Une résolution pour la recherche scientifique en 2020 ? Lorsque de nombreux scientifiques à succès se vantent d’avoir publié des dizaines, voire des centaines de documents de recherche, les appels à une plus grande » qualité sur la quantité « dans la publication peuvent sembler plutôt creux.
Un ancien président de la British Science Association a proposé une solution radicale pour lutter contre ce problème : limiter les chercheurs à un seul article scientifique par an.
Appelant à une révolution de la « science lente » (slow science) Uta Frith, professeur émérite de développement cognitif à l’UCL, a déclaré qu’un nouveau consensus sur le fait de « faire moins mais mieux » était nécessaire pour s’attaquer à la « surcharge d’informations » créée par la pression incessante de publier.
Source : Restrict researchers to one paper a year, says UCL professor | Times Higher Education (THE)
Pour aller plus loin sur le mouvement de la « slow science » (science lente), deux ouvrages
Isabelle STENGERS. Une autre science est possible ! Manifeste pour un ralentissement des sciences, suivi de Le poulpe du doctorat de William JAMES
Comme le fast food, la fast science, c’est vite fait, pas bon et pas très digeste ! Une économie spéculative – avec ses bulles et ses krachs – s’est emparée de la recherche scientifique : les chercheurs doivent intéresser des « partenaires » industriels, participer aux jeux guerriers de l’économie compétitive. Conformisme, compétitivité, opportunisme et flexibilité : c’est la formule de l’excellence. Mais comment poser publiquement la question d’un désastre lorsque l’on ne veut pas que le public perde confiance en « sa » science ? Les mots d’ordre comme « Sauvons la recherche » font consensus, alors qu’ils ne posent surtout pas la bonne question : « De quoi faut-il la sauver ? »
Isabelle Stengers montre que les chercheurs doivent cesser de se prendre pour le « cerveau pensant, rationnel, de l’humanité », refuser que leur expertise serve à faire taire l’inquiétude de l’opinion, à propager la croyance en un progrès scientifique inéluctable capable de résoudre les grands problèmes de sociétés. Il s’agit pour eux de nouer des liens avec un public potentiellement intelligent et curieux, c’est-à-dire aussi de produire des savoirs dignes de cette ambition.
En 1903, le philosophe américain William James (1842-1910) publiait « Le poulpe du doctorat ». Il éprouvait une telle répugnance vis-à-vis de l’enseignement académique qu’il se présentait comme un outsider, voire un charlatan. Au regard des plus récentes inventions institutionnelles visant à évaluer les chercheurs, les examens auxquels James s’en prend apparaissent pourtant comme d’innocents archaïsmes… Le poulpe enlace les chercheurs plus puissamment que jamais.
Maggie Berg and Barbara K. Seeber. The Slow Professor: Challenging the Culture of Speed in the Academy
S’il y a un secteur de la société qui devrait cultiver une pensée profonde en lui-même et chez les autres, c’est bien le milieu universitaire. Pourtant, la corporatisation de l’université contemporaine a accéléré les choses, exigeant du corps professoral une rapidité et une efficacité accrues, quelles que soient les conséquences pour l’éducation et l’érudition.
Dans The Slow Professor, Maggie Berg et Barbara K. Seeber examinent comment l’adoption des principes du mouvement Slow dans la vie universitaire peut contrer cette érosion de l’éducation humaniste. En se concentrant sur le membre individuel du corps professoral et sur sa propre pratique professionnelle, Berg et Seeber présentent à la fois une analyse de la culture de la vitesse dans le milieu universitaire et des moyens d’atténuer le stress tout en améliorant l’enseignement, la recherche et la collégialité. Le professeur Slow sera un ouvrage incontournable pour toute personne du milieu universitaire préoccupée par le rythme effréné de la vie universitaire contemporaine.
Lien : https://utorontopress.com/us/the-slow-professor-3
Pour terminer, une petite mise en perspective du journal Le Temps : «Slow science», la recherche au ralenti
Crédit image : Photo de Linus Mimietz sur Unsplash.