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Histoire Lyonel Kaufmann

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Opinions&Réflexions

La Suisse et la Première Guerre mondiale : 3. la question des étrangers

26 août 2014 by Lyonel Kaufmann

Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?»

Alors que jusqu’en 1888 en Suisse, la balance migratoire était traditionnellement négative, la situation s’inverse à partir des années 1890. Dès 1900, la «question des étrangers» se pose dans la société suisse et devient dominante à partir de 1910 (Arlettaz 2004 : 14) principalement en raison de la montée en puissance du mouvement ouvrier à laquelle s’ajoute la montée des nationalismes. Dans un premier temps, la réponse à cette question consistera été de faciliter l’octroi de la nationalité des étrangers dans une vision libérale de la société considérant que « la Suisse est en mesure d’«assimiler» les étrangers, de les faire siens » (Arlettaz 2004 : 14). Marquant un tournant dans l’attitude à l’égard des étrangers, la Première Guerre mondiale voit la population étrangère diminuer d’un tiers et la suppression de la libre circulation des personnes entre Etats. Avec et après la Première Guerre mondiale, l’attitude change au sujet de l’intégration et de l’«assimilation» des étrangers et, de libérale, la politique suisse à l’égard des étrangers deviendra protectionniste et centralisatrice. Les effets de cette politique structurent aujourd’hui encore le champ politique suisse et ses débats à l’égard de la population étrangère.

La question des étrangers durant la Première Guerre mondiale Alors qu’en 1910, la population étrangère établie en Suisse s’élevait à 795’000 personnes, la Suisse ne comptera plus que 402’000 étrangers en 1920. Entre 1913 et 1920, le mouvement d’émigration nette est de l’ordre de 156’000 personnes. Par ailleurs, durant la guerre, le nombre de personnes venant chercher refuge en Suisse et celui des prisonniers de guerre internés est estimé à quelque 30’000 personnes.

Dès janvier 1916, la Suisse accueille les premiers prisonniers de guerre blessés ((Documents : Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département politique, A. Hoffmann. Le ministre fait campagne pour faire aboutir le projet de rapatriement des prisonniers de guerre grièvement blessés. DDS, vol. 6, doc. 82. et Le gouvernement suisse est prêt à mettre à la disposition du gouvernement français la Croix-Rouge suisse et des trains sanitaires pour rapatrier des militaires invalides. DDS, vol. 6, doc. 86.)). De 1916 à 1918, ils seront au total 67’000 à séjourner en Suisse. Ils seront, en moyenne mensuelle, 27’500 de 1917 à 1918. Leur présence inquiète les milieux ouvriers en raison de la concurrence sur le marché du travail des prisonniers aptes au travail. Sous la pression des socialistes, des prescriptions seront édictées par le Conseil fédéral dès juillet 1916 pour réglementer le travail des internés. Parallèlement, les socialistes interviennent en faveur des internés pour dénoncer les mauvaises conditions de logement et de nourriture. De leur côté, les milieux conservateurs «insistent sur le manque de discipline des internés et les excès de tolérance des autorités suisses» (Arlettaz 2004 : 72).

ww1-14-hist-00323-21Genève. Passage par la Suisse d’un train se dirigeant vers Lyon en France et transportant de grands blessés et du personnel sanitaire. Ces blessés sont d’anciens prisonniers de guerre français qui ont été détenus en Allemagne. © Phototèque CICR / DR / R. Gilli / hist-00323-21. Lien : http://www.icrc.org/fre/resources/documents/photo-gallery/2014/150-years-world-war-1.htm

Dans le même temps, la Première Guerre mondial a représenté un défi important pour le CICR. Celui-ci a visité des prisonniers de guerre, s’est efforcé – pour la première fois – de venir en aide aux populations civiles et a mené campagne contre les armes chimiques ; à la fin de la guerre, il a visité des prisonniers politiques pendant la révolution hongroise. De plus, le CICR crée, à l’initiative de son président et futur conseiller fédéral, Gustave Ador, l’Agence internationale des prisonniers de guerre. L’Agence avait pour objectif de centraliser les informations concernant les prisonniers de guerre pour pouvoir informer leurs proches et rétablir le contact. Durant et à la suite de la guerre, les volontaires qui travaillaient à l’Agence ont établi des fiches et des listes concernant près de deux millions et demi de prisonniers de guerre (Histoire du CICR).

03-aipg-hist-03557-24Agence internationale des prisonniers de guerre. Service de recherches des disparus. Classement préliminaire. Les principes et méthodes sont définis au fur et à mesure, suivant les problèmes à résoudre. Pour que la masse énorme de renseignements traités soit exploitables, chacun d’eux est analysé et trié. © Photothèque CICR (DR) / Boissonnas / hist-03557-24. Lien : http://www.icrc.org/fre/resources/documents/photo-gallery/2014/150-years-aipg-ww1.htm.

Par ailleurs, la Suisse accueille également un certain nombre d’immigrés et d’exilés, fuyant le conflit pour des raisons anti-militaristes ou représentants de minorités nationales et susceptibles de créer des tensions internationales. Dans un premier temps, les sympathies à leur égard dépend des affinités à l’égard des belligérants. Cependant, à partir de 1917, «les déserteurs et les réfractaires apparaissent comme une menace pour la sécurité du pays, dont ils accentuent les clivages socio-politiques» (Arlettaz 2004 : 74). Devant la montée du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux trouvant leurs origines dans la dégradation des conditions de vie durant la guerre, les étrangers vont constituer, pour les élites, un bouc-émissaire commode et un moyen de discréditer le mouvement ouvrier suisse en le déclarant à la botte d’un complot téléguidé de l’extérieur du pays.

Lenin1914

Lénine, ici en 1914 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lénine#mediaviewer/Fichier:Lenin1914.jpg), est un des immigrés les plus célèbres ayant vécu en Suisse durant la guerre. Pour un résumé de sa présence et de son action en Suisse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lénine#Premi.C3.A8re_Guerre_mondiale.

Entre 1917 et 1919, en lien avec la crise économique et sociale qui frappe la Suisse, la pratique du refuge se durcit qui «traduit les difficultés de concilier une politique humanitaire avec les exigences d’une société en crise» (Arlettaz 2004 : 72). A titre d’exemple, le 1er mai 1918, le Conseil fédéral arrête que les déserteurs et réfractaires, désormais assimilés aux révolutionnaires russes et qui voudront franchir la frontière, devront être empêchés ou refoulés. Sous la pression de la gauche et d’un revirement d’une partie de la droite, l’arrêté est abrogé le 29 octobre 1918, mais les mesures possibles d’expulsion sont renforcées. Cet arrêté «renverse les fondements de la politique d’asile» (Arlettaz 2004 : 77).

En définitive, la substitution d’une population étrangère intégrée par des immigrés de guerre «va profondément modifier l’attitude et la politique de la Suisse à l’égard des étrangers» (Arlettaz 2004 : 72). Désormais, la peur de l’étranger dominera la politique suisse à leur égard et s’incarnera au travers du concept, difficilement traduisible en français, d’« Ueberfremdung ». Il s’agit de la crainte d’un envahissement résultant d’une surpopulation étrangère (envahissement de la Suisse par les étrangers).

Les conséquences de la Première Guerre mondiale sur la politique suisse à l’égard des étrangers

En 1920, la première initiative populaire xénophobe est lancée dans un contexte de crise et de réorientation économique du pays. A ce moment-là, les secteurs économiques le plus touchés sont ceux liés à l’industrie d’exportation. L’agriculture est en récession et le système monétaire européen est désorganisé alors que le marché intérieur est concurrencé par des produits importés bon marché. Des tensions sociales apparaissent suite à la baisse des salaires, réponse des milieux économiques à la crise et à la concurrence. En outre, en décembre 1921, 10,5% de la population active est au chômage. S’ajoute encore une crise du logement (Garrido 1987).

Au niveau politique, cette initiative coïncide avec la montée en puissance d’un nouveau parti : le parti des Paysans, Artisans et Bourgeois (PAB). Ce dernier est l’ancêtre de l’actuel parti populiste et extrémiste de l’Union démocratique du Centre (UDC). Le PAB a été fondé à la suite de la Grève générale de 1918. Le point central du programme du PAB réside alors dans son refus de l’urbanisation et de l’industrialisation dont le pendant est une forte nostalgie du passé.

laur800x0 Source de l’image : http://www.ufarevue.ch/fra/zum-50.-todestag-von-ernst-laur_1237150.shtml

Les écrits d’Ernst Laur, chef de file du PAB, illustrent ceci et sert de filiation pour saisir l’attitude actuelle de l’UDC vis-à-vis des étrangers et de l’Union européenne :

<p« Dans la caserne locative, au contraire, sur les boulevards et dans les lieux de réjouissance de la grande ville, le développement cosmopolite de la ville étouffe souvent l’idée de patrie et celle-ci se trouve même tout-à-fait reléguée à l’arrière-plan par des intérêts économiques internationaux. C’est dans les grands centres que naissent les relations internationales, les associations et les partis internationaux; […]. » (Laur 1919 : 20)

Parallèlement, entre 1917 et 1931, la Confédération élabore une politique de séjour et d’établissement des étrangers «qui trouve sa justification officielle dans la lutte contre la « surpopulation étrangère »» (Arlettaz 2004 : 95). Cette politique officielle est donc fortement influencée par les conceptions de l’Ueberfremdung. En 1931, la première Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers fixe une politique permettant tout à la fois de restreindre l’immigration tout en répondant aux besoins des milieux économiques par une flexibilisation du marché du travail. Elle consacre l’alliance entre les élites libérale, conservatrice et nationaliste. Quatre types de permis sont instaurés dont le statut temporaire de saisonniers interdisant le regroupement familial. Seule l’entrée en vigueur en 2002 de l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union Européenne (UE) abolira ce statut inique que certains vainqueurs de la votation du 9 février 2014 voudraient réinstaurer.

