ch/37629), alimentent la peur des autorités- et pas seulement en Suisse.
  5. Plaque tournante des activités humanitaires : en 1914, la Suisse organise le rapatriement de civils internés originaires des différents pays belligérants (doc. 51, dodis.ch/37577). Au début de 1915, le Conseil fédéral sert d’intermédiaire entre l’Allemagne et la France dans l’échange de prisonniers de guerre grièvement blessés (doc. 82, dodis.ch/37584 et doc. 86, dodis.ch/37585). Dès 1916, des prisonniers de guerre malades et invalides légers sont placés en convalescence sur le sol helvétique (doc. 120, dodis.ch/37589 et doc. 209, dodis.ch/37594). Le gouvernement se penche également avec attention sur la question de la Société des Nations comme future organisation permettant d’assurer la paix entre les Etats (doc. 432, dodis.ch/37640).

Le dossier et l’ensemble des documents : La Première Guerre mondiale sur Dodis http://www.dodis.ch/fr/communiques-de-presse/la-premiere-guerre-mondiale-sur-dodis

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La photographe Vivian Maier, entre mystère et surexposition | Télérama

12 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

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Autoportrait, sans date – © Vivian Maier/Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie, Paris

Née à New York en 1926, Vivian Maier mourut à Chicago en 2009, dans l’anonymat. Avant de ressortir de l’oubli, quand ce qui avait été sa double vie éclata au grand jour : la nourrice Vivian Maier, vivant dans l’ombre des familles qui l’employaient à Chicago, cachait une photographe de génie. Cette histoire est aujourd’hui l’objet d’un documentaire coréalisé par John Maloof, qui découvrit les photos de Vivian Maier, et Charlie Siskel. C’est ce dernier que Telerama a rencontré pour prolonger la vision de ce film passionnant mais qui, comme toute l’histoire de la si curieuse et si secrète photographe, soulève beaucoup de questions. Ce que le titre annonce clairement : partons donc A la recherche de Vivian Maier…
Lire l’article : La photographe Vivian Maier, entre mystère et surexposition | Télérama :http://www.telerama.fr/cinema/la-photographe-vivian-maier-entre-mystere-et-surexposition,114463.php

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