Prochain article : La Suisse et la Première Guerre mondiale : 4. dans les manuels

Bibliographie

Arlettaz, G., Arlettaz S. (2004). La Suisse et les étrangers. Immigration et formation nationale (1848-1933). Lausanne : Antipodes & Société d’Histoire de la Suisse romande.

Dessemontet, P. (2014). Requiem pour une Willensnation. In L’Hebdo (15.02.2014). En ligne. Dernière consultation le 19 février 2014. Lien : http://www.hebdo.ch/les-blogs/dessemontet-pierre-la-suisse-à-10-millions-dhabitants/requiem-pour-une-willensnation

Garrido, A (1987). Le début de la politique fédérale à l’égard des étrangers. Lausanne : Histoire et société contemporaines.

Grandjean, M. (2014). Suisse : La votation sur l’immigration en un graphique. 09.02.2014. En ligne. Dernière consultation le 19 février 2014. Lien : http://www.martingrandjean.ch/suisse-la-votation-sur-limmigration-en-un-graphique/

Histoire du CICR : La Première Guerre mondiale : http://www.icrc.org/fre/who-we-are/history/first-world-war/index.jsp

Kaufmann, L. (2014). La Suisse, entre ouverture au monde et syndrome de l’enfermement. In Le Café pédagogique, No 150, février. Lien : http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoire/Pages/2014/150_lachronique.aspx

Laur, E. (1920). Politique agraire. Genève/Lausanne.

Classé sous :Histoire savante, Opinions&Réflexions

La Suisse et la Première Guerre mondiale : 2. économie de guerre et situation sociale

22 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?».

Les implications économiques de la guerre

« Partie intégrante du système capitaliste mondial, la Suisse ne pouvait échapper aux implications économiques de la guerre » (Jost 1983 : 91). A la veille de la Première Guerre mondiale, les importations s’élèvent à 46,1% du revenu national suisse alors que les exportations en représentent le 33% (Jost 1983 : 92). La Suisse ne retrouvera pas de telles proportions après 1918.

Prise en tenailles par la guerre économique des belligérants, la Suisse doit conclure des accords pour son approvisionnement. Les Alliés lui imposent des négociations, qui aboutissent à la création en octobre 1915 de la Société suisse de surveillance économique (SSS). Cette dernière limitait fortement l’indépendance économique du pays.  En 1918, l’Allemagne obtiendra la création d’un organisme de contrôle conçu sur le même modèle, la Schweizerische Treuhandstelle (ou STH), qui succède à la Treuhandstelle Zürich. Néanmoins, en raison de l’embargo britannique, puis de la guerre totale menée par les sous-marins allemands, la Suisse éprouve de plus en plus de peine à s’approvisionner.

p3011William Rappard. Source : http://www.unspecial.org/UNS682/t34.html

Début 1918, le professeur William Rappard décrit la situation au colonel House, diplomate américain :

«Nos réserves alimentaires sont presque épuisées, nos rations quotidiennes sont largement inférieures à celles des pays en guerre» ((Document : Le Professeur W. Rappard au Colonel House. Renseignements sur l’opinion publique suisse après la conclusion de l’accord économique avec les Etats-Unis. L’importance politique du ravitaillement de la Suisse par les Etats-Unis. Quelques informations sur la situation internationale: situation dans les Empires Centraux après Brest-Litovsk, la politique à suivre pour briser le militarisme allemand. DDS, vol. 6, doc. 379.)).

Au final, le pays «naviguera» entre les différents belligérants pour assurer son approvisionnement et céder si nécessaire « aux exigences économiques des puissances étrangères » (Jost 1983 : 94). L’économie suisse produisit et vendit également « une importante production de matériel de guerre et de munitions destinée aux pays en guerre »  (Jost 1983 : 94). Mais, comme l’indique Walter (2010 : 126)

« comment faire comprendre que des machines achetées en Allemagne et payées avec des produits helvétiques allaient ensuite fabriquer des armes pour l’Entente, à condition toutefois que les Suisses puissent manger du pain pétri grâce aux céréales américaines ! »

D’autre part, la Première Guerre mondiale permet d’installer la Suisse comme place financière internationale et son industrie bancaire prend définitivement son envol. Durant les quatre ans de guerre, profitant de ce que leurs concurrentes étrangères sont affaiblies, les banques suisses vont occuper l’espace laissé libre. Dépendant des partenaires étrangers avant 1914, les établissements suisses purent acquérir une solidité et des marges suffisantes pour acquérir une autonomie face à leurs concurrents et s’emparer de parts de marchés dans le contexte de la réorganisation de l’économie mondiale. Pour Jost (1983 : 93), « avec la Première guerre mondiale, une nouvelle époque commence pour l’économie suisse ».

Sur le plan financier, les recettes de la Confédération reposaient en 1914 à 85% sur le produit des douanes. Ce chiffre tomba à 52% en 1916, 31% en 1917, 18% en 1918, puis remonta en 1919 (24%). Il fallait trouver d’autres ressources. L’emprunt fut le moyen privilégié de la Confédération (912 millions), des cantons et des communes. A fin 1918, le découvert de la Confédération atteignait 1,5 milliard de francs (en 1913, elle dépensait quelque 110 millions), celui des cantons et des communes plus d’un demi-milliard. L’endettement total dépassait 5,5 milliards. De nouveaux impôts furent donc perçus (article Guerre mondiale, DHS).

La situation économique et sociale du pays durant le conflit

Au niveau économique et social, la Première Guerre mondiale désorganise l’économie du pays, rend difficile l’approvisionnement de la population, augmente la paupérisation d’une partie de plus en plus importante de la population (fin 1918, 18,5% de la population bénéficie de prestations de secours), conduit au recul de l’activité dans de nombreux secteurs industriels, fait stagner les salaires (on estime à 25-30% la diminution du revenu réel après trois ans de guerre), renchérit les prix à la consommation (son indice passe de 100 en 1914 à 229 en 1918) et débouche en 1918 sur une crise politique sociale et majeure avec le déclenchement d’une Grève générale. Cette dernière marquera l’ensemble de la politique suisse durant l’Entre-deux-guerres et au-delà.

La Grève générale sera été précédée de signes avant-coureurs auxquels les autorités politiques n’ont pas voulu prêter l’attention nécessaire. Ainsi, dès 1916, les problèmes d’approvisionnement déclenchent des troubles sur les marchés de plusieurs villes dont Berne et Zurich. En 1917, des comités de soldats antimilitaristes voient le jour, plus spécialement en Suisse alémanique. Localement les grèves se multiplient (Walter 2010 : 131). Tout ceci contraste, comme l’indique Walter, avec la prospérité des secteurs profiteurs de l’économie de guerre (Walter 2010 : 132). De plus, des branches comme l’industrie textile ne retrouvèrent pas le niveau d’avant 1914. D’autres par contre, la métallurgie, l’industrie des machines, la chimie, la pharmacie, les banques et les assurances deviendront des secteurs moteurs.

Robert.grimmRobert Grimm, un des principaux dirigeants socialistes et du mouvement ouvrier de la période ((C’est à l’initiative de Grimm que se tient, en septembre 1915, la Conférence de Zimmerwald, petit village campagnard du canton de Berne, réunissant trente-huit responsables politiques de gauche – dont Lénine et Trotsky – qui s’opposent au conflit et à la participation des socialistes à l’effort de guerre de leurs pays respectifs (https://www.marxists.org/francais/inter_com/1915/zimmerwald.htm  et http://fr.wikipedia.org/wiki/Conférence_de_Zimmerwald). Une deuxième conférence se déroulera ensuite, toujours dans l’Oberland bernois, à Kiental en 1916, voir Degen 2007 et 2013.)). Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Grimm

Ainsi, l’Union sacrée, qui avait conduit en 1914 le Parti socialiste suisse a voter les pleins pouvoirs au Conseil fédéral, vole rapidement en éclat. Dès 1916, les inégalités sociales croissantes ne purent plus être ignorées. La trêve conclue au début de la guerre entre la bourgeoisie et le prolétariat fut rompue. En 1917, le Parti socialiste rejette le principe de la défense nationale.

Par ailleurs, la situation économique et sociale durant la guerre amène les ouvriers à chercher aide et protection auprès des syndicats et du parti socialiste. Ainsi, L’Union syndicale suisse (USS) passe de 65’000 membres en 1914 à 148’000 en 1917-1918, puis à 223’000 en 1923 (Jost 1983 : 125).

Le traumatisme de la Grève générale de novembre 1918

Strike_1918_ZurichGrève générale en Suisse de 1918 : Photo prise sur la Paradeplatz de Zurich avec des manifestants et des cavaliers de l’armée face à face. Scan du livre « L’aventure Suisse de siècle en siècles », Migros (1991).

En 1918, devant la situation intérieure et extérieure, une conférence est mise sur pied à Olten en février et un comité est créé. En novembre, ce comité d’actions (Comité d’Olten) élabore un programme de revendications politiques et sociales en neuf points : renouvellement immédiat du Conseil national d’après la proportionnelle (système qui venait d’être accepté le 13 octobre), introduction du suffrage féminin, du devoir de travailler pour tous, de la semaine de 48 heures, d’un monopole de l’Etat pour le commerce extérieur, d’une assurance vieillesse et invalidité, d’un impôt sur la fortune pour payer la dette publique, d’une organisation assurant le ravitaillement et enfin d’une réforme de l’armée (Degen 2012).

La fin de la guerre et l’anniversaire de la Révolution d’Octobre précipitent les événements. Le comité d’Olten lance un appel à la grève générale dès le 11 novembre. Dès le 12 novembre, la grève générale est très largement suivie dans les villes industrielles de Suisse allemande. Le Conseil fédéral décide alors de soumettre le personnel de la Confédération à la loi martiale et cette démarche sera suivie par plusieurs gouvernements cantonaux. 100’000 soldats, provenant des cantons ruraux sont dépêchés par le Conseil fédéral dans les villes pour assurer le service d’ordre. Des heurts violents les opposeront avec les ouvriers. Par ailleurs, la bourgeoisie s’organise en unités de gardes civiques pour contrer les grévistes. Le Comité d’Olten décide le 14 novembre de mettre fin à la Grève générale. Par la suite, trois de ses membres seront emprisonnés. Parmi ceux-ci, Robert Grimm profitera de son séjour en prison pour rédiger une Histoire de la Suisse sous un angle socialiste.

Robert_GrimmLa photo des membres du comité d’Olten devant le tribunal lors de leur procès. Source : http://www.robertgrimm.ch/icc.asp?oid=8814

Née avec la Première Guerre mondiale, la Grève générale fera figure de traumatisme. Elle servira pendant plusieurs décennies à dénigrer la gauche. La droite entend en restreindre sa signification aux «influences étrangères» et développe l’idée d’un complot lancé de Pétrograd ou de Berlin pour déstabiliser la démocratie avec la complicité des socialistes suisses. Pour leur part, les socialistes «dénoncent d’entres influences étrangères, celles de la bourgeoisie capitaliste internationale, des riches hôtes qui fréquentent les hôtels» (Arlettaz : 86). La grève générale installera également une hostilité durable entre les ouvriers et le monde paysan, permettant ainsi à la bourgeoisie de maintenir sa domination.

Cependant, si les grévistes ont perdu en 1918, la plupart de leurs revendications trouveront leur concrétisation dans l’Entre-deux-guerres ou juste après 1945. C’est ainsi que le système politique est réformé et passe au système proportionnel pour les élections fédérales, que la semaine de 48 heures de travail (au lieu de 66) est adoptée en 1919 déjà, que la Grève générale fut à la base des conventions collectives signées avant la fin de la guerre et qu’en 1948 sera adoptée une Assurance vieillesse et survivants (AVS). Pour sa part, le parti radical, fondateur de la Suisse moderne en 1848, continuera d’amorcer sa chute et voit se créer sur sa droite l’ancêtre du parti populiste, voire extrémiste, de l’Union démocratique du centre (UDC).

Prochain article : La Suisse et la Première Guerre mondiale : 3. la question des étrangers

Bibliographie

Arlettaz, G., Arlettaz S. (2004). La Suisse et les étrangers. Immigration et formation nationale (1848-1933). Lausanne : Antipodes & Société d’Histoire de la Suisse romande.

Degen, B. (2007). « Kiental, Conférence de  ». In Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 16.08.2007. Lien : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17331.php

Degen, B. (2012). « Grève générale ». In Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 09.08.2012. Lien : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F16533.php

Degen, B. (2013). « Zimmerwald, mouvement de ». In Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 17.07.2013. Lien : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17330.php

Eberle, T. S., Imhof, K. (2006). Sonderfall Schweiz. Zürich : Ed. Seismo.

Guerre mondiale, Première. Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F8926.php .

Guex, S. (1993). La politique monétaire et financière de la Confédération suisse 1900-1920. Lausanne.

Jost, H.-U. (1983). Menace et repliement 1914-1945. In Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses. Tome 3. Lausanne : Payot, pp. 91-178.

La Première Guerre mondiale sur Dodis. Documents Diplomatiques suisse : http://www.dodis.ch/fr/communiques-de-presse/la-premiere-guerre-mondiale-sur-dodis 

Walter, F. (2010). Histoire de la Suise. Tome 4 : La création de la Suisse moderne (1830-1930). Neuchâtel : Editions Alphil – Presses universitaires suisses.

Classé sous :Histoire savante, Opinions&Réflexions

La Suisse et la Première Guerre mondiale : 1. le délire général et le «Röstigraben»

21 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Si la Suisse a été épargnée militairement par la Première Guerre mondiale, elle n’en a pas moins été partie prenante ou touchée indirectement par le conflit mondial. Les conséquences de cette période modèleront durablement la Suisse après la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Cette série d’articles a pour objectif de donner des éléments d’intelligibilité de l’histoire de cette période pour la Suisse au lecteur d’aujourd’hui et de répondre à la question : «Pourquoi enseigner la Première Guerre Mondiale en Suisse ?».

« La déclaration de guerre surprit la Suisse en pleine période de prospérité. Le 1er août 1914, le jour de notre fête nationale, le Conseil fédéral mobilisa l’armée et adressa aux grandes puissances une solennelle déclaration de neutralité. Le colonel Ulrich Wille, de Zurich, fut élu général. La mobilisation s’effectua dans un ordre parfait, et, jusqu’à la fin des hostilités, nos différents corps de troupes prirent tour à tour les armes pour garder nos frontières. » (Michaux 1939 : 151)

Dans la plupart de nos manuels d’histoire, à l’exemple du Michaud, tout semble limpide dans le processus de mobilisation décrété par la Suisse et la nomination d’Ulrich Wille comme général. L’alliance est parfaite entre le politique, la population et l’armée.

Pourtant tout fut loin d’être si simple. Et particulièrement la nomination d’Ulrich Wille au poste de général de l’armée suisse. Dès le début du conflit, la méfiance, qui se transformera en profond fossé, s’installe entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. L’attitude de l’état-major général de l’armée suisse, et notamment celle d’Ulrich Wille, joueront un rôle central dans la formation de ce qui est communément appelé le « Röstigraben ». Par ailleurs, si le Conseil fédéral fait sa déclaration de neutralité, celle-ci n’ira pas de soi ainsi que l’illustrera en 1915 l’affaire des colonels ou en 1917 l’affaire Grimm-Hoffmann qui se conclut par la démission du conseiller fédéral Hoffmann.  Enfin le rôle joué par l’armée à l’égard de manifestations ou de la grève générale de 1918 résultant de la situation socio-économique désastreuse pèse encore sur les relations de la gauche avec l’institution militaire, de même que l’emploi de troupes de cantons ruraux installera « une hostilité durable entre les ouvriers et le monde paysan » (Walter 2010 : 134). D’autant plus que l’armée fut une dernière fois mobilisée en 1919 pour assurer le service d’ordre lors des grève de l’été.

Pour mieux comprendre les dessous de l’élection d’Ulrich Wille et l’attitude du général durant le conflit, nous disposons du livre-document de Nicolas Meienberg, datant de 1987 (édition allemande) et intitulé « Le Délire général. L’armée suisse sous influence ». Ce livre s’intéresse à la famille d’Ulrich Wille, plus particulièrement le père et le fils qui furent tous deux officiers d’Etat-major. Le fils, Ulrich II, sera même le rival d’Henri Guisan au poste de général lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Pour réaliser son ouvrage fondé sur la correspondance du général avec sa femme Clara, née comtesse de Bismark, Nicolas Meienberg dut user d’un subterfuge devant l’embargo mit par la famille à la consultation des archives à l’égard des travaux non complaisants.  A la fin de son livre, l’évocation du procédé utilisé par Meienberg mérite d’être rapportée :

« Le présent ouvrage n’aurait pas été possible sans la collaboration de la famille Wille : qu’elle en soit donc remerciée en premier lieu. Jürg Wille, archiviste à Mariafeld [propriété de la famille Wille], et pour ainsi dire chef du clan, a exposé au musée local de Meilen, de janvier à mars 1987, quelques pièces de l’héritage familial (heures de visite le dimanche de 14h à 17h) […].

Le lutrin du général était également exposé, et on y découvrit, en y regardant de plus près, un livre grand format, relié en cuir verdâtre, portant l’inscription gravée «Lettres du général à sa femme 1914-1918», et il s’agissait effectivement des lettres que la famille Wille n’avait jusqu’ici jamais montrée au public […]. Le gardien du musée local n’avait encore jamais vu quelqu’un feuilleter ce livre et il se réjouit que son contenu plaise tant au photographe Roland Gretler et à moi-même : il ne s’opposa donc pas à ce que je recopie quelques passages avec un crayon de couleur (modèle 1918, rouge), également exposé et ayant appartenu au général, ni à ce que Roland Grettler photographie quelques douzaines de pages (une coupe représentative des lettres de 1916-18).»

(Meienberg : 205-206).

Lors d’une deuxième visite, la situation fut plus précaire, mais permis néanmoins de copier environ 10% des lettres de cette période et toutes celles se rapportant à la grève générale de 1918 purent être photographiées.

a) l’élection d’Ulrich Wille par les Chambres fédérales.

Mais revenons à l’élection du 3 août 1914. Ce jour-là, à l’Assemblée fédérale, nous trouvons, d’un côté, la volonté du conseiller fédéral Arthur Hoffmann, d’origine allemande, de faire nommer Ulrich Wille, un homme qui connaissait personnellement Guillaume II, empereur d’Allemagne, et qui avait ses entrées en Allemagne, via son épouse née Bismark. De l’autre, les réticences notamment de la Suisse romande, exprimées à la tribune par le conseiller national vaudois Edouard Secrétan, et qui voyent en Wille l’homme de l’Allemagne aux pratiques dictatoriales et aux manières arrogantes. Les adversaires de Wille ont même un candidat : Théophil Sprecher von Bernegg, chargé depuis 1907 de mettre en application la nouvelle organisation de l’armée. Les manoeuvres en coulisses durent toute la journée et ce n’est qu’à 20h20 que le président de l’Assemblée fédérale peut donner le résultat du scrutin : 122 voix pour Wille, 63 pour von Sprecher et 7 bulletins blancs. L’élection ne fut donc pas de tout repos.

Ulrich_Wille

Ulrich Wille durant la Première Guerre Mondiale. Wikipedia (https://en.wikipedia.org/wiki/Ulrich_Wille)

Au déclenchement de la guerre, 238’000 hommes seront convoqués sous les drapeaux ainsi que 50’000 chevaux. Pas plus que les autres pays, la Suisse n’est prête pour une guerre totale de longue durée.

b) Un pays neutre prêt aux alliances

La neutralité n’allait pas forcément de soi avant la déclaration solennelle du 4 août 1914 ((Document : Instructions du Conseil fédéral au général Wille concernant l’accomplissement de sa tâche. DDS, vol. 6, doc. 15)).

En 1912, Guillaume II entreprend une visite en Suisse, accompagné d’une importante délégation militaire. Son objectif ? vérifier que le dispositif militaire helvétique résiste à une éventuelle contre-offensive française à travers la Suisse pour répondre à la stratégie du maréchal Von Schlieffen prévoyant le passage des troupes allemandes à travers le Luxembourg et la Belgique. De son côté, la France comptait également sur la solidité du dispositif militaire afin de consacrer le maximum de forces à une offensive au travers de l’Alsace-Lorraine (Walter 2010 : 122-123).

Carte postale illustrant la visite du Kaiser en 1912 (via www.switzerland1914-1918.net)

Carte postale illustrant la visite du Kaiser en 1912 (via www.switzerland1914-1918.net)

En 1912 toujours, devant la forte dépendance vis-à-vis de la Suisse concernant son approvisionnement, le Conseil fédéral envisagea même l’idée d’une alliance avec l’un des futurs belligérants. Dans la tradition de ses prédécesseurs, le chef de la division de l’état-major Theophil Sprecher von Bernegg avait préparé, de concert avec le Conseil fédéral, une liste des points à négocier, le cas échéant, avec un partenaire susceptible d’entrer dans une éventuelle alliance défensive. Le fait que la Suisse dépende, pour ses importations, à part égale des pays de l’Entente et des Puissances centrales joua certainement un rôle dans l’abandon d’une telle solution en 1914.

Après le déclenchement du conflit, l’état-major général de l’armée suisse, sous la conduite d’un général ouvertement favorable à l’Allemagne et composé d’officiers supérieurs alémaniques ne voit pas forcément les choses du même oeil. Le 20 juillet 1915, le général Wille proposa ainsi au Conseil fédéral d’entrer en guerre au côté des Empires centraux ((Document : L’opinion de Wille sur le projet d’instituer la Société suisse de Surveillance économique (SSS). Edition: DDS, vol. 6, doc. 137)). Ces propos, révélés par la presse, suscitèrent un fort mécontentement en Suisse romande.

Du point de vue militaire, le dispositif mis en place en août 1914 et élargi en 1915, communément résumé à la « couverture frontière », subsista dans ses grandes lignes jusqu’en 1918.

c) L’affaire des colonels comme illustration du fossé entre Suisse romande et Suisse alémanique

En décembre 1915, l’affaire des colonels éclate ((Voir l’article du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) :  http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17332.php)) : le général avait permis au service de l’information de l’armée, via deux de ces officiers, à violer la neutralité de la Suisse en fournissant des informations quotidiennes aux légations d’Allemagne et d’Autrichie en échange d’informations allemandes ((Document : Wille exprime son indignation du fait qu’une «source suisse» ait pu informer l’Ambassade de France que les bulletins de l’Etat-Major Général sur la situation militaire seraient communiqués à la Légation d’Allemagne et conteste cette information. DDS, vol. 6, doc. 162)). Lorsque l’ambassade de France, découvrant le pot aux roses, en informe le Conseil fédéral, les deux colonels suisses alémaniques sont simplement déplacés par la hiérarchie militaire. Au final, ils seront condamnés à 20 jours d’arrêts de rigueur et le Conseil fédéral les suspend de leur fonction. L’affaire suscite ainsi le tollé et des manifestations en Suisse romande (Meienberg : 44 et Walter : 129).

place_du_parvis_en_ruineParvis de la cathédrale de Reims après le bombardement.

Rapidement, le conflit creuse un fossé, susceptible de créer une scission, entre les Alémaniques et les Romands, « les uns prenant parti pour l’Allemagne, les autres pour la France; ce qui contribua à enliser la Suisse dans le marais de la propagande de guerre» (Jost: 95). Ce fossé débouche sur des tensions culturelles et morales, alimentées dès le début chez les francophones par la violation de la neutralité belge ou le bombardement de la cathédrale de Reims. Partout, la haine du « boche» s’exprime en Suisse romande (Walter : 128). La Suisse est ainsi «un état tampon au coeur d’une Europe travaillée par les rivalités impériales » (Walter 2010 : 119). Au risque de fracasser son unité.

d) L’affaire Grimm-Hoffmann : une crise au sommet de l’Etat

En 1917, le conseiller fédéral Arthur Hoffmann, qui dirige les Affaires étrangères depuis 1914, se fait une dernière fois piéger dans ses tentatives de médiation entre les belligérants. C’est l’affaire Grimm-Hoffmann ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Grimm-Hoffmann)). Il fait envoyer au socialiste Robert Grimm, en voyage en Russie, des informations. Il s’y réjouit aussi des chances d’une paix séparée en faveur de l’Allemagne ((Document : Hoffmann transmet à Grimm une communication sur les conditions de paix et les buts de guerre de l’Allemagne. DDS, vol. 6, doc. 316)). Malheureusement pour Hoffmann, son télégramme est intercepté par le ministre russe des Affaires étrangères. Hoffmann est alors contraint de démissionner ((Document : Lettre de démission de Hoffmann. DDS, vol. 6, doc. 322 et Le Ministre de Suisse à Pétrograd, E. Odier, au Chef du Département politique, A. Hoffmann. Observations sur certaines opinions exprimées en Russie sur la Suisse. DDS, vol. 6, doc. 248)). Il est remplacé par un libéral genevois Gustave Ador, président du CICR et fondateur de l’Agence des prisonniers de guerre. En remplaçant un germanophile par un francophile, l’objectif est clairement de tenter de combler le fossé moral intérieur (Walter : 129-130 et 140)

e) Après 1914 : le sentiment d’un destin privilégié du pays et d’un peuple élu (Sonderfall)

7_a7L’île de la paix. Auteur : Rudolph Weiss. Bâle, Verlag K. Essig, 1916.

«Intitulée « L’île de la Paix » dans les trois langues nationales (Die Friedensinsel, Isola della Pace), cette carte postale ci-dessus, reproduite à partir d’une peinture de l’artiste biennois Rudolf Weiss (1846-1933), est loin de représenter une vision parfaitement idyllique d’une paix sans nuage, telle que l’on pourrait se l’imaginer. L’atmosphère y est plutôt lourde et tourmentée. Entouré d’une mer sombre et d’un ciel menaçant, le Palais fédéral brave la tempête, solidement perché sur un éperon rocheux. Fascinante, mystérieuse et déconcertante, cette représentation insulaire de la Suisse ne se laisse pas facilement interpréter. L’ île peut être perçue de manière équivoque, tantôt dans un sens positif, inspirant la quiétude, la sécurité et la prospérité, tantôt dans un sens négatif en suggérant l’idée d’isolement, de solitude et de repli sur soi… La légende, bilingue, se montre néanmoins rassurante sur le sort de la Suisse. […]». Guerre 14-18. La Suisse en cartes postales.

Après les deux guerres mondiales, la population helvétique développera, de manière indélébile pour Walter (2010 : 126), le sentiment d’un destin privilégié du pays et d’un peuple élu (Sonderfall) par rapport aux autres pays européens et au-delà. Le fossé moral creusé entre Romands et Alémaniques, la neutralité tant bien que mal respectée ou la radicalisation des positions politiques devant la dégradation des conditions économiques et sociales des années 1916-1918 sont occultées au profit d’une histoire déifiée. La volonté de montrer la Suisse comme une île protégée des tumultes au milieu du conflit est trompeuse, même si elle sera rapidement diffusée notamment sur cartes postales durant le conflit. Ce sentiment modèle, aujourd’hui encore, son rapport au monde extérieur et à soi-même.

Prochain article : La Suisse et la Première Guerre mondiale : 2. économie de guerre et situation sociale

PS : au même moment ou presque de la publication de cet article, le billet suivant a été publié sur les blogs du Monde : La Suisse et la guerre, selon le consul suisse de Besançon. Il apporte un point de vue depuis Besançon sur l’armée suisse, Ulrich Wille et le Röstigraben. A lire donc.

Bibliographie

Guerre mondiale, Première. Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F8926.php

Jost, H.-U. (1983). Menace et repliement 1914-1945. In Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses. Tome 3. Lausanne : Payot, pp. 91-178.

La Première Guerre mondiale sur Dodis. Documents Diplomatiques suisse : http://www.dodis.ch/fr/communiques-de-presse/la-premiere-guerre-mondiale-sur-dodis Michaud, G. (1939). Histoire de la Suisse. Lausanne  [etc.]: Payot.

Meienberg, N. (1988). Le Délire général. L’armée suisse sous influence. Carouge-Genève : Zoé.

Walter, F. (2010). Histoire de la Suise. Tome 4 : La création de la Suisse moderne (1830-1930). Neuchâtel : Editions Alphil – Presses universitaires suisses.

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Compte-rendu : Les Sommnambules de Christopher Clark

13 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Ce 28 juin 1914 au matin, le continent européen est en paix. Une belle journée estivale débute à Sarajevo… Trente-sept jours plus tard, le monde est en guerre. Le conflit qui débute mobilisera 65 millions de soldats, fera 20 millions de morts et autant de blessés. Il emportera trois empires et, à peine achevé, portera déjà en lui les origines et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Les Somnambules de Christopher Clark revient sur la manière dont l’Europe a marché vers la guerre à l’été 1914. Compte-rendu.
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«Les protagonistes de 1914 étaient des somnambules qui regardaient sans voir, hantés par leurs songes mais aveugles a la réalité des horreurs qu’ils étaient sur le point de faire naitre dans le monde.»

Telle est la dernière phrase de l’ouvrage de Christopher Clark dont le sous-titre est « Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre». Une phrase digne d’un roman, mais il s’agit bien d’un ouvrage historique que Clark nous propose. Cet ouvrage complexe et touffu de 668 pages (dont 100 pages de notes bibliographiques) veut«moins expliquer pourquoi la guerre a éclaté que comment on en est arrivé là» (p. 17) et considère que «dans l’histoire que raconte ce livre, […], l’initiative personnelle est prépondérante» (p. 17). Cette histoire des acteurs rejette à l’arrière-plan, voire veut la rendre caduque, la recherche de catégories causales lointaines telles l’impérialisme, le nationalisme ou le jeu des alliances.

Une des idées de base de l’ouvrage est qu’à l’été 1914 nous sommes en présence d’une crise exceptionnellement complexe du fait des interactions multilatérales entre cinq adversaires d’importance égale (Allemagne, Autriche-Hongrie, France, Russie et Grande-Bretagne) auxquels s’ajoutent d’autre acteurs secondaires (Italie, Empire ottomane, Etats balkaniques). Ces interactions multilatérales ne seraient pas sans certaines similitudes avec la situation internationale telle qu’elle a émergé après la fin de la Guerre froide et elles la rendraient familière et d’une «modernité brutale» à un lecteur du XXIe siècle :

«Tout a commencé par un groupe de tueurs kamikazes et une poursuite en automobile. Derrière l’attentat de Sarajevo se trouve une organisation ouvertement terroriste, mue par le culte du sacrifice, de la mort et de la vengeance – une organisation extra-territoriale, sans ancrage géographique ou politique clair, éclatée en différente cellule qui ignorent les clivages politiques» (p. 15).

L’ouvrage est organisé en trois parties. La première partie s’attache aux interactions entre la Serbie et l’Autriche-Hongrie dont la rivalité a déclenché le conflit. La deuxième partie tente de répondre en autant de chapitre à quatre questions : comment s’est produite la polarisation de l’Europe en deux blocs alliance entre 1897 et 1907? comment les gouvernements d’Etats européens élaboraient-ils leur politique étrangère (les voix multiples de la politique étrangère européennes) ? comment les Balkans en sont-ils venus à être le théâtre d’une crise d’une telle complexité (l’imbroglio des Balkans ) ? comment un système international qui semblait entrer dans une ère de détente a-t-il engendré une guerre mondiale (la détente et les dangers de la période 1912-1914) ? Pour sa part, la troisième partie s’attache à l’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 et aux 37 jours qui s’en suivirent (la crise de juillet) et qui menèrent le continent européen alors en paix à un monde en guerre.

Le rôle des acteurs

Comme indiqué précédemment, l’ouvrage de Clark est centré sur les acteurs. De certains acteurs se doit-on immédiatement préciser. L’ouvrage est essentiellement centré sur les acteurs diplomatiques et des cabinets ministériels ainsi, que dans la dernière partie, sur les responsables militaires. Les acteurs économiques ou les milieux intellectuels sont les grands absents de l’ouvrage. Ne joueraient-ils donc aucun rôle direct ou indirect dans ce qui forme la pensée, les actions et les décisions des acteurs présents dans l’ouvrage ? On peut légitimement en douter. D’autant plus qu’au final, l’ensemble des actions des acteurs peuvent paraître, au lecteur, confuses ou volatiles, voire peu fondées. Cette impressions découle certainement du parti pris initial de Clark concernant les acteurs et leur constante marge de manoeuvre individuelle ainsi que de la volonté d’offrir un tableau d’une situation où tout n’est pas joué au début de la crise de juillet 1914, voire sur les attitudes changeantes des décideurs depuis 1912.

La formation intellectuelle des élites et leurs origines sociales ainsi que les discours intellectuels et nationalistes sont des éléments structurant la pensée et les actions de ces acteurs qui ne peuvent être si facilement écartés. Il manque alors à cet ouvrage une biographie de groupe afin de situer ces acteurs socialement et intellectuellement. Ainsi, concernant le scénario balkanique, Clark met en évidence la rhétorique des chefs de l’Etat de l’Entente et des récits «du déclin inévitable de l’Autriche» qui permettent de «légitimer la lutte des Serbes qui apparaissent comme les hérauts d’une modernité prédéterminée à balayer les structures obsolètes de la Double monarchie» (p. 350-351) alors qu’industriellement et administrativement l’Empire austro-hongrois est, contrairement aux Etats balkaniques, un des centres de la modernité. A d’autres moments, Clark met en évidence la surestimation générale des décideurs concernant la puissance économique et militaire russe. Le fait que ces récits sont largement partagés indique qu’ils ne naissent pas spontanément dans la tête des acteurs, mais s’inscrivent dans des processus infiniment plus complexes et des schèmes limitant le libre-arbitre décisionnel des individus.

Comment analyser également l’augmentation des budgets militaires, des dépenses d’armement et des effectifs des armées en temps de paix sans s’attacher aux liens de ces acteurs avec les milieux économiques et plus particulièrement avec l’industrie d’armement ? Pourtant, en pages 336-350, Clark évoque brièvement les différentes actions économiques impérialistes des puissances européennes dans l’Empire ottoman. Cet aspect d’une lutte économique, voire géopolitique, pour la conquête de nouveaux marchés est intéressante, mais cet axe n’est jamais développé par Clark qui en revient rapidement à des considérations purement militaire ou politiques.

L’absence d’un engrenage fatal et d’un responsable particulier au conflit mondial

L’ouvrage de Clark permet cependant de mettre en veilleuse les thèses des responsabilités du conflit ainsi que d’un soi-disant engrenage fatal qui aurait conduit au déclenchement de la Première Guerre mondiale du fait de la mécanique des alliances.

Clark met en évidence que les alliances au sein des deux blocs ne sont pas figées et que chaque situation potentiellement conflictuelle conduit les acteurs de chacun des Etats à considérer dans quelle mesure les termes de l’alliance seront à appliquer ou non. Les rapports de force entre les membres de chacune des alliances sont également susceptibles d’évoluer. Ainsi la Grande-Bretagne cherche autant à contenir l’Allemagne sur le continent européen que d’évaluer la menace que représente la Russie relativement à l’Empire britannique. A l’été 1914, ces menaces sont considérées comme équivalentes. Néanmoins, la majorité des décideurs britanniques considèreront que l’intervention de la Grande-Bretagne aux côtés de l’Entente offre les moyens de contenir tant la Russie (et de la contenter) que l’Allemagne (p. 537-538).

De même, au printemps 1914, l’Alliance franco-russe a également installé «un mécanisme de mise à feu géopolitique le long de la frontière austro-serbe» (p. 351) et les conditions d’un conflit sont remplies à cette date. En outre, le dilemme sécuritaire joue son rôle en plein soit le fait que «toute décision prise par un Etat pour renforcer sa sécurité augmente le sentiment d’insécurité des autres Etats, les forçant à se préparer au pire» (p. 314). Les éléments sont alors réunis pour qu’à tout moment une querelle balkanique se transforme en guerre européenne.
Clarke met également en évidence le caractère particulier de la situation à l’été 1914 :

«Une lointaine querelle dans la sud-est de l’Europe [devient] l’élément déclencheur d’une guerre continentale, alors qu’aucune des trois grandes puissances de l’Entente n’est attaquée directement, ni même menacée» (p. 528).

Cependant, depuis 1913, les puissances occidentales ont cessé de considérer l’Autriche-Hongrie comme le pivot de la stabilité de l’Europe centrale et orientale. Le sentiment du déclin inévitable de l’Autriche et parallèlement le sentiment de légitimité de la lutte des Serbes ne seront donc pas pour rien dans l’échec à maintenir la localisation du conflit dans les Balkans et entre les seules Autriche-Hongrie et Serbie. Pourtant, le 13 juillet 1914, Helmut von Moltke, chef d’état-major allemand, croira «encore possible que l’Autriche lance une offensive contre la Serbie et règle le conflit sans que la Russie n’intervienne» (p. 509). Alors que le gouvernement allemand n’a pas encore décrété l’état de guerre et que l’Autriche-Hongrie est toujours engagée dans une mobilisation partielle contre la Serbie, la mobilisation générale décidée par la Russie le 30 juillet 1914 est une décision lourde de conséquence qui transforme une guerre locale en conflit général.

Cependant, concernant au final la question des responsabilités, Clark conclut que

«Le déclenchement de la guerre de 1914 n’est pas un roman d’Agatha Christie à la fin duquel nous découvrons le coupable, debout dans le jardin d’hiver, un pistolet encore fumant à la main. Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie» (p. 551).

Avec son ouvrage, et malgré les faiblesses relevées, Christopher Clark fera date parmi les plus de 25’000 ouvrages et articles consacrés aux origines de la Première Guerre mondiale. L’ouvrage a l’avantage de ne pas se concentrer sur un seul pays, mais de permettre au lecteur d’englober le champ entier de l’Europe. L’ouvrage a également le mérite de traiter la situation des Balkans pour elle-même avant de s’attacher à la crise de juillet qui transforme une guerre locale en un conflit mondial. Le lecteur en conclut que rien n’était écrit d’avance et qu’en juillet 1914, l’Europe portait en elle les germes d’autres avenirs, sans doute moins terribles, que les gouvernants européens fonctionnant comme des somnambules ne surent ou voulurent saisir.

Clark, C. (2013). Les Somnambules. Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre. Paris: Flammarion, 668 pages.

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L'historien israélien Zeev Sternhell « ne voit pas la fin » de la guerre à Gaza

11 août 2014 by Lyonel Kaufmann

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Né en Pologne en 1935, Zeev Sternhell a vécu enfant les horreurs de la seconde guerre mondiale, qui l’ont conduit à se réfugier en France. Après-guerre, il a choisi de prendre la nationalité israélienne. Devenu historien, il s’est spécialisé dans l’histoire du fascisme et la montée du nationalisme en France. Considéré comme la « conscience de la gauche d’Israël », il pose un regard désabusé sur la situation politique de son pays. Pour Zeev Sternhell, la guerre en cours à Gaza n’est qu’une conséquence logique de l’échec des accords d’Oslo.

LeMonde.fr : Quel est votre sentiment sur le conflit qui oppose actuellement Israël aux factions armées palestiniennes dans la bande de Gaza ?
Zeev Sternhell : Si les choses s’étaient passées normalement, Gaza aurait dû être évacuée au moment des accords d’Oslo en 1993 et devenir une partie intégrale du futur Etat palestinien. C’est ce qui se serait passé si les accords d’Oslo avaient été mis en œuvre tels qu’ils avaient été pensés par Itzhak Rabin [assassiné le 4 novembre 1995 par l’extrémiste de droite Yigal Amir] et Shimon Pérès – bien que ce dernier soit un opportuniste qui, pour des raisons obscures, est considéré comme un grand homme. Si ces accords avaient été appliqués, les colonies juives de Gaza, entre 6 000 et 8 000 âmes à l’époque, auraient été évacuées. Cela aurait été un formidable signal pour mettre fin à la colonisation.

Tout se serait passé différemment car l’évacuation aurait eu lieu dans le cadre d’un accord entre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP, de Yasser Arafat) et Israël. Et non pas unilatéralement, comme l’a fait le premier ministre Ariel Sharon en 2005. 

Lire la suite : L’historien israélien Zeev Sternhell « ne voit pas la fin » de la guerre à Gaza:

Lire son portrait (en édition abonnés) : Zeev Sternhell, une passion française

Classé sous :Nouvelles de l'histoire, Opinions&Réflexions, sur le web

Nul besoin de penser comme Hitler pour être nazi aujourd'hui | Slate

17 juillet 2014 by Lyonel Kaufmann

Le mouvement grec Aube dorée fait dorénavant régulièrement l’actualité. Cependant, il semble qu’un point demeure peu clair pour une grande part de l’opinion: comment peut-on être un grec néo-nazi? Le stéréotype de l’Aryen blond aux yeux bleus est dans les esprits, et il apparaît contraire à cette réalité. En fait, le néo-nazisme dont il est question est, sur bien des points, hétérodoxe quant aux conceptions d’Adolf Hitler. Il participe de cette tradition politique que l’historien britannique Roger Griffin avait surnommé l’«universal nazism». Il renvoie à l’histoire complexe des notions d’aryanité et d’européanité. En somme: le nazisme pour tous, c’est possible. Sparte: au nord, à droite Selon Aube dorée, ce n’est pas elle qui perpétue le nazisme, mais le nazisme qui copia la Grèce. Le parti affirme ainsi que son logotype n’aurait rien à voir avec le drapeau à croix gammée, mais tout avec l’antique méandre grec. Pour lui, c’est le national-socialisme allemand qui a copié les gréco-romains, et en particulier Sparte. Ce n’est pas complètement faux, mais c’est nettement plus compliqué que cette justification. Dès le début du nazisme, la question du dogme aryen a posé le problème: quelle analyse fallait-il faire des civilisations gréco-latines? Si le génie de la «race pure» provenait du grand Nord et s’était conservé dans les Allemands, pouvait-on désigner comme arriérées les civilisations méditerranéennes antiques? …

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L’histoire globale au Collège de France ? | Histoire Globale

22 juin 2014 by Lyonel Kaufmann

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Le 28 novembre dernier, Sanjay Subrahmanyam inaugurait une nouvelle chaire au Collège de France (en ligne). Son intitulé, « Histoire globale de la première modernité », ne pouvait que plaire, a priori, aux auteurs de ce blog et à tous ceux, en France, qui appellent de leurs vœux le développement de l’histoire globale, dans la recherche et dans l’enseignement. Ce n’était, cependant, sans provoquer un léger étonnement devant une telle formulation. Jusqu’à présent, en effet, Subrahmanyam ne s’était guère affiché comme un historien du global, tandis qu’il passait, incontestablement, pour le maître de l’« histoire connectée » – notion qu’il a lui-même forgée en 1997.

Dès lors, Vincent Capdepuy s’interroge :

«L’histoire globale ne serait-elle donc qu’une étiquette un peu à la mode ? Ici comme ailleurs, la question est légitime et ne peut être esquivée.»

Décortiquant la leçon inaugurale de Subrahmanyam, Vincent Capdepuy finit par s’interroger sur la réticence in fine de la part de ce dernier à l’égard de l’histoire globale ? Il en avance l’explication suivante :

«Peut-être parce que le concept central est celui de mondialisation.»

Subrahmanyam lui-même avance trois arguments en défaveur de la mondialisation. Premièrement, l’histoire de la mondialisation serait téléologique. Deuxièmement, l’’histoire de la mondialisation serait impérialiste et plus particulièrement vecteur de l’impérialisme états-uniens. Troisièmement, l’histoire de la mondialisation serait présentiste.

Vincent Capdepuy réfute ces deux arguments. Pour le premier, nombreux sont les auteurs à avoir parlé de l’histoire des mondialisations et ne dispense pas un récit unilinéaire d’une histoire globale. Concernant le deuxième argument, Capdepuy relève que la

«peur que suscite la notion de mondialisation/globalization n’est pas propre à Subrahmanyam et l’erreur commise sur l’origine même de ces notions, trop souvent liée à la libéralisation des marchés financiers à partir des années 1970, perdure trop souvent.»

Il poursuit et indique que

«Ce qu’on pourrait peut-être beaucoup plus redouter à propos de l’histoire globale, c’est qu’elle ne débouche sur la production d’un récit mondialiste complètement formaté pour servir de base à l’enseignement du « parfait petit citoyen du Monde ». De fait, le lien entre histoire globale et enseignement est très fort dès les années 1940 au moment de reconstruire le Monde d’après-guerre. Le premier ouvrage de « global history » a été publié en 1945 avant même la fin de la guerre [Close & Burke 1945].»

A propos de l’argument d’une histoire présentiste, Capdepuy considère que cette question est importante, mais qu’elle ne suffit pas à discriminer l’histoire globale d’autant que la périodisation du processus de mondialisation est extrêmement débattue par les historiens eux-mêmes.

Capdepuy conclut son article en avançant que

«L’histoire globale est avant tout l’expression d’un questionnement porté par des sociétés qui s’interrogent face à leur coprésence sur un globe qui risque d’être notre cage pour longtemps encore. La problématique est cruciale, elle n’est pas unique et je me retrouve complètement dans le propos conclusif de Subrahmanyam :

« Il s’avère que dans le monde actuel, il y a un intérêt et une curiosité croissants pour ce type d’histoire, qui n’est voué pourtant – c’est ma profonde conviction – à remplacer l’histoire faite à une échelle régionale, nationale ou continentale, mais à la compléter. »

A lire : L’histoire globale au Collège de France ? | Histoire Globale : http://blogs.histoireglobale.com/lhistoire-globale-au-college-de-france_3960

Classé sous :Histoire savante, Opinions&Réflexions

Dans la pose des soldats du D-Day | Libération

12 juin 2014 by Lyonel Kaufmann

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La photographe Adeline Keil a suivi des jeunes Normands qui endossent chaque mois l’uniforme américain. Débarquement à Utah Beach.

Sur une photo, les trois jeunes soldats américains posent sans tension, mais avec sérieux et peut-être un peu de fierté. Sur une autre, un soldat est assis sur une marche, à la fois confiant et vaguement distrait. Le sol pavé et la voûte arrondie indiquent qu’on est dans la cave d’une ferme. Les autres images – installation d’une tente ou d’un téléphone de campagne, arrivée d’une patrouille dans un village… – sont celles d’une campagne militaire, ça pourrait être les archives du Débarquement.

En fait, ces photos de soldats portant l’uniforme de la 29e division d’infanterie américaine, la «Blue and Gray», ont été prises il y a quelques mois par Adeline Keil. Et ces jeunes gens ne sont pas des Américains mais des Normands qui vivent dans la région où les Alliés ont débarqué le 6 juin 1944.

La suite : Dans la pose des soldats du D-Day – Libération.

A propos de ces photos et de cet article, on lira avec bénéfice l’analyse d’Adrien Genoudet :

Une fois encore, par coutume, on peut s’interroger sur ce qui émane d’un tel article quant à cette culture visuelle de l’histoire. Il me semble, à grands traits, que beaucoup d’éléments se logent dans le creux d’un tel article : des images troublantes, de la Mémoire, de l’historique, de la commémoration, de la photographie, de la reconstitution, d’une nouvelle génération. Et surtout, dans le fond, une interrogation, certes légère de la part de la journaliste, mais pourtant si juste : d’où vient cette étrangeté, lorsque l’on regarde ces images ? Ce sont des images qui nous disent quelque chose, de la même manière que lorsque l’on se dit que quelqu’un nous dit quelque chose. « Cette personne me dit quelque chose », disons-nous lorsque nous mettons en gage un sentiment qui est de l’ordre de la reconnaissance. Mais parfois nous nous trompons, et cette personne n’était pas la bonne ; et pourtant, sur l’instant, au moment de la reconnaissance, cette personne nous disait quelque chose. Dès lors, en un sens, se joue ici quelque chose de l’ordre du discours, du discursif. Une image, comme une personne, qui me dit quelque chose – et qui produit une forme d’étrangeté – est une image dans laquelle j’ai déjà projeté un ensemble de considérations discursives. Comme pour une personne. Qu’elle soit la bonne ou non.

Source : Habiter l’image pour éprouver l’Histoire | Fovéa.

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D-Day : les commémorations, les médias sociaux et l'enseignement de l'histoire

6 juin 2014 by Lyonel Kaufmann

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En 2014, les commémorations historiques sont sur les médias sociaux ou ne le sont pas et elles se succèdent à un rythme soutenu. Depuis 2013, les commémorations de la Première Guerre mondiales ont été lancée (Kaufmann, L. (2013). 14-18, le centenaire en phase d’approche serrée . Le Café pédagogique, No 143, mai) et ce mois de juin déboulent le 70e anniversaire des commémorations du Débarquement anglo-américain en Normandie. Je vous propose un panorama suggestif des commémorations proposées sur les réseaux sociaux ainsi qu’une mise en perspective.

L’opération «Overlord» est un puits sans fond notamment pour les cinéphiles comme pour les ludophiles. La débauche des techniques et des moyens employés (6000 navires, les barges de débarquement, plus de 10’000 avions, les tanks, les canons) et le côté dramatique d’un débarquement de quelques 160’000 hommes (fantassins et parachutistes essentiellement) l’explique probablement.

En outre, très rapidement, les Anglos-américains médiatisent ce débarquement. En effet, en 1945 déjà, paraît un documentaire intitulé « The True Glory » (1945). Il s’agit d’une co-production de l’Office américain de l’information de guerre (US Office of War Information) et du ministère britannique de l’Information (British Ministry of Information). Cette réalisation a alors pour but de mettre en évidence la victoire acquise par les troupes anglo-américaines sur le front de l’Ouest et leur rôle dans la chute du Troisième Reich. Il s’agit à ce moment-là de contrebalancer le rôle joué par les troupes soviétiques dans cette chute. La Guerre froide pointe déjà le bout de son nez. ((Kaufmann, L. (2011). L’enquête historique à l’âge d’Apocalypse. Le Café pédagogique, No 127, novembre))

D-Day et cinéma
Du côté de l’Huffington Post, celui-ci nous propose de revivre le 6 juin 1944 étape par étape au moyen du cinéma.. Depuis 1947, une trentaine de films ont retracé, réécrit ou réinterprété la préparation, le déroulement et les conséquences de cette journée du 6 juin 1944. Evidemment c’est le point de vue anglo-saxons qui est développé :

Débarquement de Normandie : le cinéma vous fait revivre le 6 juin 1944 étape par étape | http://www.huffingtonpost.fr/2014/06/05/debarquement-normandie-cinema-revivre-6-juin-1944_n_5443293.html

On pourra également se référer à mon billet suivant : Film & Histoire : Le débarquement de Normandie https://lyonelkaufmann.ch/histoire/2010/07/27/film-histoire-le-debarquement-de-normandie/

D-Day : les jeux de société refont l’opération Overlord

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Les éditeurs ont inventé de nombreux jeux qui ont pour thème le Débarquement du 6 juin 1944.

Le Débarquement est une source inépuisable pour les créateurs de jeux. Le temps d’une partie vous serez dans la peau d’un GI ou d’un tankiste allemand… On peut trouver sur le marché deux types de modèle ludique: les jeux de stratégie à thème historique et les jeux de simulation historique. Les premiers ont des règles simples et sont conçus pour le grand public. Les seconds sont plus pointus et s’adressent essentiellement aux férus d’histoire. À l’occasion du 70e anniversaire du Jour J, Le Figaro vous présente une sélection de six jeux.
D-Day : les jeux de société refont l’opération Overlord | http://www.lefigaro.fr/culture/2014/06/06/03004-20140606ARTFIG00020-d-day-les-jeux-de-societe-refont-l-operation-overlord.php

Le Débarquement anglo-saxon en Normandie sur Twitter ou Facebook

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Après le poilu Léon Vivien et sa page Facebook nous retraçant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, c’est le tour de Louis Castel (https://twitter.com/louiscastel44 et https://www.facebook.com/louiscastel44), un soldat virtuel qui raconte sur les réseaux sociaux le Débarquement de Normandie.

Depuis le 19 décembre 2013, Louis Castel, personnage de fiction, créé à partir des témoignages issus des fonds du Mémorial de Caen, fait revivre jour après jour jour l’approche du débarquement.  Après des mois de préparation, le 6 juin Louis Castel débarque à Omaha Beach. Une aventure à suivre sur Facebook (24 000 amis) et Twitter (5 446 abonnés).

70 ans après, les musées et médias racontent le Jour J et la libération en version numérique
http://www.club-innovation-culture.fr/70-ans-apres-les-musees-et-medias-racontent-le-jour-j-et-la-liberation-en-version-numerique/

Cette utilisation des médias sociaux par les musées sont à mettre en perspective, notamment avec l’affiche suivante présentant l’exposition « On a tous 70 ans » du Mémorial de Caen :
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A la suite d’Adrien Genoudet sur Culture visuelle (« On a tous 70 ans » (!) | Fovéa : http://culturevisuelle.org/fovea/archives/723), je partage l’avis que cette personnalisation de la guerre au travers de récits virtuels est une «idée est tout aussi étrange que celle de parrainer un enfant juif disparu à l’école primaire», entreprise que nous avions dénoncée en son temps (Chaque écolier devra connaître une victime de la Shoah (France)
https://lyonelkaufmann.ch/histoire/2008/02/14/chaque-colier-devra-connatre-une-victime-de-la-shoah-france/). A. Genoudet poursuit en soulignant qu’

«En regardant cette affiche qui n’est que l’énième reflet d’une politique mémorielle nationale qui tourne à vide, je commence à me demander ce qu’ils attendent de ces nouvelles générations ? Au regard de cette affiche et de ce joli programme de commémoration il semble que nos générations n’aient le seul choix du spectateur, de celui qui regarde le passé les bras croisés, qui contemple un passé héroïque de milliers de soldats. Nous devons, en somme, envier une position confortable de jeunes dans une société apaisée et pacifique tout en revêtant une posture révérencieuse.»

et que ces affiches seraient symptomatiques

«d’une nouvelle trouille de l’histoire et d’un manque profond de confiance dans les nouvelles générations. Ces adolescents qui regardent le hors champ de l’affiche regardent un avenir à travers une vitre recouverte d’images du passé. Quand permettrons-nous aux nouvelles générations de s’approprier l’avenir en lui laissant toute la force de l’âge ?»

Le D-Day et le tourisme de la mémoire

Depuis quarante ans, le Débarquement anglo-américain en Normandie a pris un grand virage commémoratif et un tourisme de la mémoire s’est développé. Par ailleurs, à ce sujet comme pour d’autres commémorations, on assiste à une saturation commémorative et on ne cesse de nous rabâcher avec la question du devoir de mémoire qu’impliquerait ce type d’événement.

Dans le journal Le Monde, l’historien Claude Quétel
((La bataille de Normandie en neuf points |
http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2014/06/04/la-bataille-de-normandie-en-neuf-points_4432006_1819218.html)) nous rappelle que Le tourisme dit de mémoire a pris une importance considérable en Normandie. Des sites comme la pointe du Hoc et ses trous de bombes ou le cimetière américain de Colleville-sur-Mer et ses 10 000 tombes devant Omaha Beach accueillent plus d’un million et demi de visiteurs par an. ce grand virage commémoratif fut pris par François Mitterrand à l’occasion du quarantième anniversaire. Depuis commémoration et tourisme de la mémoire n’ont cessé de se développer à propos du D-Day.

Pour sa part, Patrick Peccatte ((La commémoration du D-Day et le “devoir de mémoire” rabâché | Déjà vu
http://culturevisuelle.org/dejavu/1656)) s’intéresse à cette saturation commémorative et à ce rabâchage du devoir de mémoire que ce type d’événement génère. Pour Pécatte,

« Galvaudé, réduit à une vague injonction morale, le devoir de mémoire est devenu sous la plume de journalistes peu inspirés un successeur à la mode des “archaïques” souvenir et hommage. Plus généralement d’ailleurs, les formules composées à partir du mot mémoire [devoir de, travail de, transmission de, etc.] sont répétées comme des matras dans les médias. Rabâchée, l’expression devoir de mémoire est considérée sans doute comme étant “dans l’air du temps”, mais sa signification semble parfois mal maîtrisée.»

Peccatte poursuit en nous rappelant ce qu’est le devoir de mémoire, terme si galvaudé,

« Apparu au début des années 1990, le devoir de mémoire désigne une obligation morale à entretenir la mémoire de populations souffrantes, le souvenir de victimes lors de guerres ou d’actes violents passés et la nécessité de préserver la spécificité de ce souvenir (destruction des juifs et des tziganes lors de la Seconde guerre mondiale, déportés, victimes civiles, minorités persécutées, traite négrière et esclavage, colonisation, etc.). Le devoir de mémoire accompagne aussi la reconnaissance de responsabilités de la part d’États, de nations ou de régimes politiques – cf. en France les lois sur la mémoire des Juifs (2000), des Arméniens (2001), des descendants d’esclaves (2001), des harkis et des rapatriés (2005). »

Puis il pose une question fondamentale à propos du D-Day : ce devoir de mémoire s’applique-t-il au souvenir du débarquement et de la bataille de Normandie ?

Il se réfère ensuite au travaux de Sébastien Ledoux qui a fait l’objet d’une de nos chroniques pour le Café pédagogique et d’un interview avec cet auteur (Kaufmann, L. (2013). Histoire du devoir de mémoire et enseignement de l’histoire, une interview de Sébastien Ledoux. Le Café pédagogique, No 142, avril)

Au final, pour Pécatte et pour la France, les commémorations du D-Day contribuent, à partir des années 1990,

«à forger un récit national du débarquement, de plus en plus éloigné de l’interprétation strictement militaire (l’ouverture d’un nouveau front à l’ouest) et politique (ne pas laisser les Soviétiques gagner seuls la guerre sur le continent) qui prévalait auparavant. […] Dans le contexte de la commémoration en question, ce concept imprécis et discutable ne semble pas réellement pertinent.»

Et pendant ce temps-là à l’Est…
Après avoir parcouru ces quelques ressources dénichées sur les médias sociaux en lien avec le Débarquement anglo-américain en Normandie et ses commémorations du 70e anniversaire, replaçons-le par rapport au conflit lui-même et mettons-le en parallèle avec l’effort soviétique et plus particulièrement la bataille de Stalingrad (« D-Day » : sans le sacrifice des soldats soviétiques, pas de victoire : http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/06/d-day-sans-sacrifice-soldats-sovietiques-victoire-252742) :

« le sacrifice des soldats soviétiques, pas de victoire finale. Sans Stalingrad, le débarquement anglo-américain aurait été impossible. Pourquoi, alors, ne l’enseigne-t-on pas ainsi aux petits Français ?
Parce que l’Histoire est fabriquée par les contingences du moment. Parce qu’il était impossible, pendant la guerre froide, de reconnaître que la France devait sa liberté à l’URSS, analysait sur France Inter, ce matin, l’historien Denis Peschanski (http://www.franceinter.fr/emission-linvite-de-7h50-denis-peschanski-0), président du conseil scientifique du Mémorial de Caen. Et de rappeler aussi comment l’appréciation, par les Français, du rôle de l’URSS dans la seconde guerre mondiale avait varié après-guerre, en fonction des vicissitudes politiques.»

Dans le journal Le Monde, Claude Quétel, historien, directeur de recherche au CNRS et auteur du «Dictionnaire du Débarquement (2011) et du Débarquement pour les Nuls (2014), met également en évidence que l’armée allemande est déjà à bout de souffle quand commence le Débarquement :

«En fait, le IIIe Reich a pratiquement perdu toute chance de victoire en échouant devant Moscou, à l’hiver 1941. A cette date, sur le papier, les Allemands ont perdu la guerre. Ils n’ont pas le souffle pour durer. Ils pensaient participer à une course de vitesse pour conquérir l’Europe. En fait, le 100 mètres s’est transformé en un marathon.
Les Français et surtout les Normands ne parlent que de la bataille de Normandie. C’est normal, sans doute. Mais, c’est oublier l’opération Bagration sur le front de l’Est. Il ne faut jamais perdre de vue que les Allemands ont dû se battre sur deux fronts, à l’ouest et à l’est, deux marathons en fait ! Le 22 juin 1944, un peu plus de quinze jours après le Débarquement en Normandie – et trois ans jour pour jour après l’invasion de l’Union soviétique par les armées nazies -, Staline attaque, de son côté, les troupes hitlériennes. Objectif : maintenir un maximum de divisions allemandes à l’Est afin de faciliter la progression des Alliés à l’Ouest. Staline met le paquet. Pour cette opération, pas moins de 166 divisions, 1 300 000 hommes, 5 000 avions, 2 700 chars… sont mobilisés. Le front principal n’est pas celui qu’on croit en Normandie : il est à l’Est. Cette offensive soviétique, la plus grande depuis le début de la guerre, a été souvent occultée dans le monde occidental pour cause de guerre froide et de réécriture de l’Histoire.»

La bataille de Normandie en neuf points |
http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2014/06/04/la-bataille-de-normandie-en-neuf-points_4432006_1819218.html

Au terme de ce parcours, il m’apparaît fondamental pour un enseignement en classe d’histoire de replacer le Débarquement anglo-saxon en Normandie dans le contexte global du conflit et plus particulièrement en lien avec le front de l’Est. Il s’agit aussi de le mettre en perspective avec la suite, soit la Guerre froide, de telle sorte à comprendre et suivre le fil du récit déployé dès 1945 par les Anglos-saxons depuis le Débarquement, en passant par la bataille des Ardennes, jusqu’à la libération des camps de concentration.

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Compte-rendu « Fondements et pratiques de l'enseignement de l'histoire à l'école » | The History Education Network

27 mai 2014 by Lyonel Kaufmann

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Le très intéressant site canadien « Histoire et éducation en réseau » nous propose ce compte-rendu de l’ouvrage de Robert Martineau (voir référence en fin d’article), ouvrage d’abord destiné aux enseignants québécois en formation et plus largement à tout futur enseignant d’histoire au secondaire. 

Dans sa note critique, le compte-rendu relève que

«Ce manuel parvient à faire un tour d’horizon des divers courants dans les curriculums (actuels et passés) ainsi que dans les pratiques de l’enseignement de l’histoire. Il propose des clarifications essentielles et des pistes d’application généralement opérationnelle. Par exemple, la démarche de planification proposée est pertinente, signifiante et très claire.»

Si la démarche adoptée par Martineau est

«à certains égards une posture plutôt (socio) constructiviste, l’ensemble de la démarche et l’accent mis sur l’importance de la conceptualisation par schéma et le traitement de l’information laisse une grande place au cognitivisme.»

A noter que cet ouvrage est un des ouvrages de référence de nos enseignements de la didactique de l’histoire à la HEP Vaud.

Le compte-rendu :« Fondements et pratiques de l’enseignement de l’histoire à l’école » | The History Education Network.

La référence à l’ouvrage : Martineau, R.(2010). Fondements et pratiques de l’enseignement de l’histoire à l’école : traité de didactique. Montréal, Québec : PUQ,  324 p. ISBN : 978-2-7605-2503-0.

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